LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 janvier 2015), que la société PVH Promoval, gérante de la société civile immobilière Le clos des tisseurs (la SCI) constituée pour l'occasion, a entrepris de réhabiliter une ancienne usine en l'aménageant en logements et parkings ; qu'une mission complète de maîtrise d'oeuvre a été confiée à l'EURL Transition et la réalisation des plans des lieux à la société civile professionnelle X...et Y... (la SCP), géomètres experts ; qu'invoquant un manque à gagner résultant de l'impossibilité de vendre deux lots dont les fenêtres étaient obstruées par des constructions mitoyennes, la SCI a assigné l'EURL Transition, la MAF et la SCP en indemnisation de ses préjudices ;
Sur le second moyen :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes à l'encontre de la SCP, alors, selon le moyen :
1°/ que le géomètre expert est tenu d'un devoir de conseil envers son client, maître de l'ouvrage, et doit dès lors l'aviser des difficultés qu'il peut constater lors de la réalisation de sa mission ; que, dans la présente espèce, le géomètre avait pour mission de situer les fenêtres sur le plan afin qu'elles puissent être normalement utilisées, sans obstruction ; que, dès lors, le géomètre, tenu d'un devoir de conseil, devait informer le maître de l'ouvrage du caractère inutilisable des fenêtres dont il avait réalisé les mesures, en raison de la présence d'un obstacle tel qu'un autre immeuble ; qu'en considérant pourtant que la mission du géomètre expert se limitait à rédiger un plan, peu important les obstacles qu'il pouvait constater, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ que le géomètre expert est tenu d'un devoir de conseil envers son client, maître de l'ouvrage, et doit dès lors l'aviser des difficultés relatives à la mission qui lui a été confiée, en l'informant notamment de la faisabilité du projet de construction ; qu'en jugeant pourtant que l'absence de fenêtres dans les lots 108 et 109 n'était pas imputable à la SCP X...et Y..., dont les plans prévoyaient de telles ouvertures, sans rechercher si celles-ci étaient réalisables, en considération notamment des droits du propriétaire voisin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, procédant à la recherche prétendument omise, que, s'agissant des fenêtres, le géomètre avait pour mission de les situer sur le plan, dès lors qu'elles existaient ou que leur structure existait et pouvait être utilisée et qu'il n'appartenait pas au géomètre, qui ne connaissait pas le projet à venir et n'avait pas à vérifier l'environnement de l'immeuble, ni la faisabilité du projet, mais de « métrer » un existant à partir duquel le maître d'oeuvre allait procéder à des transformations ou aménagements en vue du dossier de permis de construire, la cour d'appel, qui a pu en déduire que l'absence d'ouverture dans les lots 108 et 109 n'était pas imputable aux géomètres, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de la SCI à l'encontre de l'EURL Transition et de la MAF, l'arrêt retient que trois ouvertures étaient comblées par le propriétaire de l'immeuble voisin et qu'ainsi l'absence d'ouverture dans les lots 108 et 109 n'est pas imputable à l'architecte ;
Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que deux lots, dépourvus de fenêtres, étaient impropres à la vente et alors que l'architecte, tenu d'un devoir de conseil, doit contrôler la faisabilité du projet de son client, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la SCI de ses demandes formées contre l'EURL Transition et la MAF, l'arrêt rendu le 28 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la Mutuelle des architectes français aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Mutuelle des architectes français à payer à la SCI Le Clos des tisseurs 2010 la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour la société Le Clos des tisseurs 2010
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI LE CLOS DES TISSEURS 2010 de son action à l'encontre de l'EURL TRANSITION et de la Mutuelle des architectes français ;
AUX MOTIFS QUE « La SCI LE CLOS DES TISSEURS produit elle-même aux débats un procès-verbal de constat d'huissier du 12 juillet 2012 duquel il ressort qu'elle a déclaré à l'officier ministériel ayant instrumenté que le propriétaire voisin de l'immeuble situé à droite en se positionnant façade avant avait comblé trois ouvertures existantes à hauteur du premier étage de son propre immeuble ; que l'huissier a ensuite constaté, au premier étage de l'immeuble appartenant à la SCI, à hauteur de l'emplacement des futurs appartements 108 et 109 qu'il existait des ouvertures latérales surplombant l'emprise de l'immeuble situé à droite de la façade principale et que trois de ces ouvertures étaient comblées totalement ou partiellement, visiblement par le propriétaire de l'immeuble voisin qui est venu appuyer, ancrer, des maçonneries de briques, poutres et linteaux métalliques, directement dans les encadrements des ouvertures existantes de l'immeuble de la SCI ; qu'ainsi l'absence d'ouverture dans les lots 108 et 109 n'est pas imputable à l'architecte ou aux géomètres, dont les plans prévoient bien de telles ouvertures, de sorte qu'en l'absence de faute des intimées la SCI LE CLOS DES TISSEURS devra être déboutée de ses demandes à leur encontre à ce titre ; que le compte rendu de chantier du 26 juillet 2012 mentionne que " sur les châssis créés la hauteur d'allège est de 0, 95 cm " ; que le compte rendu de chantier du 13 septembre 2012 indique " sur les châssis créés la hauteur d'allège est de 0, 95cm " et que " suite au modification de l'allège, la hauteur des châssis existants passe à 1, 90 m " ; que le relevé des hauteurs sous plafonds fait par la SCP X...et Y... indique une mesure variant, avant travaux de réaménagement, entre 3, 02 et 3, 20 mètres, tandis que les plans annexes au permis de construire, réalisés par l'EURL TRANSITION, mentionnent une hauteur sous plafond de 2, 90 mètres dans tous les lots, ce qui implique nécessairement une variation de la hauteur des allèges qui ne pouvait être identique dans tous les lots ; que cette variation, inhérente à la configuration des lieux, n'est donc pas imputable aux intimées, les demandes de la SCI de ce chef devant également être rejetées » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE L'architecte, tenu d'un devoir de conseil envers son client, doit aviser celui-ci, maître de l'ouvrage, des difficultés relatives à la mise en point de son projet, dont il doit contrôler la faisabilité ; que, dans la présente espèce, la SCI CLOS DES TISSEURS 2010 avait confié à l'EURL TRANSITION la réhabilitation et la transformation d'une ancienne usine en logements, découpés en différents lots ; que, sur plusieurs lots, il est apparu que les fenêtres n'étaient pas réalisables, le mur de l'immeuble voisin étant situé trop haut ; qu'ainsi, certains lots étant dépourvus de fenêtres, ils se sont trouvés impropres à la vente ; qu'en considérant pourtant que ces défauts n'étaient pas imputables à l'EURL TRANSITION, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE L'architecte, tenu d'un devoir de conseil envers son client, doit aviser celui-ci, maître de l'ouvrage, des difficultés relatives à la mise en point de son projet, dont il doit contrôler la faisabilité ; que, dans la présente espèce, la Cour d'appel a considéré que l'absence de fenêtres dans les lots 108 et 109 n'était pas imputable à l'EURL TRANSITION, architecte et maître d'oeuvre, dont les plans prévoyaient de telles ouvertures ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher si l'EURL TRANSITION avait vérifié le caractère réalisable de ces fenêtres au regard notamment des droits des tiers, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI CLOS DES TISSEURS de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SCP VINCENT X...et DAVID Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « La SCI LE CLOS DES TISSEURS produit elle-même aux débats un procès-verbal de constat d'huissier du 12 juillet 2012 duquel il ressort qu'elle a déclaré à l'officier ministériel ayant instrumenté que le propriétaire voisin de l'immeuble situé à droite en se positionnant façade avant avait comblé trois ouvertures existantes à hauteur du premier étage de son propre immeuble ; que l'huissier a ensuite constaté, au premier étage de l'immeuble appartenant à la SCI, à hauteur de l'emplacement des futurs appartements 108 et 109 qu'il existait des ouvertures latérales surplombant l'emprise de l'immeuble situé à droite de la façade principale et que trois de ces ouvertures étaient comblées totalement ou partiellement, visiblement par le propriétaire de l'immeuble voisin qui est venu appuyer, ancrer, des maçonneries de briques, poutres et linteaux métalliques, directement dans les encadrements des ouvertures existantes de l'immeuble de la SCI ; qu'ainsi l'absence d'ouverture dans les lots 108 et 109 n'est pas imputable à l'architecte ou aux géomètres, dont les plans prévoient bien de telles ouvertures, de sorte qu'en l'absence de faute des intimées la SCI LE CLOS DES TISSEURS devra être déboutée de ses demandes à leur encontre à ce titre ; que le compte rendu de chantier du 26 juillet 2012 mentionne que " sur les châssis créés la hauteur d'allège est de 0, 95 cm " ; que le compte rendu de chantier du 13 septembre 2012 indique " sur les châssis créés la hauteur d'allège est de 0, 95cm " et que " suite au modification de l'allège, la hauteur des châssis existants passe à 1, 90 m " ; que le relevé des hauteurs sous plafonds fait par la SCP X...et Y... indique une mesure variant, avant travaux de réaménagement, entre 3, 02 et 3, 20 mètres, tandis que les plans annexes au permis de construire, réalisés par l'EURL TRANSITION, mentionnent une hauteur sous plafond de 2, 90 mètres dans tous les lots, ce qui implique nécessairement une variation de la hauteur des allèges qui ne pouvait être identique dans tous les lots ; que cette variation, inhérente à la configuration des lieux, n'est donc pas imputable aux intimées, les demandes de la SCI de ce chef devant également être rejetées » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « La clause contractuelle vers l'architecte n'empêche pas l'action vers les géomètres experts ; que cependant ceux-ci se sont vus confier la réalisation des plans des lieux : cour, emprise de l'usine, hauteur des planchers, surfaces des planchers, limites de propriété, ouvertures, logements habités dans l'enceinte de l'usine ; qu'ils ont donc adressé un devis mentionnant un travail de relevés à effectuer dont un alinéa " dessin des murs, cloisons et figuration des ouvertures (portes et fenêtres) » ; que le plan relatif au 1er étage concerné par ce contentieux dessine une surface ceinte d'un mur extérieur avec positionnement des nombreuses fenêtres qui le jalonnent ; que la mission confiée au géomètre n'est pas de faire un " état " des lieux mais un " plan " des lieux comportant un métrage précis avec mention des surfaces, épaisseurs de murs, ouvertures orientations, tous éléments permettant au maître d'oeuvre d'établir son projet ; qu'il n'appartient pas au géomètre de vérifier la faisabilité d'un projet mais de " métrer " un existant à partir duquel le maître d'oeuvre va procéder à des transformations ou aménagements en vue du dossier de permis de construire ; que concernant les fenêtres, le géomètre a pour mission de les situer sur le plan, dans la mesure où elles existent ou que leur structure existe et puisse être utilisée ; qu'il importe peu en effet qu'elles soient murée, encombrée ou non ; qu'il faut et il suffit seulement que la structure de la fenêtre existe dans le mur porteur de sorte qu'elles puissent être activées si le maître d'oeuvre souhaite les utiliser ; que le géomètre ne connaît pas le projet à venir et n'a pas à vérifier l'environnement de l'immeuble à rénover pour donner son avis sur les vues éventuelles vers l'extérieur ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le géomètre a rempli efficacement sa mission en faisant le relevé et le métré du 1er étage, sa mission n'ayant pas à compenser la négligence pour un maître d'ouvrage entreprenant une rénovation lourde d'avoir fait le tour de l'immeuble concerné » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE Le géomètre expert est tenu d'un devoir de conseil envers son client, maître de l'ouvrage, et doit dès lors l'aviser des difficultés qu'il peut constater lors de la réalisation de sa mission ; que, dans la présente espèce, le géomètre avait pour mission de situer les fenêtres sur le plan afin qu'elles puissent être normalement utilisées, sans obstruction ; que, dès lors, le géomètre, tenu d'un devoir de conseil, devait informer le maître de l'ouvrage du caractère inutilisable des fenêtres dont il avait réalisé les mesures, en raison de la présence d'un obstacle tel qu'un autre immeuble ; qu'en considérant pourtant que la mission du géomètre expert se limitait à rédiger un plan, peu important les obstacles qu'il pouvait constater, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE Le géomètre expert est tenu d'un devoir de conseil envers son client, maître de l'ouvrage, et doit dès lors l'aviser des difficultés relatives à la mission qui lui a été confiée, en l'informant notamment de la faisabilité du projet de construction ; qu'en jugeant pourtant que l'absence de fenêtres dans les lots 108 et 109 n'était pas imputable à la SCP X...et Y..., dont les plans prévoyaient de telles ouvertures, sans rechercher si celles-ci étaient réalisables, en considération notamment des droits du propriétaire voisin, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.