LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° P 13-27.135 et H 14-12.804 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 29 mai 2013), que Mme X... a, par acte notarié du 29 mars 2002, donné à bail commercial à M. Y... un local situé dans un immeuble à Lezoux ; que celui-ci a cédé son fonds de commerce en mars 2004 à M. Z... ; que le 14 avril 2004, cet immeuble a été détruit par une explosion et un incendie, qui ont causé le décès de trois personnes ainsi que des dégâts matériels importants ; que par jugement du 13 mars 2012, MM. Y... et Z... ont été déclarés coresponsables du préjudice subi par Mme X..., le sinistre trouvant son origine dans une installation défectueuse de l'alimentation en gaz de ce local servant de pizzeria, posée par M. Y..., et utilisée par M. Z... ;
Attendu que le moyen unique du pourvoi n° H 14-12.804 n'est pas de nature à permettre l'admission de ce pourvoi ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° P 13-27.135 :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de condamnation de son assureur, la société GPA IARD, devenue Generali IARD, à lui payer le montant de l'indemnité « valeur à neuf » de l'immeuble sinistré, sous déduction de la provision versée, soit la somme de 139 269 euros, ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen, que selon les dispositions de l'article L. 114-2 du code des assurances, l'interruption de la prescription biennale applicable à toutes les actions qui dérivent du contrat d'assurance peut résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité ; qu'en reprochant à Mme X... de ne pas avoir reconstruit dans le délai de deux ans prévu par la police d'assurance quand elle a constaté que par lettre du 27 mars 2006, l'assurée avait interrompu « toute prescription » que l'assureur serait en droit de lui opposer « pour le paiement de l'ensemble des compléments d'indemnités qu'il restait lui devoir », ce dont il résultait que ce délai de deux ans avait été interrompu et ne pouvait lui être opposé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 114-2 du code des assurances ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de procédure que Mme X... se soit prévalue, devant la cour d'appel, des dispositions de l'article L. 114-2 du code des assurances pour prétendre à l'interruption de la prescription de deux ans ;
D'où il suit que, nouveau et mélangé de fait et de droit, ce moyen est irrecevable ;
Mais, sur le second moyen du pourvoi n° P 13-27.135 :
Vu l'article 1165 du code civil ;
Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande tendant à obtenir la condamnation de M. Y... et de son assureur, la société CRAMA-Groupama à lui payer les sommes de 67 887 euros et 72 432 euros au titre de la vétusté de l'immeuble sinistré et au titre du complément de loyers au 15 avril 2012, ainsi que ceux à venir, outre le montant du complément de l'indemnité valeur à neuf de l'immeuble sinistré, soit la somme de 139 269 euros, en cas de non-condamnation à ce titre de la société GPA, l'arrêt énonce que Mme X... ne saurait réclamer à l'assureur du responsable du sinistre les sommes qu'elle n'a pas perçues de son propre assureur puisqu'elle n'a pas justifié avoir été dans l'impossibilité de reconstruire dans le délai contractuellement imparti et que c'est ainsi de son fait qu'elle n'a pas été indemnisée ;
Qu'en se déterminant par ces motifs, alors que l'exigence de reconstruction dans le délai de deux ans prévue à la police d'assurance liant la société GPA à Mme X..., visait à limiter l'indemnisation due à celle-ci par son assureur et n'avait donc pas vocation à régler ses rapports avec les responsables du sinistre ou leur assureur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE non admis le pourvoi n° H 14-12.804 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que Mme X... ne pouvait prétendre à la condamnation de M. Y... et de son assureur qu'au titre des frais d'expertise non pris en charge par la société Generali, l'arrêt rendu le 29 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. Y... et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Rhône Alpes Auvergne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Rhône Alpes Auvergne à payer à Mme X... la somme globale de 3 000 euros, rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demanderesse au pourvoi n° P 13-27.135
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X... épouse A... de sa demande de condamnation de la Société GPA IARD à lui payer le montant de l'indemnité « valeur à neuf « de l'immeuble sinistré, sous déduction de la provision versée, soit la somme de 139.269 ¿, ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
AUX MOTIFS QUE « la police d'assurance souscrite par Eliane X... comportait en son article 4-6 paragraphe B une clause selon laquelle « si la reconstruction n'a pas lieu dans les deux ans du sinistre et lorsque la valeur de reconstruction vétusté déduite excède la valeur vénale, l'indemnité est limitée à cette valeur vénale » ; qu'il est effectivement constant que la clause précitée ne s'applique pas lorsque l'assuré s'est trouvé dans l'impossibilité absolue de procéder à la reconstruction dans le délai de deux ans susvisé, mais c'est à l'assuré à apporter cette preuve ; que les 29 octobre et 8 décembre 2004, a été établi par les experts intervenus un procès-verbal amiable et contradictoire arrêtant la valeur à neuf de l'immeuble à la somme de 444.921 ¿ et la valeur de reconstruction vétusté déduite à celle de 377.034 ¿ ; que c'est suivant un accord du 6 avril 2005, conforme aux stipulations contractuelles liant les parties qu'a été allouée à Eliane X... la somme de 277 351 ¿ ; qu'Eliane X... ne justifie ni de sa situation financière avant l'expiration de délai de deux ans prévu pour la reconstruction, ni avoir entrepris des démarches infructueuses pour tenter de reconstruire dans ce délai, sans justifier que la procédure pénale ait pu retarder son action, ni avoir sollicité sa compagnie d'assurance sur les difficultés rencontrées, ayant a priori seulement adressé un courrier à celle-ci, peu de temps avant l'expiration du délai, le 27 mars 2006, pour l'informer qu'elle entendait par ce courrier et conformément à l'article L. 114-2 du code des assurances, interrompre à compter du 13 avril 2006 toute prescription que la compagnie serait en droit de lui opposer pour le paiement de l'ensemble des compléments d'indemnités qu'elle estimait restés lui devoir ; que c'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont estimé que l'impossibilité absolue de reconstruire n'était pas caractérisée » ;
ALORS QUE selon les dispositions de l'article L 114-2 du code des assurances, l'interruption de la prescription biennale applicable à toutes les actions qui dérivent du contrat d'assurance peut résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité ; qu'en reprochant à Mme A... de ne pas avoir reconstruit dans le délai de deux ans prévu par la police d'assurance quand elle a constaté que par lettre du 27 mars 2006, l'assurée avait interrompu « toute prescription » que l'assureur serait en droit de lui opposer « pour le paiement de l'ensemble des compléments d'indemnités qu'il restait lui devoir », ce dont il résultait que ce délai de deux ans avait été interrompu et ne pouvait lui être opposé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 114-2 du code des assurances ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame A... de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la CRAMA- GROUPAMA RHONE-ALPES AUVERGNE et celle de M. Y... à lui payer les sommes de 67.887 ¿ et 72.432 ¿ au titre de la vétusté de l'immeuble sinistré et au titre du complément de loyers au 15 avril 2012, ainsi que ceux à venir, outre le montant du complément de l'indemnité valeur à neuf de l'immeuble sinistré, soit la somme de 139.269 ¿, en cas de non condamnation à ce titre de la SA GPA ;
AUX MOTIFS QUE « Eliane X... ne saurait réclamer les sommes qu'elle n'a pas perçues de sa compagnie d'assurances puisqu'elle n'a pas justifié avoir été dans l'impossibilité de reconstruire dans les délais contractuellement impartis et que c'est ainsi que de son fait elle n'a pas été indemnisée » ;
ALORS QUE si un tiers au contrat peut se prévaloir de celui-ci en tant que situation de fait, c'est à la condition que cette situation de fait soit de nature à fonder l'application d'une règle juridique lui conférant le droit qu'il invoque ; qu'en se bornant à relever, pour écarter les demandes de Madame A... contre l'assureur du responsable du sinistre, que celle-ci n'avait pas justifié, vis-à-vis de son propre assureur, avoir été dans l'impossibilité de reconstruire l'immeuble dans le délai de deux ans prévu à la police d'assurance quand cette condition, qui était seulement stipulée dans le contrat d'assurance liant la SA GPA et Madame A..., visait à limiter l'indemnisation due à celle-ci par son assureur et n'avait donc pas vocation à régler ses rapports avec les responsables du sinistre ou leur assureur, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil.
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. Y..., demandeur au pourvoi n° H 14-12.804
Il est reproché à l'arrêt d'avoir condamné la CRAMA, in solidum avec M. Y..., à payer 21 621, 29 euros à Mme A..., M. Y... devant prendre en charge le tiers de celle-ci dans ses rapports avec la CRAMA, soit 7 207 euros ; à la société Generali IARD la somme de 541 173, 16 euros, ladite somme devant être mise à la charge de M. Y... dans ses rapport avec la CRAMA à hauteur d'un tiers, soit 180 391, 05 euros;
Aux motifs que MM. Z... et Y... avaient été déclarés à bon droit responsables in solidum du préjudice subi par Mme X..., ; que dans leurs rapports entre eux, la responsabilité devait être répartie à hauteur respectivement de deux tiers et un tiers ; que Mme X... et M. Y..., ayant mis en cause la responsabilité de M. Z... du fait de l'explosion survenue le 14 avril l2004, ne justifiaient pas avoir déclaré leur créance dans les délais ni avoir sollicité en temps utile un relevé de forclusion ; qu'ils ne pouvait donc pas solliciter la condamnation de M. Z... ; mais qu'en application de l'article L. 124-3 du code des assurances, tant dans sa version applicable aux faits que dans sa version actuelle, la victime disposait d'une action directe envers l'assureur et que cette action n'était nullement soumise à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles ; que la demande de condamnation présentée par Mme X... à l'égard de la CRAMA constituait bien une action directe envers l'assureur qui était donc tout à fait recevable et fondée ; que la CRAM qui ne contestait pas avoir assuré à la demande de M. Y... la responsabilité de l'exploitation de la pizzeria située 4 place de la mairie, soutenait qu'elle n'avait par contre jamais assuré le n° 6 de la place, à l'origine du sinistre ; que si initialement, la pizzeria n'était exploitée qu'au n° 4 où résidait alors M. Vigier, le n° 6 n'était qu'une extension d'un même commerce, peu important que les locaux soient séparés par un couloir et ne communiquent pas par celui-ci ; que le litige consistait en fait à savoir si la CRAMA avait été avisée de l'extension de la pizzeria, le numéro de rue adjoint étant certes un élément pouvant être pris en considération, mais que son omission dans les description des locaux assurés n'étant pas déterminante, cette mention n'ayant eu aucune incidence sur l'appréciation du risque ; que la CRAMA ne saurait faire état subsidiairement de la règle proportionnelle d'indemnité sur le fondement de l'article L. 113-9 du code des assurances, la surface déclarée correspondant approximativement à la surface réelle ; que la CRAMA serait donc condamnée à régler à Mme X... les sommes qu'elle pouvait éventuellement solliciter du fait du préjudice consécutif au sinistre, dont sont responsables MM. Z... et Y..., in solidum avec ce dernier, lequel, dans ses rapports avec la CRAMA, ne sera tenu que d'un tiers de la totalité des sommes dues ; que la société Generali Iard justifiait avoir versé des indemnités à ses assurés correspondant aux préjudices qu'ils avaient subis du fait du sinistre dont MM. Z... et Y... étaient responsables ; que la CRAMA serait condamnée in solidum avec M. Y... à payer à la société Generali Iard la somme globale de 541 173, 16 euros, la dite somme devant être mise à la charge de Frédéric Y... dans ses rapports avec CRAMA à hauteur d'un tiers ;
Alors qu'après avoir constaté que l'exploitation du commerce était bien assurée et que l'assureur devait sa garantie à raison des préjudices causés par M. Y... et Z..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en mettant à la charge de M. Y... le paiement d'un tiers des condamnations, en violation de l'article 1134 du code civil.