LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 2014), que, le 21 décembre 1988, un contrat, portant sur le développement d'un portefeuille de courtage d'assurances dans le domaine des transports en Martinique, a été conclu entre M. X..., courtier d'assurances, et la société D et L Y... courtiers d'assurances maritimes et transports (Y...) représentée par M. Y... ; que, les 25 janvier et 4 février 2005, ils ont signé un second contrat, se substituant au précédent, aux termes duquel ils ont déclaré être liés par une obligation d'exclusivité à l'égard de certains assurés ; que le contrôle de la société Y... ayant été cédé à la société Filhet Allard Maritime (FAM), M. X...a, par acte du 29 avril 2011, assigné M. Y..., devant un tribunal de commerce, pour voir déclarer nulle ou inopposable la cession d'actions intervenue en fraude de ses droits ; que, le 20 juin 2011, la société FAM a mis en oeuvre la clause d'arbitrage insérée dans le second contrat, stipulant une procédure à deux degrés, et demandé la condamnation de M. X...au paiement de dommages-intérêts pour l'inexécution de ses engagements contractuels ; que, par une sentence interlocutoire au second degré rendue à Paris le 6 mars 2013, le tribunal arbitral s'est déclaré compétent pour trancher le litige et a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par M. X...; que ce dernier a formé un recours en annulation de la sentence ; Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt de rejeter son recours ;
Attendu, d'abord, qu'après avoir retenu que les appréciations portées dans la sentence sur le comportement procédural de M. X..., tenant à une manoeuvre dilatoire, n'étaient pas étrangères à l'objet du litige et ne visaient pas sa personne, et que l'examen, par le tribunal arbitral, qui devait se prononcer sur sa compétence, de l'opposabilité à M. X...de la cession des parts de la société Y... à la société FAM, ne caractérisait pas une manifestation de partialité, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a retenu, à bon droit, que le tribunal arbitral n'avait pas manqué à l'exigence d'impartialité ;
Attendu, ensuite, qu'après avoir exactement relevé que la sentence exposait les raisons pour lesquelles les arbitres s'étaient estimés compétents, l'arrêt a pu décider que la sentence n'en était pas dépourvue ;
Attendu, enfin, qu'ayant constaté que le tribunal arbitral avait été saisi en application de la clause compromissoire stipulée au contrat du 4 février 2005, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui avait pas été demandée, en a exactement déduit que la clause attributive de juridiction insérée dans la seule convention de cession des droits de la société Y... à la société FAM, n'était pas applicable au litige porté devant le tribunal arbitral et qu'il était compétent ;
D'où il suit que le moyen, qui, en sa cinquième branche, critique un motif surabondant de l'arrêt, ne peut être accueilli ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société FAM la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation de la sentence rendue entre les parties le 6 mars 2013 ;
AUX MOTIFS tout d'abord QUE : « Sur le moyen tiré du défaut d'impartialité des arbitres : M. X...fait valoir que la sentence interlocutoire exprime une appréciation offensante sur son comportement processuel, une opinion dubitative sur ses chances de succès devant la juridiction consulaire et un pré jugement du fond du litige ; que ces éléments ont fait naître dans son esprit un doute raisonnable quant à l'impartialité du tribunal arbitral. M. Alain X...et la SAS D et L Y... ont signé les 26 janvier et 4 février 2005 un protocole portant sur le développement d'un portefeuille indivis de courtage d'assurance, dont l'article 13 prévoit le recours à l'arbitrage sous l'égide de la CAMP pour trancher toutes les contestations pouvant s'élever, pour quelque cause que ce soit, à l'occasion du contrat (¿) la SARL D et L Y... Holding a cédé à FAM l'intégralité du capital de la SAS D et L Y... par une convention du 8 décembre 2008 qui prévoit que les litiges relatifs à la clause de garantie relèvent de l'arbitrage et que tous autres différends nés de l'exécution du contrat sont soumis au tribunal de commerce de Bordeaux ; (¿) le 29 avril 2011, M. X...a introduit une action indemnitaire contre M. Y... devant le tribunal de commerce de Bordeaux, juridiction du domicile du défendeur, et (¿) le 8 août 2011 il a attrait à cette instance la société Y... Holding et FAM afin de voir déclarer nulle, ou du moins inopposable, la cession d'actions ; (¿) le 20 juin 2011, FAM, invoquant la résiliation de leurs polices par la plupart des assurés communs de la société Y... et de M. X...et la souscription de nouvelles polices auprès de ce dernier, a saisi la CAMP d'une demande d'arbitrage fondée sur l'inexécution par M. X...de ses engagements contractuels ; (¿) le tribunal arbitral au « second degré » s'est déclaré compétent par la sentence interlocutoire attaquée ; (¿) le tribunal arbitral, saisi en application de la clause compromissoire stipulée par le protocole du 4 février 2005, devait, pour se prononcer sur sa compétence à l'égard d'un litige opposant FAM à M. X..., apprécier l'opposabilité à ce dernier de la cession des parts de la société Y... à FAM ; (¿) la compétence étant liée au fond, il ne peut être considéré comme une manifestation de partialité le fait d'avoir examiné le second pour décider de la première ; (¿) ne caractérise pas davantage un manquement au devoir d'impartialité les formules de la sentence incriminées par le recourant, telles que " M. Alain X...fait feu de tout bois devant les juridictions bordelaises " ou que l'action ainsi engagée est " une simple manoeuvre dilatoire dénuée de tout fondement sérieux dans un cadre procédural tout aussi dilatoire ", dès lors que de telles appréciations, qui ne sont pas étrangères à l'objet du litige et ne touchent pas à la personne d'une partie mais à son seul comportement procédural, n'excèdent pas la liberté d'expression dont bénéficient les arbitres ; (¿) le moyen tiré du défaut d'impartialité du tribunal arbitral doit être écarté » ;
ALORS 1°) QUE manque à l'exigence d'impartialité le tribunal arbitral qui, utilisant des formules inappropriées pour qualifier la position procédurale d'une partie, témoigne de l'hostilité à son encontre ; qu'en écartant le moyen tiré du défaut d'impartialité du tribunal arbitral après avoir relevé l'utilisation de formules inappropriées, témoignant de l'hostilité des arbitres à l'encontre de M. X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1456 alinéa 2 du code de procédure civile ;
ALORS 2°) QUE manque à l'exigence d'impartialité le tribunal arbitral qui témoigne de préjugés à l'encontre de l'une des parties ; qu'en se bornant, pour écarter le moyen tiré du défaut d'impartialité du tribunal arbitral, à considérer la nécessité objective pour le tribunal arbitral d'examiner la question de fond de l'opposabilité de l'acte de cession d'actions à M. X...pour statuer sur sa compétence, sans rechercher comme elle y était invitée, si la sentence entreprise ne témoignait pas en réalité d'un préjugé définitif défavorable à M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1456 alinéa 2 du code de procédure civile ;
ALORS 3°) QUE le respect de l'exigence d'impartialité s'apprécie en considération de tout élément de nature à faire naître dans l'esprit des parties un doute raisonnable ; qu'ainsi en écartant le moyen tiré du défaut d'impartialité du tribunal arbitral, sans rechercher comme elle y était invitée si, du point de vue de M. X..., les éléments invoqués par ce dernier pouvaient légitimement faire naître dans son esprit un doute sur l'impartialité du tribunal arbitral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1456 alinéa 2 du code de procédure civile ;
ET AUX MOTIFS QUE : « Sur le moyen tiré de l'absence de motivation de la sentence : M. X...fait valoir, en premier lieu, que les arbitres ont laissé sans réponse le moyen (pièce 18) tiré de ce qu'au regard de la date du protocole d'accord, le règlement d'arbitrage applicable n'était pas celui en vigueur depuis le 8 juin 2011. Il soutient, en second lieu, que les arbitres ont insuffisamment motivé leur décision sur la compétence et que cette insuffisance équivaut à une absence de motif. Mais (¿) en premier lieu (¿) la pièce 18 dont M. X...prétend qu'elle articule un moyen que les arbitres n'ont pas pris en considération est une lettre en date du 13 juin 2012 par laquelle le secrétaire général de la CAMP répond au conseil de FAM que le règlement d'arbitrage qui doit s'appliquer est bien comme il le suggère celui qui était en vigueur avant 2011, de sorte qu'il incombe au comité de nommer les trois arbitres au second degré (¿) M. X...n'allègue pas avoir repris cet argument dans un mémoire devant le tribunal arbitral et n'en tire d'ailleurs aucune conséquence ; (¿) en deuxième lieu (¿) contrairement à ce que soutient M. X..., la sentence attaquée expose les raisons pour lesquelles les arbitres s'estiment compétents ; (¿) elle retient l'obligation pour le tribunal de se prononcer sur sa propre compétence même en cas de saisine de la juridiction étatique, la différence d'objet des deux instances et enfin, le fait que M. X...a bien reçu le courrier de M. Y... l'informant de la cession ;
(¿) le moyen manque donc en fait » ;
ALORS 4°) QU'une sentence doit, à peine de nullité, être motivée ; que ne satisfait pas à cette exigence de motivation la sentence se prononçant par des motifs hypothétiques ou dubitatifs ; qu'en considérant que la sentence entreprise aurait exposé les raisons pour lesquelles les arbitres se sont estimés compétents, quand le tribunal arbitral s'est borné à considérer que la nullité de l'acte de cession « resterait hypothétique », que la nécessité de la présence de M. X...« ne semblait pas aller de soi », que la poursuite de l'exécution du protocole de 2005 « tiendrait à établir » que M. X...n'aurait pas contesté la validité de la cession ou encore que ce dernier « semblait » mal fondé à plaider la nullité ou l'inopposabilité de cette cession, la cour d'appel a dénaturé la sentence du 6 mars 2013 en violation du principe de l'interdiction de dénaturer les éléments de la cause ;
ALORS 5°) QUE l'exposant soutenait précisément devant la cour d'appel avoir présenté au tribunal arbitral un moyen selon lequel la sentence du 3 mai 2012 avait été rendue selon un règlement d'arbitrage inapplicable, ce dont il déduisait l'irrégularité de cette sentence ; qu'ainsi en considérant que M. X...n'aurait pas allégué avoir repris cet argument dans un mémoire devant le tribunal arbitral et n'en tirerait aucune conséquence, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'exposant, violant l'article 4 du code de procédure civile ;
ET AUX MOTIFS QUE : « Sur le moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral : M. X...soutient que les faits qui lui étaient reprochés par FAM devant le tribunal arbitral ne pouvaient être appréciés que si préalablement, il était établi que la cession de parts sociales de la société Y... n'avait pas été réalisée en fraude à ses droits, ce dont le tribunal de commerce de Bordeaux était saisi, de sorte que les arbitres ne pouvaient se prononcer sur l'action de FAM fondée sur la transmission de la clause compromissoire avant que les juges consulaires aient tranché (¿) ainsi qu'il a été dit, le tribunal arbitral, saisi en application de la clause compromissoire stipulée par le protocole du 4 février 2005, devait, pour se prononcer sur sa compétence à l'égard d'un litige opposant FAM à M. X..., apprécier l'opposabilité à ce dernier de la cession des parts de la société Y... à FAM ; (¿) le fait que M. X...ait introduit une action indemnitaire contre M. Y... devant le tribunal de commerce de Bordeaux, qu'il y ait attrait la société Y... Holding et FAM afin de voir déclarer nulle, ou du moins inopposable, la cession d'actions, n'avait pas pour effet de créer une compétence exclusive au profit de cette juridiction, ni de faire obstacle au pouvoir des arbitres d'apprécier, à titre incident, l'opposabilité de la cession à M. X...(¿) dès lors, (¿) le moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral doit être écarté » :
ALORS 6°) QUE le tribunal arbitral ne peut étendre sa compétence à un contrat autre que celui contenant la clause compromissoire qui fonde sa compétence et comportant une clause attributive de juridiction ; qu'en considérant, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence, que le tribunal arbitral, saisi en application de la clause compromissoire stipulée par le protocole du 4 février 2005 devait pour se prononcer sur sa compétence apprécier l'opposabilité à M. X...de la cession des actions de la société Y... à la société Filhet Allard Maritime, après avoir constaté que la convention de cession comportait une clause attributive de juridiction en faveur du tribunal de commerce de Bordeaux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article 1492 1° du code de procédure civile ;
ALORS 7°) QUE doit être annulée pour contrariété à l'ordre public la sentence inconciliable avec une décision juridictionnelle ; qu'en écartant le moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral sans rechercher, comme elle y était invitée, si la sentence entreprise, déclarant le tribunal arbitral compétent n'était pas inconciliable avec l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 23 mai 2012 donnant compétence au tribunal de commerce de Bordeaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1492 5° du code de procédure civile.