LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 5 novembre 2014), qu'à la suite d'une non-conformité affectant les fondations d'un poteau de soutien, la société Metabolic Explorer, maître d'ouvrage, invoquant un retard de quatre mois dans la livraison complète de son bâtiment, a assigné la société ECI Ingénierie, maître d'oeuvre, M. X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Renobat, titulaire du lot maçonnerie, et la société Axa, assureur des deux constructeurs, en responsabilité et en indemnisation de son préjudice d'exploitation ; que la société ECI Ingénierie a formé une demande reconventionnelle en paiement du solde de ses honoraires ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant retenu que l'ouvrage, dont la livraison était prévue pour le 18 octobre 2007, n'avait été totalement opérationnel qu'après l'exécution des travaux de reprises terminés le 28 février 2008 et relevé que l'exploitation du local n'avait pu se faire, entre le 21 décembre 2007 et cette dernière date, que dans une partie très réduite du bâtiment par des salariés pour lesquels elle acquittait l'intégralité des charges sociales, la cour d'appel a pu en déduire que la société Metabolic Explorer subissait, du fait des désordres, un préjudice certain dont elle a souverainement apprécié le montant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner la société Metabolic Explorer à payer à la société ECI Ingénierie une somme de 38 005,60 euros au titre du solde de ses honoraires, l'arrêt retient que le montant total de ceux-ci s'élève à la somme de 156 825,50 euros et que la société ECI Ingénierie ne conteste pas avoir reçu une somme de 118 819,90 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, la société ECI Ingénierie reconnaissait n'avoir perçu que la somme de 104 359,90 euros, la cour d'appel, qui a dénaturé ces conclusions, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Metabolic Explorer à payer à la société ECI Ingénierie la somme de 38 005,60 euros au titre du solde de ses honoraires, l'arrêt rendu le 5 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée ;
Met la société Axa France hors de cause ;
Condamne la société ECI Ingénierie aux dépens de la société Axa France ;
Dit que la société Metabolic et la société ECI Ingénierie conserveront la charge de leurs dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la société ECI Ingénierie
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné un maître d'oeuvre (la société ECI Ingenierie, l'exposante), in solidum avec le liquidateur judiciaire (M. X...) d'une entreprise de maçonnerie (la société Renobat) à payer au maître de l'ouvrage (la société Metabolic Explorer) la somme de 91.240 ¿, outre les intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2012 avec capitalisation ;
AUX MOTIFS QUE, sur le retard préjudiciable, il ressortait des pièces versées aux débats, notamment du courrier adressé par la société Metabolic Explorer à la société ECI Ingenierie le 21 décembre 2007, que si le maître de l'ouvrage avait été amené à commencer l'exploitation du site à cette période, il s'agissait d'une exploitation provisoire de la zone "petite fermentation", non affectée par les travaux de reprise des fondations ; que cela correspondait à l'emploi partiel des personnels recrutés pour l'exploitation de ce site, tel que décrit et précisé au cours des opérations d'expertise ; qu'il y avait lieu de privilégier la date butoir du 18/10/2008 ; que la réception de l'ensemble de l'ouvrage n'étant intervenue que le 30 avril 2008, malgré mise en demeure adressée dès le 21 décembre 2007 par la société Metabolic Explorer pour qu'il y fût procédé dès que possible, le retard de quatre mois invoqué par cette dernière du 18 octobre 2007 au 28 février 2009 (2008) était établi ; que, sur le montant du préjudice, la société Metabolic Explorer réclamait la somme de 69.990 ¿ au titre des frais de personnel spécialement recruté pour faire fonctionner le nouveau hall pilote, chiffre obtenu sur la base d'un taux moyen d'inactivité de 65 %, ramené à 30 % pour le directeur de l'exploitation ; que la société Metabolic Explorer était fondée à soutenir qu'elle n'avait pu utiliser ces salariés que très partiellement pour la partie réduite du hall pilote qu'elle avait pu mettre en service dès le mois de décembre 2007 ; que les taux d'inactivité retenus étaient donc justifiés ; que le mécanisme fiscal du crédit impôt recherche dont elle avait pu bénéficier après avoir supporté les charges salariales à hauteur de 69.990 ¿ ne pouvait être pris en compte pour faire exception au principe de la réparation intégrale du préjudice, étant observé que la société Metabolic Explorer aurait bénéficié également de cet avantage fiscal si l'ouvrage avait été livré suffisamment tôt pour permettre un emploi des mêmes salariés avec un taux d'activité à 100 % ; que le préjudice lié aux coûts de personnel devait en conséquence être fixé à 69.990 euros ; (arrêt attaqué, p. 8, 7ème et 8ème alinéas, et p. 9, 4ème et 6ème à 7ème alinéas) ;
ALORS QUE l'exposante faisait expressément valoir (v. ses concl. d'appel du 28/02/14, p. 15, 3ème et 4ème alinéas, prod.) que, tout en lui ayant annoncé « le 21 décembre 2007 » qu'il « passait commande » à l'entreprise Infraco des travaux de reprise « de la fondation mal conçue du poteau de la file 11 », le maître de l'ouvrage n'avait passé « en définitive cette commande que le 5 février 2008 », et ce, « pour une intervention souhaitée le 20 février 2008 (¿), soit 2 mois plus tard que la date à laquelle la Société Infraco aurait pu intervenir », ce dont il résultait que la non-conformité alléguée et sa reprise « ne constituaient aucunement » pour le maître de l'ouvrage « une situation préjudiciable à laquelle il devait être mis fin en urgence » ; qu'en déclarant néanmoins établi le retard préjudiciable allégué tout en délaissant ces conclusions dont il résultait clairement que le propre comportement du maître de l'ouvrage en avait lui-même révélé l'absence, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, en outre, l'exposante soulignait (v. ses concl. d'appel préc., p. 17) que, « vis-à-vis de l'administration fiscale », le maître de l'ouvrage avait déclaré que, « pendant la période des mois de novembre 2007 à février 2008 », ses salariés « avaient bien été affectés à l'activité du pré-pilote » et y avaient « accompli normalement leur activité », ce qui lui « avait ouvert droit à un crédit d'impôt recherche » ; qu'en retenant cependant que, sur le coût de personnel durant la période considérée, le maître de l'ouvrage établissait l'inactivité partielle des personnels concernés, et donc le préjudice subi de ce chef, tout en négligeant l'argumentation décisive de l'exposante dont il résultait que le maître de l'ouvrage avait pourtant déclaré fiscalement une activité complète de ces personnels au cours de ladite période, la cour d'appel a derechef méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le maître de l'ouvrage (la société Metabolic Explorer) à payer au maître d'oeuvre (la société ECI Ingenierie, l'exposante), au titre du solde de ses honoraires, une somme limitée à 38.005,60 ¿ TTC, outre les intérêts légaux ;
AUX MOTIFS QUE le contrat faisait état d'honoraires pour un montant total de 156.825,50 euros TTC et la société ECI Ingenierie ne contestait pas avoir reçu une somme de 118.819,90 ¿ (arrêt attaqué, p. 12, 10ème alinéas) ;
ALORS QUE, en cause d'appel (v. ses concl. préc., p. 4, in fine), l'exposante rappelait explicitement que, sur le contrat conclu entre les parties, d'un montant de « ¿ 156.825,50 TTC », elle n'avait « été réglée qu'à hauteur de la somme de (¿) ¿ 104.359,90 TTC » ; qu'en affirmant que le maître d'oeuvre ne contestait pas avoir reçu, au titre de ses honoraires, une somme de 118.819,90 ¿ TTC, la cour d'appel a dénaturé le contenu clair et précis des conclusions de l'exposante, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.