LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 mai 2014), que M. et Mme X... ont, par acte notarié du 29 avril 2005, acquis des parcelles situées sur la commune de Logron et composées d'un étang et d'un bois ; qu'en 2009, ils ont assigné la commune aux fins de la voir condamner à combler une vallée créée lors de travaux connexes à un remembrement intervenu au cours des années 1978-1979, au motif qu'elle constituait une emprise irrégulière sur leur propriété, et à leur payer diverses sommes ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que dans des attestations produites aux débats par M. et Mme X..., MM. Y... et Z... avaient attesté que l'étang était traversé par la seule vallée cadastrée et connue de tous ; qu'en affirmant qu'ils auraient attesté l'existence d'un fossé entourant l'étang au nord et servant de déversoir pour débouter M. et Mme X... de leur demande tendant à voir retenir l'existence d'une voie de fait résultant de l'exécution des travaux hors de l'emprise prévue dans les opérations de remembrement, sur la seconde vallée réalisée au nord de l'étang et ne le traversant pas, ce qui emportait emprise irrégulière sur leur propriété, la cour d'appel a dénaturé ces attestations claires et précises, violant l'article 1134 du code civil ;
2°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties telles qu'explicitées par leurs moyens ; qu'il résulte des plans versés aux débats que le fossé longeait uniquement l'étang ; qu'en énonçant que la seconde vallée litigieuse d'une longueur de 960 mètres, dont les travaux de réalisation caractérisaient l'existence d'une voie de fait invoquée par M. et Mme X... en ce qu'ils avaient été réalisés irrégulièrement sur leur propriété et non conformément aux prévisions du plan de remembrement, avait été creusée sur le lit du fossé de 1967 et suivait le tracé de cet ancien fossé sur 140 mètres, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que nul ne peut se constituer une preuve à soi-même ; qu'en admettant aux débats l'attestation de l'ancien maire de la commune selon laquelle les travaux litigieux auraient fait l'objet d'un procès-verbal de réception sans réserves, pour opposer ledit procès-verbal aux demandes de M. et Mme X..., la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil ;
4°/ que dans leurs conclusions d'appel M. et Mme X... avaient fait valoir que le procès-verbal de réception du 15 juin 1979 concernait des travaux commencés le 1er mai 1978 et terminés le 30 avril 1979 et était totalement étranger aux travaux litigieux, décidés par le conseil municipal de la commune de Logron le 3 mai 1979 et approuvés par le préfet de l'Eure-et-Loir et le sous-préfet de Châteaudun, respectivement les 19 juin et 13 juillet 1979 ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent de nature à justifier l'inopposabilité aux demandes de M. et Mme X... de ce procès-verbal inopérant, la cour d'appel a méconnu l'obligation de motivation de son arrêt et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que la voie de fait est définie comme l'exécution par une autorité administrative d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont elle dispose ; que pour débouter M. et Mme X... de leur demande tendant à voir sanctionner la voie de fait commise par la commune de Logron à raison des travaux litigieux réalisés sur la seconde vallée contournant l'étang, la cour d'appel a énoncé que ces travaux ne pouvaient être regardés comme insusceptibles de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration alors qu'ils ont été exécutés dans le cadre des opérations de remembrement ; qu'en s'abstenant de rechercher si les travaux litigieux relatifs à la réalisation de la seconde vallée avaient ou non été exécutés dans l'emprise des terres à aménager et avaient porté ou non atteinte au droit de propriété de M. et Mme X..., la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif insuffisant, a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 132-8 du code rural, 544 et 545 du code civil ;
6°/ que l'auteur d'une voie de fait résultant de l'exécution irrégulière de travaux réalisés, en violation du droit de propriété des propriétaires concernés, comme insusceptibles de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration, ne peut opposer leur acceptation tacite desdits travaux ; que, pour débouter M. et Mme X... de leurs demandes, la cour d'appel a retenu que les travaux litigieux avaient été exécutés dans le cadre des opérations de remembrement et n'avaient pas fait l'objet de réserves par les propriétaires précédents jusqu'à la cession de leur bien en 2005 ; qu'en se fondant ainsi implicitement mais nécessairement sur une prétendue acceptation tacite de ces travaux litigieux par les auteurs de M. et Mme X... dont ils tiennent leurs droits, pour la leur opposer, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu souverainement, sans dénaturer les éléments de preuve produits, que les époux X... ne rapportaient la preuve d'aucune voie de fait ou emprise irrégulière commise par la commune de Logron, antérieurement à l'acquisition de leur propriété, à l'occasion de prestations de terrassement exécutées au titre de travaux d'amélioration foncière connexes à un remembrement, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, sans modifier l'objet du litige, légalement justifié sa décision de rejeter la demande en condamnation de la commune à combler la vallée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... et les condamne à payer à la commune de Logron la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme X... de leur demande tendant à voir la commune de Logron condamnée à combler la vallée litigieuse réalisée irrégulièrement à l'occasion d'opérations de remembrement et à réparer leur préjudice ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la voie de fait, pour être caractérisée, suppose la réunion de deux conditions, d'une part, lorsqu'il s'agit d'une atteinte à la propriété immobilière, une emprise sur cette propriété emportant une dépossession ou une occupation d'un bien appartenant à une personne privée, d'autre part, une irrégularité grossière consistant en une méconnaissance lourde et flagrante par l'autorité administrative de ses pouvoirs, ce qui est le cas lorsqu'une décision est manifestement insusceptible de se rattacher à l'existence d'un pouvoir appartenant à l'administration ; que l'acte notarié d'acquisition des époux X... mentionnait une vallée traversant l'étang dit « Le Genneté » ; que, dans une attestation du 21 décembre 2010, M. A... certifie qu'en qualité d'ingénieur à la DDA en 1978 il a été amené à suivre les travaux connexes au remembrement de la commune de Logron et que, confronté à des difficultés de réalisation à l'étang du Genneté, ils ont été effectués hors emprise et hors fossés existants en précisant que les travaux de la vallée contournent l'étang par le nord et l'est à travers le bois et, de ce fait, se trouvent être non conformes aux travaux connexes au remembrement sur cette propriété ; que, cependant, l'ancien maire de la commune, M. B... a attesté, le 1er mars 2011, que la conduite des opérations de reprofilage des vallées avait donné lieu à la signature d'un procès-verbal de réception sans réserve du 15 juin 1979, mentionnant que ces travaux étaient conformes aux CCTP et au CCAP ; que le procès-verbal de réception du 15 juin 1979 mentionne que les membres présents, après examen des ouvrages, considérant que leur exécution est conforme aux pièces suivantes CCTP, CCAP, déclarent accorder le bénéfice de la réception ; que, dans son attestation du 26 mars 2011, M. C..., conducteur des travaux, avait certifié que les travaux contestés avaient été exécutés dans l'emprise, sauf à l'endroit de l'étang, car l'emprise traversait l'étang ; que l'état d'avancement des travaux, comme leur facture, approuvée par M. A..., ingénieur des travaux agricoles, mentionnait le reprofilage du « fossé » sur 140 m ; que les époux X... exposent, dans leurs dernières conclusions, que leur propriété est traversée par un fossé ; que l'existence de ce fossé contournant l'étang au nord et servant de déversoir pour évacuer le trop plein de l'étang est attestée par M. Y... et par M. Z... ; que si le fossé réalisé dans le cadre des opérations connexes au remembrement se détourne du tracé de la première vallée dont la présence est mentionnée sur le plan cadastral joint à l'acte de vente du 29 avril 2005, comme le relève Alain C..., il résulte des éléments produits aux débats qu'il l'a été sur le tracé de celui créé en 1967, ce que les époux X... ne contestent pas ; qu'à supposer même qu'il déborde en largeur l'emprise du fossé préexistant, les travaux réalisés sur la propriété des époux X... en 1978 et 1979 par la commune de Logron, outre le fait qu'ils n'emportent ni dépossession, ni occupation de leur bien immobilier, ne peuvent être regardés comme insusceptibles de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration alors qu'ils ont été exécutés dans le cadre des opérations de remembrement et qu'ils n'ont pas fait l'objet de réserves par les propriétaires précédents jusqu'à la cession de leur bien en 2005 ; que les époux X... ne rapportent donc pas la preuve que la commune de Logron aurait commis une voie de fait ;
et AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'état d'avancement des travaux ainsi que le document établi par l'entreprise C... ne permettent pas de savoir à quoi correspondent les travaux de terrassement de fossé ; qu'en toute hypothèse, ceux-ci ont été réceptionnés ; que, dès lors, les époux X... ne rapportent pas la preuve certaine d'une voie de fait ou emprise irrégulière commise par la commune ;
1°) ALORS QUE dans des attestations produites aux débats par M. et Mme X..., MM. Y... et Z... avaient attesté que l'étang était traversé par la seule vallée cadastrée et connue de tous ; qu'en affirmant qu'ils auraient attesté l'existence d'un fossé entourant l'étang au nord et servant de déversoir pour débouter M. et Mme X... de leur demande tendant à voir retenir l'existence d'une voie de fait résultant de l'exécution des travaux hors de l'emprise prévue dans les opérations de remembrement, sur la seconde vallée réalisée au nord de l'étang et ne le traversant pas, ce qui emportait emprise irrégulière sur leur propriété, la cour d'appel a dénaturé ces attestations claires et précises, violant l'article 1134 du code civil ;
2°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties telles qu'explicitées par leurs moyens ; qu'il résulte des plans versés aux débats que le fossé longeait uniquement l'étang ; qu'en énonçant que la seconde vallée litigieuse d'une longueur de 960 mètres, dont les travaux de réalisation caractérisaient l'existence d'une voie de fait invoquée par M. et Mme X... en ce qu'ils avaient été réalisés irrégulièrement sur leur propriété et non conformément aux prévisions du plan de remembrement, avait été creusée sur le lit du fossé de 1967 et suivait le tracé de cet ancien fossé sur 140 mètres, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE nul ne peut se constituer une preuve à soi-même ; qu'en admettant aux débats l'attestation de l'ancien maire de la commune selon laquelle les travaux litigieux auraient fait l'objet d'un procès-verbal de réception sans réserves, pour opposer ledit procès-verbal aux demandes de M. et Mme X..., la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil ;
4°) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel M. et Mme X... avaient fait valoir que le procès-verbal de réception du 15 juin 1979 concernait des travaux commencés le 1er mai 1978 et terminés le 30 avril 1979 et était totalement étranger aux travaux litigieux, décidés par le conseil municipal de la commune de Logron le 3 mai 1979 et approuvés par le préfet de l'Eure-et-Loir et le sous-préfet de Châteaudun, respectivement les 19 juin et 13 juillet 1979 ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent de nature à justifier l'inopposabilité aux demandes de M. et Mme X... de ce procès-verbal inopérant, la cour d'appel a méconnu l'obligation de motivation de son arrêt et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE la voie de fait est définie comme l'exécution par une autorité administrative d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont elle dispose ; que pour débouter M. et Mme X... de leur demande tendant à voir sanctionner la voie de fait commise par la commune de Logron à raison des travaux litigieux réalisés sur la seconde vallée contournant l'étang, la cour d'appel a énoncé que ces travaux ne pouvaient être regardés comme insusceptibles de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration alors qu'ils ont été exécutés dans le cadre des opérations de remembrement ; qu'en s'abstenant de rechercher si les travaux litigieux relatifs à la réalisation de la seconde vallée avaient ou non été exécutés dans l'emprise des terres à aménager et avaient porté ou non atteinte au droit de propriété de M. et Mme X..., la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif insuffisant, a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 132-8 du code rural, 544 et 545 du code civil ;
6°) ALORS QUE l'auteur d'une voie de fait résultant de l'exécution irrégulière de travaux réalisés, en violation du droit de propriété des propriétaires concernés, comme insusceptibles de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration, ne peut opposer leur acceptation tacite desdits travaux ; que, pour débouter M. et Mme X... de leurs demandes, la cour d'appel a retenu que les travaux litigieux avaient été exécutés dans le cadre des opérations de remembrement et n'avaient pas fait l'objet de réserves par les propriétaires précédents jusqu'à la cession de leur bien en 2005 ; qu'en se fondant ainsi implicitement mais nécessairement sur une prétendue acceptation tacite de ces travaux litigieux par les auteurs de M. et Mme X... dont ils tiennent leurs droits, pour la leur opposer, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil.