LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 7 octobre 2014), qu'en 1998, M. X..., expert comptable et commissaire aux comptes, et les deux autres associés salariés de sa structure d'exercice, la société Sotorec, sont devenus associés de la société Mazars Toulouse, qui dépend de la société Mazars et Guérard, devenue la société Mazars, (les sociétés Mazars), ces sociétés dépendant elles-mêmes du groupe Mazars pour être reliées à la société coopérative à responsabilité limitée Mazars, société de droit belge ; qu'en entrant dans le groupe, les associés adhèrent à ses principes et à ses règles de fonctionnement, contenus notamment dans une charte associative ; que les conditions d'adhésion des associés de la société Sotorec ont, en outre, été réglées par un acte d'accord du 13 mars 1998, la situation particulière de M. X... donnant lieu à un avenant du même jour, qui prévoyait notamment le versement à son profit d'une avance ; que, le 6 novembre 2007, M. X... a fait savoir qu'il entendait quitter le groupe Mazars ; qu'aucun accord n'ayant pu être trouvé sur les conditions de son départ, il a reçu, le 19 septembre 2008, la notification de sa mise à la retraite à effet du 31 décembre 2008 et a été assigné par les sociétés Mazars qui ont demandé le remboursement de l'avance consentie lors de son adhésion, ainsi que le paiement de dommages-intérêts en invoquant une violation des engagements résultant de la charte associative, notamment celui de transmettre la clientèle avant son départ de la société Mazars Toulouse ; que M. X... a sollicité le paiement d'une indemnité au titre de l'article 8 de l'acte d'accord ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Mazars font grief à l'arrêt de dire que la somme due au titre du remboursement de l'avance consentie à M. X... ne doit pas produire d'intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 2.2 de l'avenant au protocole du 13 mars 1998, signé le même jour, stipule que le prêt d'un montant de 600 000 francs (soit 91 469,41 euros) consenti à M. X... par la société Mazars devait être remboursé « au nominal à l'expiration de la période d'activité de M. Serge X... au sein du Groupe Mazars et Guérard » ; que cette clause indiquait ainsi expressément que l'échéance du prêt litigieux correspondait à la date du départ de M. X... de la société Mazars ; qu'à cette date, le remboursement de l'avance était exigible et mettait fin au prêt à taux zéro consenti à M. X..., peu important que les modalités du remboursement prévoient par ailleurs l'imputation de l'avance sur les sommes devant lui revenir au titre de ses droits à indemnité de départ à la retraite ou au titre du capital Mazars ; qu'en retenant cependant en l'espèce, pour débouter la société Mazars de sa demande en paiement des intérêts au taux légal relatifs au prêt litigieux à compter du 16 juillet 2009, date de l'assignation introductive d'instance, jusqu'au 2 janvier 2013, date de la cession des actions de M. X..., que les parties avaient entendu lier « le sort du remboursement de l'avance au sort de la liquidation des actions », cependant qu'il était expressément prévu que le remboursement était exigible dès la date du départ de M. X..., la cour d'appel a dénaturé l'article 2.2 de l'avenant au protocole du 13 mars 1998 et violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que les sociétés Mazars faisaient valoir que M. X... avait fait preuve d'une attitude dilatoire ayant indûment retardé la cession de ses actions pendant près de quatre années, ce qui justifiait qu'il soit condamné à rembourser non seulement le montant nominal de l'avance, mais également les intérêts ayant couru entre le 16 juillet 2009 et le 2 janvier 2013 ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant des écritures d'appel des sociétés exposantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé que la convention prévoyait expressément que l'avance, remboursable à sa valeur nominale au terme de la période d'activité de M. X..., devait être imputée sur les sommes qui lui étaient dues au moment de son départ au titre du capital et de ses droits à indemnité de départ à la retraite, qu'en aucun cas elle ne pourrait donner lieu à un remboursement sur des sommes qui lui seraient dues à un autre titre et que, en cas d'insuffisance, le groupe Mazars devrait en supporter la charge, c'est par une interprétation souveraine du contrat, que son imprécision rendait nécessaire, que la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendument omises, a retenu que la commune intention des parties était de lier le remboursement de l'avance à la liquidation des actions et que, ce remboursement s'étant opéré par compensation, il n'y avait pas lieu de l'assortir du paiement d'intérêts ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Attendu que les sociétés Mazars font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que l'article 2.1.2 de la charte associative définissant les obligations contractuelles pesant sur les associés du groupe Mazars stipule notamment que « chaque associé a le devoir d'informer l'instance dirigeante de l'entité associée des difficultés de toute nature rencontrées au cours de l'activité professionnelle et susceptibles d'avoir des conséquences significatives sur son bon déroulement ; en particulier, une information sur les risques professionnels pouvant être encourus sur les dossiers doit être fournie aux autres associés signataires et à l'instance dirigeante de l'entité associée, ainsi qu'au conseil de gérance dès qu'un risque potentiel apparaît et avant toute mise en cause éventuelle de responsabilité » et également que « d'une manière générale, chaque associé s'engage au respect absolu des règles de confidentialité, de réserve et de secret professionnel vis-à-vis de l'extérieur (clients, confrères, instances professionnelles, autres contacts) ; en aucun cas, un associé ne formule à l'extérieur de l'association de commentaires ou appréciations sur des situations ou problèmes dont il a pu avoir connaissance dans le cadre de ses fonctions » ; que les conclusions d'appel des sociétés Mazars faisaient valoir que M. X... avait manqué à ses obligations contractuelles dans la gestion du dossier de la société JCA, en ayant adressé à ce client deux courriels reconnaissant la responsabilité de la société Mazars dans le redressement fiscal subi par cette société, sans même en avoir préalablement référé aux autres associés et aux dirigeants de la société Mazars ; qu'en se bornant à énoncer que « la faute imputée à M. X..., consistant à avoir retenu sa responsabilité auprès du client, ne peut au plan de la morale être retenue », sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, si M. X... n'avait pas failli à ses obligations contractuelles, telles qu'elles résultaient notamment de la charte associative, dans la gestion du dossier de la société JCA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil ;
Mais attendu que les sociétés Mazars ont seulement soutenu que la reconnaissance de responsabilité de M. X... révélait son comportement déloyal lors de son départ et n'ont saisi les juges du fond de leurs prétentions émises à titre de dommages-intérêts qu'en les fondant, au dispositif de leurs conclusions d'appel, sur une perte de chiffre d'affaires, tant sur les missions d'expertise comptable que sur les mandats de commissariat aux comptes ; que la cour d'appel, devant laquelle n'était pas invoquée de ce chef une violation des engagements contractuels résultant d'un manquement aux obligations imparties par la charte associative, n'était pas tenue de se livrer à une recherche qui ne lui était pas demandée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches :
Attendu que les sociétés Mazars font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que l'article 2.9 de la charte associative stipule que « tout associé quittant l'association transmet les clients de la manière la plus appropriée à la structure qui les lui avait confiés ou grâce à laquelle il les avait obtenus, même s'il les gérait en nom propre » ; que les sociétés Mazars faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que M. X... avait, en application de cette clause, dès l'annonce officielle de son départ par courriel du 6 novembre 2007, l'obligation de prévenir les clients dont il gérait les dossiers qu'il quitterait prochainement le groupe Mazars et qu'un successeur associé de ce groupe prendrait le relais dans la gestion des dossiers ; que la cour d'appel a elle-même constaté que M. X... avait fait connaître son intention de quitter le groupe Mazars dès le 29 octobre 2007, et que les négociations concernant les modalités de son départ s'étaient poursuivies jusqu'à la décision de mise à la retraite prise par la société Mazars le 19 septembre 2008, ce qui a laissé à M. X... plus d'une année pour satisfaire à son obligation contractuelle de transmission de ses dossiers de clients ; qu'en retenant cependant que la décision de mise à la retraite de M. X... du 19 septembre 2008, trois mois avant l'échéance, ne laissait pas à ce dernier « le temps suffisant pour assurer la transmission de ses dossiers de clients dans des conditions satisfaisantes », tout en ayant elle-même constaté que plus d'un an s'était écoulé depuis l'annonce officielle de son départ, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;
2°/ que l'article 2.9 de la charte associative fait obligation à chaque associé d'organiser la transmission de ses dossiers dès lors qu'il envisage définitivement de quitter l'association ; que cette obligation doit être exécutée de bonne foi, ce qui suppose qu'elle soit mise en oeuvre de façon spontanée, sans que l'associé sortant attende une quelconque mise en demeure ou injonction émanant du groupe Mazars ; qu'en retenant cependant en l'espèce, par motifs adoptés, qu'au cours de la période de négociations qui s'est étalée sur plus d'une année, « l'obligation de passer la main à son futur successeur » n'aurait pas été franchement abordée, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier la violation par M. X... de son obligation contractuelle d'organiser la transmission de ses dossiers dès l'annonce de son départ, a derechef violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;
3°/ que les sociétés Mazars faisaient en tout état de cause valoir dans leurs conclusions d'appel que M. X... avait été alerté à plusieurs reprises dès la fin de l'année 2006 sur la nécessité de commencer à organiser la transmission de ses dossiers, compte tenu du fait que la perspective de son départ à la retraite se rapprochait ; qu'elles faisaient ainsi état des rapports d'activité et de développement pour les exercices 2005-2006 et 2006-2007, qui tous deux mentionnaient cette nécessité, ainsi que d'une lettre du 26 mai 2008 adressée à M. X... qui la lui rappelait une nouvelle fois ; qu'en se bornant à relever, par motifs adoptés, que l'évaluation écrite de 2007 versée au dossier était muette quant à l'objectif donné à M. X... de préparer pour l'année à venir la transmission des missions, sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions des sociétés exposantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'aux termes de l'article 2.9 de la charte associative, l'obligation d'assurer la transmission de ses dossiers de clients qui pèse sur l'associé sortant est liée à tout départ de la société, quelle qu'en soit la cause ; qu'en conséquence, les modalités mêmes d'organisation de ce départ n'ont aucune incidence sur l'exécution de cette obligation ; qu'en retenant cependant en l'espèce que les modalités de la mise à la retraite de M. X... n'avaient pas été abordées rapidement au cours de la période de négociation et que cette décision avait été imposée à M. X... trois mois avant l'échéance, la cour d'appel a derechef statué par des motifs impropres à justifier la violation par M. X... de son obligation contractuelle d'organiser la transmission de ses dossiers dès l'annonce de son départ, et violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;
5°/ que l'article 2.1.2 de la charte associative prévoit que « chaque associé exerce la responsabilité pleine et entière des dossiers dont il a la charge (…) et réalise lui-même les diligences normales au respect de cet engagement », que la répartition annuelle « des responsabilités des dossiers (…) doit permettre aux associés d'avoir la capacité effective de superviser l'ensemble des missions dont ils ont la charge » et qu'« en dehors de cette revue annuelle, les associés concernés s'interdisent de remettre en cause les répartitions de dossiers ainsi décidées et périodiquement revues » ; que cette obligation pour chaque associé de respecter les objectifs qui lui ont été fixés annuellement, non seulement doit être respectée jusqu'au départ du groupe, mais en outre s'ajoute dans un tel cas, à l'obligation d'organiser parallèlement la transmission des dossiers prévue par l'article 2.9 de la charte associative ; qu'en retenant néanmoins en l'espèce, pour écarter tout manquement de M. X... à ses obligations contractuelles, que la société Mazars aurait adopté un comportement contradictoire, voire de mauvaise foi, en lui demandant, durant la période d'un an ayant précédé son départ, à la fois de respecter les objectifs qui lui avaient été fixés et d'organiser la transmission de ses dossiers, cependant que ces obligations découlaient directement de la charte associative liant les parties, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que le reproche fait à M. X... d'avoir violé l'obligation particulière d'organiser le transfert de clientèle visé à l'article 2.9 de la charte constitutive devait s'apprécier, non seulement au regard de cette convention, mais aussi de l'article 8 de l'acte d'accord qui prévoyait une négociation entre le groupe et l'associé sortant afin d'assurer à celui-ci une situation décente de fin de carrière et au regard de la chronologie des événements, l'arrêt énonce que les parties à la négociation ont défendu deux positions inconciliables, départ avec versement d'indemnités ou maintien dans la structure pour permettre le transfert de clientèle, que, dans ce contexte, ni les modalités de mise à la retraite ni l'obligation d'instaurer un successeur n'ont été franchement abordées, que, le 10 septembre 2008, il était proposé à M. X..., concurremment à son départ en retraite, une poursuite de collaboration avec le groupe Mazars sous un statut indépendant, l'interruption brutale de cette négociation n'ayant pas laissé un délai suffisant pour une transmission de clientèle ; que la cour d'appel a ainsi fait ressortir que la cessation de toute collaboration, obligeant à organiser le transfert de la clientèle, n'était pas arrêtée pendant la durée des négociations et n'était devenue inéluctable qu'avec leur brutale interruption due à une initiative des sociétés Mazars, qui ne laissait pas à M. X... le temps nécessaire pour organiser le transfert de ses dossiers ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les sociétés Mazars font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à M. X... la somme de 240 000 euros au titre des indemnités compensatrices prévues par l'acte d'accord, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a expressément énoncé que les sociétés Mazars devaient être condamnées in solidum à payer à M. X..., en application du protocole d'accord, la somme de 240 000 euros à titre d'indemnités compensatrices, dans la mesure où « les appelantes ne peuvent se fonder sur les « graves manquements contractuels » de Serge X... lors de son départ, non établis, pour estimer ne plus être liées par le protocole du 13 mars 1998 » ; qu'en conséquence, toute cassation de l'arrêt à intervenir sur l'une des six branches du deuxième moyen, qui démontrent l'existence des graves manquements contractuels commis par M. X..., entraînera par voie de conséquence la cassation de ce chef de l'arrêt, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°/ que l'article 8 du protocole du 13 mars 1998, intitulé « clause de non concurrence », stipule qu' « en cas de départ d'un associé Sotorec du groupe Mazars et Guérard, deux situations sont envisagées ; premièrement, si cette rupture intervient avant le 31 août 2003, les associés d'origine Sotorec s'interdisent de traiter pendant une durée de trois ans tout client d'origine Mazars et Guérard ; cet engagement ne concerne pas les clients d'origine Sotorec dont la liste est jointe au présent protocole ; deuxièmement, si la rupture du contrat de travail intervient après le 31 août 2003, la clause ci-dessus fera l'objet d'une négociation entre l'associé sortant et le groupe Mazars et Guérard, afin d'assurer au dit sortant, sur son lieu de résidence habituel, une situation décente de fin de carrière » ; que les termes clairs et précis du deuxièmement de cette clause prévoient uniquement une négociation tendant à l'aménagement de l'étendue de la clause de non concurrence prévue au premièrement, de manière à permettre à l'associé sortant d'exercer sa profession « sur son lieu de résidence habituel » de manière à avoir « une situation décente de fin de carrière », et en aucun cas le versement pur et simple d'une indemnité financière compensant un soi-disant abandon de clientèle réalisé par l'associé sortant lors de la cession de 1998 ; qu'en retenant cependant que cette clause consacrait l'obligation pour le groupe Mazars de compenser financièrement l'apport et l'abandon par M. X... de sa clientèle personnelle en intégrant le groupe, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et violé l'article 1134 du Code civil ;
3°/ que les sociétés Mazars faisaient expressément valoir dans leurs conclusions d'appel que M. X... n'avait aucune clientèle propre au moment où il a intégré le groupe Mazars en 1998 ; que ce fait excluait l'interprétation retenue par les juges du fond de l'article 8 du protocole du 13 mars 1998 ; qu'en omettant de répondre à ce moyen déterminant des écritures des sociétés exposantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que le rejet du deuxième moyen rend sans objet la première branche du troisième moyen ;
Attendu, ensuite, que l'arrêt énonce que l'article 8 de l'acte d'accord prévoyait que la négociation devait préserver à l'associé sortant des conditions décentes de fin de carrière et relève que M. X... a été mis à la retraite alors qu'il pouvait prétendre poursuivre son activité professionnelle pendant une durée de quatre ans ; que, procédant à une interprétation exclusive de dénaturation, la cour d'appel a retenu que la convention faisait obligation aux sociétés Mazars d'indemniser sa perte de chance de maintenir son niveau de revenus ; que le moyen, critiquant un motif surabondant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mazars et la société Mazars Toulouse aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à verser à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour les sociétés Mazars et Mazars Toulouse
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir pas lieu à intérêts de retard sur l'avance consentie à Monsieur X... à hauteur de 91.469,41 euros et débouté en conséquence la société MAZARS de sa demande en paiement de la somme de 43.104,23 € représentant les intérêts courus ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « il est admis par les parties qu'en application de l'avenant au protocole d'accord du 13 mars 1998 l'avance de fonds de 600.000 F consentie à Serge X..., destinée à le garantir contre une perte de revenus et à le dédommager des contraintes liées à son nouveau statut, devait être remboursée au nominal à la fin de son activité au sein du groupe MAZARS et que ce remboursement devait être concomitant « aux sommes (lui) revenant lors de son départ au titre du capital MAZARS et GUERARD et de ses droits à indemnité de départ à la retraite ». Il était stipulé qu'il s'agissait d'un prêt à taux zéro. Dans la mesure où ce prêt s'est trouvé remboursé par compensation avec le prix de rachat des parts, il n'y a pas lieu à assortir la somme de 91.469,41 € d'intérêts, même au taux légal, la SA MAZARS étant déboutée de sa demande à ce titre » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Monsieur X... ne conteste pas qu'en application du protocole d'accord et avenant signés entre les parties, il lui a été consenti (article 1) une avance de fonds destinés à le garantir contre une perte de revenus et à la dédommager des contraintes liées à son nouveau statut, avance consentie à hauteur de 600.000 francs (soit 91.469,41 en euros) à taux zéro. Il était convenu que cette avance serait remboursée au nominal à l'expiration de la période d'activité au sein du groupe. La société MAZARS s'estime fondée à réclamer à ce titre la somme de 91.469,41 euros outre les intérêts courus depuis le jour de l'assignation dès lors qu'aucun remboursement volontaire n'est intervenu à la cessation d'activité. Ce faisant, la société MAZARS oublie que les parties ont expressément prévu dans la convention que l'avance devra être imputée exclusivement sur les sommes revenant à Monsieur X... lors de son départ au titre du capital MAZARS et GUERARD et de ses droits à indemnité de départ à la retraite ou, à défaut sur le PEE dans l'hypothèse où le capital appelé au cours de sa période d'activité professionnelle serait inférieur au capital théorique tel qu'il apparaît dans le tableau annexé. En aucun cas, il ne pourra donner lieu à un remboursement par Monsieur X... sur des sommes qui lui seraient dues à un autre titre (salaires, PEE etc.). En cas d'insuffisance, le groupe MAZARS prendra en charge la totalité de la différence sans pouvoir réclamer cette différence à Monsieur X... ou ses ayant droits en cas de décès. Cette clause qui prévoit l'imputation entre les dettes et créances respectives des parties doit s'interpréter dans la commune intention des parties comme liant le sort du remboursement de l'avance au sort de la liquidation des actions. Le remboursement doit être concomitant suggérant que les parties ont trouvé un accord sur le rachat des parts et actions appartenant à Monsieur X.... Les indemnités de départ à la retraite ayant été intégralement versées à l'associé lors de sa mise à la retraite, l'avance doit donc s'imputer sur les sommes revenant à Monsieur X... au titre du capital libellé en actions. Aucun intérêt ne peut être réclamé à Monsieur X.... Les demanderesses seront déboutées de leur demande en paiement de la somme de 43.104,23 € » ;
ALORS QUE, D'UNE PART, l'article 2.2. de l'avenant au protocole du 13 mars 1998, signé le même jour, stipule que le prêt d'un montant de 600.000 francs (soit 91.469,41 euros) consenti à Monsieur X... par la société MAZARS devait être remboursé « au nominal à l'expiration de la période d'activité de Monsieur Serge X... au sein du Groupe MAZARS et GUERARD » ; que cette clause indiquait ainsi expressément que l'échéance du prêt litigieux correspondait à la date du départ de Monsieur X... de la société MAZARS ; qu'à cette date, le remboursement de l'avance était exigible et mettait fin au prêt à taux zéro consenti à Monsieur X..., peu important que les modalités du remboursement prévoient par ailleurs l'imputation de l'avance sur les sommes devant lui revenir au titre de ses droits à indemnité de départ à la retraite ou au titre du capital MAZARS ; qu'en retenant cependant en l'espèce, pour débouter la société MAZARS de sa demande en paiement des intérêts au taux légal relatifs au prêt litigieux à compter du 16 juillet 2009, date de l'assignation introductive d'instance, jusqu'au 2 janvier 2013, date de la cession des actions de Monsieur X..., que les parties avaient entendu lier « le sort du remboursement de l'avance au sort de la liquidation des actions », cependant qu'il était expressément prévu que le remboursement était exigible dès la date du départ de Monsieur X..., la Cour d'appel a dénaturé l'article 2.2 de l'avenant au protocole du 13 mars 1998 et violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en tout état de cause, les sociétés MAZARS faisaient valoir que Monsieur X... avait fait preuve d'une attitude dilatoire ayant indûment retardé la cession de ses actions pendant près de quatre années, ce qui justifiait qu'il soit condamné à rembourser non seulement le montant nominal de l'avance, mais également les intérêts ayant couru entre le 16 juillet 2009 et le 2 janvier 2013, (conclusions, p. 12 et 13) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant des écritures d'appel des sociétés exposantes, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société MAZARS TOULOUSE de sa demande de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « en intégrant le groupe MAZARS Serge X... signait la Charte associative intégrée au règlement intérieur, ayant valeur d'engagement entre les associés et comprenant divers engagements de bonne conduite. Il était ainsi notamment prévu que dans le cas de départ de l'association, « les associés titulaires de mandats en nom propre s'engagent soit à démissionner de leur mandat, soit à organiser la transmission des missions au bénéfice des personnes désignées par leur entité associée », et encore que « tout associé quittant l'association doit transmettre les clients de la manière la plus appropriée à la structure qui les lui avait confiés ou grâce à laquelle il les avait obtenus même s'il les gérait en son nom propre », aucune distinction n'étant faite entre les missions confiées dans le cadre de l'expertise comptable et celles relevant du commissariat aux comptes. L'accusation formulée par les appelantes à l'encontre de Serge X... d'avoir été à l'origine du départ d'un grand nombre de clients repose sur une quarantaine de lettres de résiliation adressées entre fin octobre 2008 et février 2009 par des clients du portefeuille traité par lui dans le cadre de son activité d'expertise comptable. Une dizaine de ces clients motivaient leur départ par des tarifs trop élevés ou une réorganisation interne. Il lui est également reproché de ne pas avoir fait le nécessaire pour le transfert de ses dossiers de clients à ses associés et pour que la candidature de MAZARS comme commissaire aux comptes soit privilégiée lors de la tenue des assemblées d'approbation des comptes. Sur ce point l'intimé précise qu'il détenait cinq mandats de commissaire aux comptes, que pour deux d'entre eux c'est la société MAZARS qui l'a remplacé et que pour un troisième il a été remplacé par son suppléant. Il est d'autre part fait référence à son intervention en qualité d'expert-comptable au sein de la société JCA ayant subi une rectification fiscale et ayant par la suite engagé la responsabilité de MAZARS TOULOUSE. La faute imputée à X..., consistant à avoir reconnu sa responsabilité auprès du client, ne peut au plan de la morale être retenue. Si c'est bien Serge X... qui, suite à la réunion annuelle d'activité tenue le 29 octobre 2007, au cours de laquelle une discussion qualifiée de houleuse opposait celui-ci à Erik Y..., PDG de la SA MAZARS TOULOUSE, a fait connaître son intention de quitter le groupe et de voir appliquer l'article 8 du protocole d'accord du 13 mars 1998. Les négociations se sont poursuivies jusqu'à la décision signifiée par MAZARS le 19 septembre 2008 de mise à la retraite au 31 décembre 2008. Pendant ces négociations il était proposé à X... de rester dans le groupe jusqu'à son départ en retraite (novembre 2007), puis il lui était demandé (mai 2008) de respecter les objectifs qui lui avaient été fixés lors des dernières notations annuelles, ce qui a été justement analysé par les premiers juges comme contradictoire avec une préparation de son départ. Le 10 septembre 2008, il lui était proposé concurremment à sa prise de retraite une poursuite de sa collaboration en « indépendant » avec MAZARS. Ainsi, la décision de mise en retraite d'office imposée à Serge X... trois mois avant l'échéance ne lui laissait à l'évidence pas le temps suffisant pour assurer la transmission de ses dossiers de clients dans des conditions satisfaisantes, et encore moins de proposer, à chaque réunion d'assemblée d'approbation des comptes annuels la candidature de MAZARS comme commissaire aux comptes » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « le protocole d'accord signé en 1998 dans le cadre du rachat par le groupe MAZARS des parts SOTOREC prévoyait que les associés SOTOREC s'engageaient à consacrer leur activité exclusivement au profit de la société et en conséquence de ne plus exercer une activité professionnelle à titre personnel, avec l'obligation pour les mandats et missions personnels qu'ils détiennent de les transférer juridiquement au nom de MAZARS. La convention prévoyait en son article 8 une clause de non concurrence dont les termes de l'alternative applicable au cas d'espèce stipulaient que dans le cas du départ d'un associé SOTOREC du groupe MAZARS après le 31/08/2003, ce départ devra donner lieu à une négociation entre l'associé sortant et le groupe MAZARS afin d'assurer au dit sortant sur son lieu de résidence habituel une situation décente de fin de carrière. Parallèlement à la signature de ce protocole d'accord, les nouveaux associés ont signé la Charte associative intégrée au règlement intérieur qui, aux termes de son article 1 est source d'obligations contractuelles pour ses signataires puisqu'elle est décrite comme « ayant valeur d'engagement entre les associés et est conçue comme la formalisation des principes et des règles régissant les relations entre associés, le fonctionnement de l'association et le principe de fonctionnement des entités associées ». L'article 2.9 dispose en substance que la clientèle ne peut appartenir qu'à une entité associée laquelle exerce dans le cadre d'un contrat de coopération et en déléguant les responsabilités professionnelles aux associés, eux-mêmes membres de la société MAZARS, de sorte qu'aucun associé ou groupe d'associés ne peut prétendre à la propriété de tout ou partie de la clientèle. Il se déduit de la lecture des deux conventions régissant les anciens associés SOTOREC que les dispositions de l'article 8 du protocole d'accord interprétées à la lumière de la Charte associative s'analysent comme une obligation pour le groupe MAZARS de compenser l'apport et l'abandon qu'a fait Monsieur X... de sa clientèle personnelle provenant de SOTOREC en intégrant la société MAZARS. Ce faisant, Monsieur X... a renoncé à avoir une clientèle propre et a souscrit divers engagements de bonne conduite notamment au moment de quitter le groupe. L'article 2.9 de la Charte associative interdit en effet à chaque associé de revendiquer la propriété de la clientèle et prévoit le sort de celle-ci lors du départ d'un associé du groupe. Il est stipulé « Les associés ne peuvent revendiquer tant à l'intérieur qu'à l'extérieur auprès des clients qu'ils gèrent une quelconque propriété de la clientèle ». Dans ce cadre les associés titulaires de mandats en nom propre s'engagent en particulier dans le cas de départ de l'association selon les directives du conseil de gérance soit à démissionner de leur mandat soit à organiser la transmission des missions au bénéfice des personnes désignées par leur entité associée. Tout associé quittant l'association transmet les clients de la manière la plus appropriée à la structure qui les lui avait confiés ou grâce à laquelle il les avait obtenus même s'il les gérait en son nom propre. En application de ces dispositions, Monsieur X... se devait à son départ de préparer le transfert de ses dossiers sans qu'il y ait lieu à distinguer les missions confiées dans le cadre de l'expertise comptable de celles relatives à la certification des comptes, la convention ne faisant pas de distinguo. Au cas d'espèce, le reproche fait à Monsieur X... par les demanderesses d'avoir violé l'obligation particulière d'avoir à organiser le transfert de clientèle visé à l'article 2.9 doit s'apprécier et au regard des deux conventions (Charte et protocole d'accord) liant les parties et au regard de la chronologie des événements ayant abouti au manquement reproché. Il ressort en effet de l'historique des courriers et mails échangés qu'à partir du moment où Monsieur X... a fait connaître son intention de quitter la société MAZARS, des négociations de départ ont été engagées entre les parties qui ne pouvaient qu'échouer puisque Monsieur X... a fait part de son intention de quitter l'association en demandant l'application du protocole d'accord. Par mail du 29/11/2007 émanant de Philippe Z... directeur général, proposition a été faite de maintenir Monsieur X... dans la structure jusqu'à son départ à la retraite, un accord permettant de préserver « tant la rémunération que le transfert de la clientèle à un autre associé ». Monsieur X... a refusé cet arrangement en faisant clairement valoir qu'il ne souhaitait plus rester dans le groupe et entendait voir négocier financièrement son départ en application de l'article 8 du protocole d'accord. Les deux optiques (départ avec indemnités négociées contre maintien dans la structure pour permettre le transfert de clientèle) étaient inconciliables. Dans ce cadre, ni les modalités de la mise à la retraite, ni l'obligation de commencer à passer la main à son futur successeur n'ont été franchement abordées. Au contraire, avant que Monsieur X... n'émette son désir de quitter le groupe sans accepter aucune autre modalité d'arrangement qu'un départ avec indemnités financières, sa mise à la retraite n'avait pas été évoquée puisque Monsieur X... pouvait prétendre à exercer son activité jusqu'à ses 65 ans au sein du groupe. S'il lui a bien été réclamé le 24/04/2008 communication des relevés trimestriels de cotisation (demande déjà formulée en 2004 pour une simple mise à jour des dossiers), la décision de le mettre à la retraite est intervenue d'office le 19/09/2008 à effet du 31/12/2008. Elle fait suite directement à la lettre de menace d'engager des sanctions pour non respect des objectifs qui auraient été assignés à l'intéressé lors des deux dernières notations annuelles de 2007 et 2008 : baisse de performances et refus de préparer sa succession en introduisant un autre associé. Elle clôture l'échec des négociations et marque l'arrêt des tentatives amiables de conciliation. Tout l'historique des événements montre que la société MAZARS n'a pas entendu exécuter de bonne foi les conventions la liant à Monsieur X.... D'une part, l'évaluation écrite de 2007 versée au dossier est muette quant au prétendu objectif donné à Monsieur X... de préparer pour l'année à venir la transmission des missions. Il est au contraire clairement conseillé à Monsieur X... d'améliorer ses performances. Or, cet objectif est en soi l'opposé d'une volonté de passer la main puisque la préparation d'un successeur génère nécessairement du temps au détriment de la quantité de dossiers à traiter. D'autre part, c'est bien le refus de Monsieur X... de suivre la politique du groupe – de favoriser des liens avec l'associé partant en lui confiant des missions en indépendant permettant de favoriser la passation en douceur des dossiers – qui a conditionné sa mise à la retraite. Cette proposition formulée les 26/08/2008 et 10/09/2008 a été refusée par Monsieur X.... Elle a mis fin à toute tentative d'arrangement. Dans ce contexte de négociations interrompues par la décision brutale du 19/09/2008 de mettre l'intéressé d'office à la retraite, il ne peut être reproché à Monsieur X... dans le délai extrêmement court qui était le sien d'avoir failli à son obligation de procéder à la transmission de la clientèle pour décembre 2008. La demande indemnitaire formulée aujourd'hui par les deux sociétés du groupe MAZARS apparait comme un moyen procédural d'échapper à l'obligation de respecter les clauses financières prévues au protocole d'accord de 1998 » ;
ALORS QUE, D'UNE PART, l'article 2.1.2 de la Charte associative définissant les obligations contractuelles pesant sur les associés du Groupe MAZARS, stipule notamment que « chaque Associé a le devoir d'informer l'instance dirigeante de l'Entité associée des difficultés de toute nature rencontrées au cours de l'activité professionnelle et susceptibles d'avoir des conséquences significatives sur son bon déroulement. En particulier, une information sur les risques professionnels pouvant être encourus sur les dossiers doit être fournie aux autres Associés signataires et à l'instance dirigeante de l'Entité associée, ainsi qu'au Conseil de gérance dès qu'un risque potentiel apparaît et avant toute mise en cause éventuelle de responsabilité » et également que « d'une manière générale, chaque Associé s'engage au respect absolu des règles de confidentialité, de réserve et de secret professionnel vis-à-vis de l'extérieur (clients, confrères, instances professionnelles, autres contacts). En aucun cas, un Associé ne formule à l'extérieur de l'Association de commentaires ou appréciations sur des situations ou problèmes dont il a pu avoir connaissance dans le cadre de ses fonctions » ; que les conclusions d'appel des sociétés MAZARS faisaient valoir que Monsieur X... avait manqué à ses obligations contractuelles dans la gestion du dossier de la société JCA, en ayant adressé à ce client deux courriels reconnaissant la responsabilité de la société MAZARS dans le redressement fiscal subi par cette société, sans même en avoir préalablement référé aux autres associés et aux dirigeants de la société MAZARS ; qu'en se bornant à énoncer que « la faute imputée à X..., consistant à avoir retenu sa responsabilité auprès du client, ne peut au plan de la morale être retenue », sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, si Monsieur X... n'avait pas failli à ses obligations contractuelles, telles qu'elles résultaient notamment de la Charte associative, dans la gestion du dossier de la société JCA, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, l'article 2.9 de la Charte associative stipule que « tout Associé quittant l'Association transmet les clients de la manière la plus appropriée à la structure qui les lui avait confiés ou grâce à laquelle il les avait obtenus, même s'il les gérait en nom propre » ; que les sociétés MAZARS faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que Monsieur X... avait, en application de cette clause, dès l'annonce officielle de son départ par courriel du 6 novembre 2007, l'obligation de prévenir les clients dont il gérait les dossiers qu'il quitterait prochainement le groupe MAZARS et qu'un successeur associé de ce groupe prendrait le relais dans la gestion des dossiers (conclusions, p. 16) ; que la Cour d'appel a elle-même constaté que Monsieur X... avait fait connaître son intention de quitter le groupe MAZARS dès le 29 octobre 2007, et que les négociations concernant les modalités de son départ s'étaient poursuivies jusqu'à la décision de mise à la retraite prise par la société MAZARD le 19 septembre 2008, ce qui a laissé à Monsieur X... plus d'une année pour satisfaire à son obligation contractuelle de transmission de ses dossiers de clients ; qu'en retenant cependant que la décision de mise à la retraite de Monsieur X... du 19 septembre 2008, trois mois avant l'échéance, ne laissait pas à ce dernier « le temps suffisant pour assurer la transmission de ses dossiers de clients dans des conditions satisfaisantes », tout en ayant elle-même constaté que plus d'un an s'était écoulé depuis l'annonce officielle de son départ, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
ALORS QUE, DE TROISIEME PART, l'article 2.9 de la Charte associative fait obligation à chaque associé d'organiser la transmission de ses dossiers dès lors qu'il envisage définitivement de quitter l'association ; que cette obligation doit être exécutée de bonne foi, ce qui suppose qu'elle soit mise en oeuvre de façon spontanée, sans que l'associé sortant attende une quelconque mise en demeure ou injonction émanant du groupe MAZARS ; qu'en retenant cependant en l'espèce, par motifs adoptés, qu'au cours de la période de négociations qui s'est étalée sur plus d'une année, « l'obligation de passer la main à son futur successeur » n'aurait pas été franchement abordée, la Cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à justifier la violation par Monsieur X... de son obligation contractuelle d'organiser la transmission de ses dossiers dès l'annonce de son départ, a derechef violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
ALORS QUE, DE QUATRIEME PART, les sociétés MAZARS faisaient en tout état de cause valoir dans leurs conclusions d'appel que Monsieur X... avait été alerté à plusieurs reprises dès la fin de l'année 2006 de la nécessité de commencer à organiser la transmission de ses dossiers, compte tenu du fait que la perspective de son départ à la retraite se rapprochait ; qu'elles faisaient ainsi état des rapports d'activité et de développement pour les exercices 2005-2006 et 2006-2007, qui tous deux mentionnaient cette nécessité, ainsi que d'une lettre du 26 mai 2008 adressée à Monsieur X... qui la lui rappelait une nouvelle fois (conclusions, p. 16) ; qu'en se bornant à relever, par motifs adoptés, que l'évaluation écrite de 2007 versée au dossier était muette quant à l'objectif donné à Monsieur X... de préparer pour l'année à venir la transmission des missions, sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions des sociétés exposantes, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QU'EN OUTRE, aux termes de l'article 2.9 de la Charte associative, l'obligation d'assurer la transmission de ses dossiers de clients qui pèse sur l'associé sortant est liée à tout départ de la société, quelle qu'en soit la cause ; qu'en conséquence, les modalités mêmes d'organisation de ce départ n'ont aucune incidence sur l'exécution de cette obligation ; qu'en retenant cependant en l'espèce que les modalités de la mise à la retraite de Monsieur X... n'avaient pas été abordées rapidement au cours de la période de négociation et que cette décision avait été imposée à Monsieur X... trois mois avant l'échéance, la Cour d'appel a derechef statué par des motifs impropres à justifier la violation par Monsieur X... de son obligation contractuelle d'organiser la transmission de ses dossiers dès l'annonce de son départ, et violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
ALORS QU'ENFIN, l'article 2.1.2 de la Charte associative prévoit que « chaque Associé exerce la responsabilité pleine et entière des dossiers dont il a la charge (…) et réalise lui-même les diligences normales au respect de cet engagement », que la répartition annuelle « des responsabilités des dossiers (…) doit permettre aux Associés d'avoir la capacité effective de superviser l'ensemble des missions dont ils ont la charge » et qu'« en dehors de cette revue annuelle, les Associés concernés s'interdisent de remettre en cause les répartitions de dossiers ainsi décidées et périodiquement revues » ; que cette obligation pour chaque associé de respecter les objectifs qui lui ont été fixés annuellement, non seulement doit être respectée jusqu'au départ du groupe, mais en outre s'ajoute dans un tel cas, à l'obligation d'organiser parallèlement la transmission des dossiers prévue par l'article 2.9 de la Charte associative ; qu'en retenant néanmoins en l'espèce, pour écarter tout manquement de Monsieur X... à ses obligations contractuelles, que la société MAZARS aurait adopté un comportement contradictoire, voire de mauvaise foi, en lui demandant, durant la période d'un an ayant précédé son départ, à la fois de respecter les objectifs qui lui avaient été fixés et d'organiser la transmission de ses dossiers, cependant que ces obligations découlaient directement de la Charte associative liant les parties, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil.
TROISIEME ET
DERNIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les sociétés MAZARS in solidum à payer à Monsieur X..., en application du protocole d'accord, la somme de 240.000 euros à titre d'indemnités compensatrices ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le protocole d'accord du 13 mars 2008 (sic lire 1998) prévoyait en son article 8 que, dans le cas où la rupture intervenait après le 31 août 2003, une négociation aurait lieu destinée à assurer au sortant, sur son lieu de résidence habituel, « une situation décente de fin de carrière ». Les premiers juges ont justement déduit de la lecture du protocole d'accord et de la Charte associative précitée l'obligation pour le groupe MAZARS, consacrée dans l'article 8 du protocole, de compenser l'apport et l'abandon par X... de sa clientèle personnelle en intégrant le groupe. Le groupe MAZARS proposait à Serge X... en septembre 2008 un « package » de départ de 300.000 € qui, incluant le dividende (70.493 €), l'intéressement (15.233 €), la participation (1.270 €), les intérêts sur emprunt obligataire (1.600 €), l'indemnité de départ à la retraite (95.352 €) et les congés payés (33.200 €), limitait l'indemnité proprement dite sur le fondement de l'article 8 du protocole à la somme de 82.352 €, de fait insuffisante pour recueillir son accord. Les appelantes ne peuvent se fonder sur les « graves manquements contractuels » de Serge X... lors de son départ, non établis, pour estimer ne plus être liées par le protocole du 13 mars 1998. Dès lors, la somme de 240.000 € retenue par les premiers juges apparait justement appréciée comme devant lui assurer « une situation décente de fin de carrière », la notion de perte de chance devant s'appliquer dès lors que la certitude d'un maintien en activité complète jusqu'à l'âge limite de la retraite n'existe pas » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « le protocole d'accord signé en 1998 dans le cadre du rachat par le groupe MAZARS des parts SOTOREC prévoyait que les associés SOTOREC s'engageaient à consacrer leur activité exclusivement au profit de la société et en conséquence de ne plus exercer une activité professionnelle à titre personnel, avec l'obligation pour les mandats et missions personnels qu'ils détiennent de les transférer juridiquement au nom de MAZARS. La convention prévoyait en son article 8 une clause de non concurrence dont les termes de l'alternative applicable au cas d'espèce stipulaient que dans le cas du départ d'un associé SOTOREC du groupe MAZARS après le 31/08/2003, ce départ devra donner lieu à une négociation entre l'associé sortant et le groupe MAZARS afin d'assurer au dit sortant sur son lieu de résidence habituel une situation décente de fin de carrière. Parallèlement à la signature de ce protocole d'accord, les nouveaux associés ont signé la Charte associative intégrée au règlement intérieur qui, aux termes de son article 1 est source d'obligations contractuelles pour ses signataires puisqu'elle est décrite comme « ayant valeur d'engagement entre les associés et est conçue comme la formalisation des principes et des règles régissant les relations entre associés, le fonctionnement de l'association et le principe de fonctionnement des entités associées ». L'article 2.9 dispose en substance que la clientèle ne peut appartenir qu'à une entité associée laquelle exerce dans le cadre d'un contrat de coopération et en déléguant les responsabilités professionnelles aux associés, eux-mêmes membres de la société MAZARS, de sorte qu'aucun associé ou groupe d'associés ne peut prétendre à la propriété de tout ou partie de la clientèle. Il se déduit de la lecture des deux conventions régissant les anciens associés SOTOREC que les dispositions de l'article 8 du protocole d'accord interprétées à la lumière de la Charte associative s'analysent comme une obligation pour le groupe MAZARS de compenser l'apport et l'abandon qu'a fait Monsieur X... de sa clientèle personnelle provenant de SOTOREC en intégrant la société MAZARS. Ce faisant, Monsieur X... a renoncé à avoir une clientèle propre et a souscrit divers engagements de bonne conduite notamment au moment de quitter le groupe. (…) Le protocole d'accord de 1998 prévoyait que la négociation devait préserver à l'associé sortant des conditions décentes de fin de carrière. En l'espèce, Monsieur X... a été mis à la retraite au 31/12/2008 alors qu'il pouvait prétendre travailler jusqu'à ses 65 ans. Il a donc perdu une chance d'accroitre ou plus exactement de maintenir son niveau de revenus pendant cette période de 4 ans. S'agissant d'une perte de chance, Monsieur X... ne peut calculer ses pertes par la différence comptable entre ses actuels revenus tirés de sa retraite (50.000 € par an) et les revenus antérieurs (170.000 €) lesquels incluaient non seulement le fruit de son travail mais aussi les dividendes perçus en qualité d'associé. La prise en compte d'une perte de revenus estimés à 60.000 € par an constitue une juste indemnisation. Il lui sera alloué la somme de 240.000 € en application du protocole d'accord ».
ALORS QUE, D'UNE PART, la Cour d'appel a expressément énoncé que les sociétés MAZARS devaient être condamnées in solidum à payer à Monsieur X..., en application du protocole d'accord, la somme de 240.000 euros à titre d'indemnités compensatrices, dans la mesure où « les appelantes ne peuvent se fonder sur les « graves manquements contractuels » de Serge X... lors de son départ, non établis, pour estimer ne plus être liées par le protocole du 13 mars 1998 » ; qu'en conséquence, toute cassation de l'arrêt à intervenir sur l'une des six branches du deuxième moyen, qui démontrent l'existence des graves manquements contractuels commis par Monsieur X..., entrainera par voie de conséquence la cassation de ce chef de l'arrêt, en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en tout état de cause, l'article 8 du protocole du 13 mars 1998, intitulé « clause de non concurrence », stipule qu'« en cas départ d'un associé SOTOREC du groupe MAZARS et GUERARD, deux situations sont envisagées. Premièrement, si cette rupture intervient avant le 31 août 2003, les associés d'origine SOTOREC s'interdisent de traiter pendant une durée de trois ans tout client d'origine MAZARS et GUERARD. Cet engagement ne concerne pas les clients d'origine SOTOREC dont la liste est jointe au présent protocole (Annexe 6). Deuxièmement, si la rupture du contrat de travail intervient après le 31 août 2003, la clause ci-dessus fera l'objet d'une négociation entre l'associé sortant et le groupe MAZARS et GUERARD, afin d'assurer au dit sortant, sur son lieu de résidence habituel, une situation décente de fin de carrière » ; que les termes clairs et précis du deuxièmement de cette clause prévoient uniquement une négociation tendant à l'aménagement de l'étendue de la clause de non concurrence prévue au premièrement, de manière à permettre à l'associé sortant d'exercer sa profession « sur son lieu de résidence habituel » de manière à avoir « une situation décente de fin de carrière », et en aucun cas le versement pur et simple d'une indemnité financière compensant un soi-disant abandon de clientèle réalisé par l'associé sortant lors de la cession de 1998 ; qu'en retenant cependant que cette clause consacrait l'obligation pour le groupe MAZARS de compenser financièrement l'apport et l'abandon par Monsieur X... de sa clientèle personnelle en intégrant le groupe, la Cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS QU'ENFIN, les sociétés MAZARS faisaient expressément valoir dans leurs conclusions d'appel que Monsieur X... n'avait aucune clientèle propre au moment où il a intégré le groupe MAZARS en 1998 (conclusions, p. 25) ; que ce fait excluait l'interprétation retenue par les juges du fond de l'article 8 du protocole du 13 mars 1998 ; qu'en omettant de répondre à ce moyen déterminant des écritures des sociétés exposantes, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.