LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles R. 311-4, R. 311-6 et R. 322-17 du code des procédures civiles d'exécution ;
Attendu, selon les deux premiers de ces textes, qu'en matière de saisie immobilière, les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat, et, à moins qu'il n'en soit disposé autrement, toute contestation ou demande incidente est formée par le dépôt au greffe de conclusions signées d'un avocat ; qu'il résulte du troisième que la demande aux fins d'autorisation de la vente amiable de l'immeuble est dispensée du ministère d'avocat et peut être formulée verbalement à l'audience d'orientation par le débiteur ou son avocat ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que sur des poursuites aux fins de saisie immobilière engagées par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur à l'encontre de Mmes Amélie X... et Fanny X..., un juge de l'exécution a, par un jugement d'orientation, validé la procédure de saisie immobilière et ordonné la vente forcée des biens saisis ;
Attendu que pour débouter Mmes X... de leurs contestations et demandes, et ordonner la vente forcée des biens visés au commandement, l'arrêt retient que le juge de l'exécution n'était pas régulièrement saisi de la demande d'autorisation de vente amiable qui avait été formulée oralement à l'audience d'orientation par l'avocat des consorts X... ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mmes Amélie et Fanny X...
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mmes Amélie et Fanny X... de toutes leurs demandes, d'avoir validé la procédure de saisie immobilière pour une somme de 321 429, 74 € et ordonné la vente forcée des biens visés au commandement,
Aux motifs que sur la demande d'autorisation de vente amiable, il n'est pas discuté et résulte de la copie certifiée conforme des notes d'audience figurant au rang des pièces déposées par les appelantes au soutien de leur requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe, que la demande d'autorisation de vente amiable a été formée oralement à l'audience d'orientation par l'avocat des consorts X... ; que le jugement n'a pas statué sur cette demande qui n'y est pas évoquée ; qu'il résulte cependant des dispositions de l'article R. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution que, à moins qu'il en soit disposé autrement, toute contestation ou demande incidente est formée par le dépôt au greffe de conclusions signées d'un avocat ; qu'il n'est pas discuté que la demande d'autorisation de vente amiable n'a pas été formée par voie de conclusions ; qu'aux termes de l'article R. 322-17 du code des procédures civiles d'exécution, « la demande du débiteur aux fins d'autorisation de la vente amiable de l'immeuble ainsi que les actes consécutifs à cette vente sont dispensés du ministère d'avocat. Cette demande peut être formulée à l'audience d'orientation » ; que c'est donc à bon droit que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel soutient que la possibilité de formuler verbalement à l'audience d'orientation la demande d'autorisation de vente amiable n'appartient qu'au débiteur lui-même en vertu de la dispense du ministère d'avocat qui lui est réservée par l'article R. 322-17 pour cette seule demande, et les débitrices ayant en la circonstance constitué avocat ; que le juge qui de la sorte n'était pas régulièrement saisi de la demande d'autorisation de vente amiable n'était pas tenu de statuer ; qu'il s'ensuit que la demande de nullité formée à titre subsidiaire en référence à l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution, qui doit s'entendre de l'article R. 322-17 selon les explications sollicitées et données à l'audience, n'est pas fondée ;
Alors que, d'une part, en matière de saisie immobilière, toute demande incidente est formée par le dépôt au greffe de conclusions signées d'un avocat, à moins qu'il en soit disposé autrement ; que l'article R. 322-17 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que la demande du débiteur aux fins d'autorisation de la vente amiable de l'immeuble est dispensée d'avocat et peut être formulée verbalement à l'audience d'orientation ; que le texte ne précise pas que cette demande verbale est réservée aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; qu'en estimant que c'était à bon droit que le tribunal n'avait pas statué sur la demande d'autorisation de vente amiable formulée verbalement à l'audience, aux motifs que les débitrices ayant constitué avocat ne pouvaient formuler cette demande que par écrit dans des conclusions signées par leur avocat, la cour d'appel a violé l'article R. 322-17 du code des procédures civiles d'exécution ;
Et aux motifs que, sur le titre exécutoire, l'article 1er de la loi n° 76-519 du 15 juin 1976 relative à certaines formes de transmission des créances dont les parties ont débattu édicte que « pour permettre au créancier de poursuivre le recouvrement de sa créance, le notaire établit une copie exécutoire, qui rapporte littéralement les termes de l'acte authentique qu'il a dressé. Il la certifie conforme à l'original et la revêt de la formule exécutoire » ; que l'article 4 ne conditionne l'établissement de la copie exécutoire à sa prévision dans l'acte notarié constatant la créance ou dans un acte rédigé à sa suite, et en d'autres termes à l'accord de volonté des parties comme soutenu par les appelantes, que pour les copies exécutoires à ordre prévues à l'article 3, susceptibles de transmission par voie d'endossement ; qu'en l'occurrence, il résulte des termes de la dernière page de la copie exécutoire établie par le notaire, comportant la formule exécutoire, son sceau et sa signature, que c'est une copie exécutoire dénommée « copie exécutoire nominative unique », et non pas « copie exécutoire à ordre (transmissible par endossement) », qui a été délivrée au profit de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel, laquelle est l'un des créanciers de l'acte portant vente avec prêt ; qu'il s'ensuit que, ne s'agissant pas d'une copie exécutoire à ordre, sa prévision à l'acte n'était pas requise et que c'est bien en vertu des pouvoirs que lui confère la loi, et spécialement l'article 1er précité de la loi du 15 juin 1976, que le notaire a établi une copie exécutoire au profit de la banque prêteuse de deniers ; que le moyen n'est pas fondé et que c'est à bon droit que le premier a retenu que la banque disposait bien d'un titre exécutoire régulier au sens de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution ;
Alors que, d'autre part, les consorts X... faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel (p. 4 et 5), que la copie exécutoire, qu'elle soit nominative ou à ordre, ne pouvait être établie et délivrée que du consentement des deux parties contractantes ; qu'en écartant le moyen tiré du défaut de validité du titre exécutoire délivré par le notaire au créancier sur sa seule demande au motif que, ne s'agissant pas d'une copie exécutoire à ordre, sa prévision à l'acte n'était pas requise, sans répondre au moyen pertinent des consorts X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Et aux motifs que, sur la déchéance du terme, au sens de la convention, l'élection de domicile faite par les parties en l'office notarial « pour l'exécution des présentes et de leurs suites » ne concerne et ne vaut que pour ce qui est du ressort et des missions du notaire instrumentaire ; qu'elle ne vaut pas pour l'exécution ensuite et dans le temps des obligations contractées entre elles par les parties, ce qui n'entre pas dans les missions du notaire, ni légalement ni par un mandat particulier qui n'est pas invoqué ; que les articles 669 et 670 du code de procédure civile sur la notification des actes ne concernent que des règles communes de la procédure civile applicables devant les juridictions ; que les principes qu'ils contiennent ne sont pas transposables aux notifications prévues par convention, lesquelles en l'occurrence stipulent « une mise en demeure de régulariser adressée à l'emprunteur par tout moyen » selon les conditions générales de l'offre de prêt expressément reprises à l'acte notarié en page 29 ; que les appelantes font enfin valoir qu'elles ignorent sur quels éléments le Crédit Agricole a usé des adresses auxquelles les lettres recommandées avec demande d'avis de réception ont été envoyées et n'ont pas été retirées, puisque dans l'acte, Amélie X... est domiciliée 5 rue ...à Nice et Fanny X... 2 avenue ...à Nice, enfin qu'il n'est pas précisé qu'un avis de passage aurait été délivré ; que la lettre recommandée avec demande d'avis de réception a été adressée à Fanny X... au 5 rue ...à Nice, qui est l'adresse à laquelle elle se domicilie dans ses conclusions ; qu'elle porte mention d'une présentation et d'un avis et de leur date ; que la lettre a été adressée à Amélie X... au 10 avenue ...à Nice ; que la lettre recommandée avec demande d'avis de réception, retournée non retirée à l'expéditeur, porte mention d'une présentation et d'un avis et de leur date, ce qui implique en principe que l'adresse était exacte ; que Amélie X... ne prétend pas que ce n'aurait pas été son adresse à l'époque ;
Alors qu'en outre, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que les parties étaient convenues dans l'acte de prêt pour l'exécution des présentes et de leurs suites d'élire domicile en l'office notarial ; qu'en décidant cependant que ce choix ne pouvait valoir pour l'exécution dans le temps des obligations contractées entre elles par les parties, la cour d'appel a dénaturé l'acte de prêt et violé l'article 1134 du code civil ;
Alors qu'en troisième lieu, dans leurs conclusions d'appel, Mmes X... ont fait valoir qu'en application du principe de loyauté dans l'exécution du contrat, il aurait appartenu au créancier qui avait procédé à une notification à une adresse incertaine et qui avait reçu retour de la notification avec la mention « non réclamé » de procéder à une signification qui eût permis de s'assurer de l'exactitude de l'adresse des destinataires et de délivrer effectivement l'acte (conclusions p. 7) ; qu'en déclarant les mises en demeures parfaitement valables bien que les lettres recommandées portant notification aient été retournées avec la mention « non réclamé », sans répondre à ce moyen pertinent des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors que, par ailleurs, les motifs dubitatifs ou hypothétiques équivalent à une insuffisance de motifs ; qu'en estimant que la mise en demeure adressée à Mmes X... était parfaitement valable et avait pu valablement fonder les poursuites dès lors que la lettre recommandée avec demande d'avis de réception, retournée non retirée à l'expéditeur, portait mention d'une présentation et d'un avis et de leur date, ce qui impliquait, en principe, que l'adresse était exacte, la cour d'appel, qui a émis une hypothèse invérifiable par des motifs généraux et abstraits, a statué par des motifs hypothétiques et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors qu'enfin, il appartient à l'auteur d'une mise en demeure de s'assurer de l'exactitude de l'adresse du destinataire et d'en justifier ; qu'il résulte des éléments du dossier que la CRCAM a délivré une mise en demeure à Mme Amélie X... au 10 avenue ...à Nice, adresse qui ne correspondait ni à celle indiquée dans l'acte de prêt ni à son adresse actuelle ; qu'en considérant que cette mise en demeure était valable et avait pu valablement fonder les poursuites, dès lors que Mme X... ne prétendait pas que l'adresse à laquelle l'acte avait été notifié n'aurait pas été son adresse à l'époque, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil.