LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 2 du code civil, ensemble l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., avocat, a exercé au sein de la SCP LDBM en qualité de collaboratrice, puis d'associée à partir du 1er janvier 2010 ; que, le 29 juin 2010, à la suite d'un différend, MM. X...et Z..., les deux autres associés, ont conclu une transaction mettant fin à leur exercice en commun, et Mme Y...a adressé une lettre de retrait de la SCP ; qu'en vue d'obtenir l'annulation de ce document qu'elle prétendait signé sous la contrainte ainsi qu'une indemnisation, elle a saisi le bâtonnier ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable le recours formé contre cette décision, l'arrêt relève que l'article 41 des statuts établis le 8 août 2006, stipulant que tout différend entre les associés sera soumis à l'arbitrage du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, ne peut s'analyser comme une clause compromissoire, dès lors qu'il se borne à rappeler le mode de règlement des différends entre avocats tel que prévu par le décret du 27 novembre 1991 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 et du décret n° 2009-1544 du 11 décembre 2009 ayant modifié le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui l'ont rendu obligatoire, l'arbitrage du bâtonnier pour les litiges nés entre avocats à l'occasion de l'exercice en groupement de leur profession ne pouvait intervenir qu'en application d'une clause compromissoire, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. X...et la SCP Clairmont aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à Mme Y...la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable le recours formé par Mme Y...contre la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris du 24 mars 2012 ;
AUX MOTIFS QUE le bâtonnier a statué en application de l'article 179-1 du décret du 27 novembre 1991 qui énonce que « en cas de différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel et à défaut de conciliation, le bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits est saisi par l'une ou l'autre des parties ; qu'il a visé l'article 16 de ce même décret qui dispose que « le recours devant la cour d'appel est formé par lettre recommandé avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef. Il est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire. Le délai de recours est d'un mois » ; que l'article 277 de ce décret précise que « il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par le présent décret » ; qu'il résulte de ces textes que le recours contre la décision du bâtonnier doit être formé par lettre recommandé avec demande d'avis de réception ou par déclaration au greffe ; que le recours au RPVA tel que prévu en matière de représentation obligatoire, n'est alors pas applicable ; que Mme Y...prétend qu'en l'espèce, le bâtonnier avait été institué arbitre ce qui impliquait que, conformément à l'article 1495 du code de procédure civile, la procédure était celle suivie en matière de représentation obligatoire et qu'elle pouvait interjeter appel de la décision rendue par le biais du RPVA ; que les statuts de la SCP auxquels Mme Y...a adhéré lors de son attribution de parts d'industrie, prévoient dans leur article 41 relatif aux contestations que « tout différend né entre les associés ou la société au sujet de la conclusion, de l'interprétation ou de l'exécution des présents statuts et en général au sujet des affaires sociales, sont soumis pour arbitrage du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris » ; que, toutefois, cette clause ne peut être analysée comme une clause compromissoire dès lors qu'elle se borne à rappeler le mode de règlement des différends entre avocats tel que prévu dans le décret du 27 novembre 1991 ; qu'il convient de relever que s'il s'agissait réellement d'une clause de ce type, la délégation telle qu'opérée par le bâtonnier dans le cadre de la présente procédure n'était pas prévue et permise ce qu'au contraire les dispositions de la loi du 31 décembre 1971 et du décret précité autorisent ; qu'au demeurant, le délégué du bâtonnier désigné par ce dernier n'a, en aucun cas, visé dans sa décision les textes relatifs à l'arbitrage tels que prévus aux articles 1442 et suivants du code de procédure civile ; qu'au surplus, celui-ci a indiqué dans la lettre de notification de sa décision les conditions dans lesquelles le recours pouvait être fait, mentionnant explicitement la lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou la déclaration au greffe de la cour d'appel ; que le recours formé par Mme Y..., l'ayant été par RPVA et non par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou déclaration au greffe de la cour d'appel, ne peut qu'être déclaré irrecevable ;
ALORS, 1°), QU'antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ayant modifié l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et du décret n° 2009-1544 du 11 décembre 2009 ayant introduit dans le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 les articles 179-1 à 179-7, les différends entre avocats survenus à l'occasion de leur exercice professionnel n'étaient régis par aucune disposition particulière et relevaient donc, en l'absence de clause compromissoire, de la compétence du tribunal de grande instance ; que les statuts de la SCP LBDM, qui étaient versés aux débats, ont été établis le 8 août 2006 ; qu'en considérant dès lors, pour écarter l'existence d'une clause compromissoire, que l'article 41 des statuts se bornait à « rappeler » le mode de règlement des différends entre avocats tel que prévu dans le décret du 27 novembre 1991, cependant que ce mode de règlement des différends n'était pas en vigueur à la date à laquelle les statuts avaient été établis, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble les textes susvisés ;
ALORS, 2°), QU'aux termes de l'article 41 des statuts de la SCP LBDM, établis le 8 août 2006, « tout différend né entre les associés ou entre les associés et la société au sujet de la conclusion, de l'interprétation ou de l'exécution des présents statuts et en général au sujet des affaires sociales, sera soumis pour arbitrage de Monsieur le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris » ; qu'en considérant dès lors, pour écarter la qualification de clause compromissoire, que ce texte se bornait à « rappeler » le mode de règlement des différends entre avocats tel que prévu dans le décret du 27 novembre 1991, cependant que ce mode de règlement des différends n'était pas en vigueur à la date à laquelle les statuts avaient été établis et que, dans ces conditions, la référence à l'arbitrage du bâtonnier, dépourvue de toute ambiguïté, ne pouvait être analyse que comme une clause compromissoire, la cour d'appel a dénaturé les statuts de la SCP LBDM en violation de l'article 1134 du code civil ;
ALORS, 3°), QU'en se fondant, pour écarter l'existence d'une clause compromissoire et déclarer en conséquence irrecevable l'appel formulé par RPVA, sur des considérations inopérantes, car étrangères à la volonté des parties contractantes, tirées de la mise en oeuvre d'une délégation par le bâtonnier, de l'absence de visa des textes relatifs à l'arbitrage dans la décision du bâtonnier et de la teneur des indications portées sur la lettre de notification de la décision du bâtonnier, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 1442 du code de procédure civile, ensemble les articles 930-1, 932 et 1495 de ce dernier code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable le recours formé par Mme Y...contre la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris du 24 mars 2012 ;
AUX MOTIFS QUE le bâtonnier a statué en application de l'article 179-1 du décret du 27 novembre 1991 qui énonce que « en cas de différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel et à défaut de conciliation, le bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits est saisi par l'une ou l'autre des parties ; qu'il a visé l'article 16 de ce même décret qui dispose que « le recours devant la cour d'appel est formé par lettre recommandé avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef. Il est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire. Le délai de recours est d'un mois ¿ » ; que l'article 277 de ce décret précise que « il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par le présent décret » ; qu'il résulte de ces textes que le recours contre la décision du bâtonnier doit être formé par lettre recommandé avec demande d'avis de réception ou par déclaration au greffe ; que le recours au RPVA tel que prévu en matière de représentation obligatoire, n'est alors pas applicable ; (...) que le recours formé par Mme Y..., l'ayant été par RPVA et non par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou déclaration au greffe de la cour d'appel, ne peut qu'être déclaré irrecevable ;
ALORS QUE la déclaration d'appel transmise au greffe de la cour d'appel par voie électronique au moyen du RPVA doit être regardée comme ayant été faite au greffe de la juridiction d'appel ; qu'en considérant, dès lors, qu'en matière contentieuse soumise à la procédure sans représentation obligation, la déclaration d'appel ne pouvait pas être régulièrement faite par RPVA, la cour d'appel a violé l'article 932 du code de procédure civile.