LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Roger X... est décédé le 13 décembre 2007, laissant pour héritiers ses trois enfants Richard, Catherine, épouse Z..., et Dominique, épouse Y..., nés de son union avec Irène A..., son épouse prédécédée ; qu'ils avaient consenti, le 27 avril 1996, à leur fille Dominique la donation « en avancement d'hoirie » d'une maison à Méry ; que des difficultés se sont élevées pour la liquidation et le partage de la succession ;
Sur les premier et quatrième moyens, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de constater que les parties s'accordaient sur la valeur de 2 263 euros retenue par l'expert pour les meubles garnissant la maison de Chindrieux ;
Attendu qu'il ne résulte pas du dispositif de ses conclusions que Mme Y... ait contesté la valeur des meubles litigieux ; que, dès lors, c'est sans méconnaître l'objet du litige que la cour d'appel a retenu que les parties s'accordaient pour fixer la valeur du mobilier à la somme de 2 263 euros ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu les articles 815-9 et 1315 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande de Mme Y..., tendant à la fixation, à compter du 27 décembre 2007, d'une indemnité à la charge de M. X... et de Mme Z... pour l'occupation privative de l'immeuble de Chindrieux, l'arrêt, après avoir retenu, par motifs adoptés, que les verrous de la maison avaient été changés après le décès de Roger X..., énonce que l'usage privatif de ce bien par M. X... et Mme Z... ne peut être déduit du seul fait que Mme Y..., qui ne possède aucune clé, ne peut y accéder, dès lors que M. B..., notaire, indique détenir un jeu de clés à sa disposition, que le maire précise que l'immeuble est inoccupé depuis le décès de Roger X... et qu'il n'est pas démontré que l'usage de cette maison, conformément à sa destination, n'est pas compatible avec les droits de Mme Y... sur cet immeuble ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité que l'article 815-9 du code civil met, sauf convention contraire, à la charge de l'indivisaire qui jouit privativement d'un bien indivis est due, même en l'absence d'occupation effective et qu'il incombait à M. X... et Mme Z... de prouver que leur mandataire avait mis les clés à la disposition de Mme Y..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en celles de ses dispositions qui rejettent la demande de Mme Y... tendant à la condamnation de Mme Z... et de M. Richard X... au paiement d'une indemnité au titre de l'occupation privative de la maison de Chindrieux, l'arrêt rendu le 17 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne Mme Z... et M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme Y... ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la donation de la propriété de Mery par les époux Roger X... à leur fille Dominique Y... est une donation en avancement d'hoirie, entièrement soumise à rapport et d'AVOIR fixé à la date du 7 juin 2013, à la somme de 315. 000 euros, le montant du rapport dû à ce titre par Mme Y... aux successions de ses parents ;
AUX MOTIFS QU'il s'agissait d'un bien commun aux époux X... ; il est cadastré A1475 et 1476 et se compose d'une maison de type chalet et d'un terrain ; que les époux X... ont donné ce bien, en avancement d'hoirie à leur fille Dominique s'en réservant l'usufruit jusqu'au décès du second d'entre eux : cf. acte du 27 avril 1996 ; que Mme Y... soutient qu'en vertu du testament du 24 mai 2005, M. Roger X... a modifié la nature de la donation relative à ses propres droits, en lui conférant un caractère préciputaire ; que le texte de ce testament, terme dont il y a lieu d'observer que le défunt ne l'a nullement employé, a été rédigé en ces termes : " Je soussigné Docteur X... Rager, sain d'esprit, donne à ma, fille Dominique épouse Y...née le 23 avril 1952, la propriété que je possède à Méry (donation faite en avance de hoirie), meubles compris, et lui en donne la jouissance totale sans aucune récrimination extérieure de sa fratrie. " ; qu'en ce qu'il porte sur la propriété de l'immeuble de Méry, il rappelle qu'elle a déjà été donnée par la donation en avancement d'hoirie susvisée ; cette précision est d'autant plus importante que par opposition, M. X... aurait pu évoquer de manière claire, sa volonté de rendre cette donation préciputaire, ce qu'il n'a pas fait ; que pour parvenir au raisonnement suivi par Mme Y..., consistant à interpréter l'expression " sans aucune récrimination extérieure de sa fratrie " de telle sorte qu'elle produise un effet sur cette donation, il conviendrait : d'une part, de retenir que cette expression ne se réfère pas exclusivement à la jouissance de cet immeuble et ne constitue pas seulement l'émission d'un voeu par M. X..., destiné à protéger sa fille Dominique des réclamations de ses frère et soeur et à dissuader ceux-ci de présenter de telles réclamations, ce qui relève davantage du postulat que de l'analyse ; d'autre part, de considérer que dans l'esprit de M. X..., la vérification du caractère réductible de la donation devenue préciputaire et dans l'affirmative, la réduction de celle-ci, n'auraient pas constitué des " récriminations ", ce qui relève davantage du sondage de son intention que de l'interprétation de son écrit ; qu'en conséquence, la Cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la donation de l'immeuble de Méry par les époux X... à leur fille Dominique était intégralement rapportable à leurs successions ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'un premier point de désaccord entre les parties porte sur le bien immobilier de Méry (73) qui après avoir fait l'objet d'une donation à Mme Dominique X... épouse Y..., en avancement d'hoirie, de sa nue-propriété en 1996, a été l'objet d'un testament olographe en 2005, par lequel M. Roger X... déclare en faire don à sa fille et lui en donner la jouissance totale ; que toutefois, ledit testament reprend la mention " donation en avancement d'hoirie ", mais aussi précise que la jouissance totale est donnée " sans aucune récrimination extérieure de sa fratrie " ; que Mme Dominique X... épouse Y... y voit un retour sur les termes de la donation du 27 avril 1996, afin de lui donner un caractère préciputaire ; qu'elle produit pour confirmer son argumentation, un avis du C. R. I. D. O. N et diverses attestations de proches qui témoignent de la volonté affirmée de M. Roger X... que ce soit elle, qui se serait toujours plus occupée de ses parents que son frère et sa soeur, qui bénéficie du bien immobilier de Méry ; qu'elle se fonde également sur la déclaration de succession dressée par Maître D..., produite en pièce no 18 par les demandeurs, qui reprend le bien immobilier dont objet comme donné " par préciput et hors part à Mme Dominique Y..., ainsi qu'il résulte du testament olographe de M. Roger X... " et procède au calcul des droits de chacun des héritiers en prenant en compte une donation par préciput ; que Mme Catherine X..., épouse Z... et M. Richard X... y voient, au contraire, clairement une donation en avancement d'hoirie ; qu'il y a lieu pour le Tribunal de rappeler que la déclaration de succession est une formalité fiscale qui ne produit pas d'incidence sur les opérations définitives de partage ; que dans ces conditions, le fait que la déclaration de succession ait choisi une interprétation plutôt qu'une autre ne saurait suffire à démontrer qu'il s'agit effectivement d'une donation par préciput ; que de la lecture du testament du 24 mai 2005, il ressort que M. Roger X... a expressément repris la mention que la donation est faite en avancement d'hoirie ; que s'il est vrai que la mention " lui donne la jouissance totale sans aucune récrimination extérieure de sa fratrie " peut être interprétée, comme le fait le C. R. I. D. O. N qui émet une hypothèse au conditionnel, comme une volonté de M. X... de faire sortir le bien de la succession au profit de Mme Dominique X... épouse Y... et ce sans que ses autres enfants aient leur mot à dire, il ne s'agit là que d'une interprétation qui n'est confirmée par aucun autre élément ; qu'en effet, outre le fait que les attestations produites aux débats émanent de proches de Mme Dominique X... épouse Y..., il convient de constater que si pour ces témoins M. Roger X... leur aurait rapporté sa volonté que ce soit sa fille Dominique qui garde la maison de Méry (73) eu égard à l'affection qu'elle a apportée à ses parents, elles ne démontrent en rien qu'il souhaitait que ce bien lui revienne en plus de sa part d'héritière ; que par ailleurs, au regard des dispositions de l'article 843 du Code Civil, le Tribunal ne peut que constater que le testament ne fait pas état expressément d'une donation hors part successorale ; qu'en conséquence, il convient de débouter Mme Dominique X... épouse Y... de son argumentation et de dire que la maison de Méry lui a été donnée en avancement d'hoirie avec les conséquences que cela implique ;
1°) ALORS QUE les legs faits à un héritier sont réputés hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire ; qu'en condamnant Mme Dominique Y... à rapporter à la succession la valeur de l'immeuble de Méry dont elle avait reçu la nue-propriété par acte de donation du 27 avril 1996, sans rechercher si la disposition testamentaire par laquelle Roger X... indiquait donner ce même immeuble à sa fille Dominique ne s'analysait pas en un legs, ce dont il résultait que la libéralité était en principe dispensée de rapport, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 843 du Code civil ;
2°) ALORS QU'il appartient aux héritiers qui soutiennent qu'un legs s'impute sur la part successorale du légataire d'en établir la preuve ; qu'en jugeant que Mme Y... ne rapportait pas la preuve du caractère préciputaire de la donation relative à l'immeuble de Méry, cependant qu'il appartenait aux consorts Z...- X... de renverser la présomption selon laquelle la libéralité consentie par testament à Mme Y... avait été effectuée hors part successorale, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du Code civil.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté que les parties s'accordaient sur la valeur de 2. 263 euros retenue par l'expert pour les meubles garnissant la maison de Chindrieux ;
AUX MOTIFS QUE la Cour constate que les parties s'accordent sur la valeur de l'immeuble de Chindrieux, soit 240. 000 euros pour l'immeuble d'habitation dépendant de l'actif successoral de leur mère et 20. 000 euros pour la parcelle dépendant de la communauté ayant existé entre leurs parents et la valeur des meubles qui le garnissent : 2. 263 euros, étant rappelé que cette valeur est celle retenue avec l'accord de toutes les parties, au terme de l'inventaire effectué le 21 juillet 2004 par Maître Lafay ;
ALORS QUE les termes du litige sont fixées par les prétentions des parties ; qu'en retenant que les parties s'accordaient pour fixer la valeur du mobilier de l'immeuble de Chindrieux à la somme de 2. 263 euros, cependant que Mme Y... indiquait « contester la valeur des meubles meublants actuellement situés à Chindrieux et retenus dans le rapport d'expertise, à savoir 2. 263 euros », en soulignant que « la valeur retenue par Mme C... n'était pas la valeur des meubles meublants de Chindrieux et ceux de Saint-Michel de Maurienne entreposés dans le garage de Chindrieux » (conclusions du 5 novembre 2014, p. 24, al. 2 et 3), la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige et a violé l'article 4 du Code de procédure civile.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande tendant à la condamnation de Mme Z... et de M. Richard X... au paiement d'une indemnité au titre de l'occupation privative de la maison de Chindrieux ;
AUX MOTIFS QUE sur le fondement de l'article 815-9 alinéa 2 du Code civil, selon lequel l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité, Mme Y... réclame à ses frère et soeur une indemnité d'occupation de la maison de Chindrieux, à compter du 13 décembre 2007, au seul motif qu'elle n'en possède aucune clef et qu'elle ne peut donc pas y accéder ; qu'outre que Maître D... indique détenir un jeu de clefs à sa disposition, il ne peut pas être déduit de ce seul fait que M. Richard X... et/ ou Mme Z... usent ou jouissent privativement de l'immeuble de Chindrieux ce d'autant que le maire de la commune atteste qu'il est inoccupé depuis le décès de M. Roger X... et que son alimentation en eau a été suspendue depuis le mois d'août 2009 ; qu'il n'est donc pas démontré que l'usage que M. Richard X... et Mme Z... feraient de cette maison, conformément à sa destination, n'est pas compatible avec les droits de Mme Y... sur cet immeuble ; qu'en conséquence, la Cour déboute Mme Y... de ses demandes tendant à la condamnation de ses frère et soeur au paiement d'indemnités d'occupation et pour recel successoral ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE Mme Dominique X... épouse Y... prétend que tout accès à la maison de Chindrieux lui a été interdit et que dès lors, une indemnité d'occupation doit être mise à charge de Mme Catherine X..., épouse Z... et M. Richard X..., qui seuls ont accès à ce bien immobilier ; qu'en l'état des pièces produites, s'il est constant et démontré par la facture d'un serrurier que les verrous de cette maison ont été changés après le décès de M. Roger X..., rien ne démontre que Mme Dominique X... épouse Y... a été privée de l'accès à ce bien ; que de même, il n'est pas établi que Mme Catherine X..., épouse Z... et M. Richard X... aient de quelque manière que ce soit joui de celui-ci ;
1°) ALORS QUE l'indemnité mise à la charge d'un indivisaire en contrepartie du droit de jouir privativement d'un bien indivis est due, même en l'absence d'occupation effective ; qu'en retenant, pour juger que Mme Z... et M. X... n'étaient pas tenus au paiement d'une indemnité d'occupation, que l'immeuble était inoccupé depuis le décès de Roger X..., sans constater que Mme Y... avait été mise en mesure de jouir du bien indivis, la Cour d'appel a violé l'article 815-9 du Code civil ;
2°) ALORS QU'il appartient à l'indivisaire qui détient seul les clefs d'un bien indivis de prouver qu'il les a mises à disposition de ses coindivisaires ; qu'en relevant, pour débouter Mme Y... de sa demande tendant au paiement d'une indemnité d'occupation, que les consorts X...- Z..., après avoir unilatéralement décidé de changer la serrure du bien indivis, avaient remis un jeu de clefs à la disposition de leur mandataire, Maître D..., quand il leur appartenait de justifier que leur mandataire avait favorablement répondu aux courriers par lesquels Mme Y... avait sollicité la remise des clefs, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du Code civil.
QUATRIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande de condamnation de Mme Z... à lui verser une somme de 720 euros ;
AUX MOTIFS QUE Mme Y... justifie avoir payé la taxe foncière de 2008 d'un montant de 720 euros, ce qui est normal dans la mesure où au titre de cette première année postérieure au décès de son père, c'est elle qui devait assumer cette charge, laquelle initialement réclamée au nom de ce dernier a fait l'objet d'un dégrèvement ; qu'aucun remboursement ne lui est donc dû ;
ALORS QU'en retenant, pour refuser de condamner Mme Z... à verser une somme de 720 euros à Mme Y..., que cette dernière justifiait avoir payé la taxe foncière due au titre de l'immeuble de Méry mais que cet impôt lui incombait en sa qualité de propriétaire, sans répondre au moyen par lequel l'exposante faisait valoir qu'un dégrèvement avait été accordé par l'administration fiscale et que la somme remboursée avait été perçue, non par elle, mais par Mme Z... (conclusions du 5 novembre 2014, p. 25, dernier al.), la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.