LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 12, 13 et 28 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980, modifié par le décret n° 84-815 du 31 août 1984 ;
Attendu que selon le dernier de ces textes, pour les demandes en indemnité d'éviction, l'intérêt du litige est déterminé par le chiffre de la condamnation ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel statuant en matière de taxe, que dans un litige concernant le renouvellement du bail commercial portant sur un immeuble sis à Paris, 76 rue du Faubourg Saint-Honoré, ayant notamment opposé Mme X..., bailleur, à la société Maurice Segoura, preneur, cessionnaire de la société Fives Lille, un arrêt de la cour d'appel de Nancy du 8 décembre 2011 a condamné Mme X... aux entiers dépens d'instance et d'appel ; que cette dernière a contesté l'état de frais de la SCP Y...
Z..., qui l'avait représentée devant la cour d'appel ;
Attendu que pour rejeter la réclamation formée par Mme X..., l'ordonnance énonce que celle-ci, qui a été condamnée aux entiers dépens d'appel aux termes de l'arrêt du 8 décembre 2011 conteste la prise en compte dans le calcul de l'intérêt du litige, tel qu'il ressort de l'état de frais vérifié, des demandes de la société Maurice Segoura, d'une part, au titre de l'indemnité d'éviction pour un montant de 16 779 150 euros, correspondant à 8 100 unités de base, suivant bulletin d'évaluation s'agissant d'une demande non évaluable en argent ; qu'en l'espèce, le tribunal de grande instance de Paris a reconnu aux termes de son jugement du 5 juin 1990 le droit de la société Maurice Segoura à une indemnité d'éviction qu'il n'a cependant pas chiffrée, ordonnant sur ce point une mesure d'expertise ; que la cour d'appel de Nancy au profit de laquelle la cour d'appel de Paris s'est dessaisie a, par arrêt du 9 mars 2006, infirmé le jugement entrepris et débouté la société Maurice Segoura de sa demande de paiement d'une indemnité d'éviction, réservant à statuer sur les autres demandes formées tant par Mme X... que par la société Maurice Segoura, et la société Fives Lille ; que le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de cassation ; que la société Maurice Segoura a néanmoins repris devant la cour d'appel sa demande tendant au paiement d'une indemnité d'éviction, pour la somme de 16 645 900 euros, qui a été déclarée irrecevable par arrêt du 8 décembre 2011 ; qu'à défaut de condamnation chiffrée prononcée par le tribunal ou la cour d'appel et la demande excédant en tout état de cause 2 000 unités de base, l'émolument est représenté par un multiple de l'unité de base fixé ; qu'au vu du bulletin d'évaluation proposé par les avoués, après avis de la chambre des avoués, l'intérêt pécuniaire concernant ce chef de demande a été fixé par un conseiller de la formation ayant rendu l'arrêt du 8 décembre 2011 à la somme de 16 779 150 euros, correspondant à 8 100 unités de base eu égard d'une part, à la particulière complexité de l'affaire, d'autre part, à la valeur en litige ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la demande de paiement d'indemnité éviction avait été déclarée irrecevable, ce dont il résultait que le litige n'était pas évaluable en argent, le premier président a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance de taxe rendue le 23 mai 2014, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance de taxe et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Y... et Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Y... et Z..., la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance de taxe cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Savatier, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché et par Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Le moyen fait grief à l'ordonnance de taxe attaquée d'avoir rejeté la réclamation formée par Madame X... contre le certificat de vérification des dépens établi par la SCP Y... et Z...,
AUX MOTIFS QUE le présent état de frais, vérifié le 19 août 2013, a pour objet d'arrêter la rémunération due à la SCP Y... et Z... pour l'ensemble de la procédure qu'elle a suivie devant la cour d'appel de céans au nom et pour le compte de Madame X... condamnée in fine aux dépens ; que l'état de frais établi par la SCP d'avoué en août 2006 pour la somme de 20 632 €, en l'état des diligences alors accomplies est un état de frais provisoire, et les sommes de 16 352 €, 1265 € et 3014 €, versées à titre provisoire, viennent en déduction des montants finalement dus ; qu'en l'espèce, Madame X... qui a été condamnée aux entiers dépens d'appel aux termes de l'arrêt du 8 décembre 2011 conteste la prise en compte dans le calcul de l'intérêt du litige, tel qu'il ressort de l'état de frais vérifié, des demandes de la Sté MAURICE SEGOURA, d'une part, au titre de l'indemnité d'éviction pour un montant de 16 779 150 €, correspondant à 8100 unités de base, suivant bulletin d'évaluation s'agissant d'une demande non évaluable en argent, et d'autre part, au titre du renouvellement du bail, pour un montant de 895 279 €, s'agissant d'une demande évaluable en argent, les autres postes n'étant pas critiqués ; qu'en premier lieu, il résulte de l'article 24 du décret du 30 juillet 1980, modifié par les décrets des 4 septembre 1984 et 14 mai 2003 fixant le tarif des avoués qu'en toutes matières, pour toute procédure et pour chaque partie ayant des intérêts distincts, et présentant des demandes fondées sur une même cause, l'émolument est calculé sur l'intérêt du litige apprécié pour chacune des parties ; que par ailleurs, selon les articles 9 et 11 du décret, lorsque le litige est évaluable en argent, l'avoué est rémunéré par un émolument proportionnel à l'importance de l'affaire, calculé en unités de base, dont le montant actuel est de 2, 70 euros suivant un barème dégressif en fonction du montant du litige ; que l'article 25 dispose que l'intérêt du litige est constitué par le total de la valeur des droits réels et personnels, objet de la saisine de la cour ; que lorsqu'il s'agit du paiement d'une somme d'argent, cet intérêt est déterminé par le total le plus élevé du montant de chacune des créances ou préjudices, en capital et intérêts, reconnu ou apprécié soit par le tribunal soit par la cour et ayant servi de base au montant des condamnations prononcées par l'une ou l'autre de ces juridictions ; qu'il sera également rappelé que selon l'article 12 1° du décret, pour les demandes donnant lieu à un émolument global, supérieur à 2000 unités de base, soit 5400 €, l'émolument proportionnel est représenté par un multiple de l'unité de base, lequel est déterminé conformément aux articles 13 et 14 du tarif, en fonction de l'importance ou de la difficulté de l'affaire, soit par le président de la formation qui a statué ou en cas d'empêchement par l'un des conseillers ; qu'en premier lieu, sur la demande en indemnité d'éviction, qu'il résulte de l'article 28 du décret, que l'intérêt du litige est « déterminé par le chiffre de la condamnation » ; qu'en l'espèce, il sera rappelé que le tribunal de grande instance de Paris a reconnu aux termes de son jugement du 5 juin 1990 le droit de la Sté MAURICE SEGOURA à une indemnité d'éviction qu'il n'a cependant pas chiffrée, ordonnant sur ce point une mesure d'expertise ; que la cour d'appel de Nancy au profit de laquelle la cour d'appel de Paris s'est dessaisie a, par arrêt du 9 mars 2006, infirmé le jugement entrepris et débouté la Sté MAURICE SEGOURA de sa demande de paiement d'une indemnité d'éviction, réservant à statuer les autres demandes formées tant par Madame X... que par la Sté MAURICE SEGOURA, et la Sté FIVES LILLE ; que le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de cassation ; que la Sté MAURICE SEGOURA a néanmoins repris devant la cour d'appel sa demande tendant au paiement d'une indemnité d'éviction, pour la somme de 16 645 900 €, qui a été déclarée irrecevable par arrêt du 8 décembre 2011 ; qu'à défaut de condamnation chiffrée prononcée par le tribunal ou la cour d'appel et la demande excédant en tout état de cause 2000 unités de base, l'émolument est représenté par un multiple de l'unité de base fixé conformément aux dispositions rappelées ci-dessus ; qu'il sera rappelé qu'au vu du bulletin d'évaluation proposé par les avoués, après avis de la chambre des avoués, l'intérêt pécuniaire concernant ce chef de demande a été fixé par un conseiller de la formation ayant rendu l'arrêt du 8 décembre 2011 à la somme de 16 779 150 €, correspondant à 8100 unités de base ; qu'eu égard d'une part, à la particulière complexité de l'affaire, telle qu'elle résulte des multiples jeux de conclusions déposés par les parties sur ce point, depuis l'année 2000, et des arrêts prononcés par la cour d'appel les 9 mars 2006 et 8 décembre 2013, étant rappelé que la Sté MAURICE SEGOURA a repris sa demande après reprise des débats devant la cour, alors qu'il en avait été débouté par arrêt du 9 mars 2006, contre lequel le pourvoi qu'il avait formé avait été rejeté, et que les parties ont dû débattre de la recevabilité de ses prétentions, d'autre part, à la valeur en litige ; que sur la demande au titre du renouvellement du bail, qu'aux termes de l'article 29 1° du décret, le capital représentant l'intérêt du litige est déterminé par une valeur au loyer afférent à la durée du bail, sans pouvoir excéder trois années du montant du dernier loyer connu ; qu'il est constant que par arrêt du 3 octobre 1995, la cour d'appel de Nancy a confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 4 décembre 1986 et sur la base du rapport de l'expert commis par ce jugement a porté le loyer annuel à la somme de 1 957 550 F soit 298 7 426 € ; que l'intérêt du litige, évaluable en argent a justement été fixé à la somme de 895 279 € ; que l'état de frais vérifié ne souffre aucune critique de ce chef ; qu'ainsi que développé ci dessus, la prise en compte de cette demande dans l'état de frais définitif ne fait pas double emploi avec l'état de frais intermédiaire, de sorte que la demande de Madame X... tendant au remboursement par la SCP Y... et Z... des sommes qu'elle a versées en règlement de l'état de frais du 18 août 2006, calculées sur l'assiette de 895 279 € doit être rejetée, les dites sommes étant déduites de la créance finale ;
ALORS QU'aux termes de l'article 28 du décret du 30 juillet 1980, modifié par décret du 4 septembre 1984 et du 14 mai 2003, pour les demandes en paiement d'indemnité d'éviction, l'intérêt du litige est déterminé par le chiffre de la condamnation, l'article 30 précisant que la condamnation prise en considération est la plus forte de celles prononcées par le tribunal ou par la cour d'appel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la demande de paiement d'éviction avait été déclarée irrecevable, mais a évalué l'intérêt pécuniaire du litige à la somme de 16 779 150 €, soit le montant même de la demande d'indemnité d'éviction, correspondant à 8100 unités de base, outre la complexité de l'affaire et sa valeur, et déclaré en conséquence fondé l'état de frais établi sur ce point par la SCP Y... et Z... ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales s'en évinçant au regard de la disposition susvisée a violé celle-ci.