LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 février 2015), que M. X..., victime d'une agression commise par M. Y..., condamné pénalement pour ces faits, a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions en réparation de ses préjudices ;
Attendu que le Fonds d'indemnisation des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) fait grief à l'arrêt d'allouer à M. X... une certaine somme en réparation de son préjudice, alors, selon le moyen :
1°/ que le principe de la réparation intégrale impose de rétablir la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si elle n'avait pas eu à subir le dommage, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en appliquant un barème de capitalisation qui déduit le taux d'inflation du taux de rendement que la victime pourra attendre du capital qui lui est alloué, ce qui a pour effet de majorer à due concurrence l'euro de rente et, partant, de majorer indument les sommes allouées à la victime dès lors que celle-ci peut se prémunir de l'érosion par le taux de rendement qu'elle pourra obtenir de son capital placé, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale et le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
2°/ que la victime n'a droit qu'à l'indemnisation du préjudice qui résulte directement de l'infraction ; que l'application d'un barème tenant compte du taux d'inflation conduit à indemniser le préjudice résultant pour la victime de l'érosion monétaire qui est sans lien avec l'infraction ; qu'en appliquant néanmoins un barème de capitalisation déduisant le taux d'inflation du taux de rendement que la victime pourra espérer de son capital, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale et le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
3°/ que la victime n'a droit qu'à l'indemnisation de son préjudice certain et actuel ; qu'en appliquant néanmoins un barème de capitalisation prenant en compte les prévisions d'un taux d'inflation hypothétique, la cour d'appel a indemnisé un préjudice simplement éventuel et a ainsi violé l'article 706-3 du code de procédure pénale et le principe de la réparation intégrale du préjudice ;
Mais attendu que, tenue d'assurer la réparation intégrale du dommage actuel et certain de la victime sans perte ni profit, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a fait application du barème de capitalisation qui lui a paru le plus adapté à assurer les modalités de cette réparation pour le futur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à M. X..., en réparation du préjudice consécutif à l'agression dont il a été victime le 9 juin 2001, la somme de 401 053,61 euros en deniers ou quittances ;
Aux motifs que « le barème d'indemnisation en capital dont les composants sont d'une part l'espérance de vie et d'autre part le taux d'intérêt, il y a lieu de retenir les paramètres publiés par la Gazette du palais en mars 2013 qui reposent sur ces critères actualisés en prenant en considération les tables d'espérance de vie récentes publiées par l'INSEE et un taux d'intérêt de 1,20 % inférieur à celui des précédents barèmes et tenant compte de l'évolution du coût de la vie et du taux d'inflation » ;
Alors, d'une part, que le principe de réparation intégrale impose de rétablir la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si elle n'avait pas eu à subir le dommage, sans qu'il en résulte pour elle ni perte, ni profit ; qu'en appliquant un barème de capitalisation qui déduit le taux d'inflation du taux de rendement que la victime pourra attendre du capital qui lui est alloué, ce qui a pour effet de majorer à due concurrence l'euro de rente et, partant, de majorer indument les sommes allouées à la victime dès lors que celle-ci peut se prémunir de l'érosion par le taux de rendement qu'elle pourra obtenir de son capital placé, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale et le principe de réparation intégrale du préjudice ;
Alors, d'autre part, que la victime n'a droit qu'à l'indemnisation du préjudice qui résulte directement de l'infraction ; que l'application d'un barème tenant compte du taux d'inflation conduit à indemniser le préjudice résultant pour la victime de l'érosion monétaire qui est sans lien avec l'infraction ; qu'en appliquant néanmoins un barème de capitalisation déduisant le taux d'inflation du taux de rendement que la victime pourra espérer de son capital, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale et le principe de réparation intégrale du préjudice ;
Alors, ensuite et toujours subsidiairement, que la victime n'a droit qu'à l'indemnisation de son préjudice certain et actuel ; qu'en appliquant néanmoins un barème de capitalisation prenant en compte les prévisions d'un taux d'inflation hypothétique, la cour d'appel a indemnisé un préjudice simplement éventuel et a ainsi violé l'article 706-3 du code de procédure pénale et le principe de réparation intégrale du préjudice.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à M. X..., en réparation du préjudice consécutif à l'agression dont il a été victime le 9 juin 2001, la somme de 401 053,61 euros en deniers ou quittances ;
Aux motifs qu'il n'est pas acquis que M. X... aurait pu travailler jusqu'à l'âge de 67 ans ainsi qu'il le soutient, ni qu'il aurait exercé son activité d'infirmier psychiatrique jusqu'à sa retraite et aurait ainsi pu réaliser une carrière complète, l'intéressé poursuivant parallèlement à son emploi des études universitaires à l'époque de l'agression ; que la période de perception des pensions d'invalidité permet la validation gratuite de trimestres lesquels sont assimilés à des périodes d'assurance pour le calcul de la pension vieillesse ; que, de fait, le relevé de carrière communiqué établit que M. X... a validé la totalité de ses trimestres depuis l'agression de juin 2001 jusqu'en 2008, date d'arrêté du relevé de carrière ; qu'il ne s'explique pas sur sa qualité de chef d'entreprise pour laquelle il relevait du RSI jusqu'en 2005 (page 7 de son relevé de carrière) ; qu'il y a lieu de retenir tout au plus qu'il perdra le bénéfice des prestations servies par Dexia Prévoyance, soit environ 527 euros par mois, cet organisme ayant précisé en pièce 28 de M. X... que le versement de la pension d'invalidité prendra fin à la date d'effet de la liquidation de la pension vieillesse par la Sécurité Sociale ; qu'il apparaît en conséquence justifié d'accorder à M. X... une somme de 108 785,44 euros au titre de ce poste de préjudice à savoir 527 euros x 12 mois x 17,202 valeur du point de rente viagère pour un homme de 62 ans ;
Alors, d'une part, que la perte des droits à la retraite indemnisable au titre de l'incidence professionnelle est constituée par le déficit de revenus futurs lié à la minoration de la pension de retraite que la victime percevra par rapport à celle à laquelle aurait pu prétendre si elle n'avait pas subi le dommage ; qu'après avoir relevé que M. X... ne justifiait pas d'une perte de points de retraite consécutive à des cotisations moindres, de sorte qu'il ne pouvait se prévaloir d'un préjudice tiré de l'incidence professionnelle à ce titre, la cour d'appel, qui a néanmoins alloué à M. X... la somme de 108 785,44 euros à ce titre, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 706-3 du code de procédure pénale et du principe de réparation intégrale ;
Alors, d'autre part, que la perte des droits à la retraite indemnisable au titre de l'incidence professionnelle tient au déficit de revenus futurs lié à la minoration de la pension de retraite que la victime percevra par rapport à celle à laquelle aurait pu prétendre si elle n'avait pas subi le dommage ; que la diminution des revenus de la victime liée de sa mise en retraite ne constitue donc pas un préjudice indemnisable à ce titre ; qu'en indemnisant néanmoins à ce titre un préjudice tenant à la perte, au jour de la mise à la retraite, du complément de rémunération versée mensuellement par Dexia, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale et le principe de réparation intégrale ;
Alors, enfin, que l'objet de la créance de réparation est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans l'exacte situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, sans qu'il résulte pour elle perte ou profit ; qu'en indemnisant un préjudice tenant à la perte, au jour de la mise à la retraite de M. X..., du complément de rémunération versée mensuellement par Dexia, sans rechercher si la victime aurait eu vocation à percevoir cette prestation en l'absence d'accident et si elle aurait pu prétendre à son maintien après sa mise à la retraite à défaut d'avoir subi le dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-3 du code de procédure pénale et le principe de réparation intégrale.