LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 12 février 2014), rendu sur renvoi après cassation (3e chambre civile, 10 juillet 2012, pourvoi n° 11-22. 563), que la société civile immobilière Breton d'Amblans (la SCI) a confié à M. X... une mission complète de maîtrise d'oeuvre pour la rénovation d'un immeuble ; que les travaux de gros oeuvre ont été réalisés en partie par l'entreprise Kilic et les travaux de charpente et couverture par l'entreprise Y... ; que se plaignant de désordres, la SCI a assigné M. X... en dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant retenu qu'il résultait des arrêts du 8 décembre 1999 et du 28 novembre 2011 qu'il n'était pas établi que M. X... aurait faussement attesté de la conformité et de l'achèvement des travaux réalisés par M. Y..., la cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis et répondant aux conclusions, a pu en déduire, sans méconnaître la portée de ces arrêts, que M. X... n'avait commis aucune faute dans les relations avec M. Y... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour limiter la condamnation de M. X... au paiement de la somme de 106 324, 40 euros au titre des frais de remise en état, l'arrêt retient que le devis présenté par la SCI comprend des travaux correspondant à des ouvrages non inclus dans le marché initial et à la reprise de défauts non imputables à M. X... ;
Qu'en statuant ainsi, par voie de simple affirmation et sans aucune analyse même sommaire des éléments du devis soumis à son appréciation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de M. X... au paiement de la somme de 106 324, 40 euros, l'arrêt rendu le 12 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la SCI Breton d'Amblans la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Breton d'Amblans
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir limité la condamnation de M. X... au profit de la SCI Breton d'Amblans aux sommes 106 324, 40 ¿ et 10 000 ¿ à titre de dommages-intérêts ;
Aux motifs qu'« en ce qui concerne l'entreprise Y..., si la SCI BRETON D'AMBLANS produit un rapport de l'expert Z... pour soutenir que la facturation était surfaite et faire grief à Joël X... d'avoir pris position en faveur de cet artisan comme dit précédemment, elle présente aussi en annexes d'une part un arrêt confirmatif de non lieu du 8 décembre 1999 aux termes duquel ce rapport n'était pas considéré comme suffisamment probant pour faire admettre que, au-delà du litige éventuel sur l'interprétation du bon de commande, il existait des éléments permettant de dire que Joël X... avait faussement attesté de la conformité et de l'achèvement des travaux ; d'autre part, un arrêt de cette cour du 28 novembre 20 (0) 1 aux termes duquel Guy Y... a obtenu la condamnation de la SCI BRETON D'AMBLANS au paiement de l'intégralité du solde de sa facture, cet arrêt écartant comme non probant un métré réalisé par D. B... ; (¿) qu'il se déduit de l'ensemble des éléments d'appréciation ci-dessus énoncés que Joël X... n'a pas correctement exécuté sa mission de maître d'oeuvre ¿ mais non pas dans les proportions évoquées par la SCI BRETON D'AMBLANS, aucune faute n'étant à retenir à la charge de l'architecte dans les relations avec l'entreprise Y... (¿) ; qu'il n'y a aucune faute en revanche, et par conséquent aucun préjudice, dans le cadre du marché Y... » ;
Alors 1°) qu'une ordonnance de non-lieu, qui n'a qu'un caractère provisoire et est révocable en cas de survenance de charges nouvelles, est dépourvue de toute autorité de chose jugée ; qu'en retenant l'absence de toute faute de M. X... concernant le marché confié à la société Y... en se fondant sur un arrêt confirmatif de non-lieu de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Besançon du 8 décembre 1999 aux termes duquel le rapport d'expertise de M. Z... n'avait pas été considéré comme suffisamment probant pour faire admettre que, au-delà du litige éventuel sur l'interprétation du bon de commande, il existait des éléments permettant de dire que l'architecte avait faussement attesté de la conformité et de l'achèvement des travaux réalisés par la société Y..., la cour d'appel a violé le principe de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal ;
Alors 2°) que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement et qu'il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et qu'elle soit formée entre les mêmes parties ; qu'en retenant l'absence de toute faute de M. X... à l'égard de la SCI Breton d'Amblans concernant le marché confié à la société Y... en se fondant sur un arrêt de la cour d'appel de Besançon du 28 novembre 2001 intervenu dans un litige opposant la société Y... à la SCI Breton d'Amblans et non entre cette dernière et M. X..., la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
Alors 3°) que pour motiver sa décision, le juge ne peut se borner à se référer à une décision antérieure intervenue dans une autre cause ; qu'en retenant l'absence de toute faute de M. X... concernant le marché confié à la société Y... en se fondant sur un arrêt confirmatif de non-lieu de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Besançon du 8 décembre 1999 et sur un arrêt de la cour d'appel de Besançon du 28 novembre 2001, sans se déterminer par rapport aux circonstances particulières du procès, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 4°) que tout jugement doit être motivé ; qu'en retenant l'absence de toute faute de M. X... concernant le marché confié à la société Y... en examinant uniquement les griefs de la SCI Breton d'Amblans tenant à une facturation surfaite de la part de cette entreprise et au fait que l'architecte avait pris position en faveur de celle-ci, sans répondre aux conclusions du maître de l'ouvrage reprochant à M. X... d'avoir fourni un plan à cette entreprise sur lequel manquait un châssis permettant d'éclairer le dernier niveau de l'immeuble, la cour d'appel a violé derechef l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir limité la condamnation de M. X... au profit de la SCI Breton d'Amblans aux sommes 106 324, 40 ¿ et 10 000 ¿ à titre de dommages-intérêts ;
Aux motifs qu'« il se déduit de l'ensemble des éléments d'appréciation ci-dessus énoncés que Joël X... n'a pas exécuté correctement sa mission de maître d'oeuvre ¿ mais non pas dans les proportions évoquées par la SCI BRETON D'AMBLANS, aucune faute n'étant à retenir à la charge de l'architecte dans les relations avec l'entreprise Y... : ces manquements ouvrent droit à réparation à la mesure du préjudice qui en découle ; que tel est le cas des frais de remise en état, car Joël X... a contribué à la survenance de défauts en manquant d'exigence et de contrôle : si la SCI BRETON D'AMBLANS est elle-même en grande partie responsable de l'état actuel du bâtiment dans lequel les travaux ont été abandonnés et surtout dans lequel elle s'est refusée à faire les travaux confortatifs prescrits par Monsieur A... (cf la note aux parties N° 3 après visite des lieux le 08 juillet 2003), une intervention prompte de l'architecte avec identification du responsable de la rupture des entraits de charpente aurait limité le désordre ; que le devis présenté par la SCI BRETON D'AMBLANS n'est pas acceptable en totalité dès lors que comme l'a relevé le premier juge, certains postes correspondent à des ouvrages non inclus dans le marché initial, et, sera-t-il ajouté, à la reprise de prétendus défauts non imputables à Joël X... ; la cour adopte sur ce point le chiffrage du premier juge soit 106 324, 40 ¿ » ;
Alors 1°) que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; qu'en retenant, pour limiter à la somme de 106 324, 40 ¿ la condamnation de M. X... au titre des frais de remise en état, que le maître de l'ouvrage était en grande partie responsable de l'état actuel du bâtiment dans lequel les travaux ont été abandonnés et surtout dans lequel il s'est refusé à faire les travaux confortatifs prescrits par M. A... le 19 août 2003 pour prévenir l'effondrement du mur de façade côté sud, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Alors 2°) que tout jugement doit être motivé ; qu'en retenant, pour limiter à la somme de 106 324, 40 ¿ la condamnation de M. X... au titre des frais de remise en état, que le devis présenté par la SCI Breton d'Amblans n'est pas acceptable en totalité dès lors que certains postes correspondent à des ouvrages non inclus dans le marché initial et à des défauts non imputables à M. X..., sans préciser les postes ainsi visés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.