LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... et M. Y... se sont mariés le 26 octobre 1990 sous le régime de la communauté légale ; qu'un juge aux affaires familiales a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'époux et l'a condamné à verser une prestation compensatoire ;
Sur les deux premiers moyens réunis, ci-après annexés :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de prononcer le divorce aux torts partagés des époux et rejeter la demande de dommages-intérêts fondée sur l'article 266 du code civil ;
Attendu qu'après avoir relevé que chaque époux avait commis des violences sur son conjoint, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a souverainement estimé que ces faits justifiaient le prononcé du divorce aux torts partagés des époux ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :
Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu que, pour réformer le jugement et rejeter la demande de prestation compensatoire présentée par Mme X..., l'arrêt retient que l'épouse percevra sa part de la vente des maisons d'Offranville et de Palluau acquises pendant le mariage, grâce essentiellement aux revenus de M. Y... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la liquidation du régime matrimonial des époux étant égalitaire, il n'y avait pas lieu, en l'absence de circonstances particulières, de tenir compte, pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal, de la part de communauté devant revenir à l'épouse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 17 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, rejetant la demande de l'épouse tendant à ce que le divorce fût prononcé aux torts exclusifs du mari, il a prononcé le divorce aux torts partagés des époux et ensemble, rejeté la demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 266 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE « en premier lieu, il sera relevé que l'argument développé par Monsieur Y..., selon lequel Madame X... ne saurait arguer de l'adultère de son mari pour justifier d'une demande de divorce aux torts exclusifs de celui-ci, elle-même ayant eu un enfant hors mariage avec un homme marié, ne saurait prospérer, Madame X... n'étant pas alors elle-même engagée dans les liens du mariage avec Monsieur Y... ; qu'en revanche, il convient de retenir que Madame X... a eu connaissance de la liaison adultère de son mari dès l'année 1997, liaison qui avait donné lieu à la naissance d'un enfant, et que cependant elle a fait le choix de poursuivre la vie commune avec Monsieur Y... sous la promesse de celui-ci de s'amender, et ce durant 10 années encore, avant d'introduire une requête en divorce ; que pendant ces dix années, elle a bénéficié des revenus de son mari, qui était le seul à subvenir aux besoins de la famille, alors qu'elle-même, qui avait déjà exercé des fonctions de clerc d'officier ministériel et avoué a fait le choix de ne pas reprendre une activité salariée ; que les attestations produites par Madame X..., qui font état d'un comportement violent de Monsieur Y... (pièces n° 5, 7, 187, 195 et 217), émanent pour deux d'entre elles des frères de l'intéressée, deux autres d'un ex beau-frère et d'une belle-soeur et la dernière d'une cousine ; qu'il sera également relevé que s'il est question de colères et d'un caractère fort et entêté de Monsieur Y..., il n'est pas fait état de violences physiques, ni même des violences psychiques répétées alléguées par Madame X... ; qu'il apparaît également que Madame X... a été poursuivie pénalement la première pour des violences commises par elle sur son mari les 23 et 24 janvier 2007, soit quinze jours à peine après le dépôt de sa requête en divorce, dont il n'est pas établi que Monsieur Y... ait déjà eu connaissance ; que les violences commises sur elle par son mari le 27 novembre 2007 sont largement postérieures, dans un contexte de séparation conflictuelle, alors que l'ordonnance de non-conciliation avait été rendue le 16 mai 2007 ; qu'enfin, il n'est pas contesté par Madame X... qu'elle exerçait des fonctions bénévoles comme représentante des parents d'élèves, secrétaire d'une association organisant des jeux de société le mercredi après-midi et paroissienne active à OFFRANVILLE, bourgade à taille humaine où tout le monde se connaît, alors même que son mari était un personnage en vue, en tant que directeur général des services technique de la mairie ; qu'il convient d'en conclure que si la poursuite de la liaison de son mari était, comme elle l'indique, connue de tous, elle n'en a pas pour autant subi l'humiliation qu'elle évoque, puisqu'elle a eu une vie publique conforme à ses souhaits ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera réformé et le divorce des époux Y...-X... sera prononcé aux torts partagés des époux » ;
ALORS QUE, premièrement, s'il est dit que les violences commises sur l'épouse par le mari le 27 novembre 2007 sont largement postérieures aux violences commises par l'épouse sur le mari les 23 et 24 janvier 2007, cette constatation est inexacte dès lors que, selon le jugement du tribunal correctionnel de DIEPPE en date du 5 décembre 2008, devenu depuis lors définitif, les violences commises par le mari ayant entraîné une incapacité de travail de huit jours, l'ont été le 27 novembre 2006 ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont violé l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 5 décembre 2008 ;
ALORS QUE, deuxièmement, et à tout le moins, dès lors que le jugement du tribunal de grande instance de DIEPPE du 5 décembre 2008, devenu définitif, mentionnait expressément que les faits imputés au mari étaient du 27 novembre 2006 (jugement du 5 décembre 2008, p. 3 alinéa 4), les juges du fond ont commis une dénaturation en énonçant que les violences du mari étaient du 27 novembre 2007 et non du 27 novembre 2006.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE, rejetant la demande de l'épouse tendant à ce que le divorce fût prononcé aux torts exclusifs du mari, il a prononcé le divorce aux torts partagés des époux et ensemble, rejeté la demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 266 du code civil ;
AUX MOTIFS QUE « en premier lieu, il sera relevé que l'argument développé par Monsieur Y..., selon lequel Madame X... ne saurait arguer de l'adultère de son mari pour justifier d'une demande de divorce aux torts exclusifs de celui-ci, elle-même ayant eu un enfant hors mariage avec un homme marié, ne saurait prospérer, Madame X... n'étant pas alors elle-même engagée dans les liens du mariage avec Monsieur Y... ; qu'en revanche, il convient de retenir que Madame X... a eu connaissance de la liaison adultère de son mari dès l'année 1997, liaison qui avait donné lieu à la naissance d'un enfant, et que cependant elle a fait le choix de poursuivre la vie commune avec Monsieur Y... sous la promesse de celui-ci de s'amender, et ce durant 10 années encore, avant d'introduire une requête en divorce ; que pendant ces dix années, elle a bénéficié des revenus de son mari, qui était le seul à subvenir aux besoins de la famille, alors qu'elle-même, qui avait déjà exercé des fonctions de clerc d'officier ministériel et avoué a fait le choix de ne pas reprendre une activité salariée ; que les attestations produites par Madame X..., qui font état d'un comportement violent de Monsieur Y... (pièces n° 5, 7, 187, 195 et 217), émanent pour deux d'entre elles des frères de l'intéressée, deux autres d'un ex beau-frère et d'une belle-soeur et la dernière d'une cousine ; qu'il sera également relevé que s'il est question de colères et d'un caractère fort et entêté de Monsieur Y..., il n'est pas fait état de violences physiques, ni même des violences psychiques répétées alléguées par Madame X... ; qu'il apparaît également que Madame X... a été poursuivie pénalement la première pour des violences commises par elle sur son mari les 23 et 24 janvier 2007, soit quinze jours à peine après le dépôt de sa requête en divorce, dont il n'est pas établi que Monsieur Y... ait déjà eu connaissance ; que les violences commises sur elle par son mari le 27 novembre 2007 sont largement postérieures, dans un contexte de séparation conflictuelle, alors que l'ordonnance de non-conciliation avait été rendue le 16 mai 2007 ; qu'enfin, il n'est pas contesté par Madame X... qu'elle exerçait des fonctions bénévoles comme représentante des parents d'élèves, secrétaire d'une association organisant des jeux de société le mercredi après-midi et paroissienne active à OFFRANVILLE, bourgade à taille humaine où tout le monde se connaît, alors même que son mari était un personnage en vue, en tant que directeur général des services technique de la mairie ; qu'il convient d'en conclure que si la poursuite de la liaison de son mari était, comme elle l'indique, connue de tous, elle n'en a pas pour autant subi l'humiliation qu'elle évoque, puisqu'elle a eu une vie publique conforme à ses souhaits ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera réformé et le divorce des époux Y...-X... sera prononcé aux torts partagés des époux » ;
ALORS QUE, premièrement, avant de pouvoir retenir que des manquements graves et répétés pouvaient être imputés à l'épouse, les juges du fond devaient s'expliquer à tout le moins sur les manquements graves et répétés imputables au mari et notamment sur la double vie du mari, son manquement à son obligation de secours ou encore sa prodigalité (conclusions récapitulatives n º 3 de Madame X..., pp. 10 à 15 et pp. 24 à 32) ; que faute de ce faire, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 242 du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, les juges du fond, pour prononcer le divorce aux torts de l'épouse, n'ont ni constaté que les manquements relevés étaient graves ou renouvelés et rendaient impossible le maintien du lien conjugal, ni que ces manquements correspondaient aux conditions prévues par l'article 242 du code civil ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué souffre d'un défaut de base légale au regard de l'article 242 du code civil.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande de prestation compensatoire de l'épouse ;
AUX MOTIFS QUE « l'examen des pièces produites par les parties fait ressortir une baisse significative des revenus de Monsieur Y... depuis le 21 juin 2011, date à laquelle le maire d'Offranville a mis fin à ses fonctions de directeur général des services, entraînant par la même la perte des rémunérations qu'il percevait pour les travaux qu'il effectuait au sein de syndicats intercommunaux gérant le collège et le lycée professionnel ; qu'au surplus, Monsieur Y... sera admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juillet 2014, ce qui fait qu'il percevra alors une pension de l'ordre de 1. 400 ¿ par mois, étant entré, semble-t-il, tardivement dans la fonction publique territoriale ; que les allégations de Madame X... selon lesquelles Monsieur Y... aurait pu solliciter une indemnité de licenciement sont purement spéculatives, puisqu'il n'y a pas eu de procédure de licenciement, mais retrait des fonctions avec maintien d'une rémunération ; qu'à l'inverse, Madame X... dispose d'un patrimoine immobilier, puisqu'elle est propriétaire de son habitation, acquise grâce à l'héritage de sa mère ; que la déclaration de succession versée aux débats fait ainsi ressortir qu'elle a perçu bénéficié d'une somme totale de 225. 050, 62 ¿ dans cet héritage ; que la disparité de revenus qu'elle allègue entre Monsieur Y... et elle-même est largement consécutive au fait qu'elle a fait le choix de ne pas reprendre une activité professionnelle, alors même que ses études universitaires et les fonctions de clerc antérieurement exercées le lui auraient permis ; qu'elle percevra par ailleurs sa part de la vente des maisons d'Offranville et de Palluau acquises pendant le mariage, grâce essentiellement aux revenus de Monsieur Y... » ;
ALORS QUE, premièrement, si les juges du fond ont pu évoquer le montant des droits à retraite du mari, postérieurement à la date du prononcé du divorce au titre de sa situation dans un avenir prévisible, ils devaient néanmoins s'expliquer sur le montant de ses revenus à la date de l'arrêt ; que faute de ce faire, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 270 à 272 du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, ils devaient également se prononcer, en les chiffrant, sur les revenus de l'épouse ; que faute de ce faire, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard des articles 270 à 272 du code civil.
QUATRIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande de prestation compensatoire de l'épouse ;
AUX MOTIFS QUE « l'examen des pièces produites par les parties fait ressortir une baisse significative des revenus de Monsieur Y... depuis le 21 juin 2011, date à laquelle le maire d'Offranville a mis fin à ses fonctions de directeur général des services, entraînant par la même la perte des rémunérations qu'il percevait pour les travaux qu'il effectuait au sein de syndicats intercommunaux gérant le collège et le lycée professionnel ; qu'au surplus, Monsieur Y... sera admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juillet 2014, ce qui fait qu'il percevra alors une pension de l'ordre de 1. 400 ¿ par mois, étant entré, semble-t-il, tardivement dans la fonction publique territoriale ; que les allégations de Madame X... selon lesquelles Monsieur Y... aurait pu solliciter une indemnité de licenciement sont purement spéculatives, puisqu'il n'y a pas eu de procédure de licenciement, mais retrait des fonctions avec maintien d'une rémunération ; qu'à l'inverse, Madame X... dispose d'un patrimoine immobilier, puisqu'elle est propriétaire de son habitation, acquise grâce à l'héritage de sa mère ; que la déclaration de succession versée aux débats fait ainsi ressortir qu'elle a perçu bénéficié d'une somme totale de 225. 050, 62 ¿ dans cet héritage ; que la disparité de revenus qu'elle allègue entre Monsieur Y... et elle-même est largement consécutive au fait qu'elle a fait le choix de ne pas reprendre une activité professionnelle, alors même que ses études universitaires et les fonctions de clerc antérieurement exercées le lui auraient permis ; qu'elle percevra par ailleurs sa part de la vente des maisons d'Offranville et de Palluau acquises pendant le mariage, grâce essentiellement aux revenus de Monsieur Y... » ;
ALORS QUE, premièrement, réserve faite de l'hypothèse où, pour une raison ou pour une autre, le partage de la communauté s'opérerait de façon inégale, les époux doivent être regardés comme ayant des droits égaux dans la communauté ; que par suite, ces droits ne peuvent être pris en compte au stade de la prestation compensatoire ; qu'en prenant néanmoins en considération les droits de l'épouse lors de la vente des biens communs pour refuser toute prestation compensatoire à l'épouse, les juges du fond ont violé les articles 270 à 272 du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, réserve faite de l'hypothèse où le partage serait inégal, les époux sont présumés avoir des droits égaux dans la communauté ; que dès lors, ces droits ne peuvent être pris en compte s'agissant de savoir si l'un des époux peut prétendre à une prestation compensatoire ; que le point de savoir comment le patrimoine commun a pu être constitué est indifférent ; qu'en énonçant, pour écarter tout droits à prestation compensatoire concernant l'épouse, que le patrimoine commun a été constitué pour l'essentiel par des revenus du mari, les juges du fond ont de nouveau violé les articles 270 à 272 du code civil.