LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, qu'ayant souverainement retenu que les travaux, qui avaient consisté à démolir une partie de la façade nord d'une chapelle qui devait être réhabilitée, n'étaient conformes ni aux dispositions du permis de construire initial, ni au plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune de Nantes, la cour d'appel a pu en déduire que la violation de ces normes constituait un trouble manifestement illicite ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant souverainement retenu qu'il était parfaitement possible, tant sur le plan technique que juridique, de reconstituer la façade dans son aspect et sa nature initiale, quand bien même le coût de cette reconstruction serait beaucoup plus important et qu'il n'était pas établi qu'il soit impossible d'obtenir un permis de construire modificatif ou un nouveau permis de construire afin de restaurer les façades de l'immeuble dans le respect des exigences du plan de sauvegarde et de mise en valeur de la commune de Nantes et sous le contrôle de l'architecte des bâtiments de France, la cour d'appel a pu ordonner la mise en conformité des travaux avec le permis de construire initial ou tout autre permis qui y serait substitué ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les troisième et quatrième branches du moyen qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société des Cordeliers aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société des Cordeliers à payer à la commune de Nantes la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société des Cordeliers ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société des Cordeliers
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné sous astreinte la SCI des Cordeliers à mettre en conformité les travaux de construction situés sur le terrain cadastré EW 264 avec ceux autorisés par le permis de construire n° PC 44109080409P0 délivré le 5 novembre 2008 ou tout autre permis de construire qui y serait substitué ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'invoquant des contraintes techniques, et pour des raisons qui lui sont propres, la SCI des Cordeliers a pris la décision, sans en informer préalablement l'Architecte des Bâtiments de France, de procéder à la déconstruction d'une partie de la façade Nord de l'immeuble sis 7 rue des Cordeliers, et de la remplacer par un mur en parpaings, lequel devait être par la suite être recouvert d'un enduit. Qu'en raison de la non-conformité des travaux avec les dispositions du permis de construire initial, ainsi qu'avec le plan de sauvegarde et de mise en valeur de la Ville de Nantes, un procès-verbal d'infraction a été établi le 19 janvier 2011, suivi d'un arrêté interruptif de travaux pris le 4 février 2011 par la commune de Nantes. Considérant que si les travaux sont aujourd'hui suspendus, la violation des dispositions des normes précitées demeure et caractérise l'actualité du trouble invoqué par la commune de Nantes, la violation délibérée des règles d'urbanisme constituant un trouble manifestement illicite, de nature à justifier toute mesure de nature à le faire cesser. Considérant qu'il est indifférent que la SCI des Cordeliers ait présenté des permis de construire modificatifs, lesquels ont d'ailleurs été rejetés au motif que la violation des règles d'urbanisme persistait. Considérant que contrairement à ce que soutient la SCI des Cordeliers, il est parfaitement possible, tant sur le plan technique que juridique, de reconstituer la façade dans son aspect et sa nature initiale, quand bien même le coût de cette reconstitution serait beaucoup plus important. Qu'en tout état de cause, il n'est pas établi qu'il soit impossible d'obtenir un permis de construire modificatif ou un nouveau permis de construire, afin de restaurer les façades de l'immeuble, dans le respect des exigences du Plan de Sauvegarde et de mise en Valeur de la Ville de Nantes et sous le contrôle de l'architecte des bâtiments de France. Considérant que l'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné la SCI des Cordeliers à mettre en conformité les travaux de construction réalisés sur le terrain cadastré EW 264 avec ceux autorisés par le permis de construire n° 441090 804 09 PO, délivré le 5 novembre 2008, ou tout autre permis de construire qui y serait substitué, ce dans un délai de dix mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 300 ¿ par jour de retard passé ce délai ;
ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QU'en application des dispositions de l'article L. 480-14 du Code de l'urbanisme « la commune¿compétente en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le T.G.I. en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié¿ en méconnaissance de cette autorisation ». Il s'agit là de la rédaction de ce texte issue de la loi du 12 juillet 2010, mais s'agissant d'une disposition de procédure et en vertu des dispositions de l'article 2 du Code civil elle s'applique immédiatement et notamment aux effets futurs des situations en cours. Certaines dispositions de la loi du 12 juillet 2010 ont fait l'objet d'une application différée ; il n'est nullement justifié que tel soit le cas pour l'article 34 de la loi modifiant l'article L. 480-14 du Code de l'Urbanisme. Si la prescription de l'action court à compter de l'achèvement il n'en résulte pas pour autant que la commune ne puisse agir avant. Par ailleurs, en toutes hypothèses, en application des dispositions de l'article 809 du Code de procédure civile, le juge des référés peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Il appartient au demandeur de rapporter la preuve de l'existence du trouble, de son illicéité manifeste et de la nécessité des mesures sollicitées pour le faire cesser. En l'occurrence, il est constant que les ouvrages réalisés ne sont pas conformes à l'autorisation de construire, que cette situation d'une part autorise la ville à agir pour obtenir la mise en conformité, d'autre part constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser. Il est évident que l'arrêté interruptif concerne les travaux illicites mais ne peut empêcher des travaux conformes au permis initial, à un nouveau permis ou à un permis modificatif. Il n'appartient naturellement pas au juge des référés de se prononcer sur la faisabilité technique ou la légitimité des projets présentés, mais seulement d'apprécier l'illicéité de la situation et d'ordonner les mesures de nature à faire cesser le trouble. En l'espèce ces mesures ne peuvent consister que dans la réalisation de travaux de mise en conformité avec tout permis, initial, nouveau ou modificatif. Compte-tenu de la relative complexité technique du dossier et des contraintes liées au respect du plan de sauvegarde de la ville, du dépôt le 14 décembre 2011 d'une demande de permis modificatif sur laquelle la ville ne s'est pas encore prononcée, il convient d'accorder à la S.C.I. un délai de 10 mois à compter de la signification de la présente ordonnance pour cette mise en conformité ;
1) ALORS QUE le seul constat de la violation d'une règle d'urbanisme ne suffit pas à caractériser l'existence d'un trouble manifestement illicite ; qu'en se bornant en l'espèce à constater, pour condamner la SCI des Cordeliers à mettre en conformité les travaux de construction avec ceux autorisés par le permis de construire du 5 novembre 2008 ou à tout autre permis qui s'y substituerait, que les travaux n'étaient pas conformes avec les dispositions du permis de construire initial ni avec le plan de sauvegarde et de mise en valeur de la Ville de Nantes et que la violation de ces normes constituait un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE le juge des référés ne peut ordonner que des mesures de remise en état dont il est certain, au jour de sa décision, que leur exécution est possible par la personne condamnée ; qu'en l'espèce, la SCI des Cordeliers faisait valoir que la mise en conformité des travaux conformément au permis de construire initial du 5 novembre 2008 était impossible sans méconnaître le plan de sauvegarde et de mise en valeur de la Ville de Nantes ; qu'en retenant, pour la condamner à mettre les travaux en conformité à ce permis « ou tout autre permis de construire qui y serait substitué », qu'il était possible tant sur le plan technique que juridique de reconstituer la façade dans son aspect et sa nature initiale et qu'en tout état de cause il n'était pas établi qu'il soit impossible d'obtenir un permis de construire un nouveau permis de construire dans le respect des exigences du plan de sauvegarde, la cour d'appel, qui n'a pas constaté avec certitude ni que le respect du permis de construire initial était possible, ni qu'un autre permis serait délivré à la SCI des Cordeliers, a violé l'article 809 alinéa 1er du code civil ;
3) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, la commune de Nantes demandait la condamnation de la SCI des Cordeliers exclusivement sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile, sans invoquer l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme ; qu'en se fondant sur ce texte pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de la SCI des Cordeliers, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme attribue compétence au tribunal de grande instance pour ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage à la demande d'une commune ; que le juge des référés n'a pas le pouvoir d'ordonner de telles mesures sur le fondement de ce texte en dehors des conditions prescrites par les articles 808 et suivants du code civil ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.