LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1792-4-1 du code civil, ensemble les articles L. 114-1 et L. 242-1 du code des assurances ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 30 janvier 2015), qu'à l'occasion de travaux de rénovation immobilière, la commune de Sainte-Blandine a souscrit un contrat d'assurance dommages-ouvrages auprès de la SMABTP ; que la réception des travaux est intervenue le 23 août 2001 ; que, le 31 janvier 2007, la commune de Sainte Blandine a adressé une déclaration de sinistre concernant des désordres sur l'assainissement autonome et sur les enduits des garages, à laquelle la SMABTP n'a pas donné suite ; qu'à la suite d'un rapport défavorable du syndicat d'assainissement faisant état, en février 2011, du défaut d'étanchéité des fosses, la commune de Sainte-Blandine a saisi son assureur protection juridique, qui a mandaté un expert, lequel a, par un rapport du 25 novembre 2011, conclu à l'existence de désordres compromettant la solidité de l'ouvrage ; que, par lettre du 15 décembre 2011, la commune de Sainte-Blandine a effectué une nouvelle déclaration de sinistre, à laquelle la SMABTP a opposé la prescription, au motif que la déclaration n'était pas intervenue dans le délai décennal, expiré depuis le 23 août 2011 ; que la commune de Sainte-Blandine a assigné la SMABTP en paiement de sommes à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que, pour déclarer cette action prescrite, l'arrêt retient que, si, en application de l'article L. 114-1 du code des assurances, l'assuré peut agir contre l'assureur dans le délai de deux ans de l'événement qui a donné naissance à l'action, à savoir la connaissance du désordre, de sorte que l'assureur peut voir actionner sa garantie jusqu'à la douzième année suivant la réception, cette prescription biennale est sans application dans le litige qui ne concerne que le délai ouvert à l'assuré pour déclarer les sinistres couverts par l'assurance dommages-ouvrage et que c'est en vain que la commune de Sainte-Blandine soutient que le caractère décennal des désordres est apparu dans le délai décennal, soit le 3 février 2011 pour l'assainissement et courant juin 2010 pour l'enduit de façades, et qu'elle disposait d'un délai de deux ans à compter de la date d'apparition des désordre, soit jusqu'au 3 février 2013 et jusqu'à courant 2012, pour procéder à une déclaration de sinistre ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'assuré dispose, pour réclamer l'exécution des garanties souscrites, d'un délai de deux ans à compter de la connaissance qu'il a des désordres survenus dans les dix ans qui ont suivi la réception des travaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la SMABTP aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SMABTP et la condamne à payer à la commune de Sainte-Blandine la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la commune de Sainte-Blandine.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR déclaré prescrite l'action intentée par la commune de Sainte-Blandine contre la SMABTP par assignation du 13 décembre 2012 ;
AUX MOTIFS QUE « l'assurance dommages-ouvrage, qui couvre des désordres de nature décennale, est mise en oeuvre par l'assuré au moyen d'une déclaration auprès de l'assureur ; que cette déclaration doit intervenir dans le délai de garantie décennale ; qu'en l'espèce, le délai de garantie décennale expirait le 23 août 2011 ; qu'or, la commune de Sainte-Blandine a effectué sa déclaration de sinistre le 15 décembre 2011, soit hors délai, ce que la SMABTP lui a opposé à juste titre ; qu'il appartenait en effet à l'assuré, maître d'ouvrage, qui connaissait le défaut d'étanchéité des fosses depuis le 16 février 2011, date du rapport du syndicat d'assainissement d'effectuer une déclaration pour ce désordre ; que quant aux désordres concernant l'enduit, elle devait de même, au vu de l'aggravation des dégradations constatée depuis 2010, effectuer une déclaration avant le 23 août 2011 ; qu'à défaut d'avoir dénoncé les désordres à l'assureur dans le délai de 10 ans suivant la réception, les garanties du contrat dommage-ouvrage ne peuvent plus être mobilisées ; que si, en application de l'article L.114-1 du code des assurances, l'assuré peut agir contre l'assureur dans le délai de 2 ans de l'événement qui a donné naissance à l'action, à savoir la connaissance du désordre, de sorte que l'assureur peut en effet voir actionner sa garantie jusqu'à la douzième année suivant la réception, ainsi que le relève la commune de Sainte-Blandine, cette prescription biennale est sans application dans le présent litige qui ne concerne que le délai ouvert à l'assuré pour déclarer les sinistres couverts par l'assurance dommages-ouvrage ; que c'est donc en vain que la commune de Sainte-Blandine soutient que le caractère décennal des désordres est "apparu" dans le délai décennal, soit le 3 février 2011 pour l'assainissement et "courant juin 2010" pour l'enduit de façades, et qu'elle disposait d'un délai de deux ans à compter de la date d'apparition des désordre, soit jusqu'au 3 février 2013 et jusqu'à "courant 2012" pour "procéder à une déclaration de sinistre" ; que la prescription biennale n'étant pas en cause dans le présent litige, les développements sur son inopposabilité en raison de l'absence d'indications dans le contrat d'assurance des moyens d'interrompre la prescription, sont inopérants » ;
ALORS QUE l'assuré dispose, pour réclamer l'exécution des garanties souscrites, d'un délai de deux ans à compter de la connaissance qu'il a des désordres survenus dans les dix ans qui ont suivi la réception des travaux ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la réception des travaux avait eu lieu le 23 août 2001, que la Commune de Sainte Blandine avait eu connaissance des sinistres respectivement en 2010 et le 16 février 2011, et que la déclaration faite par la Commune de Sainte-Blandine auprès de l'assureur était intervenue le 15 décembre 2011 ; qu'en retenant toutefois, pour déclarer prescrite l'action engagée à l'encontre de la SMABTP au titre de l'exécution de sa garantie dommages-ouvrage, que la déclaration de la commune de Sainte-Blandine du 15 décembre 2011 avait été opérée après l'expiration du délai de garantie décennale et que le délai de prescription biennale n'était pas applicable à la déclaration de sinistre, la cour d'appel a violé les articles 1792-4-1 du code civil et L.114-1 et L.242-1 du code des assurances.