LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 avril 2014), qu'à la suite d'une fracture du col du fémur droit, consécutive à une chute, et de la mise en place d'une prothèse totale de hanche, Mme X... a présenté une inégalité de longueur des membres inférieurs et subi, le 13 juin 2002, une nouvelle intervention chirurgicale réalisée par M. Y..., chirurgien-orthopédiste, au sein de la clinique du Cap d'or, à l'issue de laquelle ont été constatés un raccourcissement du membre droit et un enraidissement de la hanche ; qu'elle a assigné ce praticien en responsabilité et indemnisation de son préjudice, en invoquant avoir subi une perte de chance de renoncer à l'intervention, en raison d'un défaut d'information sur les risques encourus ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de réparation au titre du manquement à l'obligation d'information, alors, selon le moyen :
1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé ; que la patiente demandait la réparation de son préjudice découlant du manquement par le praticien à son obligation d'information ; qu'en retenant que Mme X... n'aurait réclamé indemnisation au titre du défaut d'information que de son préjudice physique, à l'exclusion de tout autre dommage distinct des lésions corporelles découlant de la réalisation du risque consécutif à l'acte médical subi, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ que toute personne a le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir, de sorte que le non-respect du devoir d'information qui en découle, cause à celui auquel l'information était légalement due, un préjudice au titre de la perte de chance de refuser l'acte médical et au titre du préjudice moral d'impréparation, que le juge ne peut laisser sans réparation ; que la cour d'appel a constaté le manquement du chirurgien à son obligation d'information envers sa patiente mais l'a déboutée de sa demande de réparation de son préjudice en considérant qu'avertie de tous les risques de l'intervention, elle ne l'aurait pas refusée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a laissé le préjudice d'impréparation sans réparation et a violé les articles 16 et 16-3 du
code civil, ensemble l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ;
Mais attendu qu'après avoir retenu un défaut d'information imputable à M. Y..., l'arrêt écarte l'existence d'une perte de chance de Mme X... de renoncer au traitement ; que, s'étant bornée à en demander la réparation, sans solliciter l'indemnisation d'un préjudice moral d'impréparation résultant de ce défaut d'information, Mme X... ne peut, sous le couvert de griefs non fondés de méconnaissance de l'objet du litige et de violation de la loi, reprocher à la cour d'appel de n'avoir pas accueilli une demande de réparation dont elle n'était pas saisie ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Mme X... de sa demande de réparation au titre du manquement à l'obligation d'information ;
AUX MOTIFS QU'
En vertu des articles L 1111-2 et R 4127-35 du code de la santé publique, le médecin est tenu de donner à son patient sur son état de santé une information portant sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ; délivrée au cours d'un entretien individuel, cette information doit être loyale, claire et appropriée, la charge de la preuve de son exécution pesant sur le praticien, même si elle peut être faite par tous moyens.
Le droit à réparation de la victime reste, cependant, subordonné à l'existence d'un préjudice en relation de causalité avec le défaut d'information allégué.
M. Y... a reçu Mme X... à deux reprises le 22 avril 2002 et le 27 mai 2002 et lui a remis une attestation de consentement du patient mais ne démontre nullement l'avoir informée des risques spécifiques et inhérents à une reprise d'une prothèse totale de banche et notamment de raccourcissement, rotation du membre inférieur, boiterie.
Cet écrit qu'elle a signé est ainsi libellé « Le docteur m'a exposé les raisons qui le conduisent à me proposer cette intervention. Les risques y compris vitaux liés à cette intervention m'ont été communiqués. Le docteur a répondu de façon complète et compréhensible à toutes les questions que j ‘ ai souhaité lui poser.
Il m'a informé que des constatations pré opératoires, des contraintes techniques ou anatomiques pourraient l'obliger à modifier le déroulement de l'intervention, au mieux de mes intérêts.
Au décours de la consultation, prenez le temps de réfléchir. Si vous estimez insuffisamment informé sur le traitement envisagé, ses motivations, ses buts et ses risques, consultez à nouveau afin d'obtenir toutes les précisions que vous jugez utiles pour prendre votre décision de façon éclairée ».
Ce document rédigé en termes très généraux et ne contient aucune mention relative à la technique envisagée, aux raisons de son choix ni aux risques, spécifiques ou non, qui y sont attachés et notamment celui d'un raccourcissement du membre inférieur et d'une boiterie qui s'est effectivement réalisé.
Un défaut d'information de la part du chirurgien doit, ainsi, être retenu.
Mme X... ne peut, cependant, se prévaloir d'un préjudice corporel subi en relation de causalité avec ce manquement.
En effet, le dommage découlant d'une violation du devoir d'information n'est pas l'atteinte à l'intégrité physique elle-même consécutive à l'intervention subie mais la perte d'une chance d'échapper à cette intervention et aux conséquences du risque qui s'est finalement réalisé ; son existence doit s'apprécier en prenant en considération l'état de santé du patient, son évolution prévisible, sa personnalité, les raisons pour lesquelles les investigations ou les soins à risques lui sont proposés ainsi que leurs caractéristiques, les effets qu'aurait pu avoir une telle information quant à son consentement ou à son refus.
Or, même si Mme X... avait été averti de tous les risques de l'intervention, elle ne l'aurait pas refusée.
Elle a, en effet, consulté un nouveau chirurgien dès le 22 avril 2002 soit moins d'une semaine après sa sortie du centre de rééducation, preuve qu'elle ne souhaitait pas rester dans l'état révélé par la radiographie du 5 avril 2002 d'un allongement du membre inférieur droit de près de 2 centimètres (1, 79 cm sur les clichés pré-opératoires).
Le rallongement du membre opéré entraînait une boiterie invalidante pour elle, s'agissant d'une patiente qualifiée par le docteur Y... de " civilement jeune " dans la lettre à son médecin traitant le docteur Z... en date du 22 avril 2002 (pièce n° 4 du chirurgien) " venue le voir de façon relativement très précoce, gênée par cette boiterie et ce flexum à droite ", ajoutant dans sa seconde lettre du 27 mai 2002 au même médecin que " le handicap est important quand cette patiente est pieds nus.. " (pièce n° 7 du chirurgien)
Mme X... avait indiqué dans son questionnaire d'hospitalisation pratiquer une activité de danse et de claquettes.
Dans son courrier du 26 juin 2002 adressé au médecin rééducateur (pièce 10 du chirurgien) M. Y... écrivait " Cette patiente avait été opérée il y a trois mois environ d'une fracture de la hanche droite nécessitant la mise en place d'une prothèse. Malheureusement, cette prothèse étant suspendue, il existe un décollage de 17 mm au niveau des deux membres inférieurs entraînant une boiterie à la marche.
Nous avons longuement discuté avec Mme X... de la possibilité de récupérer cette longueur et fonction du jeune âge et des activités de Mme X..., nous avons pris la décision de changer celle-ci … ".
L'expert Judiciaire souligne, à cet égard, " il faut savoir que dans le cadre des inégalités de longueur après prothèses totale de hanche, les rallongements sont très mal supportés par les patients expliquant des lombalgies ou des tendinites du moyen fessier. Paradoxalement les raccourcissements du membre inférieur sont très bien supportés par les patients, une petite semelle suffit à empêcher la gêne qui est souvent représentée par une simple petite boiterie ".
Mme X... ne réclamant indemnisation au titre du défaut d'information que de son préjudice physique, à l'exclusion de tout autre dommage distinct des lésions corporelles découlant de la réalisation du risque consécutif à l'acte médical subi, elle doit en être déboutée.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point par substitution de motifs.
ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé ; que la patiente demandait la réparation de son préjudice découlant du manquement par le praticien à son obligation d'information ; qu'en retenant que Mme X... n'aurait réclamé indemnisation au titre du défaut d'information que de son préjudice physique, à l'exclusion de tout autre dommage distinct des lésions corporelles découlant de la réalisation du risque consécutif à l'acte médical subi, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
ALORS QUE toute personne a le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir, de sorte que le non-respect du devoir d'information qui en découle, cause à celui auquel l'information était légalement due, un préjudice au titre de la perte de chance de refuser l'acte médical et au titre du préjudice moral d'impréparation, que le juge ne peut laisser sans réparation ; que la cour d'appel a constaté le manquement du chirurgien à son obligation d'information envers sa patiente mais l'a déboutée de sa demande de réparation de son préjudice en considérant qu'avertie de tous les risques de l'intervention, elle ne l'aurait pas refusée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a laissé le préjudice d'impréparation sans réparation et a violé les articles 16 et 16-3 du code civil, ensemble l'article L. 1111-2 du code de la santé publique.