LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. X... et Mme Y... ;
Attendu que, pour condamner M. X... à verser une prestation compensatoire d'un certain montant à Mme Y..., l'arrêt retient que cette dernière perçoit, pour seules ressources, des prestations sociales pour un montant de 279,42 euros, que le mariage a duré quatre ans, qu'aucun enfant n'en est issu, que le revenu mensuel moyen de M. X... s'élève à 3 807 euros et qu'il est propriétaire de trois biens immobiliers et d'avoirs bancaires d'une valeur de 79 000 euros ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans prendre en considération, comme elle y était invitée, les charges invoquées par M. X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer à Mme Y... la somme de 15 000 euros à titre de prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 20 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. Éric X... à payer à Mme Nathalie Y... la somme de 15.000 € à titre de prestation compensatoire et ce avant le 8 décembre 2015 ;
AUX MOTIFS QUE l'article 270 du code civil prévoit que « l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ». L'article 271 du même code, ajoute que « la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ». A cet effet, il est énuméré de manière non exhaustive les éléments à prendre en considération dans la détermination des besoins et des ressources, il convient de retenir les points suivants : - durée du mariage : les époux étant séparés depuis la date de l'ordonnance de non-conciliation la durée de vie commune postérieure au mariage n'est que de quatre ans, - aucun enfant n'est issu de cette union, - les époux n'ont fait l'acquisition d'aucun bien immobilier durant le mariage, Mme Y... indique que M. X... a acquis pendant le mariage un véhicule de course qui constitue un acquêt et dont elle estime la valeur à 80.000 euros. M. X... indique de son côté qu'il a financé pendant la durée du mariage le coût d'un véhicule Volvo que Mme Y... vient de vendre pour la somme de 17.900 euros. * Situation de l'épouse : Mme Y... est âgée de 46 ans, elle percevait en vertu de l'ordonnance de non-conciliation une pension alimentaire au titre du devoir de secours d'un montant mensuel de 500 euros. Elle était auto-entrepreneur son activité consistant en la vente de vin. Elle indique avoir cessé son activité en 2012, son mari lui ayant repris l'utilitaire avec lequel elle travaillait. M. X... indique que c'est inexact, que Mme Y... travaillait avec le véhicule Volvo qu'elle a vendu. La déclaration de cessation totale d'activité est en date du 30 juin 2013, ce qui ne permet pas de démontrer que l'arrêt de son activité serait dû à la prétendue rétention par M. X... de son outil de travail. Mme Y... explique qu'après avoir cessé son activité elle a retrouvé du travail dans une société, mais celle-ci est en liquidation judiciaire et le mandataire judiciaire contestant son statut de salariée elle se trouve depuis 2014 sans ressources. Elle déclare vivre chez sa mère. Elle indique que son compagnon est sans ressources, ses sociétés ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire. Elle a un enfant à charge et perçoit l'ASF à hauteur de 95,42 euros ainsi que l'allocation P AJE à hauteur de 184 euros. Il sera ajouté que lorsque Mme Y... s'est mariée elle avait une activité d'esthéticienne. Elle prétend que son époux l'a contrainte à quitter cet emploi pour se lancer dans le négoce de vin. Aucune pièce versée aux débats ne permet de confirmer cette analyse. Elle ne possède aucun patrimoine personnel. * Situation de l'époux : M. X... est âgé de 54 ans. Il est exploitant agricole. Le document le plus récent qu'il verse aux débats pour justifier de ses revenus est son avis d'impôt 2013 sur les revenus 2012 (nous sommes en 2015). Son revenu moyen mensuel (agricole et foncier) s'établissait alors à 3.807 euros par mois. M. X... possède en effet à titre personnel deux maisons qu'il loue. Il est propriétaire en outre de sa maison d'habitation. Mme Y... rappelle qu'il possède des terrains à construire à Nuaille (ceux-ci ne figurant pas sur sa déclaration sur l'honneur). Il dispose d'avoirs bancaires d'une valeur de 79.000 euros selon sa pièce n° 9. Il ressort de cette analyse l'existence d'une disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respective, justifiant la fixation d'une prestation compensatoire au profit de Mme Y... sous la forme d'un capital d'un montant de 15.000 euros ;
1) ALORS, D'UNE PART, QUE dans l'appréciation de la disparité que la rupture du mariage est susceptible de créer dans les conditions de vie de l'épouse, le juge doit tenir compte de la situation de concubinage de celle-ci ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, M. X... soutenait que son épouse, qui tentait de dissimuler sa situation, vivait en concubinage avec M. Sylvain Z..., qui avait des sociétés dans divers secteurs d'activité ; qu'à cet égard, l'exposant offrait en preuve un extrait du site internet « dirigeant.com » faisant apparaître que M. Z... dirigeait la société de construction Z... Peinture et Ravalement et la société LCD, ayant pour objet le commerce de détail, ainsi qu'un extrait du magazine Pays Royannais, présentant M. Z... comme le gérant de la société SV Construction, entreprise générale de construction ; que dès lors, en se bornant à énoncer que Mme Y... indiquait que son compagnon était sans ressources, ses sociétés ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire, sans rechercher, comme elle y était invitée, en ordonnant au besoin une mesure d'instruction, si la situation de concubinage de l'épouse avec le dirigeant de diverses sociétés n'avait pas une incidence sur ses ressources et donc sur l'appréciation de la disparité que la rupture du mariage était susceptible de créer dans les conditions de vie respectives des époux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 270 du code civil ;
2) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en se fondant sur la simple affirmation que Mme Y... « indique que son compagnon est sans ressources, ses sociétés ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire », sans préciser sur quels documents de preuve, non visés, ni a fortiori analysés même sommairement, se fondait cette allégation reprise des conclusions de l'épouse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3) ALORS, D'AUTRE PART, QUE pour apprécier si la rupture du mariage crée une disparité dans les conditions de vie respectives des époux, le juge prend en considération le patrimoine des époux, tant en capital qu'en revenus ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que depuis le mois de mars 2013, son épouse était la gérante de la société SV Constructions, appartenant à M. Sylvain Z..., son concubin, ayant désormais une activité d'agence immobilière ; qu'il produisait en preuve aux débats, un extrait du site internet « dirigeant.com » de février 2014, ainsi qu'un extrait des Pages jaunes de 2014 ; que dès lors, en se déterminant par la simple affirmation que « Mme Y... explique qu'après avoir cessé son activité elle a retrouvé du travail dans une société, mais celle-ci est en liquidation judiciaire et le mandataire judiciaire contestant son statut de salariée elle se trouve depuis 2014 sans ressources », sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme Y..., régulièrement immatriculée au registre des commerces et des sociétés en qualité de gérante de la société SV Constructions, n'exerçait pas une activité commerciale propre à générer des revenus professionnels, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et, de nouveau, privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ;
4) ALORS, EN OUTRE, QUE dans ses conclusions d'appel, M. X... soutenait, qu'outre ses charges courantes, il s'acquittait du remboursement de plusieurs prêts de travaux à taux variable, à hauteur de 299, 35 € par mois ; qu'en omettant de prendre en considération, comme elle y était invitée, les charges invoquées par l'époux, la cour d'appel a, de nouveau, privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 271 du code civil ;
5) ALORS, ENFIN, QUE dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir qu'en raison de la hausse du cours des céréales et d'une récolte exceptionnelle en 2012, le bénéfice mentionné dans son avis d'imposition 2013 sur les revenus 2012 était exceptionnellement plus élevé que celui des années précédentes et ne correspondait pas à son revenu moyen mensuel, de l'ordre de 1.400 € ; qu'il précisait en outre avoir dû conserver ce bénéfice dans la trésorerie de l'exploitation, compte tenu précisément du caractère exceptionnel de cette situation ; qu'en retenant que le revenu moyen de l'exposant s'établissait en 2012 à 3.807 € par mois, sans répondre au moyen tiré du caractère inhabituellement élevé et non représentatif de ce revenu, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.