LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère (la caisse) a pris en charge au titre de la législation professionnelle la maladie déclarée, le 27 novembre 2010, par Jean-Luc X... ; qu'après son décès le 9 septembre 2011, sa veuve, Mme X... et ses enfants, MM. X... (les consorts X...) ont saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de faute inexcusable commise par la société Snef (la société), employeur de la victime ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour fixer les préjudices subis par la victime de son vivant et condamner la société à rembourser à la caisse les sommes avancées par cette dernière, notamment, au titre des préjudices subis, en principal et intérêts, dans les limites des évaluations retenues, l'arrêt retient l'existence d'un préjudice spécifique pour maladie évolutive ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les consorts X... n'avaient pas sollicité l'indemnisation d'un tel préjudice, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé le texte susvisé ;
Et, sur le moyen unique du pourvoi incident de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer inopposable à la société la décision de la caisse de reconnaissance d'un lien de causalité entre la maladie professionnelle de la victime et son décès, l'arrêt retient, notamment, l'absence de tout élément de preuve relatif à ce lien de causalité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les consorts X... versaient aux débats un certificat médical du 15 septembre 2011 établissant le décès de Jean-Luc X... par « mort naturelle en lien avec son carcinome bronchique chez un patient exposé à l'amiante et reconnu en maladie professionnelle », sans procéder à l'analyse du document qui lui était soumis, la cour d'appel a méconnu les exigences du premier des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives au préjudice spécifique pour maladie évolutive et à l'inopposabilité à la société Snef de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère de reconnaissance d'un lien de causalité entre la maladie professionnelle de Jean-Luc X... et son décès, l'arrêt rendu le 24 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la société Snef aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille quinze, et signé par Mme Flise, président, et par Mme Parchemal, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt..
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Snef.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé les préjudices subis par Jean-Luc X... de son vivant à hauteur de 50.000 euros au titre des souffrances physiques, 65.000 euros au titre du préjudice spécifique pour maladie évolutive, 10.000 euros au titre du préjudice d'agrément et 8.000 euros au titre du préjudice esthétique, et d'avoir en conséquence condamné la société SNEF à rembourser à la CPAM du Finistère les sommes avancées par cette dernière au titre de la majoration de rente et au titre des préjudices subis par Jean-Luc X... de son vivant, en principal et intérêts, dans les limites des évaluations retenues ;
AUX MOTIFS QUE sur l'indemnisation des préjudices, les attestations circonstanciées des proches de M. X... font état des très importantes souffrances physiques subies par lui, par l'effet de la maladie elle-même et par l'effet de la chimiothérapie à laquelle il a été soumis ; qu'elles attestent aussi de l'angoisse qui l'a miné pendant les 12 mois qui ont séparé l'annonce de la maladie, à l'âge de 57 ans, du décès, dans la mesure où il se savait atteint d'une maladie incurable ; qu'elles établissent en outre que M. X..., du fait de la dégradation de son état général, ne pouvait plus s'adonner aux activités spécifiques de prédilection auxquelles il s'adonnait antérieurement, à savoir le bricolage, le jardinage et la voile ; qu'il ressort enfin de ces éléments de preuve que M. X... avait énormément maigri et présentait un aspect physique extrêmement marqué par la douleur ; qu'en considération de ces éléments, il y a lieu d'évaluer comme suit les préjudices subis par M. Jean-Luc X..., indemnisations que ses ayants droit sont fondés à réclamer dans le cadre de leur action successorale : - indemnisation des souffrances physiques : 50.000 ¿ ; - indemnisation du préjudice spécifique pour maladie évolutive : 65.000 ¿ ; - indemnisation du préjudice d'agrément : 10.000 ¿ ; - indemnisation du préjudice esthétique : 8.000 ¿ ; que l'appel principal de la caisse ne portant pas sur le montant des indemnités allouées, dont l'avance par les soins de la caisse est du reste déjà effective, la diminution de l'indemnisation de certains postes de préjudice n'aura d'incidence que sur l'action récursoire exercée par la caisse à l'encontre de la société SNEF ; que les préjudices d'affection subis par les ayants droit seront évalués comme suit : - préjudice de Mme Brigitte X... pour la perte de son conjoint : 30.000 ¿ ; - préjudice de M. Anthony X... pour la perte de son père : 15.000 ¿ ; - préjudice de M. Julien X... pour la perte de son père : 15.000 ¿ ; - préjudice de Maïwen X... pour la perte de son grand-père : 5.000 ¿ ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige qui sont fixés par les prétentions des parties ; qu'en fixant l'un des chefs de préjudices subis par Jean-Luc X... de son vivant à hauteur de 65.000 euros au titre du préjudice spécifique pour maladie évolutive, et en condamnant en conséquence la société SNEF à rembourser à la CPAM du Finistère les sommes avancées par cette dernière au titre de ce préjudice, cependant que ni les consorts X... ni la CPAM du Finistère n'avaient sollicité, dans leurs conclusions d'appel auxquelles la cour se référait, la réparation d'un préjudice spécifique pour maladie évolutive, la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le juge qui décide de relever d'office un moyen est tenu en toute circonstance de respecter le principe de la contradiction en invitant au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point ; qu'en fixant l'un des chefs de préjudices subis par Jean-Luc X... de son vivant à hauteur de 65.000 euros au titre du préjudice spécifique pour maladie évolutive et en condamnant en conséquence la société SNEF à rembourser à la CPAM du Finistère les sommes avancées par cette dernière au titre de ce préjudice, en principal et intérêts, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce chef de préjudice qui n'était pas sollicité par les parties ni même évoqué dans les débats, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile.Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère.
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR déclaré inopposable à la société SNEF la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère de reconnaître le lien de causalité entre la maladie professionnelle du salarié et son décès ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'en l'absence de tout élément de preuve relatif à un lien de causalité entre la maladie et le décès, la caisse, qui ne formule aucune réponse au moyen articulé à cet égard par la société SNEF, ne saurait opposer à l'employeur sa décision de reconnaitre l'origine professionnelle du décès de M. X... ;
1) ALORS QU'IL est interdit au juge du fond de dénaturer le sens et la portée des conclusions des parties, lesquelles fixent les limites du litige ; que dans ses conclusions d'appel la société SNEF ne contestait pas le lien de causalité entre la maladie et le décès du salarié ; que la société SNEF se contentait d'invoquer l'inopposabilité à son égard de la décision de la caisse de reconnaître un lien de causalité entre la maladie et le décès, faute de notification expresse de cette décision (concl. p. 20) et faute du respect du contradictoire (concl.p. 21) ; qu'en affirmant que la société SNEF contestait le lien de causalité entre la maladie et le décès pour reprocher à la caisse de ne pas répondre au moyen de la société SNEF, sur cette question la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'employeur et violé les articles 4 et 5 du CPC ;
2) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge est tenu d'analyser, fût-ce succinctement, l'ensemble des éléments de preuve soumis à son appréciation ; que les consorts X... versaient aux débats différentes pièces établissant le lien entre la maladie professionnelle de l'assuré et le décès de celui-ci ; qu'un certificat médical du 15 septembre 2011 certifiait ainsi que M. X... était décédé « de mort naturelle en lien avec son carcinome bronchique chez un patient exposé à l'amiante et reconnu en maladie professionnelle » ; qu'en décidant de déclarer inopposable la décision de prise en charge du décès à l'employeur, « faute d'élément de preuve relatif à un lien de causalité entre la maladie et le décès », sans expliquer en quoi lesdites pièces ne pouvaient emporter sa conviction, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.