LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Vialleix du désistement de son pourvoi dirigé contre M. X..., ès qualités de liquidateur de la société Aspigal, et de la société Mutuelles du Mans assurances IARD ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 124-5 du code des assurances ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre ; qu'il n'en est autrement que s'il est établi que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que dans le courant de l'année 2001, M. Y... a confié la réalisation de travaux de couverture d'une maison d'habitation lui appartenant à la société Y... dont il était le gérant ; que la société Vialleix a assuré la fourniture des ardoises qu'elle a acquises auprès du producteur, la société Aspigal, placée depuis en liquidation amiable ; qu'ayant constaté en 2006, l'apparition de traces suspectes sur les ardoises, M. Y... a présenté une réclamation auprès du repreneur de la société Y... ; que la société Vialleix a déclaré le sinistre en décembre 2007 à la société Allianz auprès de laquelle elle avait souscrit un contrat d'assurance responsabilité civile dont les garanties ont été étendues par avenant du 13 juin 2003 à effet du 1er janvier 2003 et qui a été résilié le 1er janvier 2008 ; que M. Y... a obtenu la désignation d'un expert en référé qui a constaté que les ardoises livrées contenaient de la pyrite de fer responsable d'un phénomène d'oxydation menaçant l'étanchéité de la couverture et conclu que les matériaux livrés n'étaient pas conformes à la commande portant sur des ardoises de classe A ; que M. Y... a alors assigné la société Vialleix en paiement du coût de réfection de la couverture ; que cette dernière a appelé en garantie M. X..., ès qualités de liquidateur de la société Aspigal, la société Mutuelles du Mans assurances, assureur de la société Aspigal ainsi que la société Allianz ;
Attendu que pour débouter la société Viallex de ses demandes, l'arrêt retient que les garanties modifiées par avenant du 13 juin 2003 ont été acquises postérieurement à la livraison des ardoises survenue en 2001 et 2002, ce qui prive l'assuré de leur mise en oeuvre, l'option conférée aux parties par l'article L. 124-5 du code des assurances, dont l'intérêt est manifeste en cas de résiliation du contrat, leur permettant de se prévaloir de la survenance soit du fait dommageable, soit de la réclamation, supposant néanmoins acquises la couverture du sinistre par l'assureur au moment où il est survenu ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les parties ne contestaient pas que la garantie était déclenchée par la réclamation de la victime et que la seule circonstance que le fait dommageable soit antérieur à la prise d'effet de la garantie ne suffisait pas à exclure sa mise en oeuvre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Vialleix de ses demandes portant sur la mise en oeuvre de la garantie de son assureur, la société Allianz, l'arrêt rendu le 27 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Allianz IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Allianz IARD ; la condamne à payer à la société Vialleix la somme de 3 000 euros et à M. Y... la somme de 1 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société Vialleix
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société VIALLEIX de ses demandes portant sur la mise en oeuvre de la garantie de son assureur, la société ALLIANZ ;
AUX MOTIFS QUE « le tribunal de grande instance a retenu la mise en oeuvre de la garantie de la SA ALLIANZ sur le coût de remplacement des ardoises ainsi que sur leur dépose et repose en se fondant sur l'avenant du 13 juin 2003 ; qu'à l'inverse, le juge des référée avait mis hors de cause la compagnie ALLIANZ en interprétant la police d'assurance comme couvrant les dommages causés par les produits et non ceux subis par eux, et a retenu l'exclusion de garantie résultant de la clause 15 de l'article 6.1 de la police rappelée supra par l'appelante, portant sur les frais de dépose et de repose des tuiles ; qu'il s'avère que l'article 4 de l'avenant au contrat "responsabilité civile de la construction" signé par la compagnie ALLIANZ et les Etablissements VIALLEIX le 13 juin 2003 comporte lui-même une dérogation à l'exclusion figurant à l'article 6.1.15 alinéa 2 des dispositions générales s'agissant des "frais entraînés par la dépose, le démontage du produit de l'assuré y compris les frais de démolition et frais de déblaiement, ainsi que les frais entraînés pour le remontage ou une nouvelle pose et les travaux de réfection y afférents même lors que le sinistre ne concerne que des dommages matériels au produit livré, tandis que demeurent exclus les dommages dus à la non-conformité objective ou matérielle du produit livré aux spécifications de la commande, sauf en cas de vice caché" ; qu'il résulte du rappel de ces dispositions qui figurent au paragraphe intitulé "GARANTIE FRAIS DE DEPOSE ET REPOSE", que seuls sont couverts les frais spécifiques de dépose et repose des ardoises livrées à M. Y... dont la garantie ne peut être écartée dès lors qu'elles étaient entachées d'un vice caché, tandis que restent exclus leur coût de remplacement et l'indemnisation de préjudices annexes, parmi lesquels figure le préjudice de jouissance du destinataire du produit livré ; que toutefois, les garanties ainsi modifiées ont été acquises postérieurement à la livraison des ardoises survenue en 2001 et 2002, ce qui prive l'assuré de leur mise en oeuvre, l'option conférée aux parties par l'article 124-5 du code des assurances (dont l'intérêt est manifeste en cas de résiliation du contrat) leur permettant de se prévaloir de la survenance soit du fait dommageable, soit de la réclamation, supposant néanmoins acquise la couverture du sinistre par l'assureur au moment où il est survenu ; que dès lors, le jugement sera infirmé en ses dispositions condamnant la société ALLIANZ à garantir la SAS Etablissements VIALLEIX des condamnations prononcées à son encontre, sans qu'il n'y ait lieu de statuer sur le bien-fondé de la demande de garantie par les Mutuelles du Mans présentée par la SA ALLIANZ » ;
1°) ALORS QU'il résulte de l'article L. 124-5 du code des assurances que la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre ; qu'ainsi, lorsque le contrat d'assurance prévoit que la garantie sera déclenchée par la réclamation, l'assureur doit sa garantie pour tout dommage ayant donné lieu à une réclamation pendant la période de validité de la police, alors même que le fait dommageable se serait produit avant la souscription de la police ; qu'il n'en est autrement que s'il est établi que l'assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la police ; qu'en l'espèce, la société ALLIANZ soutenait que la police souscrite par la société VIALLEIX était en « base réclamation » (concl. d'appel de la société ALLIANZ, p. 11, avant dernier §) ; que la société VIALLEIX faisait valoir qu'elle pouvait « se prévaloir d'une déclaration de sinistre à titre conservatoire du 28 décembre 2007 (pièce 5) avant la résiliation du contrat du 1er janvier 2008 », pour en déduire que la société ALLIANZ devait être condamnée à la garantir (concl. d'appel de la société VIALLEIX, p. 9 § 4) ; qu'en jugeant que le fait que les garanties souscrites auprès de la compagnie ALLIANZ aient été acquises après la livraison des ardoises privait l'assuré de leur mise en oeuvre, dans la mesure où l'option ouverte par l'article L. 124-5 du code des assurances suppose acquise la couverture du sinistre au moment où il survient, cependant que la compagnie d'assurance devait sa garantie dès lors que la réclamation était postérieure à la souscription de la police et antérieure à sa résiliation, peu important la date de livraison des ardoises, la cour d'appel a violé l'article L. 124-5 du code des assurances ;
2°) ALORS QUE, en tout état de cause, constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations ; que la date de survenance d'un sinistre ne peut dès lors être antérieure aux réclamations ; qu'en l'espèce, des traces suspectes avaient été constatées sur la toiture en 2006, soit après la souscription d'un contrat d'assurance par la société VIALLEIX auprès de la compagnie ALLIANZ et avant la résiliation de ce contrat ; que les premières réclamations avaient été formulées en 2006 ; qu'en jugeant que le sinistre était survenu lors de la livraison des ardoises, en 2001 et 2002, pour en déduire que la compagnie ALLIANZ ne devait pas sa garantie, cependant que la date de survenance du sinistre ne pouvait être antérieure à la date des premières réclamations, la cour d'appel a violé l'article L. 125-1-1 du code des assurances ;
3°) ALORS QUE ni la compagnie ALLIANZ, ni monsieur Y..., ni M. X... ès-qualités de liquidateur de la société ASPIGAL, ni la société Mutuelles du Mans IARD, n'avaient soutenu dans leurs écritures d'appel que la société ALLIANZ ne devait pas sa garantie dès lors que le sinistre se serait produit avant la prise d'effet de la garantie ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande de la société VIALLEIX dirigée contre la compagnie ALLIANZ, sur la date de survenance du sinistre, la cour d'appel a violé les articles 4 et 16 du code de procédure civile.