SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 février 2016
Rejet non spécialement motivé
M. MALLARD, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Décision n° 10168 F
Pourvoi n° T 14-16.747
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Nofrag, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
contre l'arrêt rendu le 3 février 2014 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [B] [R], domicilié [Adresse 3],
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 janvier 2016, où étaient présents : M. Mallard, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Flores, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmeitzky-Lhuillery, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Nofrag, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de M. [R] ;
Sur le rapport de M. Flores, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Nofrag aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Nofrag à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille seize.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Nofrag
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit et jugé que M. [R] devait être classé en tant qu'ingénieur ou assimilé, au statut cadre, position A, coefficient 80 de mars 2008 à mars 2010 puis position B, coefficient 90, statut cadre de la convention collective des ingénieurs, assimilés cadres du bâtiment et des travaux publics du 30 avril 1951 ;
AUX MOTIFS QUE sur la discrimination salariale, en vertu de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut faire notamment l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en matière de rémunération, de formation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, en raison de son origine, de son appartenance, vraie ou supposée à une race ... ; que dans la mesure où il n'existe pas de classification des emplois au sein de l'entreprise Nofrag, la demande de reclassification de M. [R] au statut cadre et au salaire mensuel de 3.500 euros nets est fondée sur l'allégation d'une différence de traitement ; que par application de la règle « à travail égal, salaire égal » dont le respect est soumis au contrôle du juge, l'employeur doit assurer l'égalité de rémunérations entre tous les salariés placés dans une situation identique ; qu'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et qu'il incombe à l'employeur qui conteste le caractère discriminatoire d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et tenant à la différence de travail fourni ; que M. [R] invoque une discrimination salariale et se prévaut, pour ce faire, de l'exercice de fonctions en tous points comparables à celles qu'ont eues ses prédécesseurs, M. [C] Mme [K], en tant que responsables successifs du service SAV de la société Nofrag et à l'inverse d'une disparité de rémunération entre eux et lui, qu'il estime non justifiée par des éléments objectifs ; qu'il est de jurisprudence établie que si le principe d'égalité de rémunérations s'applique aux salariés qui sont placés dans une situation comparable, une disparité de traitement peut être cependant justifiée par des raisons objectives et pertinentes, matériellement vérifiables, étrangères à toute discrimination prohibée ; qu'il convient dès lors de contrôler d'ores et déjà l'identité des situations ; qu'il est constant et non contesté par les parties, que les personnes dont la rémunération et le statut servent de base de comparaison à l'appelant ont été successivement occupées à ce même poste de travail, celui de responsable du SAV, à savoir en 2004 pour M. [C] et en 2005/ 2006 pour Mme [K], soit tout comme M. [R] à tout le moins à compter du 1er mars 2008, date où sur son bulletin de salaire, figure comme intitulé sur son poste, celui de responsable SAV et non plus technicien SAV ; qu'il est constant et non contesté par l'employeur que ces mêmes personnes citées par M. [R] percevaient dans ce poste un salaire mensuel supérieur au sien depuis mars 2008 (2.350 euros en mars et à compter d'avril 2008, 2.500 euros bruts), sans que leurs bulletins de salaire ne soient versés au dossier ; que M. [R] soutient qu'ayant pris la suite de cette dernière dans le poste, il a droit au même salaire ; que l'employeur rétorque que tant M. [C] que Mme [K] étaient classés «cadre» au niveau de leur qualification professionnelle, sans que celle-ci leur ait été attribuée lorsqu'ils ont pris le poste de responsable SAV, comme l'affirme à tort M. [R] ; qu'en effet, Mme [K] et M. [C] ont été engagés en 2001, respectivement en qualité d'aide conducteur de travaux pour l'une et de responsable service contentieux et réclamations pour l'autre, et classés ab initio avec la qualification de cadre ; que cependant, une différence de statut juridique entre des salariés effectuant un travail de même valeur au service du même employeur ne suffit pas, à elle seule, à caractériser une différence de situation au regard de l'égalité de traitement en matière de rémunération ; que selon l'article L.3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparables de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ; […] ; que pour justifier le salaire supérieur de Mme [K], l'employeur soutient qu'elle a un diplôme d'ingénieur, qu'elle a une expérience professionnelle plus complète et qu'elle exerçait d'autres tâches que celles de responsable du SAV au sein de l'entreprise ; qu'au regard du principe «à travail égal, salaire égal » la seule différence de diplômes, alors qu'ils sont d'un niveau équivalent, ne permet pas de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s'il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d'un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à la fonction occupée ; que le curriculum vitae de Mme [K], personne de couleur comme M. [R], mentionne qu'elle a fait une école d'ingénieurs jusqu'en troisième année, filière « ingénierie du bâtiment », sans toutefois indiquer qu'elle a obtenu un diplôme d'ingénieur ; qu'elle a travaillé de 2001 à 2006 au sein de Nofrag, certes d'abord en qualité de conducteur de travaux adjoint puis lors du départ de M. [C], l'a remplacé dans les fonctions de responsable SAV, ainsi qu'en attestent les pièces versées aux débats ; qu'elle a eu le statut cadre, coefficient 80 position A dès le début de la relation contractuelle ; que l'employeur produit des compte-rendu de chantiers de 2002 et 2003 ([Adresse 2] au [Localité 1] et logements SIG au [Localité 1]) sur lesquels figure le nom de Mme [K], en tant qu'intervenant pour la Nofrag ; que seulement, ces éléments concernent une période antérieure à ses fonctions de responsable SAV, qu'elle n'a occupées qu'en 2005 et 2006 ; qu'aucun élément ne permet d'établir qu'elle ne fournissait pas la même prestation de travail dans ce dernier poste que M. [R], alors que ce dernier verse de nombreux documents établissant qu'il continue à faire le même travail que Mme [K], au niveau du parfait achèvement des travaux, du suivi des expertises et même de la gestion des risques ; que l'employeur ne justifie pas que Mme [K] avait d'autres tâches que celles-là, ni qu'elle ait apporté une plus-value qualitativement du fait de son expérience antérieure de conducteur des travaux adjoint ; qu'il invoque seulement ses fonctions d'encadrement de personnel, du fait qu'elle avait M. [R] sous ses ordres en tant que technicien SAV ; qu'effectivement, M. [R] travaillait alors sous les ordres de Mme [K] mais lors de son départ, il a assuré la prise en charge du service SAV, d'abord toujours en qualité de technicien SAV puis à la fin de l'année 2007, il résulte du procès-verbal d'entretien d'évaluation établi conjointement avec son responsable, que M. [R] a acquis de l'autonomie dans son travail, a atteint les objectifs et a répondu aux attentes de sa hiérarchie en matière de compétences dans la prise en charge de ce service après-vente (avec quelques réserve sur le rédactionnel toutefois) ; que sa direction a dès lors émis un avis favorable pour qu'il soit nommé responsable du SAV ; qu'il figure comme tel sur les organigrammes de la société à compter de mars 2008, étant directement rattaché au directeur régional sur l'organigramme de septembre 2008 puis sous les ordres du directeur de travaux, M. [W], sur l'organigramme de juin 2009 ; qu'un courriel de ce dernier, en date du 3 juillet 2009, reconnaît que M. [R] est chargé du suivi du parfait achèvement des travaux et que toutes les demandes d'intervention doivent passer directement par lui ; qu'enfin, il résulte d'une sommation interpellative en date du 24 janvier 2013, produite en cause d'appel, que M. [R] a eu également sous ses ordres un salarié en la personne de M. [X], chargé d'intervenir sur les chantiers pour réparations diverses de 2009 à 2011, avant de missionner des intervenants extérieurs pour des missions ponctuelles ; que les sommations interpellatives de salariés de l'entreprise qu'il produit également tendent seulement à souligner qu'il a toujours été pressenti pour exercer les fonctions de responsable du service SAV, peu important que la direction l'ait dit expressément ou non lors d'une réunion des délégués du personnel ; que l'employeur est en conséquence défaillant dans la preuve d'éléments objectifs de nature à établir une différence de statut et de traitement entre Mme [K] et M. [R], dans l'exercice des fonctions de responsable du SAV au sein de la Nofrag ; qu'il y a lieu, réformant le jugement entrepris, de dire que M. [R] doit bénéficier du statut cadre, tel que soumis à la convention collective nationale des ingénieurs, assimilés et cadres du bâtiment et des travaux publics du 30 avril 1951, que l'employeur a souhaité appliquer en dehors du territoire métropolitain, à ses cadres et assimilés ; que M. [R] doit être classé à la position A, coefficient 80, en tant qu'ingénieur assimilé débutant, de mars 2008 à mars 2010 puis à la position B, coefficient 90 à partir d'avril 2010 jusqu'à ce jour, et bénéficier de la rémunération y afférente, à compter de mars 2008 jusqu'à ce jour ;
1) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de préciser les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent et ne peuvent se référer, de manière générale, sans en préciser la teneur et le portée, aux « nombreux documents » versés aux débats ; qu'en énonçant que M. [R] verse de nombreux documents établissant qu'il continue à faire le même travail que Mme [K], au niveau du parfait achèvement des travaux, du suivi des expertises et même de la gestion des risques, sans préciser quels éléments de preuve se rapportaient notamment au suivi des expertises et à la gestion des risques, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QU'une inégalité de traitement ne peut être caractérisée entre deux salariés, au titre de la rémunération perçue en contrepartie d'une activité serait-elle identique, exercée par l'un puis par l'autre à des périodes différentes et en l'état d'une évolution de carrière différente ; que la société Nofrag avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que Mme [K], embauchée avec un statut de cadre, avait occupé le poste de responsable risques clients et que la responsabilité du SAV avait été une obligation accessoire à sa fonction principale, précisant que sa rémunération avait été liée à sa qualité de conducteur et ingénieur travaux lors de son recrutement et non à celle de responsable du service SAV ; qu'en énonçant que M. [R] devait bénéficier des rémunérations afférentes à un classement à la position A, coefficient 80, en tant qu'ingénieur assimilé débutant, de mars 2008 à mars 2010 puis à la position B, coefficient 90 à partir d'avril 2010 jusqu'à ce jour, par comparaison de sa situation avec celle de Mme [K], sans constater une évolution de carrière antérieure identique entre les deux salariés, ni vérifier si la rémunération dont avait bénéficié Mme [K] n'était pas justifiée par sa qualité de conducteur et ingénieur travaux et sa fonction de responsable risques clients, et non par celle de responsable SAV, autant de circonstances permettant de justifier objectivement la différence de rémunération constatée entre Mme [K] et M. [R], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1, L.1132-4 et L.3221-4 du code du travail ;
3) ALORS QUE subsidiairement, le principe « à travail égal salaire égal » ne permet pas à un salarié de revendiquer une nouvelle classification ou un nouveau statut mais seulement et le cas échéant, un rappel de salaire ; que la reconnaissance du statut de cadre ne peut être attribuée à raison de l'identité des fonctions exercées sur une période différente par un salarié se comparant à un autre salarié, bénéficiant de ce statut dès son embauche, pour exercer d'autres fonctions ; qu'en reconnaissant à M. [R] la qualité de cadre, sans constater que ce statut pouvait lui être attribué au regard notamment des dispositions conventionnelles applicables, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé les articles L.1221-1 et L.1132-1 du code du travail.