LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., avocat au barreau de la Seine Saint-Denis, qui fait l'objet de poursuites disciplinaires devant le conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Paris, a, par requête du 14 mars 2014, saisi la cour d'appel d'Amiens, en application de l'article 47 du code de procédure civile, d'un recours en annulation des délibérations des différents conseils de l'ordre ayant désigné les membres de cette formation disciplinaire et de l'élection de son président pour les années 2013 et 2014 ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer son recours irrecevable, alors, selon le moyen, que la procédure spécifique de contestation de la composition du conseil de discipline instaurée par l'article 22-1 de la loi du 31 décembre 1971, comme celle de contestation des délibérations du conseil de l'ordre prévue par les articles 14 et 15 du décret du 27 novembre 1991, ne dérogent pas à l'application des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile ; qu'en estimant que l'avocat, diligentant une procédure qui relève normalement de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle il exerce ses fonctions, ne pouvait saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe du sien, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 47 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt énonce exactement que les dispositions spéciales édictées par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui confèrent, dans les matières qu'ils prévoient, qu'elles soient à caractère disciplinaire ou administratif, attribution exclusive de compétence à la cour d'appel dans le ressort de laquelle chaque ordre est établi, échappent, par leur nature, aux dispositions de l'article 47 du code de procédure civile ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 22-1 de la loi du 31 décembre 1971 ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les délibérations des conseils de l'ordre prises en application du premier alinéa, relatif à la composition du conseil de discipline institué dans le ressort de chaque cour d'appel, et l'élection du président du conseil de discipline peuvent être déférées à la cour d'appel ;
Attendu que, pour déclarer d'office le recours irrecevable, l'arrêt retient l'absence d'ouverture d'une voie de recours ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et lwes parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le recours de M. X... irrecevable
AUX MOTIFS QUE
Aux termes de l'article 22-1 de la loi du 31 décembre 1971, " Le conseil de discipline mentionné au premier alinéa de l'article 22 est composé de représentants des conseils de l'ordre du ressort de la cour d'appel. Aucun conseil de l'ordre ne peut désigner plus de la moitié des membres du conseil de discipline et chaque conseil de l'ordre désigne au moins un représentant. Des membres suppléants sont nommés dans les mêmes conditions. Peuvent être désignés les anciens bâtonniers, les membres des conseils de l'ordre autres que le bâtonnier en exercice et les anciens membres des conseils de l'ordre avant quitté leur fonction depuis moins de huit ans. Le conseil de discipline élit son président. Les délibérations des conseils de l'ordre prises en application du premier alinéa et l'élection du président du conseil de discipline peuvent être déférées à la cour d'appel. Le conseil de discipline siège en formation d'au moins cinq membres délibérant en nombre impair. Il peut constituer plusieurs formations, lorsque le nombre des avocats dans le ressort de la cour d'appel excède cinq cents. La formation restreinte peut renvoyer l'examen de l'affaire à la formation plénière. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article R 312-9 du Code de l'organisation judiciaire, " Le contentieux des élections au Conseil national des barreaux et aux conseils de l'ordre et des élections des bâtonniers ainsi que les recours dirigés contre les décisions ou les délibérations de ces conseils sont portés aux audiences solennelles ". La procédure spécifique de contestation de la composition du conseil de discipline instaurée par l'article 22-1 de la loi du 31 décembre 1971, comme de l'article 23 de la loi du 31 décembre 1971 en matière disciplinaire et des articles 14 et 15 du décret du 27 novembre 1991 en matière de contestation des délibérations du conseil de l'ordre, pour lesquelles le législateur a entendu réserver la connaissance du contentieux à la cour d'appel dont dépendent les barreaux ou le conseil de discipline et auprès de laquelle le procureur général ayant le pouvoir de la saisir exerce ses fonctions, échappe aux dispositions de l'article 47 du code de procédure civile. Dans ces conditions, Maître X... ne pouvait valablement saisir la Cour d'Appel d'Amiens. En l'absence d'ouverture d'une voie de recours, en application de l'article 125 du Code de procédure civile, il y a lieu de relever d'office l'irrecevabilité du recours de Maître X.... Il n'y a pas lieu de se prononcer sur les autres demandes.
1°) ALORS QU'en matière de recours contre les délibérations d'un conseil de l'ordre, la cour d'appel statue sur les observations orales du bâtonnier ; qu'en l'espèce, les bâtonniers des ordres des avocats des barreaux de la Seine Saint-Denis, du Val de Marne, d'Auxerre, de l'Essonne, de Fontainebleau, de Meaux et de Melun n'ont pas été invités à présenter leurs observations orales en tant que garants élus par leurs pairs, du respect des règles déontologiques de la profession, peu important que des conclusions aient été déposées au nom des parties à l'instance ; qu'ainsi les prescriptions de l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ont été méconnues.
2°) ALORS QUE le juge doit observer et faire observer le principe de la contradiction ; que l'arrêt mentionne que le ministère public a pris des réquisitions le 4 novembre 20104 aux termes desquelles il a requis que l'appel soit déclaré irrecevable pour non-respect des formes prescrites par l'article 433 du code de procédure civile ; qu'en ne constatant pas que le requérant avait reçu communication de ces réquisitions afin d'être en mesure d'y répondre utilement, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 16 et 431 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE la procédure spécifique de contestation de la composition du conseil de discipline instaurée par l'article 22-1 de la loi du 31 décembre 1971, comme celle de contestation des délibérations du conseil de l'ordre prévue par les articles 14 et 15 du décret du 27 novembre 1991, ne dérogent pas à l'application des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile ; qu'en estimant que le requérant, avocat, diligentant une procédure qui relève normalement de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle il exerce ses fonctions, ne pouvait saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe du sien, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 47 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE les délibérations des conseils de l'ordre prises en application du premier alinéa de l'article 22-1 de la loi du 31 décembre 1971 et l'élection du président du conseil de discipline peuvent être déférées à la cour d'appel, comme toute délibération du conseil de l'ordre des avocats : qu'en affirmant en l'espèce l'absence d'ouverture d'une voie de recours, pour se dispenser de renvoyer l'affaire à la juridiction qu'elle estimait compétente après avoir écarté l'option de compétence dont se prévalait le requérant, la cour d'appel a violé l'article 22-1 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 96 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE, si le droit à un tribunal, qui implique le droit concret et effectif d'y accéder, n'est pas absolu, les conditions de recevabilité d'un recours ne peuvent toutefois en restreindre l'exercice au point qu'il se trouve atteint dans sa substance même ; qu'en affirmant en l'espèce l'absence d'ouverture d'une voie de recours, pour se dispenser de renvoyer l'affaire à la juridiction qu'elle estimait compétente après avoir écarté l'option de compétence dont se prévalait le requérant, la cour d'appel a privé le requérant de son droit d'accès à un tribunal garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle a ainsi violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.