LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 février 2014), que Mmes Yolande et Geneviève X... (les consorts X...), propriétaires d'une maison donnant sur une cour commune desservant également les propriétés voisines appartenant à Mmes Claudine H..., Martine et Véronique Z...et MM. Bertrand et Philippe Z...(les consorts Z...), ont assigné ces derniers en démolition de constructions édifiées sans leur autorisation dans le sous-sol et sur l'assiette de la cour ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que les titres de propriété des consorts X... mentionnaient l'existence d'une " cour devant faisant retour sur la route et pour partie commune ", retenu, par une interprétation souveraine de ces titres, que les consorts X... ne pouvaient se prévaloir de droits que sur la partie de la cour située devant leur maison et constaté que les constructions édifiées par les consorts Z...n'étaient pas situées sur ou sous cette partie de la cour, la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la demande de démolition devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé qu'il ressortait des constatations de l'expert et des croquis d'arpentage annexés à son rapport, ainsi que du plan des lieux et des plans cadastraux que la terrasse litigieuse avait été édifiée sur l'emplacement d'un petit bâtiment ancien et de ses annexes qui étaient accolés à la parcelle actuellement cadastrée AA 80 et souverainement retenu que les consorts X... n'établissaient pas que cette terrasse empiétait sur la partie de cour située devant leur propriété, la cour d'appel, sans dénaturer le rapport d'expertise dont les conclusions ne s'imposaient pas à elle, en a exactement déduit que la demande de démolition partielle de la terrasse devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer aux consorts Z...la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande tendant à la condamnation sous astreinte des consorts Z...à l'enlèvement du portail séparant la cour commune en deux parties, ensemble à la démolition des constructions implantées dans le sous-sol de la cour commune ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Mesdames X... et A... tirent leurs droits de 1'acte authentique de vente des 11 juillet et 23 décembre 1953 aux termes duquel Léontine B..., veuve X..., a acquis par licitation la propriété des biens désignés ainsi qu'il suit : " Une maison en mauvais état sise à Trucy-sur-Yonne (Yonne) ¿ cour devant faisant retour sur la route et en partie commune. Tenant par-devant par la cour la route et Madame Veuve B..., née D..., au fond plusieurs, d'un côté I...et d'autre côté J... René Prudent » ; que cette désignation, notamment l'expression " cour devant faisant retour sur la route et en partie commune " se retrouve dans le titre de l'auteur de Léontine B..., veuve X..., soit l'acte du 5 décembre 1926 valant adjudication à titre de licitation au profit de Jean-Louis B...; que, préalablement à la présente action, par acte du 28 mai 1985, Léontine B..., veuve X..., représentée par Madame Yolande X..., ès qualités de tutrice de sa mère, a introduit à l'encontre des consorts Z...une action en bornage ; que Monsieur E..., désigné en qualité d'expert par jugement du 6 février 1986, a indiqué dans son rapport déposé le 9 avril 1987 qu'aucune mention dans les titres étudiés ne permettait de définir ou localiser nettement " la partie privative " de la cour litigieuse et qu'il a dressé un plan des lieux annexé à son rapport (annexe n° 8) ; que Léontine X... n'a pas donné de suite à cette procédure ; qu'il ressort de leurs titres que Mesdames X... et A... ne peuvent se prévaloir que de droits sur la " cour devant faisant retour sur la route et en partie commune " ; que, contrairement à l'interprétation de l'expert, cette expression ne signifie pas qu'une partie de la cour est privative, mais que seule la partie de la cour devant le bien cadastré AA n° 76 (anciennement B 1401), et faisant retour sur la route, est commune à Mesdames X...-A...et aux autres titulaires de droits sur la cour commune ; qu'ainsi, ne pouvant prétendre à la propriété indivise de la totalité de la cour commune cadastrée section AA n° 79 sur laquelle les consorts Z...ont des droits, les intimées doivent établir que les constructions dont elles demandent la démolition ont été édifiées sur ou sous la partie de la cour sur laquelle elles ont des droits, c'est à dire sur ou sous la " cour devant faisant retour sur la route " ; qu'il ressort des propres conclusions des intimées que la parcelle cadastrée section AA n° 79, dénommée " cour commune ", comprend une première partie faisant face à la route de Vézelay, située devant leur propriété, puis, une seconde partie, située au milieu des propriétés des appelants et que les consorts Z..., qui ont apposé un portail séparant ces deux parties, auraient accaparée par les constructions en sous-sol dont Mesdames X... et A... demandent la destruction ; qu'il ne se déduit pas de ces éléments que le portail et les constructions en sous-sol aient été édifiées sur et sous la " cour devant faisant retour sur la route ", seule partie de la cour commune sur laquelle Mesdames X... et A... ont des droits ; qu'au contraire, il ressort des constations de Monsieur E..., du plan annexé au rapport et des photographies versées aux débats, que le portail et les constructions en sous-sol sont situés sur et sous la partie de la cour commune sur laquelle Mesdames X... et A... n'ont pas de droits ; qu'en conséquence, Mesdames X... et A... doivent être déboutées de leurs demandes de destruction du portail et des constructions en sous-sol, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il a condamné les consorts Z...à détruire les constructions situées sous la cour commune cadastrée section AA n° 79 sous astreinte et à enlever sous astreinte le portail séparant en deux cette même cour ;
ALORS QUE l'indivision ne peut prendre fin que par un partage ; que dès lors, faute d'avoir recherché, comme elle y était invitée par Madame X... (cf. les dernières écritures de Mesdames X... et G..., p. 7 in fine et p. 8, paragraphes 1 et 2) et comme cela était établi par les documents et titres anciens, tels qu'examinés par l'expert judiciaire (cf. le rapport d'expertise de 1987, p. 9, a), si la cour commune n'était pas à l'origine indivise dans sa totalité et, dans l'affirmative, si un acte était intervenu à un moment ou à un autre à l'effet de faire cesser l'indivision, la Cour ne pouvait retenir que Mesdames X... et A... n'avaient pas de droit sur la portion de cour qui constituait l'assiette des constructions en sous-sol et du portail litigieux, sauf à priver sa décision de base légale au regard des articles 545 et 815 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande tendant à la condamnation sous astreinte des consorts Z...à démolir la partie de la terrasse attenante à la parcelle AA n° 80 et empiétant sur la cour commune cadastrée AA n° 79 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE s'agissant de la terrasse située sur la parcelle AA n° 80 qui empiéterait sur la cour commune, il ressort des constatations de l'expert, du plan des lieux qu'il a dressé et des anciens plans cadastraux et croquis d'arpentage annexés à son rapport, qu'il existait en 1842 et en 1861 un petit bâtiment accolé à la petite maison anciennement cadastrée n° 219, puis n° 182, auquel venait s'adjoindre une descente de cave et un jardinet clos d'un grillage existant en 1965 et que c'est sur l'emplacement de ce petit bâtiment et de ses annexes que la terrasse litigieuse a été édifiée ; que Mesdames X... et A... n'établissent pas que cette terrasse empiète sur la cour située devant leur propriété, le jardinet se trouvant en son temps devant le bâtiment dépendant de la propriété des consorts Z...; que dans ces conditions, les intimées ne peuvent en demander la destruction, de sorte que le jugement entrepris doit être infirmé en toutes ses dispositions ;
ALORS QUE dans son rapport du 9 avril 1987 (cf. ledit rapport p. 9, deux derniers paragraphes), l'expert judiciaire, qui avait alors été désigné en la personne de Monsieur Jean E..., écrivait : « il existait en 1842 et en 1861 un petit bâtiment accolé à la petite maison (propriété Z...¿), auquel venait s'adjoindre une descente de cave et un jardinet clos d'un grillage existant en 1965, année de la vente aux époux
H...
; ces derniers paraissent donc ne pas avoir outrepassé leurs droits en en ayant pris possession sous réserve d'en respecter les limites » ; qu'il ajoutait : « d'après les documents en notre possession, en particulier le plan d'alignement ¿, la terrasse serait plus large d'environ 50 cm que l'ancien bâtiment » ; qu'en prétendant se référer, pour dire que la terrasse litigieuse n'empiétait pas sur la cour commune, aux constatations de l'expert et aux documents annexés à son rapport, tout en faisant abstraction de l'énonciation capitale de ce rapport, selon laquelle la terrasse édifiée aux lieu et place du petit bâtiment, de la descente de cave et du jardinet, était plus large d'environ 50 cm, ce qui était de nature à faire ressortir l'empiètement dénoncé, la Cour dénature par omission l'énonciation susvisée dudit rapport d'expertise, en violation du principe interdisant aux juges de statuer au prix d'une dénaturation des éléments de la cause.