LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Saint-Denis de la Réunion ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 3 avril 2015), que M. X... a sollicité son admission au barreau de Saint-Denis sous le bénéfice de la dispense de formation prévue à l'article 98, 3°, du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ; que le conseil de l'ordre ayant rejeté sa demande d'inscription, M. X... a formé un recours contre cette décision ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que les fonctions de juriste d'entreprise, qui s'inscrivent toujours dans un lien de subordination inhérent au contrat de travail, ne comportent pas nécessairement l'autonomie résultant de l'exercice de pouvoirs d'encadrement et de direction au sein du service juridique spécialisé ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande d'inscription au barreau sollicitée par M. X..., sur la circonstance que s'agissant du poste de « juriste junior » qu'il avait occupé au sein de la société Oberthur Card Systems, son contrat de travail ne comportait « aucune précision sur son degré d'autonomie » et que s'agissant des fonctions qu'il avait occupées au sein de la Banque de la Réunion, sa « situation d'autonomie », si elle était établie à compter du 1er juillet 2008, date à laquelle il est devenu responsable des affaires juridiques, ne l'était pas en revanche pour la période antérieure où « il était placé sous autorité hiérarchique », la cour d'appel a violé l'article 98, 3°, du décret du 27 novembre 1991 ;
2°/ qu'en indiquant, dans son attestation du 14 décembre 2014, que durant la période où M. X... avait exercé, sous son autorité, des fonctions de juriste, sa mission avait « consisté exclusivement, au sein de la direction juridique, à traiter des problématiques juridiques rencontrées par le Groupe Oberthur Card System », Mme Y..., ancienne directrice juridique de la société Oberthur Card Systems, attestait clairement de ce que M. X... s'occupait exclusivement des problèmes juridiques internes à l'entreprise ; qu'en retenant que M. X... ne justifiait pas d'une exclusivité lors de l'exécution du contrat de travail conclu avec la société Oberthur Card Systems en dépit de cette attestation de sa supérieure hiérarchique, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette attestation et a ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que M. X... produisait devant la cour d'appel une attestation de Mme Z..., directeur général délégué de la Banque de la Réunion, en date du 27 octobre 2014, indiquant que pendant les huit années consécutives au cours desquelles il avait travaillé au sein de cette banque, et donc y compris avant qu'il ne devienne responsable des affaires juridiques, ses attributions « consist(aient) exclusivement à traiter les problématiques juridiques soulevées par l'activité de l'entreprise (…) » ; qu'en affirmant que M. X... ne produisait aucun document justifiant de sa situation « d'exclusivité dans l'exercice professionnel du droit » pendant la période au cours de laquelle il exerçait, sous autorité hiérarchique, les fonctions de juriste au sein de la direction juridique de la Banque de la Réunion, sans s'expliquer sur l'attestation de Mme Z... établissant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en statuant ainsi, elle a en outre dénaturé ladite attestation et violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt énonce que M. X... a été engagé en janvier 2003 par la société Oberthur Card Systems en qualité de juriste junior et retient que l'attestation de sa supérieure hiérarchique, non corroborée par d'autres éléments, est insuffisante pour établir l'exclusivité de son activité de juriste au sein d'un service spécialisé ; qu'il relève, ensuite,
que M. X..., engagé, le 12 décembre 2005, en qualité de juriste par la Banque de la Réunion, n'a acquis l'autonomie, la responsabilité et l'exclusivité dans l'exercice professionnel du droit que lorsqu'il a été nommé responsable des affaires juridiques à compter du 1er juillet 2008, de sorte que, malgré une attestation générale de la Banque de la Réunion, non corroborée par d'autres éléments, le requérant ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exercice des fonctions de juriste d'entreprise pendant au moins huit ans ; que, par cette appréciation souveraine des éléments versés aux débats, la cour d'appel, sans dénaturation, a pu décider que M. X... ne remplissait pas les conditions édictées par l'article 98, 3°, du décret susvisé, justifiant ainsi légalement sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le rejet de la demande d'inscription au barreau présentée par M. X... ;
AUX MOTIFS QUE l'article 98-3 du décret du 27 novembre 1991 prévoit que sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat « les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises » ; que l'article 58 de la loi du 31 décembre 1971 définit ainsi les juristes d'entreprise : « Les juristes d'entreprise exerçant leurs fonctions en exécution d'un contrat de travail au sein d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises peuvent, dans l'exercice de ces fonctions et au profit exclusif de l'entreprise qui les emploie ou de toute entreprise du groupe auquel elle appartient, donner des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé relevant de l'activité desdites entreprises » ; qu'au cas d'espèce, M. X... justifie de sa situation de juriste par la production de deux contrats de travail successifs auprès de l'entreprise Oberthur Card Systems puis auprès de la banque de la Réunion où sa classification de cadre était au niveau H de la convention collective nationale de la banque en son article 33-2 ; que selon son premier contrat de travail en date du 14 janvier 2003, M. X... exerçait en qualité de « juriste junior » qui correspond à la classification de cadre position 1, indice 76, mais sans aucune précision sur son degré d'autonomie ; qu'à compter du 12 décembre 2005, il a été désigné à la Banque de la Réunion en qualité de juriste, au sein de la direction juridique, emploi relevant du statut cadre, classification H, placé sous la responsabilité de sa supérieure hiérarchique ; qu'il est justifié qu'au sein de cette même banque, il est devenu, à compter du 1er juillet 2008, responsable des affaires juridiques rattaché au secrétariat général et moyens de ce même établissement ; qu'il est de jurisprudence constante que s'agissant d'un accès au barreau dérogatoire, la passerelle-équivalence s'apprécie strictement ; que l'activité de juriste doit avoir été exclusivement exercée dans un service spécialisé chargé dans l'entreprise des problèmes juridiques posés par l'activité de l'ensemble des services qui la constitue ; que la qualité de juriste junior telle que déclinée, sans aucune précision, donc aucune exclusivité, ne correspond pas à la définition de la Cour de cassation nonobstant l'attestation de sa supérieure hiérarchique qui n'est corroborée par aucun élément permettant d'établir l'existence effective des consultations juridiques évoquées ; qu'au sein de la Banque de la Réunion, M. X... a assumé deux types de fonction ; que pendant une première période, il était placé sous autorité hiérarchique ; que l'attestation en date du 26 novembre 2014 confirme cette première période en qualité de juriste puis une modification substantielle de son statut à compter du 1er juillet 2008 où il est devenu responsable des affaires juridiques ; que si sa situation d'autonomie, de responsabilité et d'exclusivité dans l'exercice professionnel du droit est établie à compter du 1er juillet 2008, cela n'est pas le cas de la période antérieure nonobstant l'attestation générale de la Banque de la Réunion qui n'est pas corroborée pour la période allant du 12 décembre 2005 au 30 juin 2008 par la production d'éléments probants établissant l'autonomie et l'exclusivité alors que la variété des activités bancaires permettait de produire de tels éléments ;
1°) ALORS QUE les fonctions de juriste d'entreprise, qui s'inscrivent toujours dans un lien de subordination inhérent au contrat de travail, ne comportent pas nécessairement l'autonomie résultant de l'exercice de pouvoirs d'encadrement et de direction au sein du service juridique spécialisé ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande d'inscription au barreau sollicitée par M. X..., sur la circonstance que s'agissant du poste de « juriste junior » qu'il avait occupé au sein de la société Oberthur Card Systems, son contrat de travail ne comportait « aucune précision sur son degré d'autonomie » et que s'agissant des fonctions qu'il avait occupées au sein de la Banque de la Réunion, sa « situation d'autonomie », si elle était établie à compter du 1er juillet 2008, date à laquelle il est devenu responsable des affaires juridiques, ne l'était pas en revanche pour la période antérieure où « il était placé sous autorité hiérarchique », la cour d'appel a violé l'article 98 3° du décret du 27 novembre 1991.
2°) ALORS QU'en indiquant, dans son attestation du 14 décembre 2014, que durant la période où M. X... avait exercé, sous son autorité, des fonctions de juriste, sa mission avait « consisté exclusivement, au sein de la direction juridique, à traiter des problématiques juridiques rencontrées par le Groupe Oberthur Card System », Mme Y..., ancienne directrice juridique de la société Oberthur Card Systems, attestait clairement de ce que M. X... s'occupait exclusivement des problèmes juridiques internes à l'entreprise ; qu'en retenant que M. X... ne justifiait pas d'une « exclusivité » lors de l'exécution du contrat de travail conclu avec la société Oberthur Card Systems en dépit de cette attestation de sa supérieure hiérarchique, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette attestation et a ainsi violé l'article 1134 du code civil.
3°) ALORS QUE M. X... produisait devant la cour d'appel une attestation de Mme Z..., Directeur général délégué de la Banque de la Réunion, en date du 27 octobre 2014, indiquant que pendant les huit années consécutives au cours desquelles il avait travaillé au sein de cette banque, et donc y compris avant qu'il ne devienne responsable des affaires juridiques, ses attributions « consist(aient) exclusivement à traiter les problématiques juridiques soulevées par l'activité de l'entreprise (…) » ; qu'en affirmant que M. X... ne produisait aucun document justifiant de sa situation « d'exclusivité dans l'exercice professionnel du droit » pendant la période au cours de laquelle il exerçait, sous autorité hiérarchique, les fonctions de juriste au sein de la direction juridique de la Banque de la Réunion, sans s'expliquer sur l'attestation de Mme Z... établissant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
4°) ET ALORS QU'en statuant ainsi, elle a en outre dénaturé ladite attestation et violé l'article 1134 du code civil.