LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 6-1, 6-2 et 17. 1 du règlement du régime de prévoyance de BTP-Prévoyance, catégorie cadres, de l'accord collectif du 1er octobre 2001 instituant BTP-Prévoyance, ensemble l'article L. 341-11 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que la révision d'une pension d'invalidité de première catégorie en pension d'invalidité de deuxième catégorie supposant la constatation de l'aggravation de l'état d'invalidité de l'intéressé, le fait générateur du nouveau classement, au sens des deux premiers d'entre eux, est nécessairement l'arrêt de travail ayant entraîné le précédent classement en invalidité ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que Mme X..., alors salariée d'une société n'exerçant pas une activité de bâtiment et de travaux publics, a été à la suite d'un arrêt de travail classée à compter du 30 juin 1999 en invalidité de première catégorie par une décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Languedoc-Roussillon (la caisse) ; qu'elle a le 4 janvier 2010 été engagée par une société du bâtiment (l'employeur), en qualité de cadre ; que la salariée, placée en arrêt de travail du 2 mars au 10 mai 2011, a été examinée par le médecin conseil le 28 avril 2011 et, par une décision de la caisse du 25 mai 2011 prise « après révision médicale », classée en invalidité de deuxième catégorie à compter du 1er juin 2011 ; que l'intéressée a sollicité de la société Pro-BTP épargne-retraite-prévoyance, institution de prévoyance du bâtiment et des travaux publics (l'institution de prévoyance), le paiement de la rente d'invalidité prévue, en cas de classement d'un cadre en invalidité de deuxième catégorie, par un accord collectif du 1er octobre 2001 applicable à l'employeur en sa qualité d'entreprise du bâtiment ; que soutenant que le fait générateur du classement en invalidité de deuxième catégorie de Mme X... était l'arrêt de travail ayant justifié son classement en invalidité de première catégorie, antérieur à la date à laquelle elle avait été engagée par l'employeur, l'institution de prévoyance lui a opposé un refus ; que la salariée a saisi un tribunal d'une demande en paiement de la rente d'invalidité à compter du 1er juin 2011 ;
Attendu que pour faire droit à la demande de la salariée, l'arrêt énonce qu'aux termes de l'article 6. 1 du titre 1 de la première partie de l'accord collectif du 1er octobre 2001, qui constitue le règlement des régimes de BTP-Prévoyance applicable en l'espèce, les droits prévus par le régime de prévoyance des cadres sont ouverts aux participants affiliés au régime « à la date où se produit le fait générateur du risque couvert » ; que l'article suivant définit la date du fait générateur comme étant « la date de l'arrêt de travail au sens de la sécurité sociale pour les garanties d'indemnités journalières, de rente d'invalidité... » ; que l'arrêt de travail subi du 2 mars au 10 mai 2011 constitue, de manière indiscutable, le fait générateur de son placement en invalidité de deuxième catégorie ; que le médecin conseil de la caisse l'a examinée durant son arrêt de travail, ce qui démontre le lien entre cet arrêt et son placement en invalidité de deuxième catégorie ; que la révision médicale visée à l'article L. 341-11 du code de la sécurité sociale signifie seulement qu'une modification de l'état d'invalidité a été médicalement constatée mais n'implique pas nécessairement qu'il existe un lien continu entre l'invalidité antérieure et la nouvelle invalidité ; qu'il appartient au contraire à l'institution de prévoyance de rapporter la preuve de l'existence d'un tel lien continu entre ces deux états pour prétendre faire remonter le fait générateur à l'arrêt de travail initial ; que celle-ci ne produit aucune pièce susceptible d'établir ce lien entre les deux états d'invalidité successifs ; que le fait générateur de l'invalidité de deuxième catégorie est donc bien l'arrêt de travail subi du 2 mars au 10 mai 2011, soit durant la période où la salariée travaillait pour un employeur affilié à l'accord collectif du 1er octobre 2001 ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette les demandes de Mme X... ;
Condamne Mme X... aux dépens exposés devant la Cour de cassation et les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes présentées devant la Cour de cassation et les juges du fond ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mai deux mille quinze et signé par Mme Flise, président, et par Mme Genevey, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Pro-BTP épargne-retraite-prévoyance.
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société BTP Prévoyance à verser à Mme Corinne X... épouse Y... la rente d'invalidité de droit commun prévue par l'accord collectif du 1er octobre 2001 en cas d'invalidité de deuxième catégorie, et ce avec effet au 1er juin 2011
AUX MOTIFS QU':
« aux termes de l'article 6. 1 du titre 1 de la première partie de l'accord collectif du 1er octobre 2001, qui constitue le règlement des régimes de BTP PREVOYANCE applicable en l'espèce, les droits prévus par le régime de prévoyance des cadres sont ouverts aux participants affiliés au régime « à la date où se produit le fait générateur du risque couvert » ;
(...) l'article suivant définit la date du fait générateur comme étant " la date de l'arrêt de travail au sens de la sécurité sociale pour les garanties d'indemnités journalières, de rente d'invalidité... " ;
(...) en l'espèce, Mme Y... a subi un arrêt de travail du 2 mars 2011 au 10 mai 2011, puis a été placée en invalidité de deuxième catégorie à compter du 1er juin 2011, après avoir été examinée par le médecin conseil de la CPAM le 28 avril 2011 ;
(...) l'arrêt de travail subi du 2 mars au 10 mai 2011 constitue, de manière indiscutable, le fait générateur de son placement en invalidité de deuxième catégorie, son employeur ayant attesté qu'il ne l'avait salariée du 11 mai au 31 mai 2011 que dans l'attente de la constatation de son inaptitude au travail, et alors qu'elle était dans l'incapacité de travailler ;
(...) le médecin conseil de la CPAM l'a d'ailleurs examinée durant son arrêt de travail, ce qui démontre le lien entre cet arrêt et son placement en invalidité de deuxième catégorie ;
(...) le tribunal a jugé que l'existence d'une invalidité de première catégorie antérieure constituait une " incontestable présomption de fait que le passage en catégorie 2 est son corollaire malheureux " ;
(...) il en a déduit que le fait générateur de l'invalidité qui n'avait jamais cessé, puisqu'elle avait seulement été aggravée, ne pouvait être que l'arrêt de travail ayant conduit à l'invalidité constatée le 30 juin 1999, alors que Mme Y... ne travaillait pas pour un employeur affilié à BTP PREVOYANCE ;
Mais (...) le tribunal ne pouvait conclure à l'existence de la " présomption de fait " d'un lien discontinu entre les deux types d'invalidité du seul fait que le classement en catégorie 2 a été décidé par la CPAM " après révision médicale ", selon les termes de la lettre de notification du 25 mai 2011 ;
(...) cette révision médicale visée à l'article L. 341-11 du code de la sécurité sociale signifie seulement qu'une modification de l'état d'invalidité a été médicalement constatée, mais n'implique pas nécessairement qu'il existe un lien continu entre l'invalidité antérieure et la nouvelle invalidité ;
(...) deux états d'invalidité successifs peuvent parfaitement avoir des causes différentes, le classement dans une catégorie supérieure ne signifiant pas forcément que les conséquences de l'accident ou la pathologie qui avait justifié le classement antérieur se soient aggravées ;
(...) dès lors, (...) il n'existe aucune présomption de continuité entre les deux états d'invalidité qu'a connu Mme Y... ;
(...) il appartient au contraire à l'institution de prévoyance de rapporter la preuve de l'existence d'un tel lien continu entre ces deux états, pour prétendre faire remonter le fait générateur à l'arrêt de travail initial ;
Or (...) en l'espèce, l'intimée ne produit aucune pièce susceptible d'établir ce lien entre les deux états d'invalidité successifs ;
(...) le fait générateur de l'invalidité de catégorie 2 est donc bien l'arrêt de travail subi du 2 mars au 10 mai 2011, soit durant la période où l'appelante travaillait pour un employeur affilié à BTP PREVOYANCE :
(...) par conséquent, (...) il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme Y... de sa demande en paiement de la rente d'invalidité de droit commun prévue par l'accord collectif du 1er octobre 2001 » ;
1°) ALORS QUE la révision médicale prévue par l'article L. 341-11 du code de la sécurité sociale concerne nécessairement l'évolution d'un état d'invalidité antérieurement constaté, de sorte que par hypothèse, un lien continu unit l'état d'invalidité notifié en suite de cette révision et l'invalidité précédente ; qu'ainsi en considérant que la révision médicale n'impliquerait pas qu'il existe un lien continu entre l'invalidité antérieure et la nouvelle invalidité, la cour d'appel a violé l'article L. 341-11 du code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS QUE la révision médicale prévue par l'article L. 341-11 du code de la sécurité sociale concerne nécessairement l'évolution d'un état d'invalidité antérieurement constaté, de sorte que c'est à celui qui prétend qu'aucun lien n'unirait une invalidité notifiée en suite de cette révision et l'invalidité antérieure de rapporter la preuve de cette absence de lien ; qu'ainsi en considérant qu'il n'existerait aucune présomption de continuité entre les deux états d'invalidité de Mme Y... et qu'il appartiendrait à l'institution BTP Prévoyance de rapporter la preuve d'un tel lien, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles L. 341-11 du code de la sécurité sociale et 1315 du code civil ;
3°) ALORS QUE la révision d'une pension d'invalidité accordée en raison d'un état d'invalidité peut être révisée à tout moment, de sorte que la circonstance que le bénéficiaire d'une pension d'invalidité de catégorie 1 a été classé en invalidité de catégorie 2 après un arrêt de travail ne permet pas d'établir que l'arrêt de travail est le fait générateur de ce classement en deuxième catégorie ; qu'ainsi en considérant que l'arrêt de travail du 2 mars au 10 mai 2011 constituerait nécessairement le fait générateur du placement en invalidité de deuxième catégorie de Mme Y..., sans vérifier que cet arrêt de travail procédait d'une cause distincte de celle du placement de Mme Y... en invalidité de première catégorie notifiée antérieurement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6. 1 du Règlement des régimes de BTP-prévoyance ¿ catégorie cadre ;
4°) ALORS QUE la révision d'une pension d'invalidité accordée en raison d'un état d'invalidité peut être révisée à tout moment et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie peut à cette fin provoquer à tout moment une expertise médicale, de sorte que la circonstance que le bénéficiaire d'une pension d'invalidité de catégorie 1 a été classé en invalidité de catégorie 2 en suite d'un examen du médecin conseil de la CPAM intervenu pendant un arrêt de travail ne permet pas d'établir que ce classement en catégorie 2 est sans lien avec le classement en catégorie 1 et que l'arrêt de travail est le fait générateur du classement en catégorie 2 ; qu'ainsi en retenant, pour considérer que l'arrêt de travail du 2 mars au 10 mai 2011 constituerait nécessairement le fait générateur du placement en invalidité de deuxième catégorie, que le médecin conseil de la CPAM avait examiné Mme Y... durant son arrêt de travail, motif impropre à établir l'indépendance de la nouvelle invalidité de catégorie 2 par rapport à la première invalidité notifiée le 30 juin 1999, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6. 1 du Règlement des régimes de BTP-prévoyance ¿ catégorie cadre.