LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 4 juillet 2013), que Mme X... a donné à bail à MM. Jean Daniel Y... et Pierre Y... diverses parcelles de terre ; que Mme X... a délivré aux preneurs un congé fondé sur l'âge ; que M. Pierre Y... est décédé quelques mois plus tard mais que M. Jean Daniel Y... a continué à exploiter les terres ; que Mme X... a saisi le tribunal pour obtenir l'expulsion de M. Jean Daniel Y... ;
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter l'exception d'irrégularité de la procédure soulevée par M. Y..., tenant à l'absence de mise en cause des héritiers de son frère, l'arrêt retient que seuls ces derniers sont habilités à s'en prévaloir ;
Qu'en relevant d'office ce moyen, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. Y...
M. Jean Daniel Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir validé les congés délivrés le 24 février 2009 à M. Jean Daniel Y..., constaté que ce dernier occupait sans droit ni titre l'ensemble des parcelles louées, d'avoir en conséquence prononcé son expulsion, et de lui avoir ordonné de laisser libres de toute occupation ou exploitation l'ensemble des parcelles précitées dans le délai de deux mois de la signification de l'arrêt, sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le défaut de mise en cause des héritiers du co-preneur décédé, en cas de décès de l'un des co-preneurs, seule sa quote-part est susceptible d'attribution à ses héritiers et eux seuls ont, en application du principe selon lequel nul ne plaide par procureur, qualité pour se prévaloir de la violation de leurs droits d'attributaires éventuels ; qu'en l'espèce M. Jean Daniel Y... se prévaut de ce que les héritiers de son frère Pierre Y..., qui était son co-preneur, n'ont pas été appelés en la cause et de ce que cette omission entacherait la procédure d'irrégularité ; que toutefois, si la procédure est irrégulière à l'égard des héritiers de son frère, eux seuls sont habilités à s'en prévaloir ès qualités ; qu'or, ceux-ci ne sont pas intervenus en l'instance pour faire valoir cette prétendue irrégularité, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen ; que par conséquent, le moyen que M. Jean Daniel Y... tiré de l'irrégularité de la procédure sera rejeté ; que le jugement déféré sera confirmé à cet égard ; que sur l'exception de nullité des congés, l'article L. 411-64 du code rural et de la pêche maritime dispose que lorsque la superficie de l'exploitation mise en valeur par le preneur est supérieure à la surface dite de « subsistance », le bailleur peut refuser le renouvellement du bail au preneur ayant atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles ; qu'en l'espèce, Mme Gilberte X... a fait signifier à MM. Jean Daniel Y... et Pierre Y... des congés en se référant expressément à cette disposition légale ; qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que l'un et l'autre des deux preneurs devaient atteindre l'âge de 60 ans avant le terme des baux en cours ; qu'en effet, Pierre Y... est né le 10 août 1939 et M. Jean Daniel Y... le 17 octobre 1944 ; que ce dernier a donc atteint l'âge de 60 ans depuis le 17 octobre 2004 ; que M. Jean Daniel Y... soutient que les congés délivrés le 24 février 2009 par Mme Gilberte X... étaient en réalité des congés pour reprise et qu'ils devaient donc comporter les mentions exigées par l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime pour ce cas de figure ; que toutefois, le congé « pour reprise » est celui qui est délivré dans la perspective d'une reprise par le bailleur lui-même ou au profit de son conjoint ou d'un descendant ; qu'or, il ne résulte d'aucun des éléments produits que Mme Gilberte X... entendrait reprendre elle-même l'exploitation des terres litigieuses, ou les donner pour exploitation à son conjoint ou à l'un de ses descendants ; que par conséquent, l'exception de nullité des congés soulevée par M. Jean Daniel Y... sera rejetée ; que les congés sont valables et le jugement déféré sera confirmé sur ce point ; que les congés, puisqu'ils sont réguliers, ont produit leur effet, les trois baux n'ont pas été renouvelés à leur terme et M. Jean Daniel Y... est à présent occupant sans droit ni titre pour l'ensemble des terres précitées ; que par conséquent, il convient d'ordonner à M. Jean Daniel Y... de laisser libres les parcelles précitées dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ressort des pièces du dossier que Mme Gilberte X... a donné en location à M. Jean Daniel Y... et M. Pierre Y... ¿ ce dernier étant décédé ¿ plusieurs immeubles et terres à usage agricole situés sur les territoires de Clérey-sur-Brénon, Omelmont, Gerbécourt-et-Haplemeont, et ce selon plusieurs baux : le premier en date du 22 avril 1986 avec renouvellement en 1993 et 2002, le second en date du 31 janvier 1988 avec effet au 1er janvier 1988, avec renouvellement en 1997 et 2006, le troisième en date du 22 avril 1996 avec renouvellement en 1995 et 2004 ; que l'article L. 411-64 du code rural rappelle que le bailleur peut soit refuser le renouvellement du bail au preneur ayant atteint l'âge de la retraite, soit limiter le renouvellement à l'expiration de la période triennale au cours de laquelle le preneur atteint cet âge ; qu'en conséquence, en vertu de ce texte, le premier bail a pris fin le 31 décembre 2010, le preneur ayant déjà atteint l'âge de la retraite au terme de ce dernier, que le second, pour les mêmes raisons, a pris fin le 31 décembre 2011 au terme de deux périodes triennales supplémentaires, que le troisième prendra fin, quant à lui, le 22 avril 2013, dès lors que M. Jean Daniel Y... aura atteint l'âge de la retraite au cours de la troisième période ; qu'il importe de relever que les trois congés délivrés plus de 18 mois avant la prise d'effet de chacun d'eux n'ont fait l'objet d'aucune contestation bien que cette possibilité ait été visée dans les congés ; que de ce fait, les baux litigieux doivent être considérés comme étant résiliés dès lors que M. Jean Daniel Y... est maintenant âgé de 68 ans, qu'il occupe donc sans droit ni titre les lieux loués aux termes des baux de 1986 et1988, qu'il en sera de même pour le troisième bail à compter du 22 avril 2013, étant précisé que M. Jean Daniel Y... continue à exploiter les terres au mépris des dispositions du code rural ; qu'il convient donc de recevoir Mme Gilberte X... en sa demande et de prononcer l'expulsion à effet immédiat pour les baux arrivés à terme et au 22 avril 2013 pour le troisième ; que pour le reste, et pour être complet, il convient de rappeler qu'en la cause, la demande s'analyse en un refus de renouvellement et non en une reprise pour exploitation, ce qui rend sans conséquence l'âge de la demanderesse ;
1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la cour d'appel, en énonçant, pour rejeter le moyen de M. Jean Daniel Y... tiré de l'irrégularité de la procédure du fait de l'absence de mise en cause des héritiers de son frère, co-preneur, que ces derniers qui n'étaient pas intervenus à l'instance étaient seuls habilités à se prévaloir de l'irrégularité de la procédure, s'est fondée d'office sur le moyen tiré de l'absence d'intérêt de M. Jean Daniel Y... à invoquer cette irrégularité, sans inviter au préalable les parties à s'expliquer sur ce moyen et a ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS subsidiairement QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en se bornant, pour dire que les congés délivrés à M. Jean Daniel Y... étaient valables, à énoncer qu'il ne résultait d'aucun des éléments produits que Mme Gilberte X... entendait reprendre elle-même l'exploitation des terres litigieuses, ou les donner pour exploitation à son conjoint ou à l'un de ses descendants, sans analyser l'attestation de M. Patrick Z... versé aux débats par M. Jean-Daniel Y..., dont il résultait que les congés avaient en réalité été délivrés par Mme Gilberte X... pour reprise, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE la forclusion édictée à l'article L. 411-54 du code rural et de la pêche maritime, interdisant au preneur de contester la validité du congé qui lui a été délivré au-delà d'un délai de 4 mois à compter de sa réception, n'est pas encourue si le congé ne comporte pas les mentions exigées à peine de nullité par l'article L. 411-47 du même code ; que dès lors, en énonçant encore, par motifs adoptés, pour rejeter l'exception de nullité des congés tirée du défaut de mentions exigées à l'article L. 411-47, que les trois congés délivrés plus de dix-huit mois avant la prise d'effet de chacun n'avaient fait l'objet d'aucune contestation bien que cette possibilité ait été visée dans les congés, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants et a violé les articles L. 411-54 et R. 411-11 du code rural et de la pêche maritime.