LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Y..., M. Z..., la société Axa France assurance, la société Axa France IARD, la Mutuelle des architectes français et la société Giaconi et fils ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., assurée selon une police « dommages-ouvrage » auprès de la société MMA IARD (la société MMA), a confié la construction d'une maison d'habitation à la société Cévennes construction ; que l'ouvrage a été réceptionné le 27 juin 1994 ; qu'à la suite de venues d'eau dans le vide sanitaire de l'immeuble, Mme X... a fait installer des drains pour y remédier ; que sont intervenus sur le chantier, la société Giaconi et fils pour le lot terrassement, M. Z..., assuré auprès de la société Axa pour la pose de drains et M. Y..., assuré auprès de la Mutuelle des architectes français, en qualité de maître d'œuvre ; que les travaux ont été réceptionnés le 5 juillet 2000 ; que des fissures étant apparues en façade en 2003, Mme X... a procédé le 1er septembre 2003 à une déclaration de sinistre auprès de la société MMA, qui a refusé sa garantie aux motifs que les désordres avaient pour origine une cause extérieure tenant à la mauvaise réalisation du système de drainage ; que Mme X... a assigné les 25 et 26 août 2005, la société MMA, M. Y..., M. Z... et la société Axa, devant un juge des référés qui a ordonné le 6 octobre 2005 une mesure d'expertise rendue commune le 31 mars 2006 à d'autres parties, notamment à la société Giaconi et fils ; qu'après dépôt de son rapport par l'expert en juin 2009, Mme X... a assigné au fond la société MMA, la société Giaconi et fils, M. Z..., la société Axa, M. Y... et la Mutuelle des architectes français en indemnisation de ses préjudices ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société MMA fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme X... la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que l'action en responsabilité contractuelle, fondée sur des fautes commises par l'assureur dans l'exécution du contrat d'assurance et exercée par l'assuré, dérive du contrat d'assurance et se prescrit par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; qu'en condamnant la société MMA à verser une certaine somme à Mme X... aux motifs qu'elle avait commis une faute en refusant d'indemniser Mme X..., sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette action en responsabilité contractuelle était prescrite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 114-1 du code des assurances ;
Mais attendu que la société MMA n'ayant pas dans ses conclusions d'appel, imprécises sur ce point, soutenu que l'action en responsabilité contractuelle engagée par Mme X... était prescrite, la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande d'indemnisation à l'encontre de la société MMA au titre de la police dommages-ouvrage, alors, selon le moyen :
1°/ que toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties, y compris à l'égard de celles appelées uniquement à la procédure initiale ; qu'il en va ainsi de l'ordonnance rendant communes à d'autres parties les opérations d'expertise précédemment ordonnées ; qu'en jugeant que l'ordonnance de référé du 31 mars 2006 rendant communes les opérations d'expertise précédemment ordonnées par ordonnance du 6 octobre 2005 dans le cadre d'une procédure de référé dirigée notamment contre la société MMA, n'avait pas d'effet interruptif à l'égard de celle-ci puisqu'elle n'était pas visée dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à l'ordonnance du 31 mars 2006, la cour d'appel a violé l'article L. 114-2 du code des assurances, ensemble l'article 2244 du code civil, dans sa version applicable à la cause, par refus d'application ;
2°/ que toute mesure et décision apportant une modification quelconque à la mission d'expertise produit un effet interruptif de prescription ; qu'il en va ainsi de la mesure tendant à compléter la mission de l'expert par la mise en place, à la demande d'une partie, d'une étude géotechnique réalisée par un technicien spécialisé ; qu'en jugeant que la commande, par courrier du 6 juin 2007, d'une étude géotechnique auprès de la société Fondasol n'avait pas d'effet interruptif de prescription, cependant que cette mesure modifiait, en la complétant, la mission d'expertise initiale et avait donc un effet interruptif de prescription, la cour d'appel a violé l'article L. 114-2 du code des assurances, ensemble l'article 2244 du code civil, dans sa version applicable à la cause, par refus d'application ;
Mais attendu qu'il ressort des constatations des juges du fond que plus de deux ans se sont écoulés entre le dernier acte interruptif de prescription visé par le moyen, à savoir la commande d'une étude géotechnique par l'expert le 6 juin 2007, et l'assignation en exécution du contrat délivrée à l'assureur le 11 décembre 2009 ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer prescrite la demande d'indemnisation de Mme X... au titre de la police dommages-ouvrage, l'arrêt retient que cette dernière n'a assigné au fond la société MMA que le 11 décembre 2009 et a laissé courir un délai de plus de deux ans depuis l'ordonnance de référé du 6 octobre 2005 ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme X... qui soutenait que la société MMA avait renoncé à se prévaloir de la prescription, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable comme étant prescrite la demande d'indemnisation de Mme X... à l'encontre de la société MMA IARD au titre de la police dommages-ouvrage, l'arrêt rendu le 11 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société MMA IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit irrecevable comme étant prescrite la demande d'indemnisation de Mme X... à l'encontre de la société MMA Iard, assureur dommages-ouvrage ;
AUX MOTIFS QUE la compagnie MMA oppose la prescription biennale de l'article L 114-1 du code des assurances. Mme X... a fait une déclaration de sinistre à son assureur dommages-ouvrage le 1er septembre 2003, soit plus de neuf ans après la réception du 27 juin 1994, visant les fissures affectant le gros-oeuvre de la villa, pour laquelle, après expertise, la compagnie MMA a refusé sa garantie. Mme X... a assigné, le 25 août 2005, en référé-expertise, la compagnie MMA interrompant ainsi le délai de prescription de l'article L. 114-1 du code des assurances jusqu'à l'ordonnance de référé rendue le 6 octobre 2005. Mme X... a assigné, le 16 février 2006, la Sarl Giaconi et fils et la société Aqua 34 et Maître Blanc, commissaire au plan de la société Aqua 34 et une ordonnance de référé en date du 31 mars 2006 a rendu communes les opérations d'expertise précédemment ordonnées à ces deux défendeurs. Cette procédure de référé, qui ne vise pas la compagnie MMA, n'est pas interruptive de prescription. Contrairement aux affirmations de Mme X..., aucune ordonnance de référé n'est intervenue depuis celles du 6 octobre 2005 et du 31 mars 2006. En effet, le 6 juin 2007, ce n'est pas une décision judiciaire qui a été rendue, mais c'est la date de la lettre de commande de l'expert judiciaire M. A..., demandant à la société Fondasol de réaliser une étude géotechnique à l'effet de déterminer les caractéristiques des sols d'emprise de la villa et les caractéristiques et le fonctionnement des drains. Cette demande de l'expert n'est pas une demande en justice, ni un acte susceptible d'interrompre le délai de prescription. Mme X... n'ayant assigné au fond la compagnie MAF que le 11 décembre 2009, son action à l'encontre de la MAF est prescrite en application de l'article L. 114-1 du code des assurances, pour avoir laissé courir un délai de plus de deux ans depuis l'ordonnance de référé du 6 octobre 2005 ;
1) ALORS QUE toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties, y compris à l'égard de celles appelées uniquement à la procédure initiale ; qu'il en va ainsi de l'ordonnance rendant communes à d'autres parties les opérations d'expertise précédemment ordonnées ; qu'en jugeant que l'ordonnance de référé du 31 mars 2006 rendant communes les opérations d'expertise précédemment ordonnées par ordonnance du 6 octobre 2005 dans le cadre d'une procédure de référé dirigée notamment contre la société MMA, n'avait pas d'effet interruptif à l'égard de celle-ci puisqu'elle n'était pas visée dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à l'ordonnance du 31 mars 2006, la cour d'appel a violé l'article L. 114-2 du code des assurances, ensemble l'article 2244 du code civil, dans sa version applicable à la cause, par refus d'application ;
2) ALORS QUE toute mesure et décision apportant une modification quelconque à la mission d'expertise produit un effet interruptif de prescription ; qu'il en va ainsi de la mesure tendant à compléter la mission de l'expert par la mise en place, à la demande d'une partie, d'une étude géotechnique réalisée par un technicien spécialisé ; qu'en jugeant que la commande, par courrier du 6 juin 2007, d'une étude géotechnique auprès de la société Fondasol n'avait pas d'effet interruptif de prescription, cependant que cette mesure modifiait, en la complétant, la mission d'expertise initiale et avait donc un effet interruptif de prescription, la cour d'appel a violé l'article L. 114-2 du code des assurances, ensemble l'article 2244 du code civil, dans sa version applicable à la cause, par refus d'application ;
3) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en déclarant prescrite la demande d'indemnisation de Mme X... dirigée contre la société MMA Iard, sans répondre aux conclusions péremptoires de l'exposante (p. 6, § 1 à 3) dans lesquelles elle soutenait, preuves à l'appui, que cet assureur dommages-ouvrage avait renoncé à invoquer la prescription notamment en participant à l'expertise diligentée et en adressant des dires à l'expert, en particulier pour suggérer une étude géotechnique, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société MMA IARD.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société MMA IARD à payer à Mme X... la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la compagnie MMA assureur dommages-ouvrage a failli à ses obligations de préfinancement des fissures, objet d'une déclaration de sinistre en déniant sa garantie le 31 octobre 2003, malgré les pré-conclusions de l'expert qu'elle avait diligenté, et en refusant d'indemniser son assurée, Mme X..., au motif que les désordres avaient pour origine une cause extérieure, à savoir la modification du système de drainage, alors que son expert avait retenu les tassements différentiels ; que l'assureur dommages-ouvrage a donc engagé sa responsabilité en refusant d'indemniser Madame X..., alors que l'expertise qu'elle avait elle-même diligentée avait décelé l'origine exacte des fissures liées à l'inadaptation des fondations au sol d'assises de la villa aggravée par les défaillances du système de drainage ; que l'expert judiciaire A... a confirmé la justesse de cette analyse ; qu'il appartenait à la MMA si elle le jugeait utile de faire réaliser des investigations complémentaires mais elle ne pouvait en l'état dénier sa garantie ; qu'elle a commis une faute dans la gestion de son dossier d'indemnisation et il convient compte tenu des préjudices subis par Mme X..., qui ne peut être indemnisée de l'intégralité de ses préjudices, de la condamner au paiement de la somme de 15.000 euros ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le préjudice immatériel (17.750 euros) étant dû au refus par la compagnie MMA de financer les travaux de fondation jugés nécessaires par son propre expert, cette compagnie, même si elle ne garantit pas du fait de sa police d'assurance, le préjudice immatériel résultant du sinistre, sera condamnée sur le fondement de l'article 1147 à réparer celui résultant de sa faute contractuelle de refus du financement des travaux nécessaires ;
ALORS QUE l'action en responsabilité contractuelle, fondée sur des fautes commises par l'assureur dans l'exécution du contrat d'assurance et exercée par l'assuré, dérive du contrat d'assurance et se prescrit par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; qu'en condamnant la société MMA à verser une certaine somme à Mme X... aux motifs qu'elle avait commis une faute en refusant d'indemniser Mme X..., sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions de la société MMA, p. 3-4), si cette action en responsabilité contractuelle était prescrite, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 114-1 du Code des assurances.