LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2014), qu'en 2001, la société Sodépac, exploitante d'un supermarché à Nouméa, et la société Impordis, importatrice en Nouvelle-Calédonie de marchandises commercialisées dans cet établissement, ont adhéré à la société coopérative Système U centrale régionale sud (SUCRS), devenant associés, coopérateurs et clientes de cette dernière à laquelle elles achetaient leurs produits ; que le soutien apporté par la société Système U centrale nationale à un projet concurrent d'implantation d'un hypermarché les a conduites à donner leur démission de leur qualité d'associées et à engager une procédure d'arbitrage sur le fondement de la clause compromissoire stipulée par les statuts de la société coopérative et le règlement intérieur ; qu'une sentence, rendue à Paris, a condamné la société SUCRS à payer aux sociétés Sodépac et Impordis diverses sommes ;
Attendu que la société SUCRS fait grief à l'arrêt de déclarer son recours irrecevable, alors, selon le moyen :
1°/ que le droit d'accès au juge ne peut être limité que dans un but légitime et à condition qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que le recours de la société SUCRS avait exclusivement pour objet d'obtenir l'annulation de la sentence arbitrale sur le fondement de l'article 1492 du code de procédure civile ; qu'en déclarant ce recours irrecevable au seul motif qu'il avait été improprement qualifié d'appel et que la sentence ne pouvait faire l'objet que du recours en annulation prévu par les articles 1491 et suivants du code de procédure civile, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit de la société SUCRS d'accéder au juge, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; d'autre part, que la qualification inadéquate, par une partie, du recours formé contre une sentence arbitrale ne saurait justifier une atteinte substantielle à son droit d'exercer un recours juridictionnel effectif ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 1491 et 1492 du code de procédure civile, interprétés à la lumière de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
2°/ que le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux ; que dans le cas où la voie de l'appel est fermée, la nullité de la sentence arbitrale peut être poursuivie par la voie du recours en annulation prévu par les articles 1491 et suivants du code de procédure civile ; que la cour d'appel a elle-même constaté que la sentence arbitrable du 18 juillet 2013 était insusceptible d'appel ; qu'en refusant néanmoins de restituer au recours de la société SUCRS, improprement qualifié d'appel, la qualification exacte de recours en annulation, sous le prétexte qu'aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend à faire réformer ou annuler la décision entreprise, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 12 dudit code ;
3°/ que le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux ; que dans le cas où la voie de l'appel est fermée, la nullité de la sentence arbitrale peut être poursuivie par la voie du recours en annulation prévu par les articles 1491 et suivants du code de procédure civile ; que la cour d'appel a elle-même constaté que la sentence arbitrable du 18 juillet 2013 était insusceptible d'appel ; qu'en refusant néanmoins de restituer au recours de la société SUCRS, improprement qualifié d'appel, la qualification exacte de recours en annulation, sous le prétexte qu'aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend à faire réformer ou annuler la décision entreprise, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 12 dudit code ;
4°/ qu'il résulte de l'article 1494 du code de procédure civile que l'appel et le recours en annulation sont tous deux portés devant la cour d'appel, dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue, qu'ils sont l'un et l'autre recevables dès le prononcé de la sentence et cessent de l'être s'ils n'ont pas été exercés dans le mois de la notification de la sentence ; qu'aux termes de l'article 1495 du même code, l'appel comme le recours en annulation sont formés, instruits et jugés selon les règles relatives à la procédure en matière contentieuse prévues aux articles 900 à 930-1 ; qu'en énonçant, pour exclure toute requalification du recours dirigé contre la sentence arbitrale du 18 juillet 2013, que le recours en annulation et l'appel nullité n'ont ni la même nature ni le même régime, sans constater que la qualification impropre d'appel avait entraîné l'inobservation de l'une quelconque des formalités s'appliquant au recours en annulation, la cour d'appel a violé les articles 12, 1491, 1492, 1494 et 1495 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'en dépit de l'exclusion de cette voie de recours par la convention d'arbitrage, la société SUCRS a interjeté appel de la sentence et rappelle que les moyens invoqués par l'appelante, tirés de l'article 1492 du code de procédure civile, n'ont pas pour effet de modifier la qualification de la voie de recours, improprement exercée, qui résulte de l'acte de saisine de la juridiction ; qu'après avoir retenu, à bon droit, qu'il ne lui appartenait pas de substituer d'office à la voie de l'appel, tendant à la réformation de la sentence, celle du recours en annulation, la cour d'appel en a exactement déduit, dès lors que son refus de requalification ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, au regard de l'objectif poursuivi, en matière d'arbitrage interne, d'assurer l'effectivité de la sentence en imposant aux parties de n'exercer que la voie de recours qu'elles ont prévue, que l'appel était irrecevable ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SUCRS aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer aux consorts X... la somme globale de 4 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Système U centrale régionale sud
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable le recours formé par la société Système U centrale régionale sud à l'encontre de la sentence arbitrale du 18 juillet 2013 ;
Aux motifs qu'« aux termes de l'article 1481 du code de procédure civile dans sa rédaction alors en vigueur : " La sentence arbitrale est susceptible d'appel à moins que les parties n'aient renoncé à l'appel dans la convention d'arbitrage. Toutefois, elle n'est pas susceptible d'appel lorsque l'arbitre a reçu mission de statuer comme amiable compositeur, à moins que les parties n'aient expressément réservé cette faculté dans la convention d'arbitrage " ; que l'article 44 des statuts de SUCRS stipule que : " Les arbitres désignés statueront en tant qu'amiables compositeurs. (…) Les sentences à intervenir seront rendues en dernier ressort et ne seront susceptibles ni d'appel ni de révision " ; que la sentence rendue sur le fondement de cette clause le 18 juillet 2013 a fait l'objet d'une déclaration d'appel déposée par SUCRS le 14 août 2013 ; que cet acte mentionne : " Objet de l'appel : appel total – appel en nullité " ; que, contrairement à ce que prétend SUCRS, aucune impossibilité technique ne faisait obstacle à ce qu'elle qualifie de recours en annulation la saisine de la cour par le RPVA ; qu'en premier lieu, suivant l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend à faire réformer ou annuler la décision attaquée, de sorte que la circonstance que SUCRS ait articulé dans ses conclusions des moyens tirés de l'article 1492 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011, n'a pas pour effet de modifier la qualification de la voie de recours qui résulte de l'acte ayant saisi la cour d'appel : que l'appel est irrecevable ; qu'en second lieu, le recours en annulation en application des articles 1491 et suivants du code de procédure civile étant ouvert contre la sentence, l'appel nullité, qui revêt un caractère subsidiaire, ne l'est pas ; que le recours en annulation et l'appel nullité n'ont ni la même nature ni le même régime, de sorte que l'acte déposé par SUCRS le 14 août 2013, expressément qualifié par elle d'appel nullité, ne saurait être requalifié de recours en annulation ; que l'appel nullité, tout comme l'appel, est irrecevable » ;
Alors d'une part que le droit d'accès au juge ne peut être limité que dans un but légitime, et à condition qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que le recours de la société Sucrs avait exclusivement pour objet d'obtenir l'annulation de la sentence arbitrale sur le fondement de l'article 1492 du code de procédure civile ; qu'en déclarant ce recours irrecevable au seul motif qu'il avait été improprement qualifié d'appel et que la sentence ne pouvait faire l'objet que du recours en annulation prévu par les articles 1491 et suivants du code de procédure civile, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit de la société Sucrs d'accéder au juge, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Alors d'autre part que la qualification inadéquate, par une partie, du recours formé contre une sentence arbitrale ne saurait justifier une atteinte substantielle à son droit d'exercer un recours juridictionnel effectif ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 1491 et 1492 du code de procédure civile, interprétés à la lumière de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Alors en outre que le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux ; que dans le cas où la voie de l'appel est fermée, la nullité de la sentence arbitrale peut être poursuivie par la voie du recours en annulation prévu par les articles 1491 et suivants du code de procédure civile ; que la cour d'appel a elle-même constaté que la sentence arbitrable du 18 juillet 2013 était insusceptible d'appel ; qu'en refusant néanmoins de restituer au recours de la société Sucrs, improprement qualifié d'appel, la qualification exacte de recours en annulation, sous le prétexte qu'aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend à faire réformer ou annuler la décision entreprise, la cour a méconnu son office, en violation de l'article 12 dudit code ;
Alors enfin qu'il résulte de l'article 1494 du code de procédure civile que l'appel et le recours en annulation sont tous deux portés devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue, qu'ils sont l'un et l'autre recevables dès le prononcé de la sentence et cessent de l'être s'ils n'ont pas été exercés dans le mois de la notification de la sentence ; qu'aux termes de l'article 1495 du même code, l'appel comme le recours en annulation sont formés, instruits et jugés selon les règles relatives à la procédure en matière contentieuse prévues aux articles 900 à 930-1 ; qu'en énonçant, pour exclure toute requalification du recours dirigé contre la sentence arbitrale du 18 juillet 2013, que le recours en annulation et l'appel nullité n'ont ni la même nature ni le même régime, sans constater que la qualification impropre d'appel avait entraîné l'inobservation de l'une quelconque des formalités s'appliquant au recours en annulation, la cour a violé les articles 12, 1491, 1492, 1494 et 1495 du code de procédure civile.