LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 avril 2015), que la société Samsic Saint-Brieuc (la société) a bénéficié, en sa qualité d'entreprise de travail temporaire, d'une réduction des cotisations de sécurité sociale en application de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 ; que, soutenant que l'URSSAF de Bretagne avait manqué à son obligation générale d'information en ne diffusant pas les lettres ministérielles des 18 avril 2006 et 13 mars 2008 ainsi que le courrier de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale du 7 juillet 2006, favorables aux cotisants, et sur la base desquels elle aurait pu demander le remboursement de cotisations indûment perçues, la société a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en responsabilité pour faute ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que procède à une interprétation du droit positif et, partant, doit faire l'objet d'une publication, l'instruction du ministre qui reconnaît expressément le caractère interprétatif de la loi nouvelle et, par analyse de la volonté du législateur, étend la définition légale nouvelle à l'interprétation de la loi antérieure ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que, bien que les dispositions de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 précisant que « l'assiette de calcul s'entend des heures rémunérées quelle qu'en soit la nature », n'aient été déclarées applicables par le législateur qu'aux "cotisations dues au titre des gains et rémunérations versés à compter du 1er janvier 2006", la lettre ministérielle du 18 avril 2006 a "re[mis] en cause "l'interprétation qui prévalait jusqu'à présent pour le calcul de la réduction générale de cotisations patronales de sécurité sociale prévu par l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, selon lequel seules les heures de travail effectif sont prises en compte", et ainsi reconnu, par analyse de "la volonté exprimée par le législateur", le caractère interprétatif de la loi nouvelle, son application aux cotisations afférentes aux rémunérations versées avant le 1er janvier 2006, et condamné comme erronée, l'interprétation de la loi ancienne qu'avaient retenue la lettre ministérielle du 10 septembre 2004 et la lettre-circulaire Acoss n° 2004-135 du 8 octobre 2004 ; que cette lettre a ainsi procédé à l'interprétation du droit positif ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
2°/ qu'édicte une règle de droit qu'il lui appartient de diffuser auprès des administrés l'autorité administrative qui étend la règle légale qu'elle interprète au-delà de la volonté exprimée de son auteur ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'au-delà de la volonté exprimée par les auteurs de la loi du 19 décembre 2005 qui n'avaient réservé que "les décisions de justice passées en force de chose jugée et les instances en cours à la date de publication de la présente loi", la lettre ministérielle du 18 avril 2006 "donnait pour instruction "pour tenir compte de la volonté exprimée par le législateur à l'occasion du vote de cette loi et afin de sécuriser toutes les situations existantes qu'il soit mis fin à toutes les procédures de redressement en cours ou envisagées (…)" ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision, que les URSSAF n'étaient pas tenues d'assurer la publication ou la diffusion de la règle nouvelle ainsi édictée la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2 de la loi n° 2000-321 du 2 avril 2000 ;
3°/ que constitue une "description des procédures administratives" sujette à publication l'instruction de l'autorité administrative compétente prescrivant aux organismes de recouvrement, pour respecter la volonté du ministre de tutelle, d'opposer systématiquement, dans un premier temps, une décision de refus aux demandes de répétition de cotisations indûment versées et de les accueillir tout aussi systématiquement dans un second temps, si le cotisant exerce son recours gracieux devant l'instance administrative qui lui est intégrée ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'instruction du 7 juillet 2006, confirmée par la lettre ministérielle du 13 mars 2008, a invité les URSSAF à "traiter les demandes de remboursement…de la manière suivante : procéder à la notification du refus de la demande de remboursement ou de crédit en indiquant les voies de recours au cotisant [et] si le cotisant saisit la CRA dans le délai de deux mois, procéder à l'examen de sa demande dans un sens favorable de manière à aboutir à faire droit à la requête du cotisant (…)" ; que ce document instituait une procédure administrative spécifique de traitement des demandes de remboursement de cotisations indûment versées au titre de la réduction Fillon et, partant, devait être publié ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1 et 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
4°/ qu'une circulaire affectant les droits des administrés doit être publiée, peu important qu'elle édicte, ou non, une "tolérance administrative" ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés ;
Mais attendu qu'il résulte des articles 29 et 32 du décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005 pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée, en vigueur à la date de la signature des circulaires et instructions litigieuses, que la publication, lorsqu'elle est prévue par le dernier de ces textes, des directives, instructions et circulaires incombe, respectivement, aux administrations centrales et aux établissements publics dont elles émanent ;
Que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
Et sur le même moyen, pris en ses deux dernières branches :
Attendu que la société fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que manque fautivement à l'obligation de "prendre toute mesure utile pour assurer l'information générale des assurés sociaux" ainsi qu'à son obligation de loyauté l'organisme de recouvrement qui s'abstient de porter à la connaissance des cotisants un document administratif reconnaissant le caractère indu de cotisations sociales versées, et prescrivant non seulement d'abandonner les redressements, mais également d'accueillir favorablement, au stade du recours gracieux, les demandes de remboursement des cotisations indues ; que ce comportement, dissimulant sciemment aux cotisants l'existence et l'étendue de leurs droits, ainsi que la procédure nécessaire pour les faire valoir, leur cause un préjudice direct ; que lorsque cette abstention volontaire fait suite à la publication antérieure de documents imposant l'interprétation contraire, elle provoque en outre une différence de traitement illégitime entre les cotisants qui ont respecté l'interprétation antérieure et ceux qui ont refusé de s'y soumettre, rompant ainsi l'égalité devant les charges sociales au détriment des cotisants de bonne foi ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'après publication de circulaires et instructions des 10 septembre et 8 octobre 2004 retenant de l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale une "interprétation réduisant de fait le nombre d'heures rémunérées retenues"pour le calcul de la réduction, et intervention d'une loi nouvelle condamnant cette interprétation, l'URSSAF de Bretagne s'est abstenue de publier les circulaires et instructions nouvelles, et notamment l'instruction de la DIRRES du 7 juillet 2006 et la lettre ministérielle du 13 mars 2008, dont résultait le caractère indu des paiements antérieurs, le droit, pour les cotisants, d'obtenir le remboursement des cotisations indûment versées et la procédure à suivre à cette fin ; qu'en agissant de la sorte, elle s'est abstenue volontairement d'éclairer les cotisants sur l'existence de leurs droits, et a rompu l'égalité devant la loi et les charges publiques au détriment de ceux ayant réglé leurs cotisations sur la base de son interprétation erronée antérieure ; qu'en décidant que ce comportement déloyal n'était pas fautif, la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil, R. 112-2 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe constitutionnel susvisé ;
2°/ que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ; que la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 instituant l'article L. 241-15 du code de la sécurité sociale, avait pour objet de préciser l'assiette de calcul de la réduction de cotisations patronales de sécurité sociale applicable sur les bas salaires en application de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 en spécifiant l'assiette de la réduction instituée ; qu'elle prévoyait que ses dispositions étaient « applicables aux cotisations dues au titre des gains et rémunérations versés à compter du 1er janvier 2006 (...) sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des instances en cours à la date de publication de la présente loi » ; que, s'agissant des cotisations dues au titre des gains et rémunérations antérieurs au 1er janvier 2006 pour lesquelles aucune décision de justice n'était intervenue, ni aucune instance en cours, elle n'opérait ni n'autorisait aucune distinction ; que dès lors, les cotisants assujettis à la réduction de cotisations sociales instituée par cette loi se trouvaient, pour la période antérieure au 1er janvier 2006, dans une situation identique ; qu'en retenant cependant à l'appui de sa décision que l'URSSAF de Bretagne, en ne publiant pas les directives et instructions dont résultait le caractère indu des paiements effectués et le droit à remboursement, avait légitimement pu instituer une différence de traitement entre les cotisants selon qu'ils avaient ou non réglé leurs cotisations appelées pour la période antérieure au 1er janvier 2006, dès lors que "la tolérance administrative ainsi ouverte dans le cadre de ce mode de gestion aux cotisants en situation de contrôle URSSAF ou en contentieux nés où à venir ne crée pas une différence de traitement constitutive d'une rupture d'égalité illégitime des cotisants vis-à-vis des charges publiques, tout cotisant placé dans chacune des deux catégories objectivement distinctes se voyant appliquer le même traitement selon la catégorie à laquelle il appartenait, à savoir les cotisants en différends ou en contentieux en cours ou à venir d'une part, les autres cotisants d'autre part" la cour d'appel, qui a validé une différence de traitement étrangère à l'objet de la loi, a violé le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques ;
Mais attendu que l'obligation générale d'information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers les assurés et cotisants, en application de l'article R. 112-2 du code de la sécurité sociale, leur impose seulement de répondre aux demandes qui leur sont soumises ;
Et attendu que l'arrêt retient que la caisse n'était nullement tenue de prendre l'initiative de renseigner les cotisants à titre individuel ou de façon générale sur leurs droits éventuels et que la tolérance administrative, ouverte aux cotisants en situation de contrôle URSSAF ou en contentieux nés ou à venir, ne crée pas une différence de traitement constitutive d'une rupture d'égalité illégitime des cotisants devant les charges publiques, tout cotisant placé dans chacune des deux catégories objectivement distinctes se voyant appliquer le même traitement selon la catégorie à laquelle il appartenait ;
Que de ces énonciations, la cour d'appel a exactement déduit qu'aucune faute ne pouvait être imputée à la caisse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Samsic Saint-Brieuc aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Samsic Saint-Brieuc et la condamne à payer à l'URSSAF de Bretagne la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Samsic Saint-Brieuc
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la SAS Samsic Saint Brieuc de ses demandes tendant à voir condamner l'Urssaf de Bretagne à lui verser les sommes de 17 066,72 € et 106 806,65 € à titre de dommages et intérêts, ainsi que les intérêts de retard sur ces sommes à compter du jour du paiement des cotisations ;
AUX MOTIFS QUE "la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 dite loi Fillon a instauré un dispositif de réduction des cotisations patronales de sécurité sociale dont le montant était égal au produit de la rémunération mensuelle par un coefficient intégrant en conséquence de l'article D.241-7 du code de la sécurité sociale le nombre d'heures rémunérées, de telle sorte que ladite réduction était à l'époque d'autant plus importante que le nombre d'heures rémunérées retenues était élevé ; qu'une lettre ministérielle du 10 septembre 2004 et une lettre circulaire du 8 octobre 2004 émanant de l'ACOSS-DIRRES, objets de publication, ont précisé que les heures de travail concernées devaient correspondre à du temps de travail effectif ou assimilé au sens de l'article L.212-4 du code du travail, interprétation réduisant de fait le nombre d'heures rémunérées retenues ; que la loi 2005-1579 du 19 décembre 2005 a institué un article L.241-15 du code de la sécurité sociale précisant que « l'assiette de calcul s'entend des heures rémunérées quelle qu'en soit la nature », lesdites dispositions étant « applicables aux cotisations dues au titre des gains et rémunérations versés à compter du 1er janvier 2006 (...) sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des instances en cours à la date de publication de la présente loi » ; que la lettre ministérielle du 31 janvier 2007 et la lettre circulaire du 05 avril 2007, qui ont fait l'objet d'une publication, ont précisé le mode de calcul de la réduction Fillon applicable à compter du 1er janvier 2006 ; qu'une lettre ministérielle du 18 avril 2006 adressée au directeur de l'ACOSS et une instruction du 7 juillet 2006 de l'ACOSS adressée aux URSSAF ont invité celles-ci, dans le cadre d'une « tolérance », au regard « des contrôles et contentieux portant sur des cotisations afférentes aux rémunérations versées jusqu'au 31 décembre 2005 », à mettre fin à toutes les procédures de redressement en cours ou envisagées à « l'encontre des employeurs qui ont déterminé le montant de la réduction générale sur la base de la totalité des heures rémunérées pour les cotisations versées avant le 1er janvier 2006 » et à se retirer de tous les contentieux en cours engagés en la matière, faisant plus précisément la différence entre d'une part les redressements (simplement envisagés ; ceux déjà engagés comme étant notifiés et objets ou non de contestation devant la CRA ; les redressements au contentieux de première instance, d'appel ou de cassation) et d'autre part les demandes de remboursement ou de crédit pour lesquelles il est indiqué : « (...) Dans la mesure où le Ministère demande de cesser les contentieux sur ce point de droit, il apparait possible de traiter ces demandes de la manière suivante :
- procéder à la notification du refus de la demande de remboursement ou de crédit en indiquant les voies de recours au cotisant (voir modèle de lettre),
- si le cotisant saisit la CRA dans le délai de 2 mois, procéder à l'examen de sa demande dans un sens favorable de manière à aboutir à un fait droit à la requête du cotisant, (...) », étant ajouté que l'instruction de l'ACOSS du 7 juillet 2006 précise que l'instruction ministérielle (du 18 avril 2006) « statue en opportunité, et non en droit. En conséquence, elle ne sera pas publiée » ; qu'une lettre ministérielle du 13 mars 2008 est venue confirmer ces instructions des 18 avril et 7 juillet 2006 ;
QUE la loi du 17 juillet 1978 dispose :
- en son article 1er : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des chapitres I, III et IV du présent titre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions »,
- en son article 6 : « Ne sont pas communicables : (…) 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : (...) f) Au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente »,
- en son article 7 : « Font l'objet d'une publication les directives, les instructions, les circulaires, ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives » ;
QUE [selon] l'article 2 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (loi dite « DCRA ») : « Le droit de toute personne à l'information est précisé et garanti par le présent chapitre en ce qui concerne la liberté d'accès aux règles de droit applicables aux citoyens. Les autorités administratives sont tenues d'organiser un accès simple aux règles de droit qu'elles édictent. La mise à disposition et la diffusion des textes juridiques constituent une mission de service public au bon accomplissement de laquelle il appartient aux autorités administratives de veiller. Les modalités d'application du présent article sont déterminées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'Etat », l'article 1er de cette même loi définissant « les autorités administratives comme l'ensemble des personnes, publiques ou morales assurant un service public administratif » ;
QUE l'article R.112-2 du Code de la sécurité sociale dispose que : « Avec le concours des organismes de sécurité sociale, le ministre chargé de la sécurité sociale prend toutes mesures utiles afin d'assurer l'information générale des assurés sociaux (...) » ;
QUE les lettres ministérielles des 18 avril 2006 et 13 mars 2008, ainsi que l'instruction du 7 juillet 2006 ne comportent pas une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives au sens de la loi du 17 juillet 1978 ; qu'en effet, contrairement aux lettres ministérielles et circulaires de 2004 et 2007 (publiées) qui précisaient le mode de calcul de la réduction Fillon à appliquer en fonction de la définition « des heures rémunérées » retenue, jusqu'à l'application de la loi du 19 décembre 2005 pour les premières, au regard des cotisations versées à compter du 1er janvier 2006 pour les secondes, les documents litigieux de 2006 et 2008 ne donnent aucune précision ou définition quant au mode de calcul de la réduction Fillon à appliquer à partir de 2006 au regard des cotisations dues au titre des années 2003 à 2005, ne constituant pas ainsi « une interprétation du droit positif » ; que ces documents édictent simplement à l'intention des URSSAF des préconisations de traitement des différends précontentieux ainsi que des contentieux judiciaires en cours ou à venir, issus de précédents contrôles URSSAF ou d'action des cotisants en remboursement ou en crédit au regard de cotisations dues au titre des années 2003 à 2005 ; que ces instructions, en ce qu'elles traduisent dans le cadre d'une gestion interne l'orientation du pilotage de différends et contentieux spécifiquement limités ne constituent pas « une description des procédures administratives » ;
QUE dès lors, les URSSAF, dont l'URSSAF de Bretagne, n'étaient pas tenues d'en assurer la publication ou la diffusion au sens de la loi du 17 juillet 1978 et de celle du 12 avril 2000 ;
QUE l'obligation générale d'information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers les assurés et cotisants en application de l'article R.112-2 du Code de la sécurité sociale et de l'article 2 de la loi du 12 avril 2000 leur impose seulement de répondre aux demandes qui leur sont soumises, n'étant nullement tenus de prendre l'initiative de les renseigner à titre individuel ou de façon générale sur leurs droits éventuels ; qu'ainsi, aucune faute ne saurait être imputée à l'URSSAF de Bretagne dans le fait de n'avoir pas publié les documents litigieux de 2006 et 2008 qui n'avaient pas à l'être au sens de la loi du 17 juillet 1978, ou de ne pas avoir plus généralement pris l'initiative de communiquer sur ou de diffuser le contenu de ceux-ci ;
QUE si les URSSAF ne pouvaient pas empêcher les actions en remboursements ou en crédit (liées au trop-versé sur cotisations pouvant être allégué en conséquence de la définition « des heures rémunérées » à retenir au regard des cotisations 2003 à 2005), elles étaient cependant légitimes à adopter en la matière un mode de gestion des différends et contentieux propre à conduire à l'extinction de ceux-ci, n'étant nullement tenues de susciter de telles actions par le dévoilement de ce mode de gestion ; qu'ainsi, aucune faute, mauvaise foi, déloyauté, manipulation, manque de transparence ne saurait être imputé en la matière aux URSSAF, dont l'URSSAF de Bretagne ;
QU'enfin de la même façon, la tolérance administrative ainsi ouverte dans le cadre de ce mode de gestion aux cotisants en situation de contrôle URSSAF ou en contentieux nés où à venir ne crée pas une différence de traitement constitutive d'une rupture d'égalité illégitime des cotisants vis-à-vis des charges publiques, tout cotisant placé dans chacune des deux catégories objectivement distinctes se voyant appliquer le même traitement selon la catégorie à laquelle il appartenait, à savoir les cotisants en différends ou en contentieux en cours ou à venir d'une part, les autres cotisants d'autre part qui étaient d'ailleurs toujours à même à l'époque de pouvoir engager une action en remboursement ou en crédit s'ils l'estimaient utile ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement ayant débouté la société de sa demande de dommages-intérêts ;
QU'il y a également lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société de sa demande tendant au « versement des intérêts de retard à compter du jour du paiement des cotisations », la société, déboutée de son action en responsabilité, n'établissant pas par ses pièces en quoi l'URSSAF aurait fait preuve de mauvaise foi à l'occasion de la perception de cotisations, que celles-ci aient été ou non remboursées depuis, alors qu'au surplus les dispositions de l'article 1378 du code civil sont inapplicables en l'espèce en l'absence de répétition de l'indu dont l'action était un temps ouverte à la société de telle sorte que l'enrichissement sans cause ne peut par ailleurs être admis" ;
ET AUX MOTIFS supposés adoptés QU'"en application de l'article 1382 du Code civil, fondement légal de la présente action, l'indemnisation d'un préjudice suppose une faute, soit en l'occurrence la démonstration d'une intention de nuire de l'Urssaf ou la mise en oeuvre de mauvaise foi des textes applicables ;
QU'en l'espèce, l'interprétation contestée, appliquée par l'Urssaf de Bretagne, reposait sur des directives ministérielles soulevant une difficulté de concordance des textes applicables en 2005 entre les articles L.241-13 et D.241-7 ; que cette interprétation a donné lieu à un débat sur le plan national, aboutissant à la loi du 19 décembre 2005 précisant les éléments de salaire à prendre en compte ; que dans ces conditions, la preuve d'une interprétation fautive et volontairement préjudiciable, jusqu'au 19 décembre 2005, de l'Urssaf de Bretagne, soumise aux directives de son Ministère de tutelle, n'est pas rapportée ; qu'en effet, cette loi du 19 décembre 2005 ne peut être appliquée par une interprétation rétroactive pour caractériser cette faute, alors même que la nécessité du recours à une loi précisant la portée du texte témoigne précisément des difficultés d'interprétation existant avant l'adoption de cette loi ;
QUE la Société Samsic invoque également la faute de l'Urssaf pour ne pas avoir diffusé la lettre d'instruction de 2006, la privant ainsi de la possibilité de demander le remboursement des cotisations patronales de sécurité sociale indûment versées ; que cette lettre du 18 avril 2006 indique que l'article L.241-15 du Code de la sécurité sociale remet en cause "l'interprétation qui prévalait jusqu'à présent pour le calcul de la réduction générale de cotisations patronales de sécurité sociale prévu par l'article L.241-13 du Code de la sécurité sociale, selon lequel seules les heures de travail effectif sont prises en compte" ; qu'elle donnait pour instruction "pour tenir compte de la volonté exprimée par le législateur à l'occasion du vote de cette loi et afin de sécuriser toutes les situations existantes…qu'il soit mis fin à toutes les procédures de redressement en cours ou envisagées à l'encontre des employeurs qui ont déterminé le montant de la réduction générale sur la base de la totalité des heures rémunérées pour les cotisations afférentes aux rémunérations versées avant le 1er janvier 2006" ; qu'il était également donné pour instruction aux organismes de recouvrement impliqués dans un contentieux engagé sur ce motif de se désister ;
QU'il n'est pas soutenu que les cotisations de 2004, sur lesquelles la Société Samsic fonde sa demande en paiement de dommages et intérêts, aient été acquittées après cette lettre d'instruction de 2006 ; que cette lettre d'instruction ne prône pas le remboursement systématique des cotisations payées hors réduction Fillon sur les heures rémunérées non travaillées avant le 1er janvier 2006, mais l'abandon des procédures de recouvrement en cours ; que la diffusion de cette lettre n'aurait donc pas permis à la Société Samsic de se soustraire au paiement des cotisations calculées pour l'année 2004 selon l'interprétation retenue par le Ministère, dès lors qu'elle ne soutient pas que le paiement de ces cotisations soit intervenu postérieurement au 1er janvier 2006, que ce soit spontanément ou dans le cadre d'un redressement ; que dans ces conditions, une faute de l'Urssaf de Bretagne ne peut être davantage retenue de ce chef et la Société Samsic sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts" ;
1°) ALORS QUE procède à une interprétation du droit positif et, partant, doit faire l'objet d'une publication, l'instruction du Ministre qui reconnaît expressément le caractère interprétatif de la loi nouvelle et, par analyse de la volonté du législateur, étend la définition légale nouvelle à l'interprétation de la loi antérieure ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que, bien que les dispositions de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 précisant que « l'assiette de calcul s'entend des heures rémunérées quelle qu'en soit la nature », n'aient été déclarées applicables par le législateur qu'aux "… cotisations dues au titre des gains et rémunérations versés à compter du 1er janvier 2006 (...)", la lettre ministérielle du 18 avril 2006 a "… re[mis] en cause "l'interprétation qui prévalait jusqu'à présent pour le calcul de la réduction générale de cotisations patronales de sécurité sociale prévu par l'article L.241-13 du Code de la sécurité sociale, selon lequel seules les heures de travail effectif sont prises en compte", et ainsi reconnu, par analyse de "la volonté exprimée par le législateur", le caractère interprétatif de la loi nouvelle, son application aux cotisations afférentes aux rémunérations versées avant le 1er janvier 2006, et condamné comme erronée, l'interprétation de la loi ancienne qu'avaient retenue la lettre ministérielle du 10 septembre 2004 et la lettre-circulaire Acoss n° 2004-135 du 8 octobre 2004 ; que cette lettre a ainsi procédé à l'interprétation du droit positif ; qu'en décidant le contraire la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
2°) ALORS QU' édicte une règle de droit qu'il lui appartient de diffuser auprès des administrés l'autorité administrative qui étend la règle légale qu'elle interprète au-delà de la volonté exprimée de son auteur ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'au-delà de la volonté exprimée par les auteurs de la loi du 19 décembre 2005 qui n'avaient réservé que "les décisions de justice passées en force de chose jugée et les instances en cours à la date de publication de la présente loi", la lettre ministérielle du 18 avril 2006 "… donnait pour instruction "pour tenir compte de la volonté exprimée par le législateur à l'occasion du vote de cette loi et afin de sécuriser toutes les situations existantes…qu'il soit mis fin à toutes les procédures de redressement en cours ou envisagées (…)" ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision, que les Urssaf n'étaient pas tenues d'assurer la publication ou la diffusion de la règle nouvelle ainsi édictée la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2 de la loi n° 2000-321 du 2 avril 2000 ;
3°) ALORS encore QUE constitue une "description des procédures administratives" sujette à publication l'instruction de l'Autorité administrative compétente prescrivant aux organismes de recouvrement, pour respecter la volonté du ministre de tutelle, d'opposer systématiquement, dans un premier temps, une décision de refus aux demandes de répétition de cotisations indûment versées et de les accueillir tout aussi systématiquement dans un second temps, si le cotisant exerce son recours gracieux devant l'instance administrative qui lui est intégrée ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'instruction du 7 juillet 2006, confirmée par la lettre ministérielle du 13 mars 2008, a invité les Urssaf à "… traiter les demandes de remboursement …de la manière suivante : procéder à la notification du refus de la demande de remboursement ou de crédit en indiquant les voies de recours au cotisant [et] si le cotisant saisit la CRA dans le délai de 2 mois, procéder à l'examen de sa demande dans un sens favorable de manière à aboutir à faire droit à la requête du cotisant (…)" ; que ce document instituait une procédure administrative spécifique de traitement des demandes de remboursement de cotisations indûment versées au titre de la réduction Fillon et, partant, devait être publié ; qu'en décidant le contraire la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef les articles 1 et 7 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
4°) ALORS en outre QU'une circulaire affectant les droits des administrés doit être publiée, peu important qu'elle édicte, ou non, une "tolérance administrative" ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé derechef les textes susvisés ;
5°) ALORS en toute hypothèse QUE manque fautivement à l'obligation de "prendre toute mesure utile pour assurer l'information générale des assurés sociaux" ainsi qu'à son obligation de loyauté l'organisme de recouvrement qui s'abstient de porter à la connaissance des cotisants un document administratif reconnaissant le caractère indu de cotisations sociales versées, et prescrivant non seulement d'abandonner les redressements, mais également d'accueillir favorablement, au stade du recours gracieux, les demandes de remboursement des cotisations indues ; que ce comportement, dissimulant sciemment aux cotisants l'existence et l'étendue de leurs droits, ainsi que la procédure nécessaire pour les faire valoir, leur cause un préjudice direct ; que lorsque cette abstention volontaire fait suite à la publication antérieure de documents imposant l'interprétation contraire, elle provoque en outre une différence de traitement illégitime entre les cotisants qui ont respecté l'interprétation antérieure et ceux qui ont refusé de s'y soumettre, rompant ainsi l'égalité devant les charges sociales au détriment des cotisants de bonne foi ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'après publication de circulaires et instructions des 10 septembre et 8 octobre 2004 retenant de l'article D.241-7 du Code de la sécurité sociale une "interprétation réduisant de fait le nombre d'heures rémunérées retenues" pour le calcul de la réduction, et intervention d'une loi nouvelle condamnant cette interprétation, l'Urssaf de Bretagne s'est abstenue de publier les circulaires et instructions nouvelles, et notamment l'instruction de la DIRRES du 7 juillet 2006 et la lettre ministérielle du 13 mars 2008, dont résultait le caractère indu des paiements antérieurs, le droit, pour les cotisants, d'obtenir le remboursement des cotisations indûment versées et la procédure à suivre à cette fin ; qu'en agissant de la sorte, elle s'est abstenue volontairement d'éclairer les cotisants sur l'existence de leurs droits, et a rompu l'égalité devant la loi et les charges publiques au détriment de ceux ayant réglé leurs cotisations sur la base de son interprétation erronée antérieure ; qu'en décidant que ce comportement déloyal n'était pas fautif, la Cour d'appel a violé les articles 1382 du Code civil, R.112-2 du Code de la sécurité sociale, ensemble le principe constitutionnel susvisé ;
6°) ALORS enfin QUE le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ; que la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 instituant l'article L.241-15 du Code de la sécurité sociale, avait pour objet de préciser l'assiette de calcul de la réduction de cotisations patronales de sécurité sociale applicable sur les bas salaires en application de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 en spécifiant l'assiette de la réduction instituée ; qu'elle prévoyait que ses dispositions étaient « applicables aux cotisations dues au titre des gains et rémunérations versés à compter du 1er janvier 2006 (...) sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des instances en cours à la date de publication de la présente loi » ; que, s'agissant des cotisations dues au titre des gains et rémunérations antérieurs au 1er janvier 2006 pour lesquelles aucune décision de justice n'était intervenue, ni aucune instance en cours, elle n'opérait ni n'autorisait aucune distinction ; que dès lors, les cotisants assujettis à la réduction de cotisations sociales instituée par cette loi se trouvaient, pour la période antérieure au 1er janvier 2006, dans une situation identique ; qu'en retenant cependant à l'appui de sa décision que l'Urssaf de Bretagne, en ne publiant pas les directives et instructions dont résultait le caractère indu des paiements effectués et le droit à remboursement, avait légitimement pu instituer une différence de traitement entre les cotisants selon qu'ils avaient ou non réglé leurs cotisations appelées pour la période antérieure au 1er janvier 2006, dès lors que "la tolérance administrative ainsi ouverte dans le cadre de ce mode de gestion aux cotisants en situation de contrôle URSSAF ou en contentieux nés où à venir ne crée pas une différence de traitement constitutive d'une rupture d'égalité illégitime des cotisants vis-à-vis des charges publiques, tout cotisant placé dans chacune des deux catégories objectivement distinctes se voyant appliquer le même traitement selon la catégorie à laquelle il appartenait, à savoir les cotisants en différends ou en contentieux en cours ou à venir d'une part, les autres cotisants d'autre part" la Cour d'appel, qui a validé une différence de traitement étrangère à l'objet de la loi, a violé le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques.