LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 janvier 2013) statuant sur renvoi après cassation partielle (3e Civ, 10 novembre 2009, pourvoi n° 08-17526), que M. X..., au vu du résultat d'une expertise judiciaire préalablement ordonnée, a assigné la société du Cours Lafayette, propriétaire du fonds voisin du sien sur lequel des travaux de terrassement et de reprise en sous-oeuvre avaient été entrepris, et la société Bazin, qui avait exécuté les travaux en qualité de sous-traitante de la société Courteix, titulaire du lot gros-oeuvre, en réparation du préjudice subi du fait des désordres causés par ces travaux à l'immeuble lui appartenant et en suppression des tirants d'ancrage et des maçonneries implantés dans le tréfonds de sa propriété ; que la société UAP, aux droits de laquelle se trouve la société Axa assurances, assureur de la société Bazin, la société Courteix, la société l'Auxiliaire, assureur de la société Courteix, la société Bureau Veritas, qui avait été chargée d'une mission relative à la solidité des ouvrages avoisinants, la SCP Gimbert et Vergely, ès qualités de mandataire et de représentant d'un groupement de maîtrise d'oeuvre dont faisait partie la société Aurea et avec laquelle le contrat de maîtrise d'oeuvre avait été signé, la Mutuelle des architectes français, assureur de la SCP Gimbert et Vergely, la société Aurea et la société Albingia, assureur de la SCI du Cours Lafayette, ont été appelés en la cause ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, qui est recevable, pris en ses première, deuxième et troisième branches, et sur le moyen unique des pourvois incidents de la SCI du Cours Lafayette, de la société Axa France IARD et de la société Bazin, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que lors de la construction de l'immeuble de la SCI Cours Lafayette, des tirants d'ancrage et des maçonneries avaient été implantés dans le tréfonds de la propriété de M. X... à l'insu de ce dernier, et retenu à bon droit que celui-ci pouvait demander la suppression de ces éléments sans que puissent lui être opposés ni un abus du droit de propriété, ni les difficultés techniques des travaux, ni les conséquences de ces derniers ni enfin la possibilité d'une simple neutralisation qui ne mettrait pas fin à l'empiétement, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions et n'a pas indemnisé deux fois le préjudice, en a exactement déduit que la SCI Cours Lafayette, la société Bazin, la société Soho Architecture et Urbanisme et la société Courteix ainsi que leurs assureurs respectifs, étaient tenus, in solidum, de procéder à leur frais, à la suppression des tirants et des maçonneries construites en sous-sol de la propriété de M. X... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la quatrième branche du pourvoi principal ni sur le moyen unique du pourvoi incident de la société l'Auxiliaire qui ne seraient manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la SCI Cours Lafayette, la société Bazin, la société Soho architecture et urbanisme ainsi que leurs assureurs respectifs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Soho architecture et urbanisme et la Mutuelle des architectes français à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la Mutuelle des architectes français et la société Soho architecte et urbanisme.
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société SOHO ARCHITECTURE ET URBANISME, in solidum la SCI COURS LAFAYETTE, la société COURTEIX, la société BAZIN, à procéder à leurs frais à la suppression des tirants situés dans le tréfonds de la propriété de Monsieur X... et des maçonneries construites en sous-sol de sa propriété, dans le délai d'un an à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 100 € par jour de retard, et à payer à M. X... une indemnité de 8 000 € au titre des perturbations dans ses conditions de vie,
Aux motifs que « l'expertise judiciaire a établi que lors de la construction de l'immeuble de la Sci cours Lafayette, la société Bazin a mis en oeuvre une technique de reprise en sous-oeuvre différente de celle prévue initialement en installant des tirants d'ancrage dans la propriété de Monsieur X... à l'insu de ce dernier ; que Monsieur X..., propriétaire du fonds dans lequel les tirants d'ancrage et des maçonneries ont été implantés, et dont la demande formée à ce titre a été définitivement jugée recevable, sollicite à juste titre la suppression de ces éléments, sans que puissent lui être opposés ni un abus de son droit de propriété, ni les difficultés techniques des travaux, ni les conséquences de ces derniers, ni enfin la possibilité d'une simple neutralisation qui ne mettrait pas fin à l'empiètement ; que cette suppression devra être réalisée dans le délai d'un an à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ; que l'obligation de procéder à ces travaux doit être mise à la charge de la Sci cours Lafayette, maître de l'ouvrage, même si elle n'en est plus propriétaire, la société Bazin, de la société Courteix et de la société Aurea, les assureurs ne pouvant être condamnés à réaliser les travaux sous astreinte » (arrêt p.10, al. 6) ;
Alors que, d'une part, tout droit, même fondamental, peut dégénérer en abus ; qu'en l'espèce, dans leurs écritures d'appel (p. 18), la société Soho Architecture et la Mutuelle des Architectes Français ont soutenu que la demande présentée par M. X... tendant à la suppression des tirants procédait d'un abus de droit car elle avait été présentée afin de négocier et de réclamer des indemnités sans commune mesure avec celles allouées par le tribunal ; qu'en décidant que M. X..., propriétaire du fonds dans lequel les tirants d'ancrage et des maçonneries ont été implantés, sollicitait à juste titre la suppression de ces éléments, sans que puisse lui être opposé un abus de son droit de propriété, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du Code civil ;
Alors que, d'autre part, le juge doit répondre aux conclusions invoquant une impossibilité matérielle d'exécuter des travaux ; que dans leurs conclusions d'appel (p. 18), la société Soho Architecture et la Mutuelle des Architectes Français ont soutenu que la suppression des tirants demandée par M. X... était irréalisable, d'autant qu'ils faisaient partie de l'ouvrage de soutènement appartenant à l'immeuble voisin ; que la cour d'appel s'est bornée à retenir que ni un abus de son droit de propriété, ni les difficultés techniques des travaux, ni les conséquences de ces derniers, ni enfin la possibilité d'une simple neutralisation qui ne mettrait pas fin à l'empiètement ne pouvaient être opposés à M. X... ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur l'impossibilité matérielle de réaliser les travaux sollicités, et non leur simple difficulté technique, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors qu'en troisième lieu, le même préjudice ne peut être réparé deux fois ; qu'en appel (concl. p. 18 et 19), la société Soho Architecture et la Mutuelle des Architectes Français ont soutenu que le coût de neutralisation des tirants avait déjà été alloué à M. X..., lequel ne pouvait dès lors également obtenir leur suppression sous astreinte ; qu'en ordonnant la suppression des tirants sous astreinte, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors qu'enfin, un architecte ne peut être condamné à réaliser des travaux destinés à mettre fin à un dommage ; qu'il ne peut davantage être condamné à procéder à la suppression de tirants posés dans le sous-sol d'un terrain ; qu'en condamnant notamment la société SOHO ARCHITECTURE ET URBANISME à procéder à la suppression des tirants situés dans le tréfonds de la propriété de Monsieur X... et des maçonneries construites en sous-sol de sa propriété, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société du Cours Lafayette.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI du cours Lafayette, in solidum avec la société Courteix, la société Bazin et la société Soho architecture et urbanisme, à procéder à ses frais à la suppression des tirants situés dans les tréfonds de la propriété de M. X... et des maçonneries construites en sous-sol de sa propriété, dans le délai d'un an à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à payer à M. X... une indemnité de 8.000 euros au titre des perturbations de ses conditions de vie ;
AUX MOTIFS QUE l'expertise judiciaire a établi que lors de la construction de l'immeuble de la SCI du cours Lafayette, la société Bazin a mis en oeuvre une technique de reprise en sous-oeuvre différente de celle prévue initialement en installant des tirants d'ancrage dans la propriété de M. X... à l'insu de celui-ci ; que M. X..., propriétaire du fonds dans lequel les tirants d'ancrage et des maçonneries ont été implantés, et dont la demande formée à ce titre a été définitivement jugée recevable, sollicite, à juste titre, la suppression de ces éléments, sans que puissent lui être opposés ni un abus de son droit de propriété, ni les difficultés techniques des travaux, ni les conséquences de ces derniers, ni enfin la possibilité d'une simple neutralisation qui ne mettrait pas fin à l'empiètement ; que cette suppression sous astreinte devra être réalisée dans le délai d'un an à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; que l'obligation de procéder à ces travaux doit être mise à la charge de la SCI du cours Lafayette, maître de l'ouvrage, même si elle n'en est plus propriétaire, de la société Bazin, de la société Courteix et de la société Auréa ; que les multiples sujétions, préoccupations et démarches liées au litige justifient une indemnité de 8.000 euros au profit de M. X... ;
1° ALORS QUE l'exercice de tout droit, y compris celui de propriété, peut dégénérer en abus ; qu'en l'espèce, la SCI du cours Lafayette faisait valoir dans ses conclusions (p. 18 in fine et 19) que la demande de M. X... de suppression des tirants constituait un abus de droit car elle avait pour but, non de voir rétablir l'intégrité de sa propriété, laquelle n'avait pas été impactée par la pose des tirants, mais d'obtenir, dans un but de lucre, des indemnités sans commune mesure avec celles allouées par le tribunal sur proposition de l'expert ; qu'en décidant que M. X..., propriétaire du fonds dans lequel les tirants avaient été implantés, sollicitait, à juste titre, la suppression de ces éléments, sans que puisse lui être opposé un abus du droit de propriété, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil ;
2°/ ALORS QU'à l'impossible nul n'est tenu ; que la SCI du cours Lafayette rappelait dans ses conclusions (p. 7 § 4) que la suppression des tirants demandée par M. X... était irréalisable, car ils faisaient partie de l'ouvrage de soutènement de l'immeuble voisin ; que la cour d'appel, pour condamner la SCI du cours Lafayette à procéder au retrait des tirants, a affirmé que les difficultés techniques des travaux ne pouvaient être opposées à M. X... ; qu'en statuant ainsi sans répondre à la question de l'impossibilité matérielle de réaliser la suppression des tirants, impossibilité constatée par l'expert judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE le principe de la réparation intégrale s'oppose à ce qu'un même préjudice soit réparé deux fois ; que la SCI du cours Lafayette faisait valoir que M. X... avait été indemnisé en première instance de la somme de 9.192,68 euros au titre de la neutralisation des tirants et que ce chef de dispositif avait acquis l'autorité de la chose jugée puisqu'il n'avait pas été remis en cause par l'arrêt de la Cour de cassation du 10 novembre 2009 (concl., p. 21) ; que la cour d'appel aurait dû rechercher si cette indemnisation au titre de la neutralisation des tirants faisait obstacle à ce que M. X... obtienne, en sus, une réparation en nature par la suppression des tirants ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du code civil.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Bazin et de la société Axa France IARD.
IL EST REPROCHE à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société BAZIN in solidum avec la SCI COURS LAFAYETTE, la société SOHO ARCHITECTURE ET URBANISME et la société COURTEIX à procéder à leurs frais à la suppression des tirants situés dans le tréfonds de la propriété de Monsieur X... et des maçonneries construites en sous-sol de sa propriété, dans le délai d'un an à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 100 € par jour ce retard ;
AUX MOTIFS QUE « l'expertise judiciaire a établi que, lors de la construction de l'immeuble de la SCI COURS LAFAYETTE, la société BAZIN a mis en oeuvre une technique de reprise en sous-oeuvre différente de celle prévue initialement en installant des tirants d'ancrage dans la propriété de Monsieur X... à l'insu de ce dernier ; que Monsieur X..., propriétaire du fonds dans lequel les tirants d'ancrage et des maçonneries ont été implantés et dont la demande formée à ce titre a été définitivement jugée recevable, sollicite à juste titre la suppression de ces éléments, sans que puissent lui être opposés ni un abus de son droit de propriété, ni les difficultés techniques des travaux, ni les conséquences de ces derniers, ni enfin la possibilité d'une simple neutralisation qui ne mettrait pas fin à l'empiètement ; que cette suppression devra être réalisée dans le délai d'un an à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 100 € par jour de retard ; que l'obligation de procéder à ces travaux doit être mise à la charge de la SCI COURS LAFAYETTE, maître de l'ouvrage, même si elle n'en est plus propriétaire, la société BAZIN, de la société COURTEIX et de la société AUREA, les assureurs ne pouvant être condamnés à réaliser les travaux sous astreinte » (arrêt p. 10, al. 6) ;
ALORS QUE, tout droit, même fondamental peut dégénérer en abus : que dans leurs écritures d'appel (conclusions signifiées le 27 décembre 2010, p 15 et 16) la société AXA ASSURANCES et la société BAZIN faisaient valoir qu'en demandant la condamnation de ses adversaires sous astreinte à supprimer les tirants d'ancrage implanté dans son fonds, Monsieur X... abusait de son droit de propriété dans la mesure où, selon les experts, l'opération était de nature à créer, sur le terrain de Monsieur X... des désordres hors de proportion avec le préjudice dont il se plaignait ; qu'en faisant droit à cette demande de retrait des tirants d'ancrage et des maçonneries implantées dans le fonds de Monsieur X..., la Cour d'appel a consacré un abus de droit en violation des articles 544 et 545 du Code civil.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la société Auxiliaire.
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné in solidum le maître de l'ouvrage (la SCI du COURS LAFAYETTE), l'architecte (la société SOHO ARCHITECTURE ET URBANISME), l'entrepreneur de gros oeuvre (la société COURTEIX) et son sous-traitant (la société BAZIN), ainsi que leurs assureurs respectifs à payer au propriétaire voisin (M. X...) une indemnité de 8.000 € au titre des perturbations dans ses conditions de vie ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... sollicit(ait) une indemnité de 40.000 euros en réparation de son préjudice pour les perturbations qu'il a(vait) subies dans ses conditions de vie en faisant valoir qu'il a(vait) dû faire face à de multiples complications, à un manque de trésorerie qui l'a(vait) amené à liquider hâtivement une partie de son patrimoine, à une accumulation de différentes préoccupations (quand) il connaissait un état de santé délicat et (...) a(vait) dû faire appel à un remplaçant pour ses activités professionnelles, auquel il a(vait) réglé une facture d'honoraires de 14.248,65 euros ; que le manque à gagner sur l'opération 4, rue Richerand a(vait) déjà été indemnisé, que les honoraires versés à un remplaçant (étaient) liées à son état de santé préexistant et non au sinistre affectant son immeuble ; que par contre, les multiples sujétions, préoccupations et démarches liées au litige justifi(aient) une indemnité de 8.000 euros » ;
ALORS QUE l'autorité de chose jugée a lieu à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement, lorsque la chose jugée est la même, que la demande est fondée sur la même cause, qu'elle est formée entre les mêmes parties et par et contre elles en la même qualité ; qu'en l'espèce, aux termes d'un arrêt du 24 juin 2008, la cour de LYON, par motifs adoptés, avait confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté « (l)es demandes de Monsieur X... en réparation du préjudice moral du fait de la perturbation de sa vie quotidienne et en remboursement des honoraires versés à (un tiers) qui l'aurait remplacé dans ses activités professionnelles » ; que cet arrêt du 24 juin 2008 n'avait été cassé, par arrêt du 10 novembre 2009, qu'en ce qu'il avait débouté M. X... de sa demande de suppression des tirants d'ancrage situés dans le tréfonds de sa propriété ainsi que des maçonneries construites en sous-sol ; qu'en condamnant néanmoins in solidum les intervenants à la construction et leurs assureurs respectifs à payer au propriétaire voisin une indemnité de 8.000 € au titre des perturbations dans ses conditions de vie, la cour de renvoi a méconnu l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 24 juin 2008, en violation de l'article 1351 du code civil.