LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant offre préalable du 3 octobre 2007, la Société financière pour l'accession à la propriété (la Sofiap) a consenti à la société civile immobilière Téosande (la SCI) un prêt de 928 000 euros mentionnant une acceptation en date du 24 octobre suivant ; que, par acte notarié du 20 décembre 2007, les parties sont convenues d'une hypothèque sur l'immeuble objet du prêt ; que le prêteur a prononcé la déchéance du terme et sollicité, sur le fondement de l'article 141 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, l'exécution forcée de l'immeuble donné en garantie ;
Attendu que, pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que l'acte précité du 20 décembre 2007 confère au prêt conclu par acte sous seing privé du 24 octobre 2007 la valeur d'un titre exécutoire, dès lors qu'il en rappelle toutes les conditions et comporte une clause exécutoire pour un montant de 928 000 euros ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la SCI, qui faisait valoir que l'acte du 20 décembre 2007 ne valait pas titre exécutoire dès lors que la créance de la Sofiap ne s'y trouvait pas déterminée au sens de l'article 794, 5° du code de procédure civile local, un tel acte ne prévoyant pas, avant l'engagement de la procédure d'exécution forcée, la fixation de la somme restant due au titre du prêt, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;
Condamne la Sofiap aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Sofiap ; la condamne à payer à la société civile immobilière Téosande la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la SCI Téosande
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé les ordonnances du 24 février 2012 et du 25 octobre 2012 et ordonné ainsi la vente par adjudication de l'immeuble appartenant à la SCI Téosande, pour le recouvrement de la somme de 1.146.319,53 euros,
AUX MOTIFS QUE suivant offres datées du 3 octobre 2007, la SA Sofiap a consenti deux prêts à la SCI Teosande l'un portant sur un prêt de 80.000 € l'autre sur un prêt de 928.000 € sur 300 mois, ces deux prêts étant revêtus de l'acceptation de l'emprunteuse le 24 octobre 2007 ; que par acte notarié du 29 décembre 2007 intitulé « affectation hypothécaire », il a été convenu entre la SCI Téosande et la Sa Sofiap de consentir une hypothèque de premier rang sur l'immeuble ; que l'acte notarié mentionne que le prêt est annexé à l'acte, et qu'en outre l'acte notarié reproduit les conditions du prêt à savoir son objet, ses caractéristiques, ses conditions générales, les conditions de l'assurance décès-invalidité, ainsi que le cahier des charges ; que parmi les annexes de l'acte notarié figurent l'acte de prêt conclu sous seing privé ainsi que le tableau d'amortissement ; qu'en dernière page de l'acte notarié figure la clause exécutoire « pour un montant total de 928.000 € » ; que la question en litige est de déterminer si l'acte notarié d'affectation hypothécaire du 20 décembre 2007 confère au prêt conclu par acte sous seing privé le 24 octobre 2007 la valeur d'un titre exécutoire parce qu'il serait annexé à l'acte notarié et que l'acte en reproduirait les clauses essentielles ; que parmi les titre exécutoires dont le créancier doit être titulaire pour diligenter une procédure d'exécution forcée immobilière, l'article 794-5 du code de procédure civile local cite « les actes des notaires du ressort » avec cette précision que « l'acte doit avoir pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée ou la prestation d'une quantité déterminée d'autres choses fongibles ou de valeurs mobilières » qu'en l'espèce l'acte notarié du 20 décembre 2007 avait pour objet une affectation hypothécaire et non le prêt par lui-même qui avait été préalablement consenti par acte sous seing privé ; qu'il est admis que la circonstance que le prêt conclu par acte sous seing privé soit annexé à l'acte ne lui confère pas un caractère authentique ; qu'en revanche dans la mesure où l'acte notarié reproduit dans son corps même toutes les conditions du prêt il vaut reconnaissance authentique de la créance et il confère à la créance qu'il constate une valeur authentique ; qu'ainsi l'acte notarié d'affectation hypothécaire rappelant les conditions du prêt est un titre exécutoire permettant l'exécution forcée immobilière ; qu'au surplus, l'acte indique que la SCI Teosande se soumet à l'exécution forcée et immédiate, et que la dernière page de l'acte comporte la clause exécutoire « pour le montant de 928.000 € » ;
ALORS QUE la SCI Téosande ne soutenait pas seulement que l'acte notarié dont se prévalait la société Sofiap ne pouvait servir de titre exécutoire faute d'incorporer le contrat de prêt antécédent, mais également parce qu'il avait pour objet une créance seulement déterminable et non une créance déterminée comme l'exige l'article 794-5 du code local de procédure civile (concl. p. 5) ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé les ordonnances du 24 février 2012 et du 25 octobre 2012, ordonné ainsi la vente par adjudication de l'immeuble appartenant à la SCI Téosande pour le recouvrement de la somme de 1.146.319,53 euros, et débouté la SCI Téosande de sa demande tendant à ce que soit prononcée la déchéance du droit aux intérêts de la société Sofiap,
AUX MOTIFS QUE l'acte notarié reproduisant les conditions du prêt mentionne qu'il a été fait application de la loi du 13 juillet 1979 sur le délai de réflexion et précise que « la SA SOFIAP a adressé le 3 octobre 2007 à l'emprunteur qui le reconnait une offre de prêt (…), l'emprunteur a reçu l'offre de prêt le 4 octobre 2007 et l'a acceptée le 24 octobre 2007 » ; que cette mention de l'acte notarié rectifiait ainsi l'erreur de plume contenue dans l'acte sous seing privé signé entre les parties le 24 octobre 2007 mentionnant que la SA Sofiap déclarait avoir pris connaissance de l'offre reçue le 4 novembre 2007, ce qui relevait manifestement d'une confusion entre le 4 octobre et le 4 novembre ; qu'au demeurant le prêt relais consenti le même jour faisait l'objet d'une reconnaissance par la SCI Téosande de ce qu'elle avait réceptionné l'offre le 4 octobre 2007 sachant que les deux prêts portaient sur une opération immobilière unique de sorte qu'à l'évidence les deux offres ont fait l'objet d'un seul envoi réceptionné le 4 octobre 2007 ;
1° ALORS QUE les dispositions d'ordre public de l'article L 312-7 du code de la consommation imposent au préteur d'adresser par voie postale l'offre de crédit à l'emprunteur ; qu'il incombe au préteur de rapporter la preuve de cet envoi postal ce qui ne saurait résulter des seules déclarations de l'emprunteur, fût-ce dans un acte notarié; qu'en déclarant mal fondée la contestation de la SCI Téosande et en confirmant l'ordonnance d'adjudication pour le recouvrement de la somme de 1.146.319,53 euros au motif qu'elle avait reconnu, dans l'acte authentique du 20 décembre 2007, avoir reçu l'offre le 4 octobre 2007, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 312-33 du code de la consommation ;
2° ALORS QUE la preuve du respect des formalités prévues par les articles L. 312-7 et L. 312-10 du code de la consommation ne saurait résulter des déclarations des emprunteurs, fussent-elles constatées par acte authentique, dès lors que les énonciations de l'acte, sur ce point, ne portent pas sur des faits personnellement constatés par l'officier public ; qu'en décidant que la preuve du respect par la société Sofiap des dispositions légales était suffisamment rapportée du fait que les déclarations de l'emprunteur étaient reportées dans l'acte authentique ultérieurement dressé par le notaire, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées, ensemble, par fausse application, l'article 1319 du Code civil ;
3° ALORS QUE l'acceptation de l'offre d'un prêt immobilier, qui doit intervenir à l'expiration du délai de dix jours après sa réception, doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi ; qu'en l'espèce, l'emprunteur faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le prêteur ne prouvait ni que le délai pour accepter l'offre avait été respecté ni son acceptation avait été expédiée par voie postale ; que pour débouter l'emprunteur de sa demande de déchéance des intérêts, la cour d'appel a retenu que l'acte notarié reproduisant les conditions du prêt mentionnait que l'emprunteur avait reçu l'offre de prêt le 4 octobre 2007 et l'avait acceptée le 24 octobre suivant quand cette déclaration ne permettait pas de rapporter la preuve de l'expédition de l'acceptation par voie postale, la cour d'appel a violé les articles L. 312-10 et L. 312-33 du code de la consommation.