LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 14 avril 2014), que par accord transactionnel du 24 juin 1974, M. X... a cédé à titre d'échange à M. Y... un bâtiment à usage de centrale hydroélectrique ainsi que le canal de fuite et les droits d'eau attachés à cet immeuble ; que l'exécution de cet accord ayant donné lieu à un litige, une nouvelle transaction a été signée le 31 mars 1984, suivie par la régularisation d'un acte d'échange du 26 juillet 1990 ; que soutenant qu'un bras du canal avait été comblé et qu'un mur de soutènement avait été édifié dans son lit, ce qui réduisait le rendement de la centrale, la Société des moulins de Lacaze, venant aux droits de M. Y..., a assigné la SCI Lacaze basse, venant aux droits de M. X..., en remise en état du canal et réparation de son préjudice économique ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, qu'ayant relevé que l'acte d'échange du 26 juillet 1990 mentionnait que les contractants occupaient les immeubles échangés depuis juin 1974 dans leur état actuel et leur consistance, que l'accord du 31 mars 1984 précisait qu'il constituait une transaction impliquant désistement général des instances et des actions existant entre les parties, chacune d'elles réitérant que, moyennant la parfaite exécution des présents accords, elle se reconnaissait remplie de tous les droits lui revenant respectivement en fonction des accords du 24 juin 1974 et qu'elles n'avaient de ce fait plus rien à se réclamer pour toutes les causes des cessions intervenues entre elles et ayant constaté que cet accord était intervenu après la réalisation des travaux litigieux, la cour d'appel, par une interprétation souveraine des clauses de l'acte du 31 mars 1984 que leur ambiguïté rendait nécessaire, a pu en déduire que les parties avaient décidé de transiger sur l'ensemble des litiges pouvant résulter de l'acte d'échange, y compris ceux portant sur la consistance et l'état des biens échangés, de sorte que l'action engagée par la Société des moulins de Lacaze se heurtait à l'autorité de la chose jugée ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel n'ayant pas fait application des règles relatives à l'accession et à la prescription acquisitive, le grief tiré de la violation des articles 546 et 2227 du code civil est sans portée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société des moulins de Lacaze aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société des moulins de Lacaze à payer à la SCI Lacaze basse la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la Société des moulins de Lacaze ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la Société des moulins de Lacaze
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit irrecevable l'action exercée par la Sté LES MOULINS DE LACAZE aux fins de voir condamner la SCI LACAZE BASSE à remettre les lieux en l'état, rétablir le canal de fuite, araser et démolir le mur de soutènement édifié sur la rivière Agout ;
AUX MOTIFS QUE la SCI de LACAZE BASSE tient ses droits d'André X... qui les lui a cédés le 14 avril 1993, et la Sté LES MOULINS DE LACAZE tient les siens des époux Y... qui les lui ont cédés, le 18 mai 1992 ; que l'acte d'échange intervenu entre les époux Y... et Monsieur X... a donné lieu à l'établissement d'un acte authentique le 26 juillet 1990 ; qu'il est mentionné dans cet acte que Monsieur X... cède aux époux Y... un bâtiment à usage de centrale hydroélectrique, avec canal de fuite, situé commune de Castres, en bordure de la rivière Agout ; que la Sté LES MOULINS DE LACAZE prétend que la SCI DE LACAZE BASSE et son auteur ont procédé de façon illégale au comblement du canal de fuite ainsi qu'à la construction d'un mur implanté à même le lit de la rivière ; qu'il ressort des pièces produites aux débats et en particulier d'un document produit par l'appelant établi en novembre 2013 par la compagnie des experts et sapiteurs que : -le canal de fuite empruntait un bras rive droite de l'Agout, dont il était séparé du lit principal par une île, - le comblement du canal a commencé en 1966, et s'est poursuivi jusqu'en 1968, -en 1978, apparaît le mur de soutènement et une grande partie de l'île a disparu ; qu'il n'est dès lors pas contestable que le canal de fuite mentionné dans cet acte authentique n'existait plus quand cet acte a été établi ; que cet acte est intervenu sur injonction du tribunal, par décision du 21 juin 1989, pour authentifier l'échange réalisé sur accord des parties en juin 1974, en reprenant l'accord du 31 mars 1984 sans rien y ajouter ; qu'il est d'ailleurs rappelé dans cet acte que les échangistes qui ne deviennent propriétaires des biens qu'à compter du jour de l'acte authentique occupent à titre précaire les dits immeubles depuis juin 1974, et qu'ils prennent les immeubles échangés dans leur état actuel et consistance ; qu'or l'accord signé par Monsieur X... et Monsieur Y... le 31 mars 1984 précise dans son paragraphe IV que les accords passés constituent une transaction, qu'ils impliquent désistement général des instances et des actions existant entre les parties, chacune des parties réitérant que, moyennant la parfaite exécution des présents accords, elle se reconnaît remplie de toutes les droits lui revenant respectivement, en fonction des accords du 24 juin 1974, et qu'elles n'ont de ce fait plus rien à se réclamer, pour toutes les causes des cessions intervenues entre elles, des conséquences du seing privé du 24 juin 1974, et de la procédure introduite par l'assignation du 21 mars 1977 ; qu'il convient de relever tout d'abord que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a considéré que l'accord du 31 mars 1984 était opposable à Madame Y... ; que par ailleurs, il y a lieu de constater que ce protocole est intervenu après les modifications ci-dessus visées (comblement du canal de fuite, construction du mur) ; qu'aucun élément nouveau n'est donc intervenu après cette transaction ; que l'article 2052 du code civil dispose que les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ; que cette transaction est opposable à la Sté LES MOULINS DE LACAZE et à la SCI DE LACAZE BASSE, puisqu'elle a été signée ou acceptée par leurs auteurs respectifs ; que cette transaction décrit l'immeuble vendu et certes, s'il est fait état du canal de fuite, il y a lieu de dire qu'en l'absence de description plus précise de celui-ci et de réserves de la part de Monsieur Y... alors qu'il connaissait parfaitement les lieux, cette mention correspondait à la définition des biens vendus au moment de la signature de la transaction, à savoir que le canal de fuite était comblé depuis plusieurs années ; qu'il y a lieu de noter que dans l'acte de vente passé entre les époux Y... et la Sté LES MOULINS DE LACAZE le 18 mai 1992, figure également l'existence d'un canal de fuite... or, les époux Y... ne pouvaient que connaître parfaitement la consistance du bien vendu ; qu'il convient d'ajouter que ce protocole d'accord mentionne clairement l'existence du mur litigieux puisqu'il y est dit que le mur du canal de fuite a été établi à l'aplomb du bord du canal et du bâtiment existant ; que le description des biens échangés était dès lors clairement établie dès l'établissement de la transaction ; que d'ailleurs, il apparaît que les différents et nombreux litiges qui opposent les parties depuis longtemps sont afférents à d'autres problèmes ; que les époux Y... n'ont pu transmettre à la SCI DE LACAZE BASSE plus de droits qu'ils n'en avaient, de telle sorte que la réclamation de la Sté LES MOULINS DE LACAZE se heurte à l'autorité de la chose jugée ; que son action doit être déclarée irrecevable ;
1 ) ALORS QUE conformément aux articles 2048 et 2049 du code civil, les transactions se renferment dans leur objet ; que la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu et les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, par des concessions réciproques des parties ; qu'en déclarant irrecevable l'action exercée par la Sté LES MOULINS DE LACAZE aux fins de voir ordonner à la SCI LACAZE BASSE la remise en état des lieux et le rétablissement du canal de fuite, pour se heurter à l'autorité de la chose jugée résultant de l'accord transactionnel formé entre les auteurs des parties, après les modifications matérielles constituées par le comblement du canal de fuite et la construction du mur de soutènement, la cour d'appel qui a constaté que l'accord mentionnait l'existence du canal de fuite et du mur, mais qui n'a pas constaté que la transaction avait pour objet l'abandon, par son propriétaire, auteur de la Sté LES MOULINS DE LACAZE, de ses droits pourtant imprescriptibles sur le canal de fuite, accessoire du bâtiment à usage de centrale hydroélectrique lui appartenant et à l'exercice de ses droits d'eau a, en statuant ainsi, violé les dispositions susvisées ;
2 ) ALORS QUE, à titre subsidiaire, conformément à l'article 546 du code civil, la propriété d'une chose immobilière donne droit sur tout ce qui s'y unit artificiellement ou est nécessaire à son usage, le droit en est perpétuel et imprescriptible, s'agissant du bien et de tout élément qui lui est accessoire et nécessaire à son usage ; qu'en déclarant la Sté LES MOULINS DE LACAZE irrecevable en son action aux fins de remise en état du canal de fuite, accessoire du bâtiment à l'usage de la centrale hydroélectrique lui appartenant, mentionné expressément dans son titre, auquel ni elle ni ses auteurs n'avaient renoncé, et en rétablissement de son plein exercice de ses droits d'eau, la cour d'appel qui a considéré que la Sté LES MOULINS DE LACAZE, ou ses auteurs, avait pu perdre les droits accessoires à son droit de propriété que son titre mentionnait expressément a, en statuant ainsi, violé la disposition susvisée ensemble l'article 2227 du code civil.