LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 565 du code de procédure civile ;
Attendu que la demande tendant à obtenir une majoration des dommages et intérêts en appel en raison de l'aggravation du dommage survenue depuis la décision du premier juge tendant à la même fin d'indemnisation du préjudice subi que celle soumise au premier juge est recevable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 25 janvier 2008, M. X..., qui circulait à motocyclette, a été heurté par le véhicule conduit par de Mme Y..., assuré auprès de la société Avanssur (l'assureur) ; qu'il les a assignés en réparation de ses préjudices ;
Attendu que pour fixer l'indemnité représentative du préjudice corporel de la victime à la seule somme de 60 446, 42 euros, condamner Mme Y... et l'assureur in solidum à lui payer, déduction faite des provisions, la seule somme de 2 146, 42 euros en réparation de son préjudice corporel, confirmer le jugement pour le surplus, déclarer le rapport d'expertise privée du docteur Z... inopposable à la société Avanssur, déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts formée par M. X... en réparation de son préjudice résultant de l'aggravation de son état de santé et débouter ce dernier de sa demande d'expertise judiciaire tendant à faire constater l'aggravation de son état de santé, l'arrêt énonce que M. X... fait valoir que son état de santé imputable à l'accident s'est aggravé depuis le prononcé du jugement en raison d'une infection à staphylocoque doré contractée suite à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse le 8 octobre 2012 qui l'a empêché de travailler du 9 octobre 2012 au 30 septembre 2013 et a augmenté son préjudice, notamment professionnel, puisqu'il a été dans l'obligation de vendre son fonds de commerce de buraliste ; que cette aggravation est confirmée par le rapport d'expertise privée du docteur Z... mandaté par sa compagnie d'assurance ; que, cependant, les opérations d'expertise du docteur Z... ne sont pas contradictoires, l'assureur n'ayant pas été invité à y participer, de sorte que son rapport ne lui est pas opposable ; qu'en raison de l'effet dévolutif de l'appel, la cour n'est saisie que de l'évaluation du préjudice faite par le premier juge et non de l'aggravation alléguée et du préjudice lié à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse, qui constitue une nouvelle demande, non examinée par le tribunal, et partant, irrecevable ; que, dans ces conditions, il ne sera pas fait droit à la demande d'expertise judiciaire et la cour statuera au vu du rapport d'expertise du 9 juillet 2010 qui repose sur un examen complet de la victime et permet d'évaluer complètement son préjudice corporel ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la demande d'indemnisation du préjudice majorée en cause d'appel tendait aux mêmes fins que celle soumise au premier juge, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;
Condamne Mme Y... et la société Avanssur aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... et de la société Avanssur ; les condamne à payer à M. X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour M. X....
II est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé l'indemnité représentative du préjudice corporel de la victime à la somme de 60. 446, 42 ¿ seulement, d'avoir condamné Mme Hélène Y... à payer à M. Daniel X... la seule somme de 2. 146, 42 ¿ en réparation de son préjudice corporel, d'avoir confirmé le jugement pour le surplus, d'avoir déclaré le rapport d'expertise privée du docteur Z... inopposable à la société AVANSSUR, d'avoir déclaré irrecevable la demande formée par M. Daniel X... en réparation de son préjudice résultant de l'aggravation de son état de santé et de l'avoir débouté de sa demande d'expertise judiciaire tendant à faire constater cette aggravation ;
AUX MOTIFS QUE M. Daniel X... fait valoir que son état de santé imputable à l'accident s'est aggravé depuis le prononcé du jugement en raison d'une infection à staphylocoque doré contractée suite à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse le 8 octobre 2012 qui l'a empêché de travailler du 9 octobre 2012 au 30 septembre 2013 et a augmenté son préjudice, notamment professionnel, puisqu'il a été dans l'obligation de vendre son fonds de commerce de buraliste ; Que cette aggravation est confirmée par le rapport d'expertise privé du docteur Z... mandaté par sa compagnie d'assurances ; Que, cependant, d'une part, les opérations d'expertise du docteur Z... ne sont pas contradictoires, la SA AVANSSUR n'ayant pas été invitée à y participer, et son rapport ne lui est pas opposable ; Que, d'autre part, en raison de l'effet dévolutif de l'appel, la cour n'est saisie que de l'évaluation du préjudice faite par le premier juge et non de l'aggravation alléguée et du préjudice lié à l'ablation du matériel d'ostéosynthèse, qui constitue une nouvelle demande, non examinée par le tribunal et, partant, irrecevable ; Que, dans ces conditions, il ne sera pas fait droit à la demande d'expertise judiciaire et la cour statuera au vu du rapport d'expertise du docteur A... du 9 juillet 2010 qui repose sur un examen complet de la victime et permet d'évaluer complètement son préjudice corporel ; Qu'aux termes de ce rapport, M. X... a présenté, suite à l'accident du 25 janvier 2008, une fracture ouverte de l'extrémité inférieure du tibia droit ayant nécessité la mise en place de matériel d'ostéosynthèse durant des périodes d'hospitalisations, et conserve des séquelles consistant en une raideur importante de la cheville associée à une boiterie antalgique, des séquelles neurologiques et dans un contexte anxio-dépressif. Que ses conclusions sont les suivantes :- déficit fonctionnel temporaire total :- du 25 janvier 2008 au 4 février 2008- du 11 au 20 février 2009- du 7 au 11 août 2009- du 21 au 29 septembre 2009- déficit fonctionnel temporaire partiel durant les périodes intermédiaires jusqu'à la date de consolidation-souffrances endurées 4/ 7- consolidation le 11 février 2010- déficit fonctionnel permanent 25 %- préjudice esthétique permanent 2/ 7,- soins futurs : 60 séances après consolidation,- aide technique : chaussures orthopédiques à renouveler ; Qu'au vu de ces conclusions, de l'âge de M. X... à la date de consolidation le 11 février 2010, soit 48 ans, de son activité d'exploitant d'un commerce de tabac, presse et loto, et des pièces justificatives produites, le préjudice s'établit comme suit :
- Sur les préjudices patrimoniaux :
- Préjudices patrimoniaux temporaires :
- dépenses de santé actuelles : frais médicaux restés à charge : 348, 19 ¿, ce montant n'étant contesté par aucune des parties,- frais divers : 1. 500 ¿, ce montant étant justifié et non contesté par les parties,- perte de gains professionnels actuels : Que le premier juge a retenu au vu des périodes d'incapacité totale de travail indiquées par l'expert du 25 janvier 2008 au 31 mai 2009 et du 21 septembre au 15 novembre 2009, et des comptes de résultat des exercices concernés, sans tenir compte des cotisations personnelles de M. X..., des frais supplémentaires de personnel justifiés pour 15. 700 ¿ ; Que M. Daniel X... n'établit pas l'existence d'autres frais supplémentaires de personnel en l'absence de production du détail des comptes de charges et produits par exercice et du DAS, et la cour ne peut prendre en compte les périodes d'arrêt de travail postérieures résultant de l'ablation du matériel d'ostéosynthèse ; Qu'il y a lieu de déduire les indemnités journalières versées par le RSI PREVIFRANCE pour 11. 092, 39 ¿ et 1. 839, 38 ¿ comme l'indique M. X... lui-même, de sorte que l'indemnité au titre de la perte des gains professionnels actuels lui revenant est de 15. 700-12. 931, 77 : 2. 768, 23 ¿ ; Qu'aucun autre montant à venir en déduction ne résulte des décomptes de la caisse, Que M. X... ne rapporte aucune preuve de ce que la perte de valeur de son fonds de commerce soit imputable à l'accident ;
Préjudices patrimoniaux permanents :
- Préjudices professionnels : perte de gains professionnels futurs La perte de gains professionnels futurs est constituée par la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente de la victime, que M. X... évalue à 50. 000 ¿ sur la base du taux d'IPP de 25 % retenu par l'expert, caractérisé par une boiterie, l'impossibilité d'une station debout prolongée et une fatigabilité accrue ; Que ces séquelles ont conduit M. X... à la vente de son fonds de commerce, l'activité de buraliste n'étant plus possible ; Que l'expert a exclu expressément tout préjudice professionnel après consolidation, précisant qu'il n'est pas nécessaire pour M. X... de suivre un reclassement professionnel ou de modifier son travail ; qu'il a repris la même activité qu'il exerçait avant les faits ; Que les conclusions médicales n'indiquent aucune répercussion nécessitant une réduction d'activité professionnelle ; Que c'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté la demande formée au titre de la perte de gains professionnels futurs ou de l'incidence professionnelle ; Que M. X... ne justifie pas de l'existence d'un lien de causalité entre l'accident et la vente de son fonds de commerce en décembre 2013 ;
- Dépenses consécutives à la réduction d'autonomie : l'assistance par tierce personne Que M. X... réclame à ce titre la somme de 15. 372 ¿ expliquant que compte tenu de son état de santé, il a dû être aidé par ses proches à raison de 2 heures par jour de février 2008 à juin 2009, hors périodes d'hospitalisation, puis en raison de l'aggravation de son état de santé, pour la période postérieure au 10 octobre 2012 ; Que la société AVANSSUR offre de fixer les besoins en tierce personne à 1 heure par jour pendant 5 semaines sur la base de 12 ¿ dès lors que cette aide a été prodiguée par la famille et les amis ; Que le premier juge a à juste titre admis une aide de 1 heure par jour à 12 ¿ pendant 10 semaines sur la base de l'expertise qui retient la nécessité d'une aide humaine temporaire pendant quelques semaines après les interventions chirurgicales sans toutefois l'accepter sur toute la période antérieure à la consolidation hors hospitalisation, de sorte que l'indemnité de 840 ¿ est justifiée et suffisante, étant observé que les périodes d'immobilisation postérieures à l'intervention pour l'ablation du matériel d'ostéosynthèse ne sont pas examinées par la cour ;
Sur les préjudices extra-patrimoniaux :
- Préjudices extra-patrimoniaux temporaires 1- déficit fonctionnel temporaire Les périodes de déficit fonctionnel temporaire total ont été fixées comme suit par l'expert :- du 25 janvier 2008 au 4 février 2008- du 11 février 2008 au 22 février 2008- du 7 août 2008 au 11 août 2008- du 21 septembre 2009 au 24 septembre 2009, Que le préjudice résultant de la gêne dans les actes de la vie courante pendant la maladie traumatique a été justement indemnisé par le premier juge par la somme de 600 ¿ ; Que l'expert a retenu un déficit fonctionnel temporaire partiel durant les périodes intermédiaires jusqu'à la date de consolidation le 11 février 2010, soit pendant 23 mois et 12 jours ; que l'indemnisation doit être proportionnellement diminuée lorsque l'incapacité temporaire est partielle ; qu'une somme de 400 ¿ par mois sera retenue par la cour, soit une indemnisation de 9. 360 ¿ ; Que le jugement sera réformé et il sera alloué au total la somme de 9. 990 ¿ au titre du déficit fonctionnel temporaire ; Qu'aucune somme ne peut être réclamée par M. X... au titre de l'aggravation qui n'est pas examinée par la cour ; 2- les souffrances endurées : Que l'expert a évalué ce poste à 4/ 7, en tenant compte d'une part des différentes périodes d'hospitalisation et interventions chirurgicales, et d'autre part des soins de kinésithérapie et de l'état anxio-dépressif ; Que les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant sa maladie traumatique jusqu'à la consolidation ont été justement appréciées et indemnisées par le premier juge à la somme de 10. 000 ¿ ; Que les souffrances endurées à la suite de l'ablation du matériel d'ostéosynthèse n'ont pas à être prise en compte.
- Préjudices extra-patrimoniaux permanents : 1- Déficit fonctionnel permanent : Qu'il a été évalué à 25 % par l'expert compte tenu de séquelles consistant en une raideur de la cheville et un contexte anxio-dépressif et indemnisé par la somme justifiée et non contestée de 27. 500 ¿ ; que le jugement sera confirmé de ce chef ; 2- Préjudice esthétique permanent : Qu'il a été évalué à 2/ 7 et est caractérisé par une cicatrice au niveau du mollet droit, des cicatrices chirurgicales ainsi qu'une boiterie, que l'indemnisation de 3. 000 ¿ est excessive au regard du caractère léger du préjudice, du sexe et de l'âge de la victime ; qu'elle sera ramenée à somme de 2. 500 ¿. 3- Préjudice d'agrément : Que le préjudice d'agrément vise exclusivement à réparer le préjudice spécifique lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisir ; que M. X... justifie par une attestation qu'il pratiquait le footing, le vélo, la randonnée et le ski, sans toutefois être adhérent à un club sportif ; que l'expert a estimé le préjudice d'agrément compatible ; que, compte tenu des séquelles de l'accident : raideur de la cheville associée à une boiterie antalgique, l'indemnité de 5. 000 ¿ allouée par le premier juge est justifiée et suffisante. Que l'indemnité représentative du préjudice corporel de M. X... sera donc fixée à la somme de 60. 446, 42 ¿ et que, compte tenu des provisions de 58. 300 ¿ déjà versées, il lui revient la somme de 2. 146, 42 ¿ ;
1° ALORS QUE par application de l'article 564 du code de procédure civile, les parties peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions pour faire juger les questions nées de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'en déclarant irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande indemnitaire formée par M. Daniel X... aux fins d'obtenir la réparation des conséquences de l'aggravation de son état de santé, quand cette aggravation était intervenue postérieurement au jugement de première instance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2° ALORS QUE les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; qu'en déclarant irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande indemnitaire formée par M. Daniel X... aux fins d'obtenir la réparation des conséquences de l'aggravation de son état de santé, quand cette demande tendait aux mêmes fins que celle formée devant les premiers juges, la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile ;
3° ALORS QUE par application de l'article 566 du code de procédure civile, les parties peuvent solliciter en cause d'appel toutes demandes qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles formées devant les premiers juges ; qu'en déclarant irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande indemnitaire formée par M. Daniel X... aux fins d'obtenir la réparation des conséquences de l'aggravation de son état de santé, quand cette demande était le complément de celle formée devant les premiers juges, la cour d'appel a violé le texte sus visé ;
4° ALORS QU'une expertise amiable ne peut être déclarée inopposable à une partie du seul fait que cette dernière n'aurait pas été convoquée aux opérations d'expertise lorsque cette partie a été mise en mesure de discuter les conclusions de l'expert ; que la cour d'appel, qui a constaté que l'aggravation de l'état de santé de M. Daniel X... était confirmée par le rapport d'expertise privée du docteur Z... mandaté par la compagnie d'assurances de la victime, mais qui a considéré que cette expertise n'était pas opposable à AVANSSUR, quand le rapport du docteur Z... avait été régulièrement versé aux débats, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
5° ALORS QUE le juge est tenu de faire droit à la demande d'expertise médicale lorsque les faits à juger ne peuvent être établis, en raison de leur technicité, que par un expert ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté que l'aggravation de l'état de santé de M. Daniel X... était confirmée par le rapport d'expertise privée du docteur Z..., mais a écarté ces conclusions au motif que cette expertise était inopposable à la société AVANSSUR, tout en refusant d'ordonner une expertise médicale ayant pour objet de constater l'aggravation de l'état de santé de M. Daniel X..., a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et 1382 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice.