LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner la société Centre de rééducation Paul Cézanne (le centre), qui avait mis fin, par lettre du 30 octobre 2009, au contrat de M. Y..., médecin-psychiatre, y exerçant depuis 2002 en vertu d'un contrat non écrit d'exercice libéral à durée indéterminée, à une indemnité compensatrice de préavis de 36 663 euros, l'arrêt attaqué retient que le centre ne se prévaut pas d'une faute grave ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses écritures, le centre faisait valoir que, par ses absences répétées depuis le début de l'année 2009, qui n'avaient pas permis le suivi psychiatrique des stagiaires auquel il était tenu, M. Y..., qui n'avait invoqué aucune cause qui aurait pu l'exonérer de son obligation, avait commis une faute grave susceptible de le priver d'une indemnité de préavis et que seule l'ancienneté de leurs relations contractuelles avait justifié le délai ayant séparé l'entretien de M. Y... avec le directeur et l'annonce écrite de la rupture de la convention, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Centre de rééducation Paul Cézanne à payer à M. Y... une indemnité compensatrice de préavis de 36 663 euros, l'arrêt rendu le 3 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. Y... ux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Centre de rééducation Paul Cézanne.
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Centre de Rééducation Paul Cézanne à payer à M. Y... la somme de 36.663 € au titre d'une indemnité compensatrice de préavis ;
AUX MOTIFS QUE I) sur le contrat d'exercice libéral, il n'est pas contesté par la Sté Centre de Rééducation Paul Cézanne qu'un contrat d'exercice libéral non écrit et à durée indéterminée la liait à M. Y..., médecin psychiatre, depuis 2002 ; que s'agissant d'un contrat à durée indéterminée et en l'absence d'une clause spécifique, il pouvait y être mis fin, en dehors d'un accord des parties, de manière unilatérale, et à tout moment, sans motif particulier, sauf abus d'une partie dans l'usage de ce droit ; que la clinique n'avait pas à justifier et motiver sa décision d'y mettre fin, qu'il en était de même pour M. Y... ; que celui-ci pouvait quitter unilatéralement la clinique sans avoir à justifier son départ ; II) sur la fin de l'activité de M. Y..., au sein du centre, que par lettre du 30 avril 2010, la direction du CRPC a notifié à M. Y..., la rupture du contrat d'exercice libéral qui la liait à celui-ci ; qu'il convient d'analyser si la décision de rupture unilatérale, hors la question du préavis, relève d'un abus de droit ; qu'il appartient à M. Y... d'apporter la preuve de cet abus ; que M. Y... n'apporte pas d'éléments de preuve en ce sens ; qu'il résulte de ces éléments que la rupture du contrat, loin de paraître brutale et abusive, était la conséquence d'une situation conflictuelle entre le docteur Y... et le centre ; que cette rupture était prévisible ; qu'aucun abus n'a été commis par la clinique en cette décision de rupture unilatérale du contrat d'exercice libéral ; III) La question du préavis : III-1), sur le principe du préavis, que bien qu'aucun contrat écrit n'ait été établi, entre les parties, une décision de rupture unilatérale d'un contrat d'exercice libéral doit, sauf exception, être accompagnée d'un préavis ; que le préavis doit être d'une durée raisonnable, qu'il est le même que ce soit la clinique ou le médecin qui prenne l'initiative de la rupture ; qu'il doit être d'une durée suffisante pour permettre au médecin de réorganiser son activité si c'est la clinique qui met fin au contrat, et à la clinique de trouver un autre médecin disponible et compétent, si c'est le médecin qui y met fin ; que les recommandations écrites du 24 février 1994 par le comité de liaison et d'action de l'hospitalisation privée CLAHP, relativement aux contrats d'exercice libéral : ce comité de liaison comprend divers syndicats, la confédération des syndicats médicaux français, le fédération intersyndicale des établissements d'hospitalisation privée, la fédération des médecins de France, l'union hospitalière privée ; que ces recommandations n'ont aucune valeur légale et aucune force contraignante, pour les signataires de tels contrats ; que ces recommandations sont seulement indicatives, et incitatives, et n'apportent pas la preuve des usages existants relatifs à ces contrats ; que selon ces recommandations, le préavis recommandé est de 12 mois en cas de rupture d'un contrat conclu depuis plus de 5 ans et moins de 10 ans ; qu'il peut être dérogé à cette pratique du préavis si la prolongation de la situation contractuelle est devenue intolérable, du fait d'une faute grave, commise par une partie, de sorte que les relations ne peuvent même pas continuer pendant la durée du préavis ; que le CRPC ne se prévaut pas d'une faute grave ; III 2) l'indemnité de préavis : qu'en l'absence de convention écrite, aucun clause particulière n'avait été négociée à ce sujet, entre M. Y... et la Sté CRPC que cette indemnité compensatrice de préavis doit être évaluée en fonction du préjudice causé par cette privation de préavis ; qu'il ne s'agit pas d'un contrat de travail, M. Y... n'était pas rémunéré par la Sté CRPC, mais par les organismes de sécurité des patients ; que le préjudice causé doit être évalué au cas par cas, alors que les patients aux noms desquels le médecin est payé choisissent, dans la mesure du possible, l'établissement privé où ils sont hospitalisés ; qu'il convient donc d'apprécier le préjudice économique causé en réalité à M. Y... du fait de la privation de 11 mois de préavis ; que M. Y... estime avoir droit à une indemnité de 3142 € ; que le CRPC avait proposé une indemnité de 10 000 € pour trois mois de préavis soit 3333 € par mois ; que faute d'autre élément, il convient de retenir l'appréciation du préjudice mensuel de M. Y... selon le CRPC soit 3333 € par mois ; que l'indemnité de préavis pour onze mois sera de 3 333 € x 11 mois soit 36 663 € ;
1) ALORS QUE dans ses conclusions, la société CRPC avait fait valoir que la rupture du contrat d'exercice libéral la liant au docteur Y... était imputable à la faute grave du médecin, constituée par des absences répétées, imprévues, par un responsable de l'organisation et de la permanence des soins et avait demandé la confirmation du jugement qui avait retenu cette faute grave (conclusions, p. 5 à 7 et 9); qu'en affirmant que la société CRPC ne se prévalait pas d'une faute grave imputable au docteur Y..., pour la condamner à payer à celui-ci une indemnité compensatrice de préavis, qui n'était pas due en cas de faute grave, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE à titre subsidiaire, dans ses conclusions, la société CRPC avait fait valoir qu'en toute hypothèse, le docteur Y... avait bénéficié d'un préavis d'un mois, celui-ci ayant été informé de la rupture dès le 25 septembre 2009 (conclusions, p.7); qu'en estimant qu'il convenait d'accorder au docteur Y... 11 mois de préavis, sans répondre aux conclusions de la société CRPC, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE s'agissant du montant de l'indemnité compensatrice de préavis, au paiement de laquelle la cour d'appel a condamné la société CRPC, la cour d'appel a retenu que celle-ci devait être d'une durée suffisante pour permettre au médecin et à l'établissement de réorganiser leurs activités respectives ; que la cour d'appel a évalué le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, correspondant à onze mois d'honoraires mensuels, mais elle n'a pas constaté qu'en l'espèce, ce délai avait été nécessaire au docteur Y... pour réorganiser son activité ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en déduisaient, violant ainsi l'article 1147 du code civil ;
4) ALORS QUE dans ses conclusions, pour justifier le montant de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis, M. Y... avait reconnu que le montant mensuel de sa rémunération s'élevait à la somme de 3.142 €, ce que la cour d'appel a constaté et ce qui s'imposait à elle ; qu'en fondant néanmoins le montant de l'indemnité compensatrice de préavis sur l'évaluation forfaitaire et transactionnelle de la rémunération mensuelle de M. Y..., opérée par la société CRPC, avant l'ouverture de tout contentieux, la cour d'appel, en statuant ainsi, a violé les dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile ensemble l'article 1356 du code civil.