LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... et à la société Bastide restauration du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence (le Crédit agricole) ;
Sur le premier moyen pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., gérant de la société Bastide restauration, a adhéré, pour garantir son engagement de caution solidaire de la société Bastide restauration au titre du remboursement d'un prêt professionnel contracté par cette dernière auprès du Crédit agricole, à un contrat d'assurance de groupe souscrit par cet établissement auprès de la société CNP assurances (la CNP), couvrant les risques de décès, de perte totale et irréversible d'autonomie et d'invalidité totale et définitive ; qu'ayant été reconnu en invalidité totale et définitive par le régime de sécurité sociale des indépendants, il a sollicité le bénéfice de la garantie de la CNP à ce titre, qui la lui a refusée ; qu'ayant été assigné en paiement par le Crédit agricole, il a appelé la CNP en garantie ;
Attendu que, pour rejeter la demande de M. X... tendant à obtenir le bénéfice de la garantie de l'assureur pour les condamnations prononcées au profit du Crédit agricole, au titre de l'« invalidité totale et définitive », l'arrêt énonce que la garantie invalidité souscrite par l'assuré auprès de la CNP est définie par l'article 4 des conditions générales comme l'invalidité le plaçant non seulement dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit mais aussi le mettant définitivement dans l'obligation de recourir à l'assistance d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie, et que, s'il justifie d'un arrêt de travail à compter du 19 mars 2009 et du versement d'une pension, compte tenu de son invalidité totale et définitive à compter du 1er octobre 2010, ayant justifié ne plus pouvoir exercer aucune activité professionnelle, cette seule inaptitude ne correspond pas au risque d'invalidité tel que garanti par le contrat d'assurance, nécessitant de démontrer le recours à l'assistance d'une tierce personne et pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que la CNP ne soutenait pas, dans ses conclusions d'appel, que le bénéfice de la garantie d'invalidité totale et définitive était subordonné à la justification par l'assuré de l'obligation où il se serait définitivement trouvé de recourir à l'assistance d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen et sur le second moyen dirigé contre la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Alpes Provence :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette l'appel en garantie formé par M. X..., l'arrêt rendu le 15 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la société CNP assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société CNP assurances, la condamne à payer à M. X... et à la société Bastide restauration la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Bastide restauration et M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'appel en garantie de M. X... à l'encontre « du Crédit Agricole » lire : de la société CNP Assurances , au titre des condamnations prononcées au profit du Crédit Agricole ;
Aux motifs que « Sur l'appel en garantie de M. X... Jean-Luc à l'encontre de la CNP : la garantie invalidité souscrite par M. X... Jean Luc auprès de la CNP est définie par l'article 4 des conditions générales comme l'invalidité le plaçant non seulement dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit mais aussi le mettant définitivement dans l'obligation de recourir à l'assistance d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie (se laver, s'habiller, se nourrir, se déplacer) ; M. X... Jean-Luc justifie d'un arrêt de travail à compter du 19 mars 2009 et du versement d'une pension compte tenu de son invalidité totale et définitive à compter du 1er octobre 2010 ayant justifié ne plus pouvoir exercer aucune activité professionnelle. La seule inaptitude à aucun emploi médicalement justifiée par l'assuré ne correspond pas au risque d'invalidité tel que garanti par le contrat d'assurance susvisé nécessitant de démontrer le recours à l'assistance d'une tierce personne et pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie. En l'absence de réalisation du risque garanti par le contrat souscrit, l'appel en garantie de M. X... Jean-Luc à l'encontre de la CNP sera rejeté. Le jugement susvisé condamnant la CNP à relever et garantir M. X... Jean-Luc au titre du contrat d'assurance souscrit sera infirmé de ce chef » ;
Alors 1°) qu' aux termes de l'article 4 des conditions générales du contrat d'assurance auquel avait adhéré M. X..., étaient garantis, d'une part, le risque « décès ou perte totale et irréversible d'autonomie (PTIA) » (article 4-1), impliquant que les trois conditions suivantes soient réunies : « l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit », « l'obligation de recourir à l'assistance totale et constante d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie » et le fait que « la date de réalisation du risque reconnue par l'Assureur se situe avant l'âge limite indiqué aux Conditions particulières », ainsi, d'autre part, que le risque « invalidité totale et définitive (ITD) » (article 4-2), à condition que l'invalidité place l'assuré dans « l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit » et que « la date de réalisation du risque reconnue par l'Assureur se situe avant l'âge limite indiqué aux Conditions particulières » ; qu'en retenant, pour rejeter l'appel en garantie de M. X... à l'encontre de l'assureur CNP Assurances, que la garantie invalidité souscrite par M. X... était définie par l'article 4 des conditions générales « comme l'invalidité le plaçant non seulement dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit, mais aussi le mettant définitivement dans l'obligation de recourir à l'assistance d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie (se laver, s'habiller, se nourrir, se déplacer) », quand cette seconde condition n'était exigée que pour l'application de la garantie « décès ou perte totale et irréversible d'autonomie » non pour la mise en jeu de la garantie au titre de l'« invalidité totale et définitive » invoquée par M. X... dans ses conclusions, la cour d'appel a dénaturé l'article 4 des conditions générales du contrat d'assurance, violant ainsi l'article 1134 du code civil, ensemble le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
Alors 2°) que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, telles qu'elles résultent de leurs conclusions ; que dans ses conclusions d'appel, M. X... sollicitait l'application, non pas de la garantie « décès ou perte totale et irréversible d'autonomie » prévue à l'article 4-1 des conditions générales, notamment subordonnée à la preuve de ce que l'assuré se trouve dans « l'obligation de recourir à l'assistance totale et constante d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie », mais celle de la garantie « invalidité totale et définitive » (article 4-2) qui n'était pas soumise à cette condition ; que dans ses écritures, la société CNP Assurances reconnaissait que la garantie invalidité totale et définitive faisait partie des garanties souscrites par M. X..., mais soutenait que ce dernier n'établissait pas qu'il se trouvait dans l'impossibilité définitive de se livrer « à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit », sans pour autant prétendre que la garantie aurait été subordonnée à l'obligation pour l'assuré d'avoir recours à une tierce personne ; qu'en retenant, pour rejeter l'appel en garantie de M. X..., que la garantie invalidité souscrite était définie par l'article 4 des conditions générales « comme l'invalidité le plaçant non seulement dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit mais aussi le mettant définitivement dans l'obligation de recourir à l'assistance d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie », quand les parties s'accordaient à reconnaître que la garantie susceptible d'être mise en jeu était celle stipulée à l'article 4-2 des conditions générales, couvrant le risque invalidité totale et définitive, qui n'était pas subordonnée à la preuve de l'obligation pour l'assuré d'avoir recours à une tierce personne, cette condition n'étant pas discutée par les parties, la cour d'appel a méconnu les termes du litige qui lui était soumis, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors 3°) en tout état de cause, qu' il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. X... justifiait être médicalement inapte à exercer une quelconque activité et du versement d'une pension « compte tenu de son invalidité totale et définitive » ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la garantie de la société CNP Assurances n'était dès lors pas due sur le fondement de l'article 4-2 des conditions générales de la police stipulant qu'était couvert le risque invalidité totale et définitive, sans que cette garantie ne soit subordonnée à la preuve de l'obligation pour l'assuré d'avoir recours à une tierce personne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la Sarl Bastide Restauration à payer au Crédit Agricole la somme de 18 289,94 ¿, outre intérêts au taux légal à compter du 12 août 2008, avec capitalisation des intérêts à compter du 23 juin 2010 ;
Aux motifs que « Sur la demande du crédit agricole au titre du solde débiteur du compte courant : l'ensemble des relevés du compte bancaire de la Sarl Bastide Restauration ouvert auprès du Crédit Agricole Alpes Provence régulièrement envoyés à cette dernière, n'ayant jamais fait l'objet d'aucune protestation et l'assignation en paiement du solde débiteur justifient à la fois du solde débiteur de ce compte bancaire et de son exigibilité. En l'absence de production de la convention d'ouverture de compte, la banque ne peut prétendre à aucun intérêts, frais ou agios. Le décompte ainsi expurgé produit par cette dernière justifie par conséquent de sa créance et à hauteur de la somme de 18.289,94 euros, somme au paiement de laquelle la Sarl Bastide Restauration sera condamnée, outre intérêts au taux légal à compter du 12 août 2008, date de la mise en demeure. Le jugement contesté rejetant la demande du crédit agricole à ce titre sera infirmé. Il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts de la banque et à compter du 23 juin 2010, date de l'assignation en paiement »
Alors que le juge ne peut fixer le point de départ des intérêts au taux légal sur une somme d'argent à une date antérieure à celle de son exigibilité ; qu'en condamnant la SARL Bastide Restauration à payer au Crédit Agricole des intérêts au taux légal à compter du 12 août 2008, date de la mise en demeure, sur la somme de 18.289,94 ¿ correspondant au solde débiteur d'un compte courant, tout en constatant que ce solde n'était devenu exigible qu'à la date de l'assignation en paiement, délivrée le 23 juin 2010, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article 1153 du code civil.