LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, que la société Agence Netter a présenté au président du tribunal de grande instance de Paris, statuant en la forme des référés en application de l'Accord en matière de justice du 19 juin 1961 entre la France et la Mauritanie, une demande d'exequatur d'un arrêt de la cour d'appel de Nouakchott du 17 avril 2012 et d'un arrêt de la Cour suprême de Mauritanie du 1er octobre 2012 ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. X...fait grief à l'ordonnance de rejeter la demande de nullité de l'assignation et de déclarer exécutoires sur le territoire français l'arrêt n° 22/ 012 de la cour d'appel de Nouakchott du 17 avril 2012 et l'arrêt n° 27/ 2012 de la chambre commerciale de la Cour suprême de Nouakchott du 1er octobre 2012 ;
Attendu qu'en estimant souverainement que M. X...n'établissait pas en quoi le délai de quatre semaines qui s'était écoulé entre la date à laquelle l'assignation lui avait été délivrée et celle de l'audience s'était révélé insuffisant pour lui permettre de préparer sa défense, le président du tribunal a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer exécutoires sur le territoire français l'arrêt n° 22/ 012 de la cour d'appel de Nouakchott du 17 avril 2012 et l'arrêt n° 27/ 2012 de la chambre commerciale de la Cour suprême de Nouakchott du 1er octobre 2012, l'ordonnance retient que les décisions dont l'exequatur est poursuivi ont été rendues par la juridiction compétente, selon la loi applicable au litige, au terme d'une procédure régulière, les parties ayant été valablement citées ou représentées, qu'elles sont passées en force de chose jugée et ne contiennent rien de contraire à l'ordre public international ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. X...qui soutenait que seule une copie de l'arrêt de la cour d'appel de Nouakchott avait été produite alors que l'article 41 de l'Accord en matière de justice du 19 juin 1961 exige la production d'une expédition de la décision réunissant les conditions nécessaires à son authenticité, le président du tribunal de grande instance n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance de référé rendue le 15 mai 2013, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le président du tribunal de grande instance de Paris ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté la demande de nullité de l'assignation et d'avoir déclaré exécutoires sur le territoire français l'arrêt n° 22/ 012 la cour d'appel de Nouakchott du 17 avril 2012 et l'arrêt n° 27/ 2012 de la chambre commerciale de la Cour suprême de Nouakchott du 1er octobre 2012 ;
AUX MOTIFS QUE M. Jemal X...soulève la nullité de l'assignation qui lui a été délivrée en faisant valoir que, résidant à l'étranger, il devait bénéficier de l'augmentation de deux mois du délai prévue par l'article 643 du code de procédure civile ; que ces dispositions ne s'appliquent pas devant le juge des référés, qui a seulement pour obligation de s'assurer qu'il s'est écoulé un temps suffisant entre l'assignation et l'audience pour que les parties assignées aient pu préparer leur défense ; qu'en l'espèce, l'assignation a été délivrée à M. Jemal X...le 22 mars 2013 et s'il résulte des courriers produits par son conseil, adressés au consulat de France à Nouakchott, qu'aucun visa n'a été accordé à celui-ci pour rencontrer son avocat français et assister à l'audience, il n'établit pas en quoi le délai de quatre semaines qui s'est écoulé entre la délivrance de l'assignation et l'audience s'est révélé insuffisant pour lui permettre de préparer sa défense, ni qu'un délai supplémentaire aurait permis à M. Jemal X...d'obtenir un visa ; que la demande en nullité de l'assignation sera rejetée ;
ALORS QUE la défense constitue pour toute personne un droit fondamental à caractère constitutionnel ; que son exercice effectif exige que soit assuré l'accès de chacun, avec l'assistance d'un défenseur, au juge chargé de statuer sur sa prétention ; que l'impossibilité pour un défendeur de pouvoir rencontrer son avocat et d'assister à l'audience, parce qu'aucun visa de lui a été accordé pour séjourner sur le territoire de l'Etat dans lequel il doit comparaître, constitue un obstacle à l'exercice des droits de la défense ; qu'en considérant que Monsieur X...ne démontrait en quoi le délai de quatre semaine était insuffisant pour préparer sa défense, après avoir pourtant constaté qu'aucun visa ne lui avait été accordé pour rencontrer son avocat français et assister à l'audience, ce dont il s'inférait que le délai de 4 mois était nécessairement insuffisant, puisqu'il n'avait pas pu concrètement préparer sa défense, le tribunal n'a pas tiré les conséquences qui s'inféraient de ses propres constatations, en violation de l'article 486 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré exécutoires sur le territoire français l'arrêt n° 22/ 012 la cour d'appel de Nouakchott du 17 avril 2012 et l'arrêt n° 27/ 2012 de la chambre commerciale de la Cour suprême de Nouakchott du 1er octobre 2012 ;
AUX MOTIFS QU'aux termes des dispositions du traité de coopération entre la République française et la République Islamique de Mauritanie signé le 19 juin 1961, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions des deux pays ont de plein droit l'autorité de la chose jugée et peuvent être déclarée exécutoires sur le territoire de l'Etat où elles n'ont pas été rendues si elles émanent d'une juridiction compétente selon les règles régissant les conflits de compétence admises dans l'Etat où elles doivent être exécutées, si les décisions sont passées en force de chose jugée et susceptibles d'exécution si les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes selon la loi de l'Etat où elles ont été rendues et si elles ne contiennent rien qui soit contraire à l'ordre public de l'Etat où elles sont invoquées, ni ne sont contraires à une décision judiciaire prononcée dans cet Etat et possédant l'autorité de la chose jugée ; que le président du tribunal de grande instance se borne à vérifier si la décision dont l'exequatur est demandé remplit les conditions fixées par l'article précité, il statue suivant la forme prévue pour les référés et la décision ne peut faire l'objet que d'un recours en cassation ;
ET AUX MOTIFS QUE par arrêt n° 22/ 012 rendu contradictoirement le 17 avril 2012, la chambre commerciale de la cour d'appel de Nouakchott, République islamique de Mauritanie, statuant sur un appel interjeté par l'Agence Netter-Franco-africaine de négoce a " Jugé que le montant restant dû par Jemal X..., ses entreprises et la société SRM SA s'élève à 1 224 943, 50 euros, condamné les parties intimées aux frais et dépens, Rejeté tous les autres chefs de demande. " ; que par arrêt n° 27/ 2012 rendu le 1er octobre 2012 par la chambre commerciale de la Cour suprême de Nouakchott, statuant sur un pourvoi formé par la société SRM SA et M. Jemal X...a " Annulé l'ordonnance n° 16/ 012 qu'elle avait rendue le 24 juin 2012, Ordonné de poursuivre la procédure de l'exécution, Rejeté la demande de surseoir à l'exécution de l'arrêt n° 22/ 012 rendu le 17 avril 2012 par la chambre commerciale de la cour d'appel de Nouakchott. " ; que ces deux arrêts ont été signifiés à M. Jemal X...le 9 octobre 2012 par le ministère de Me Y..., huissier de justice près les tribunaux de Nouakchott ; que la circonstance que cette signification a été effectuée à la personne de M. Jemal X..., assis dans son véhicule automobile garé " devant le stade olympique en face des bâtiments de la télévision mauritanienne " n'est pas de nature à vicier l'acte dans la mesure où l'huissier s'est présenté dans les locaux de M. Jemal X...et de ses entreprises, où celui-ci ne se trouvait pas, qu'il a pu le joindre par téléphone et que rendez-vous a été pris au lieu cité plus haut, choisi par le défendeur ; que M. Jemal X...fait grief à la société demanderesse de n'avoir pas déclaré sa créance auprès du liquidateur de la société SRM, ce qui apparaît sans conséquence sur la présente procédure, qui ne concerne que. M. Jemal X...personnellement, et relève en toute hypothèse d'un débat qui relève de la compétence de la juridiction mauritanienne ; qu'il résulte de ce qui précède que les décisions dont l'exequatur est poursuivi ont été rendues par la juridiction compétente selon la loi applicable au litige, au terme d'une procédure régulière, les parties ayant été valablement citées ou représentées, qu'elles sont passées en force de chose jugée et ne contiennent rien de contraire à l'ordre public international ; qu'il convient de faire droit à la demande d'exequatur ; que le juge de l'exequatur ne saurait en revanche prononcer de condamnation au principal à l'encontre de M. Jemal X..., sa compétence se limitant à rendre exécutoire la décision qui lui est soumise ;
1°) ALORS QUE le fait qu'une décision ait été assortie de l'exécution provisoire ne signifie pas qu'elle soit passée en force de chose jugée ; qu'en se contentant de relever, pour considérer que les décisions étaient passées en force de chose jugée et faire droit à la demande d'exequatur, que l'arrêt de la cour d'appel de Nouakchott du 17 avril 2012, dont l'exécution avait été suspendue par ordonnance du 24 juin 2012, laquelle a été annulée par l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour suprême de Nouakchott du 1er octobre 2012 qui a ordonné la poursuite de la procédure de l'exécution, sans vérifier, comme il lui était demandé, si les décisions étaient définitives et s'il n'existait contre elles ni opposition ni appel, conformément aux articles 36 et 41 de l'accord en matière de justice entre la République Française et la République Islamique de Mauritanie du 19 juin 1961, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de ces textes et de l'article 509 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE pour pouvoir être revêtue de l'exequatur, la décision étrangère doit avoir été notifiée selon les règles et les formes de la loi étrangère applicable relative à la notification des jugements ; qu'en affirmant que la circonstance que la signification faite à la personne de Monsieur X..., qui était assis dans son véhicule automobile stationné devant le stade, n'était pas de nature à vicier l'acte, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la signification était conforme à la procédure de notification des jugements applicable en Mauritanie et si cette procédure était conforme à l'ordre public procédural, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile et de l'article 41 de l'accord en matière de justice entre la République Française et la République Islamique de Mauritanie du 19 juin 1961 ;
3°) ALORS QUE dans ses dernières conclusions, déposées à l'audience du 24 avril 2013, Monsieur X...faisait au surplus valoir que la demanderesse à l'exequatur n'avait produit aucun original de la décision, conformément à l'article 41 a) du traité franco-mauritanien, qui précise que « La partie à l'instance qui invoque l'autorité d'une décision judiciaire ou qui en demande l'exécution doit produire : a) Une expédition de la décision réunissant les conditions nécessaires à son authenticité » ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant, le tribunal n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.