LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée (Rennes, 24 septembre 2013) et les productions, qu'exposant avoir souscrit, par l'intermédiaire de M. X..., de M. Y...ou de M. Z..., gérant de la société Z... conseils, au capital de sociétés coopératives créées par M. A...dont l'activité a cessé après l'intervention de la cellule de traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins, M. et Mme B..., M. et Mme C... et M. et Mme D...ont assigné devant un tribunal de grande instance, d'une part, M. A..., son épouse, M. X..., M. Y..., M. Z... et sa société, sept des sociétés coopératives concernées, les organes de leurs procédures collectives, la société Omnium finance et la société Ajire, afin de voir prononcer la nullité des souscriptions, la condamnation solidaire des défendeurs à leur restituer les sommes investies et à les indemniser de leur préjudice, et, d'autre part, la société Covéa Risks, assureur au titre de la responsabilité civile des sociétés coopératives, aux droits de laquelle se trouvent les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, afin de les voir condamnées à garantir leurs assurés des condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre ; que le juge de la mise en état a prononcé un sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale en cours contre MM. A..., Z... et X... et de la procédure de liquidation des sociétés coopératives ; que M. et Mme B..., M. et Mme C... et M. et Mme D...ont assigné les défendeurs en référé devant le premier président de la cour d'appel afin d'être autorisés à interjeter appel immédiat de l'ordonnance du juge de la mise en état ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme B..., M. et Mme C... et M. et Mme D...font grief à l'ordonnance de déclarer irrecevable comme tardive leur demande d'autorisation, alors, selon le moyen :
1°/ que si l'assignation aux fins d'autorisation à interjeter appel d'une décision de sursis doit être délivrée dans le mois de la décision, cette exigence est satisfaite, en cas de pluralité de défendeurs, dès lors que l'assignation a été délivrée à l'un d'eux dans ce délai, peu important que les autres parties n'aient été atteintes par l'assignation que postérieurement ; qu'en l'espèce, il appert de l'ordonnance attaquée que le délai d'un mois expirait le 18 juillet 2013 et que les assignations destinées aux autres parties à la procédure de première instance ont été délivrées tantôt antérieurement, tantôt postérieurement, soit entre les 16 et 24 juillet 2013 ; que dès lors, en déclarant irrecevable la demande d'autorisation, au motif que toutes les assignations n'avaient pas été délivrées avant la date ultime du 18 juillet 2013, le magistrat délégué par le premier président ajoute au texte dont il devait faire application une condition qu'il ne comporte pas et ce faisant porte atteinte de façon disproportionnée au droit d'appel contre une décision de sursis justifié par un motif grave et légitime, spécialement lorsque la décision de sursis constitue l'instrument d'un véritable déni de justice, comme cela était ici soutenu, d'où il suit que l'ordonnance procède d'une violation des articles 380 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ qu'en l'absence de toute indivisibilité constatée du litige entre les parties auxquelles l'assignation aux fins d'autorisation doit être délivrée, l'irrecevabilité de la demande d'autorisation à l'égard de certaines, en raison de sa tardiveté, ne fait pas obstacle à la recevabilité de cette même demande en tant qu'elle est dirigée contre les parties qui ont été régulièrement assignées dans le délai d'un mois ; que faute d'avoir caractérisé l'existence d'un tel lien d'indivisibilité, qui ne pouvait s'inférer de la seule circonstance que l'assureur actionné aux fins de garantie et qui était à l'origine de l'incident de sursis figurait au nombre des parties qui n'avaient été atteintes par l'assignation que postérieurement à l'expiration du délai d'un mois, le juge délégué par le premier président prive en tout état de cause sa décision de base légale au regard des articles 22 et 380 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 380 du code de procédure civile que la partie qui demande à être autorisée à former appel contre une décision prononçant un sursis à statuer doit, en cas de pluralités de défendeurs dans l'instance de sursis à statuer, assigner chacun d'eux à comparaître devant le premier président dans le délai requis par le texte ;
Que c'est sans méconnaître les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 380 du code de procédure civile que le premier président, devant lequel les demandeurs au pourvoi n'ont pas invoqué l'absence d'indivisibilité du litige, constatant que l'assignation n'avait pas été délivrée dans les conditions prévues par le texte à chacune des parties à l'instance de sursis à statuer, a déclaré irrecevable la demande d'autorisation ;
D'où il suit que le moyen, qui est pour partie nouveau et, mélangé de fait et de droit, comme tel irrecevable, est, pour le surplus, non fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. et Mme B..., M. et Mme C... et M. et Mme D...font le même grief à l'ordonnance, alors, selon le moyen, que tout jugement qui ne vise pas les dernières écritures des parties avec l'indication de leur date doit exposer succinctement les prétentions respectives de celles-ci ainsi que les moyens invoqués au soutien de ces prétentions ; qu'en l'espèce, l'ordonnance attaquée se borne à viser, s'agissant des écritures des exposants, leur assignation des 16, 17, 18 et 24 juillet 2013 et à résumer les prétentions formulées dans cette assignation sans faire état, ni des dernières écritures déposées et signifiées le 5 septembre 2013, par lesquelles les exposants avaient notamment répliqué à la fin de non-recevoir qui leur était opposée par la société Covea Risks, ni des moyens invoqués tant à l'appui de leur demande tendant à être autorisés à interjeter appel de la décision de sursis qu'en faveur de la recevabilité de leur demande d'autorisation, ce en quoi elle méconnaît les exigences des articles 455 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violés ;
Mais attendu que M. et Mme B..., M. et Mme C... et M. et Mme D..., qui ont été représentés devant le premier président à l'audience des débats à laquelle ont été déposées leurs écritures du 5 septembre 2013, sont réputés avoir soutenu devant lui les moyens de fond et de défense qu'ils invoquaient et dont ils ne soutiennent pas qu'ils auraient été laissés sans réponse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme B..., M. et Mme C... et M. et Mme D...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme B..., M. et Mme C... et M. et Mme D...; d'une part les condamne in solidum à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Omnium finance et d'autre part les condamne à payer aux sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour M. et Mme B..., M. et Mme C... et M. et Mme D....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré irrecevable comme tardive la demande d'autorisation, formée par les consorts B..., C... et D..., de faire appel de l'ordonnance de sursis du juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Brest du 18 juin 2013 ;
AUX MOTIFS QUE l'article 380, alinéa 2, du Code de procédure civile prévoit que l'assignation qui saisit le Premier Président d'une demande d'autorisation d'appel immédiat de la décision ordonnant un sursis à statuer doit être délivrée dans le mois de cette décision ; que le délai d'un mois ne peut commencer à courir dès le prononcé de la décision qu'autant que la date prévue a été portée à la connaissance des parties, formalité qui doit résulter des mentions mêmes de la décision ; que l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Brest du 18 juin 2013, signée par le juge et le greffier, mentionne : « après avoir entendu les avocats des parties en cause en leurs explications et leurs observations le 7 mai 2013, avons mis l'affaire en délibéré pour notre ordonnance être rendue le 18 juin 2013 » ; qu'en conséquence, l'avocat des demandeurs à l'instance en référé qui les représentait â l'audience du juge de la mise en état a eu connaissance par celui-ci de la date prévue pour le prononcé de la décision, à savoir le 18 juin 2013 ; qu'aussi, la décision ayant été prononcée à cette date, le délai d'un mois a expiré le 18 juillet 2013 ; que force est de constater que toutes les assignations délivrées aux autres parties à l'instance au fond pour se présenter devant le Premier Président n'avaient pas été délivrées à cette date ; qu'ainsi, l'assignation délivrée à la société Covea Risks, seule partie demanderesse au sursis à statuer, a été délivrée le 22 juillet 2013, soit après l'expiration du délai d'un mois exigé par l'article 380 du Code de procédure civile ; qu'en conséquence, faute d'avoir respecté le délai d'un mois vis-à-vis de toutes les parties à l'instance, la demande d'autorisation des demandeurs de faire appel immédiat est irrecevable ;
ALORS QUE, D'UNE PART, si l'assignation aux fins d'autorisation à interjeter appel d'une décision de sursis doit être délivrée dans le mois de la décision, cette exigence est satisfaite, en cas de pluralité de défendeurs, dès lors que l'assignation a été délivrée à l'un d'eux dans ce délai, peu important que les autres parties n'aient été atteintes par l'assignation que postérieurement ; qu'en l'espèce, il appert de l'ordonnance attaquée que le délai d'un mois expirait le 18 juillet 2013 et que les assignations destinées aux autres parties à la procédure de première instance ont été délivrées tantôt antérieurement, tantôt postérieurement, soit entre les 16 et 24 juillet 2013 ; que dès lors, en déclarant irrecevable la demande d'autorisation, au motif que toutes les assignations n'avaient pas été délivrées avant la date ultime du 18 juillet 2013, le magistrat délégué par le Premier Président ajoute au texte dont il devait faire application une condition qu'il ne comporte pas et ce faisant porte atteinte de façon disproportionnée au droit d'appel contre une décision de sursis justifié par un motif grave et légitime, spécialement lorsque la décision de sursis constitue l'instrument d'un véritable déni de justice, comme cela était ici soutenu, d'où il suit que l'ordonnance procède d'une violation des articles 380 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ET ALORS QUE, D'AUTRE PART et subsidiairement, en l'absence de toute indivisibilité constatée du litige entre les parties auxquelles l'assignation aux fins d'autorisation doit être délivrée, l'irrecevabilité de la demande d'autorisation à l'égard de certaines, en raison de sa tardiveté, ne fait pas obstacle à la recevabilité de cette même demande en tant qu'elle est dirigée contre les parties qui ont été régulièrement assignées dans le délai d'un mois ; que faute d'avoir caractérisé l'existence d'un tel lien d'indivisibilité, qui ne pouvait s'inférer de la seule circonstance que l'assureur actionné aux fins de garantie et qui était à l'origine de l'incident de sursis figurait au nombre des parties qui n'avaient été atteintes par l'assignation que postérieurement à l'expiration du délai d'un mois, le juge délégué par le Premier Président prive en tout état de cause sa décision de base légale au regard des articles 122 et 380 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire) :Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré irrecevable comme tardive la demande d'autorisation, formée par les consorts B..., C... et D..., de faire appel de l'ordonnance de sursis du juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Brest du 18 juin 2013 ;
AUX MOTIFS D'ABORD QUE par ordonnance rendue le 18 juin 2013, le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Brest saisi du litige, a fait droit à la demande formée par la société Covea Risks et ordonné le sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale en cours à l'encontre de Messieurs X... et A..., et celle de la liquidation judiciaire de la Coopérative des Petites Entreprises, de la société Coopérative de Croissance et des sociétés Coopératives de croissance de Quimper, Châteaulin, Douarnenez et Epinal ; que par actes des 16, 17, 18, 22 et 24 juillet 2013, Messieurs et Mesdames Michel B..., Andrée B..., Alain C..., Dominique C..., Christian D...et Anne Marie D...ont fait assigner en référé la société Covea Risks, Monsieur Jean-Jacques A... et Madame Nicole A..., Monsieur Claude Z..., la société Z... Conseils, la société Groupe Omnium Finances, Monsieur Michel X..., Monsieur Gérard Y..., la SCP E...et Monsieur F...agissant en qualité de co-liquidateurs judiciaires de la Coopérative de Croissance, de la société la Coopérative des Petites Entreprises, la société Coopérative de Croissance de Quimper, la société Coopérative des Petites Entreprises de Quimper, la société Coopérative de Croissance de Châteaulin, la société Coopérative des Petites Entreprises de Châteaulin, la société Coopérative de Croissance d'Epinal, la société Coopérative de Croissance de Douarnenez aux fins d'être autorisés sur le fondement de l'article 380 du Code de procédure civile à faire appel de l'ordonnance en date du 18 juin 2013 rendue par le juge de la mise en état ; qu'ils ont en outre demandé de fixer le jour où l'affaire sera examinée par la Cour et de condamner la société Covea Risks à leur payer la somme de 3. 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que la société Covea Risks demande de déclarer irrecevable comme tardive la demande d'autorisation à faire appel immédiat de l'ordonnance du juge de la mise en état et de condamner les demandeurs à lui payer la somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'à titre subsidiaire, elle demande de statuer ce que de droit sur l'autorisation sollicitée par les consorts B..., C... et D...et en tout état de cause de les condamner aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; que la SCP E...et Monsieur F...demandent de constater l'existence d'un motif grave et légitime justifiant une procédure d'appel et en conséquence autoriser les demandeurs à interjeter appel immédiat ; que la société Omnium Finance demande de rejeter la demande et de condamner in solidum les demandeurs à lui payer la somme de 1. 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
ET AUX MOTIFS ENSUITE QUE l'article 380, alinéa 2, du Code de procédure civile prévoit que l'assignation qui saisit le Premier Président d'une demande d'autorisation d'appel immédiat de la décision ordonnant un sursis à statuer doit être délivrée dans le mois de cette décision ; que le délai d'un mois ne peut commencer à courir dès le prononcé de la décision qu'autant que la date prévue a été portée à la connaissance des parties, formalité qui doit résulter des mentions mêmes de la décision ; que l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Brest du 18juin 2013, signée par le juge et le greffier, mentionne : « après avoir entendu les avocats des parties en cause en leurs explications et leurs observations le 7 mai 2013, avons mis l'affaire en délibéré pour notre ordonnance être rendue le 18 juin 2013 » ; qu'en conséquence, l'avocat des demandeurs à l'instance en référé qui les représentait â l'audience du juge de la mise en état a eu connaissance par celui-ci de la date prévue pour le prononcé de la décision, à savoir le 18 juin 2013 ; qu'aussi, la décision ayant été prononcée à cette date, le délai d'un mois a expiré le 18 juillet 2013 ; que force est de constater que toutes les assignations délivrées aux autres parties à l'instance au fond pour se présenter devant le Premier Président n'avaient pas été délivrées à cette date ; qu'ainsi, l'assignation délivrée à la société Covea Risks, seule partie demanderesse au sursis à statuer, a été délivrée le 22 juillet 2013, soit après l'expiration du délai d'un mois exigé par l'article 380 du Code de procédure civile ; qu'en conséquence, faute d'avoir respecté le délai d'un mois vis-à-vis de toutes les parties à l'instance, la demande d'autorisation des demandeurs de faire appel immédiat est irrecevable ;
ALORS QUE tout jugement qui ne vise pas les dernières écritures des parties avec l'indication de leur date doit exposer succinctement les prétentions respectives de celles-ci ainsi que les moyens invoqués au soutien de ces prétentions ; qu'en l'espèce, l'ordonnance attaquée se borne à viser, s'agissant des écritures des exposants, leur assignation des 16, 17, 18 et 24 juillet 2013 et à résumer les prétentions formulées dans cette assignation sans faire état, ni des dernières écritures déposées et signifiées le 5 septembre 2013, par lesquelles les exposants avaient notamment répliqué à la fin de non-recevoir qui leur était opposée par la société Covea Risks, ni des moyens invoqués tant à l'appui de leur demande tendant à être autorisés à interjeter appel de la décision de sursis qu'en faveur de la recevabilité de leur demande d'autorisation, ce en quoi elle méconnaît les exigences des articles 455 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violés.