LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 721-1 devenu L. 382-15 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes ayant refusé de prendre en compte, pour la liquidation de sa pension de vieillesse, une période de noviciat accomplie du 24 septembre 1984 au 6 septembre 1986 au sein de la société du Sacré Coeur de Jésus, Mme X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que, pour débouter l'intéressée de son recours, l'arrêt retient que ce n'est qu'à compter du prononcé de ses premiers voeux, le 6 septembre 1986, qu'elle est devenue membre de la congrégation au sens de l'article L. 382-15 et a bénéficié du statut attaché à cette qualité entraînant son affiliation au régime des cultes, mais qu'en revanche, la période de noviciat, accomplie par l'intéressée au sein de la congrégation, préalablement à l'obtention du statut défini à l'article L. 382-15, correspond à une période de formation, d'expérience et de préparation à la vie religieuse différente de celle liée à l'observation des voeux ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'elle constatait que Mme X... participait à la vie de la congrégation et s'était soumise au règlement du noviciat, ce dont résultait la preuve d'un engagement religieux de l'intéressée manifesté, notamment, par un mode de vie en communauté et par une activité essentiellement exercée au service de sa religion qui l'investissait de la qualité de membre de cette congrégation ou collectivité religieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la Caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société du Sacré Coeur de Jésus ainsi que de la Caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes ; condamne celle-ci à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR confirmé la décision de la commission de recours amiable de la CAVIMAC du 28 avril 2011 ayant rejeté la demande de Madame X... visant à obtenir la validation des trimestres dès son arrivée au noviciat et de l'AVOIR déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« aux termes de l'article L. 382-15 du Code de la sécurité sociale, les ministres du culte et les membres des congrégations et collectivités religieuses relèvent du régime général de sécurité sociale ; leur affiliation est prononcée par l'organisme de sécurité sociale institué pour assurer le recouvrement des cotisations et le paiement des prestations en faveur de ses ressortissants. Les conditions d'assujettissement des membres des congrégations et collectivités religieuses relèvent exclusivement des dispositions légales applicables et la caisse chargée de la gestion de l'assurance vieillesse des cultes n'est pas autorisée à définir elle-même les périodes d'activité devant être prises en compte pour la détermination des droits à retraite des personnes affiliées en vertu de l'article L. 382-15. Il résulte de l'article L. 382-27 du code de la sécurité sociale que les personnes qui exercent ou ont exercé les activités mentionnées à l'article L. 382-15 reçoivent une pension de vieillesse dans les conditions définies aux articles L. 351-1 et suivants. Il s'ensuit que seules les périodes d'activité accomplies en qualité de ministre du culte ou de membre d'une congrégation ou d'une collectivité religieuse ouvrent droit aux prestations d'assurance vieillesse servies par la CAVIMAC. En l'espèce, Mme X... n'a été affiliée par la CAVIMAC qu'à compter du 8 septembre 1986, date à laquelle elle a prononcé ses voeux et son relevé de compte ne reporte pas les deux années antérieures à cette date au cours desquelles elle était novice dans la congrégation du Sacré Coeur ; pour demander la prise en compte de cette période de noviciat pour l'ouverture et le calcul de ses droits à retraite, elle soutient essentiellement que, dès son acceptation comme novice, le 24 septembre 1984, elle est entrée au service de la congrégation du Sacré Coeur, a participé à toutes les activités organisées par cette collectivité religieuse, a partagé la vie religieuse de la communauté, en en observant le règlement. Cependant, à cette époque, Mme X... ne s'était pas engagée vis-à-vis de la congrégation du Sacré Coeur, restait libre de toute obligation à l'égard de celle-ci et n'avait pas encore été reconnue membre de cette communauté religieuse. En réalité, ce n'est qu'à compter du prononcé de ses premiers voeux, le 6 septembre 1986, qu'elle est devenue membre de la congrégation au sens de l'article L. 382-15 et a bénéficié du statut attaché à cette qualité entraînant son affiliation au régime des cultes ; en revanche, la période de noviciat, accomplie par l'intéressée au sein de la congrégation, préalablement à l'obtention du statut défini à l'article L. 382-15, correspond à une période de formation, d'expérience et de préparation à la vie religieuse différente de celle liée à l'observation des voeux. La participation de Mme X... à la vie de la congrégation au cours de cette période probatoire et sa soumission au règlement du noviciat n'ont donc pas suffi à lui faire acquérir, durant cette période, le statut de membre de la congrégation justifiant son affiliation au régime des cultes. Ainsi, cette période de formation peut faire l'objet du rachat prévu à l'article L. 382-29-1 du code de la sécurité sociale, mais n'ouvre pas droit à la validation gratuite de trimestres. Il convient de souligner que cette dernière disposition a été précisément mise en place pour offrir aux membres des congrégations la possibilité de racheter les années correspondant au noviciat, lequel n'est donc pas considéré par le législateur comme une période d'activité. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont décidé que la période de noviciat accomplie par l'intéressée ne pouvait pas être reportée sur son compte de retraite et ne permettait pas la validation de trimestres d'assurance. De même, Mme X... ne peut reprocher à la congrégation du Sacré Coeur de ne pas l'avoir affiliée dès le mois de septembre 1984 et de ne pas avoir cotisé durant sa période de noviciat, alors que l'affiliation et le versement de cotisations n'étaient pas obligatoires pour cette période. A cet égard, la décision prise par les autorités religieuses d'affilier depuis le 1er juillet 2006 les novices ne s'applique pas à la situation individuelle de l'appelante et une telle décision ne peut de toute façon se substituer aux dispositions législatives qui subordonnent clairement l'affiliation au régime des cultes à l'obtention du statut de membre de congrégation au sens de l'article L. 382-15 » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la validation de 8 trimestres au titre de la période de noviciat accomplie par Madame X... entre le 24 septembre 1984 et le 6 septembre 1986. La loi du 2 janvier 1978 a institué au profit des ministres du culte et des membres des congrégations et communautés religieuses ne relevant pas, à titre obligatoire, d'un autre régime de sécurité sociale, un ensemble de garanties maternité, invalidité et vieillesse. Aux termes de l'article L. 382-27 du Code de la sécurité sociale, les personnes qui exercent ou ont exercé des activités mentionnées à l'article L. 382-15 du Code de la sécurité sociale reçoivent des prestations afférentes aux périodes d'assurance antérieures au 1er janvier 1998 dans les conditions législatives et réglementaires en vigueur au 31 décembre 1993, sous réserve d'adaptation par décret. Enfin, l'article L. 382-29-1 du Code de la sécurité sociale issu de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 prévoit que « Sont prises en compte, pour l'application de l'article L. 351-14-1, dans les mêmes conditions que les périodes définies au 1° du même article, les périodes de formation accomplies au sein de congrégations ou de collectivités religieuses ou dans des établissements de formation des ministres du culte qui précèdent l'obtention du statut défini à l'article L. 382-15 entraînant l'affiliation au régime des cultes », étant précisé que l'article 87-II de cette loi a précisé que cet article est applicable aux pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2012. Il résulte de cette disposition que les périodes de formation accomplies au sein de congrégations peuvent faire l'objet d'un rachat de trimestres par l'assuré. Ces périodes de formation sont validées sous réserve de rachat de trimestres sans qu'il soit exigé qu'elles soient accomplies au sein d'un établissement supérieur et conduisent à l'obtention d'un diplôme à l'instar des périodes d'études prévues par l'article L. 351-14-1 du Code de la sécurité sociale dès lors que l'article L. 382-29-1 procède par voie d'assimilation de ces périodes aux périodes d'études mentionnées à l'article L. 351-14-1, 1° du Code de la sécurité sociale ; l'article L. 382-29-1 du Code de la sécurité sociale prévoit en effet que ces périodes sont prises en compte par le régime général de sécurité sociale pour l'assurance vieillesse dans les mêmes conditions que les périodes d'études et non aux mêmes conditions que ces dernières. Par ailleurs, il résulte des travaux préparatoires de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 (rapport n° 3869 de la Commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale) que cette disposition vise à étendre le dispositif de rachat d'années d'étude aux périodes de formation à la vie religieuse (séminaire, noviciat¿) accomplies dans les séminaires ou au sein des congrégations. Il en découle que l'intention du législateur a été de considérer la période de noviciat comme une période de formation à la vie religieuse. Le législateur a ainsi mis en place un dispositif de validation à titre onéreux des périodes de formation à la vie religieuse accomplies par les séminaristes, novices et postulants antérieures à l'affiliation au régime en soumettant la validation au versement d'une cotisation, respectant ainsi les principes de contributivité et d'égalité de traitement entre assurés. En l'espèce, il est constant que Madame X... est entrée dans la congrégation religieuse « Société du Sacré Coeur de Jésus » le 24 septembre 1984 et qu'elle a eu le statut de novice jusqu'au 6 septembre 1986, date de prononcé de ses voeux. Elle sollicite la validation au titre de l'assurance vieillesse des périodes de noviciat, soit huit trimestres accomplis entre le 24 septembre 1984 et le 6 septembre 1986. Il n'est pas contestable que les dispositions de l'article L. 382-29-1 du Code de la sécurité sociale sont applicables au présent litige puisque madame X... n'a pas encore sollicité la liquidation de sa retraite qui prendra donc nécessairement effet postérieurement au 1er janvier 2012. Madame X... conteste la conformité de la disposition de l'article L. 382-29-1 du Code de la sécurité sociale à l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme en ce qu'elle porterait atteinte au procès équitable, dès lors que cette disposition a été votée alors que des procès sont en cours. Cet argument ne peut être retenu dans la mesure où la disposition de l'article L. 382-29-1 du Code de la sécurité sociale n'a pas pour objet de valider rétroactivement le règlement intérieur de la CAVIMAC annulé par le Conseil d'Etat mais de permettre le rachat des périodes de formation à la vie religieuse. Madame X... argue également de ce qu'elle n'était pas en formation au moment de l'accomplissement de sa période de noviciat en sorte que l'article L. 382-29-1 du Code de la sécurité sociale, qui ne définirait pas la qualité de membre d'une congrégation religieuse entraînant l'affiliation au régime des cultes géré par la CAVIMAC, lui serait inapplicable. Toutefois, ainsi qu'il a été rappelé, le législateur a envisagé les périodes de noviciat ou celles accomplies au sein de séminaires comme des périodes de formation précédant celles du statut de membre d'une congrégation religieuse. Par ailleurs, Madame X... a expliqué dans ses écritures que le temps du noviciat a été celui de « l'expérience grandeur nature de la vie qui serait la mienne après et d'initiation à la vie nouvelle » et qu'elle a connu « un accompagnement spirituel avec la maîtresse des novices une fois par semaine » ainsi qu' « un apprentissage de la vie en communauté ». Elle a également évoqué l'absence d'organisation structurée de la journée au sein de la congrégation, chacun organisant sa journée en fonction de ses obligations et ajouté que le seul temps en commun était l¿office du soir et le repas pris en commun. Elle a enfin précisé à l'audience que pendant cette période, elle a successivement développé une activité apostolique à l'accueil en gare de la Chapelle Saint Bernard à Montparnasse, au sein d'un établissement pour personnes aveugles, puis au sein d'une école. Ainsi, si, pendant sa période de noviciat au sein de la congrégation du Sacré Coeur de Jésus, Madame X... a mené une activité essentiellement religieuse et a été prise en charge matériellement par la collectivité religieuse, il apparaît néanmoins que cette période de noviciat a été celle d'une formation à la vie religieuse des membres de la congrégation, que cette formation a été conduite sous la supervision spirituelle de la maîtresse des novices et que Madame X... a été « mise en situation » en accomplissant des périodes apostoliques au sein de différents établissements sans qu'une mission particulière lui ait été attribuée. En outre, l'assimilation du noviciat à une période de formation est corroborée par les statuts de la congrégation aux termes desquels « les novices auront des exercices propres ». Madame X... n'établit donc pas qu'elle se trouvait avant le prononcé de ses premiers voeux dans une situation identique à celle d'une professe ayant prononcé ses premiers voeux » ;
1°) ALORS QUE les conditions d'assujettissement au régime de sécurité sociale des ministres des cultes et membres de congrégations et collectivités religieuses découlent exclusivement des dispositions du Code de la sécurité sociale ; qu'il incombe ainsi au juge d'apprécier in concreto si le candidat à la vie religieuse non encore profès s'est, au cours de son noviciat, pleinement consacré à son engagement religieux et a ainsi, en dépit même de l'absence d'émission de voeux, acquis la qualité de membre de la communauté ou de la congrégation ; qu'en l'espèce, afin de refuser de valider les trimestres correspondant à la période au cours de laquelle Madame X... n'était pas encore profès, la Cour d'appel a seulement retenu que Madame X..., par hypothèse et par définition, n'ayant pas émis de voeux, ne s'était pas encore engagée vis-à-vis de la congrégation, restait libre de toute obligation à l'égard de celleci et n'avait pas encore été reconnue membre de cette communauté religieuse, que ce n'était qu'à compter du prononcé des premiers voeux qu'elle avait acquis cette qualité et qu'elle ne se trouvait donc pas dans la même situation qu'une professe ; qu'en considérant que, dans ces conditions, la participation de Madame X... à la vie de la congrégation au cours de cette période et sa soumission au règlement du noviciat, qui attestaient pourtant d'une pleine consécration à l'engagement religieux, n'avaient pas suffi à lui faire acquérir le statut de membre de la congrégation justifiant son affiliation au régime des cultes, la Cour d'appel a violé les articles L. 382-15, anciennement l'article L. 721-1, et L. 382-29-1 du Code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS QUE l'article L. 382-29-1 du Code de la sécurité sociale dispose seulement que peuvent faire l'objet d'un rachat les périodes de formation accomplies au sein de congrégations ou de collectivités religieuses ou dans des établissements de formation des ministres du culte qui précèdent l'obtention du statut défini à l'article L. 382-15 du même code entraînant affiliation au régime des cultes ; qu'il en résulte que cette disposition ne rend pas exclusives la qualité de novice et celle de membre d'une congrégation ou d'une collectivité religieuse ¿ le « statut » visé - et laisse le juge civil en charge de l'appréciation in concreto de l'affiliation au cours de cette période de noviciat ; qu'en considérant qu'il résulte de ces dispositions que la période de noviciat constitue nécessairement une période de formation qui, comme telle, précède tout aussi nécessairement l'acquisition de la qualité de membre d'une congrégation ou d'une collectivité religieuse ou de ministre des cultes au sens de l'article L. 382-15, anciennement l'article L. 721-1 et qu'elle ne peut donc donner lieu à affiliation au régime de l'assurance vieillesse des ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses que dans les conditions fixées par ces dispositions, la Cour d'appel a ignoré la portée de cette disposition ne faisant qu'ajouter un cas de rachat sans évincer les règles générales d'assujettissement au régime vieillesse de la sécurité sociale et a ainsi violé les articles L. 382-15, anciennement l'article L. 721-1, et L. 382-29-1 du Code de la sécurité sociale ;
3°) ALORS QU'en relevant, dans des motifs adoptés, que Madame X... avait évoqué l'absence d'organisation structurée de la journée au sein de la congrégation, chacun organisant sa journée en fonction de ses obligations, et le seul temps en commun étant l'office du soir et le repas pris en commun, la Cour d'appel a déduit un motif dépourvu de toute valeur comme établissant précisément que les novices et les membres profès de la congrégation étaient soumis à une organisation semblable ; qu'en statuant de la sorte, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 382-15, anciennement l'article L. 721-1, et L. 382-29-1 du Code de la sécurité sociale.