LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 15 octobre 2013), qu'un jugement a prononcé le divorce de Mme X... et de M. Y... ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de fixer au 15 octobre 2005 la date des effets du divorce quant aux biens des époux ;
Attendu que la cour d'appel a constaté que les époux vivaient séparément depuis le 15 octobre 2005, date de la conclusion du bail souscrit par M. Y... ; que c'est par une erreur purement matérielle que, pour l'appréciation de la prestation compensatoire, il a été écrit, dans les motifs de l'arrêt, que la vie commune avait duré dix-huit ans ; que les griefs de la violation de la loi et de contradiction de motifs sont donc inopérants ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a décidé, infirmant le jugement, de fixer au 15 octobre 2005 la date des effets du divorce quant aux biens ;
AUX MOTIFS QUE « en application de l'article 262-1 du Code civil et en considération de ce qu'il est établi que les parties vivent séparément depuis le 15 octobre 2005, date du bail souscrit par Philippe Y..., il y aura lieu de fixer la date des effets du divorce au 15 octobre 2005 dès lors que la contribution volontaire aux charges du mariage par Philippe Y... ne saurait s'analyser en une poursuite de la collaboration entre les époux ».
ALORS QUE, PREMIEREMENT, après avoir constaté que le mariage avait été célébré le 25 février 1989, les juges du fond ont constaté « que le mariage a duré 22 ans dont 18 ans de vie commune » ; que ce faisant, ils ont fait ressortir que la vie commune avait duré de 1989 à 2007 ; qu'en fixant la date des effets du divorce au 15 octobre 2005, les juges du fond, qui n'ont pas tiré les conséquences de leurs propres constatations, ont violé l'article 262-1 du Code civil.
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, à supposer que les juges du fond aient considéré que la conclusion du bail le 15 octobre 2005 ait marqué la fin de la vie commune, l'arrêt n'en doit pas moins être censuré pour contradiction de motifs ; qu'en effet, les juges du fond ne pouvaient sans incohérence considérer que la vie commune avait cessé le 15 octobre 2005, au jour de la conclusion du bail, quand ils constataient par ailleurs qu'elle avait duré 18 ans et n'avait pris fin qu'en 2007 ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a, rejetant pour partie la demande de madame X..., fixé à 50.000 ¿ le montant de la prestation compensatoire mise à la charge du mari.
AUX MOTIFS QUE « l'article 272 du Code civil précise par ailleurs que « dans la détermination des besoins et des ressources, le juge ne prend pas en considération les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et les sommes versées au titre du droit à la compensation d'un handicap » ; qu'en l'espèce, la cour relève :
- que les époux sont respectivement âgés de 47 ans,
- que Régine X... est atteinte d'un diabète insulinodépendant,
- que le mariage a duré 22 ans dont 18 ans de vie commune,
- que les enfants sont âgés de 23 et 21 ans,
- que la femme exerce la profession de secrétaire au sein de la société Utilis International SARL, société gérée par Philippe Y...,
- que le bulletin de salaire du mois de décembre 2012 qui fait apparaître le cumul net versé sur l'année et le bulletin de salaire du mois de janvier 2013 permettent de retenir un salaire moyen de l'ordre de 1.900 ¿,
- qu'elle est propriétaire de l'immeuble qui a constitué l'ancien domicile conjugal, immeuble qui a été estimé au mois d'octobre 2006 par agence immobilière à une valeur comprise entre 270.000 ¿ et 300.000 ¿,
- qu'elle n'allègue pas avoir interrompu son activité professionnelle pour se consacrer à l'éducation des enfants ce qui induit que ses droits à la retraite ne seront pas impactés et conformes à sa qualification et son emploi,
- que le mari est directeur de la société Utilis S.A.S.,
- que la déclaration de revenus pour l'année 2012 permet de retenir un revenu salarial de 84.035 ¿ outre 5.593 ¿ de revenus de capitaux mobiliers, soit un revenu mensuel moyen de l'ordre de 7.500 ¿,
- que Philippe Y... a acquis avec sa nouvelle compagne un bien immobilier qui représente des échéances mensuelles de remboursement de 2.200 ¿,
- que leur patrimoine commun ou indivis est constitué par des actions dans les sociétés Utilis S.A.S. et MCCA évaluées dans le rapport d'expertise à 1.387.800 ¿, les droits de chacune des parties étant partagés à parts égales ;
Que des observations complémentaires doivent être faites ; qu'en dehors des éléments probants apportés par les parties, il n'y a pas lieu de revenir sur les conclusions du rapport d'expertise qui a répondu aux dires des parties ; que Philippe Y... a fait valoir ses droits à récompense sur l'ancien domicile conjugal au titre des investissements qui y ont été réalisés par la communauté pour une somme de 59.835 ¿ (392.500 F), Philippe Y... réclamant une récompense de 19.055 ¿ (125.000 F) ; que Philippe Y... ne s'explique pas sur la baisse de ses revenus mobiliers ; qu'il doit être constaté que pour une somme de 135.686,59 ¿, des remboursements anticipés ont été effectués sur l'opération immobilière susvisée, ce qui peut expliquer la baisse des revenus mobiliers ; que chacune des parties a perçu en 2006 des dividendes pour une somme de 76.648,50 ¿ ; qu'aucun reproche ne peut être fait à Philippe Y... sur l'absence de versement de dividende depuis cette date dès lors qu'il n'est pas le seul a décider, qu'il justifier des difficultés du marché actuel et de la baisse d'activité compensée pour partie par des marchés exceptionnels et qu'en tout état de cause, le moment venu, Régine X... percevra ses droits ; que les parties seront renvoyées dos à dos sur les lacunes de justificatifs quant aux capitaux mobiliers qu'elles peuvent détenir ; qu'il résulte de ces éléments que Régine X... rapporte la preuve d'une disparité au sens de l'article 270 du Code civil, découlant de la rupture du lien matrimonial et que le premier juge en a fait une exacte appréciation ».
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « aux termes de l'article 270 du code civil l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; que l'objet de la prestation compensatoire de l'article 270 du Code Civil n'étant pas de remédier à l'appauvrissement réciproque et mécanique de la situation de chacun des membres du couple du fait du divorce, mais de veiller, autant que possible, à ce que cette rupture ne cause pas une disparité dans leurs nouvelles et respectives conditions de vie, il convient d'examiner la situation des parties à compter de la date du divorce ; que l'existence d'un patrimoine immobilier, de fonds existants ou dépensés, de parts sociales et de revenus fonciers dont l'ampleur est contestée sont sans incidence sur l'appréciation de la situation financière des parties au regard de la demande de prestation compensatoire car sans effet différentiel sur leur situation puisque ce patrimoine fera l'objet d'un partage de communauté égalitaire entre les conjoints ; qu'il résulte des conclusions du rapport d'expertise que les parties disposent chacune d'un patrimoine propre ; que Madame X... est ainsi propriétaire du domicile conjugal, évalué à 217.500 curas (étant précisé que l'époux a vocation à percevoir récompense à ce titre), et de comptes en banque ; qu'il y a lieu de relever qu'elle n'a pas fourni l'intégralité de ses avoirs bancaires (compte caisse d'épargne, PEL caisse d'épargne) en dépit des demandes de l'expert et des allégations de son époux, indiquant qu'elle a perçu une partie de ses salaires pendant la vie commune et s'est de ce fait constitué une réserve d'argent ; que s'agissant du patrimoine commun, qui a vocation à être partagé par moitié entre les époux, l'expert évalue la valeur des actions du couple dans les deux sociétés (SAS UT1LITIS et SARL MCCA) à la somme totale de 1.387.800 euros, soit 693.900 euros pour chacun. ; que les contestations portant sur la méthode d'évaluation retenue par l'expert n'entrent pas en ligne de compte s'agissant de l'appréciation de la prestation compensatoire, ce point ayant vocation à être tranché lors du partage ; que la situation financière de Monsieur Y... se caractérise par des ressources mensuelles de 5.833 euros en 2008 et 5.600 euros net de janvier à juillet 2009 outre les primes de mars et juillet 2009 ; qu'il y a lieu de relever que l'avis d'impôt sur le revenu 2006 retient un salaire annuel net de 86.113 euros (7.176 euros par mois) outre des revenus de capitaux mobiliers déclarés de 239030 euros (imposables :140.368 euros) ; qu'en 2007, l'avis d'impôt retient un salaire mensuel net de 7247 euros par mois ; qu'en 2008, au regard de l'avis d'impôt sur le revenu 2009, le salaire mensuel moyen s'élevait à 5.833 euros (outre les revenus de capitaux mobiliers de 39673 euros, dont 20783 imposables) ; qu'aucune actualisation récente de sa situation n'a été fournie et, s'il n'y a pas lieu de tenir compte du projet d'achat d'une maison d'habitation au Maroc compte tenu de son annulation, il résulte de nombreuses pièces du dossier l'existence d'un train de vie aisé (ainsi la procédure de rectification fiscale courant 2007 mentionne plusieurs achats personnels effectués sur le compte de la société dans des enseignes de luxe (Hermes, Montblanc, Hugo BOSS, TEP...), ainsi qu'un voyage au Maroc avec sa famille ; que la situation financière de Madame X... se caractérise par des ressources mensuelles de 1.735 euros par mois en 2008, étant précisé qu'elle est actuellement salariée par la société de son époux, et indique qu'elle pourrait perdre cet emploi à l'issue de la procédure. ; que si les charges de cette dernières sont exposées avec un luxe de précision et de détails (dépenses liées au chien, à la piscine et au jardin, coiffeur, lentilles...), ses revenus actuels sont ignorés et aucune pièce justificative récente n'est fournie (dernière fiche de paie juillet 2010, net mensuel moyen après impôt, compte tenu du prélèvement à la source au Luxembourg : 1.787 euros) ; qu'elle indique avoir à sa charge les deux enfants majeurs du couple ; qu'il résulte néanmoins des pièces produites aux débats que, s'agissant de Marie-Charlotte, les frais de cette dernière sont largement couverts par la pension alimentaire que son père lui verse directement, étant précisé que cette dernière est augmentée par de l'argent de poche et par la prise en charge de ses frais locatifs, outre les frais de voyages scolaires dûment justifiés ; qu'en outre, s'agissant de ClaireAmance, elle bénéficie d'une contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant d'un montant de 700 euros ; qu'il y a lieu de préciser que Madame X... produit une attestation sur l'honneur en date du 6 octobre 2010 aux termes de laquelle elle ne perçoit pas les allocations familiales luxembourgeoises ; qu'il résulte cependant d'un courrier du 23 juillet 2010 de la caisse nationale des prestations familiales du Grand-Duché du Luxembourg que cette dernière s'est adressée à Madame X... aux fins de compléter le dossier d'allocations familiales en faveur de ses enfants (attestations de résidence, certificat de résidence, certificat d'études de l'années scolaires 2009/2010 de Marie-Charlotte) ; qu'il n'est pas absolument certain que cette dernière n'ait pas pu bénéficier du versement de sommes aux titres des allocations familiales luxembourgeoises ; qu'il y a lieu de relever que Monsieur Y... est susceptible de bénéficier d'une retraite à taux plein s'il cotise pendant encore 19 années alors que son épouse, en tout état de cause ne pourra pas prétendre à une retraite à taux plein ; que chacune des parties devant également faire face aux charges courantes de la vie, il n'y a pas lieu ni de les détailler ni de les prendre en compte car sans effet différentiel sur leur situation respective ; qu'ainsi, à l'issue d'un mariage d'une durée de 22 années, dont 16 années de vie commune, au cours duquel pour Madame X..., âgée de 45 ans, s'est consacrée à l'éducation des deux enfants du couple, il ressort des attestations et documents produits que les revenus respectifs mensuels des parties sont de 5.833 euros pour Monsieur Y... et de 1.735 euros pour Madame X... avec des disparités des retraites prévisibles entre les deux époux ; qu'il résulte de ces éléments une disparité au sens de l'article 270 du Code civil, découlant de la rupture du lien matrimonial ; que compte tenu des éléments susvisés, il convient de condamner Monsieur Y... à verser une prestation compensatoire à Madame X... sous forme d'un capital de 50.000 euros ».
ALORS QUE, PREMIEREMENT, par adoption des motifs des premiers juges, les juges du second degré ont retenu que Monsieur Y... a un patrimoine propre (jugement p. 4, alinéa 2) ; que dans ses conclusions d'appel, Madame X... a fait valoir que Monsieur Y... était titulaire d'actions dans des sociétés (conclusions du 23 juillet 2013, p. 8), qu'il était propriétaire de biens immobiliers à l'étranger dont un riad à Marrakech (p. 8) ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur les composantes de ce patrimoine propre, condition préalable pour se prononcer sur l'étendue de la prestation compensatoire, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 270 à 272 du Code civil ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, par adoption des motifs des premiers juges, les juges du second degré ont considéré que Monsieur Y... était titulaire d'un patrimoine propre (jugement p. 4 alinéa 1er) ; qu'en s'abstenant d'évaluer ce patrimoine, même de façon sommaire, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 270 à 272 du Code civil ;
ALORS QUE, TROISIEMENT, ET EN TOUTE HYPOTHESE, les juges du second degré ont retenu que Monsieur Y... avait acquis avec sa nouvelle compagne un bien immobilier (arrêt p. 6 alinéa 1er) ; qu'en s'abstenant d'évaluer ses droits indivis, même sommairement, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard des articles 270 à 272 du Code civil ;
ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, qu'en considérant que chacun des époux avaient des charges équivalentes, quand ils constataient par ailleurs que monsieur Y... vivait avec une compagne, ce qui était de nature à permettre un partage des charges, les juges du fond, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations, ont violé les articles 270 à 272 du Code civil ;
ALORS QUE, CINQUIEMEMENT, ET A TOUT LE MOINS, ayant considéré que monsieur Y... avait une compagne, les juges du second degré devaient rechercher en toute hypothèse s'ils pouvaient considérer, comme l'avaient fait les premiers juges, que Monsieur Y... supportait seul à l'instar de Madame X... les charges courantes ; qu'à défaut de s'être prononcé sur ce point, l'arrêt doit au minimum être censuré pour défaut de base légale dans le cadre des articles 270 à 272 du Code civil.