LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 16 mai 2014), que, par l'entremise de Mme X..., la congrégation des Frères de Ploermel (la congrégation) a signé avec les sociétés Immo Toulouse et Dzinvest une promesse synallagmatique de vente d'un terrain à bâtir, par un acte prévoyant une condition suspensive d'obtention d'un permis de construire par l'acquéreur, qui devrait justifier du dépôt d'une demande au plus tard le 30 juin 2008, et qu'en cas de réalisation de la condition, si l'une des parties se refusait à signer, l'autre pourrait l'y contraindre et obtenir le versement d'une somme à titre de clause pénale ; que, par deux avenants, le délai de réalisation a été prorogé jusqu'au 31 mai 2010, à condition que la demande de permis de construire ait été déposée avant le 15 octobre 2009 ; que, le 15 mars 2010, la congrégation a dénoncé la vente ; que la société Immo Toulouse, aux droits de laquelle vient la société Lauri, et la société Dzinvest l'ont assignée en indemnisation de leur préjudice, ainsi que Mme X... en garantie de toute condamnation prononcée au profit de la congrégation ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que les sociétés Lauri et Dzinvest font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes et de les condamner au paiement de la somme de 90 000 euros ;
Mais attendu qu'ayant constaté que ces sociétés ne justifiaient pas avoir déposé une demande de permis de construire avant la date convenue, relevé qu'il n'était pas établi que la congrégation avait accepté de proroger indéfiniment le délai de réalisation de la condition et que leur défaillance n'était pas imputable à la venderesse ni à une cause étrangère, ni à un refus de la commune de vendre la parcelle contiguë et caractérisait leur volonté non équivoque de ne pas réitérer la vente et retenu que la condition dont elles avaient empêché l'accomplissement était réputée accomplie, la cour d'appel, qui, sans être tenue de procéder à une recherche que ces constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que ces sociétés étaient tenues au paiement de la clause pénale, a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que les sociétés Lauri et Dzinvest font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes d'indemnisation formées contre Mme X... ;
Mais attendu qu'ayant constaté que, selon le premier avenant, la commune avait accepté de lever l'emplacement réservé qu'elle avait émis sur le terrain après la signature de la promesse de vente et que, selon le second avenant, les sociétés Immo Toulouse et Dzinvest, répondant au désir de la commune, lui avaient fait une proposition d'achat d'un terrain jouxtant le bien à vendre qu'elle avait acceptée, et relevé, sans se contredire ni modifier l'objet du litige, qu'il n'était produit aucun élément concret selon lequel la commune s'était formellement opposée à la réalisation de leur projet immobilier, la cour d'appel a pu déduire, de ces seuls motifs, que la non-réalisation de ce projet ne constituait pas la preuve d'un manquement de Mme X... à ses obligations contractuelles ;
D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Lauri et Dzinvest aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Lauri et Dzinvest et les condamne in solidum à payer la somme globale de 3 000 euros à la congrégation des Frères de Ploermel et à Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Lauri et Dzinvest.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
II est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait débouté des acquéreurs (les sociétés Immo Toulouse et Dzinvest)
de leurs demandes en indemnisation dirigées contre la venderesse (la Congrégation des Frères de Ploërmel) et les avait condamnés, en conséquence, à régler une somme de 90. 000 € au titre de la clause pénale insérée dans l'acte ;
AUX MOTIFS QUE si la seule condition suspensive stipulée dans le compromis initial consistait dans l'obtention, par l'acquéreur, d'un permis de construire un ensemble de logements d'une SHON minimum de 1. 800 m2, sans obligation de logements sociaux, il apparaissait cependant que les parties avaient convenu d'en proroger le délai de réalisation, compte tenu de diverses conditions imposées par la commune de Ciboure relativement, d'une part, à l'existence d'un emplacement réservé, et, d'autre part, à l'acquisition concomitante d'une parcelle voisine de celles objets de la vente litigieuse ; que la circonstance que la venderesse avait accepté la prorogation du délai de réalisation de la condition suspensive ne pouvait cependant, à défaut de stipulation en ce sens, conférer à ce délai une durée indéterminée, alors même que le dernier avenant avait fixé une date précise quant au dépôt de la demande de permis de construire ; que force était de constater que, nonobstant cette double prorogation, les sociétés appelantes ne justifiaient ni avoir déposé une demande de permis de construire dans les conditions prévues par la promesse de vente, avant la dernière date convenue pour ce faire (soit le 15 octobre 2009), ni que cette défaillance était imputable à la venderesse et/ ou à une autre cause étrangère opposable à celle-ci, alors même qu'il n'était pas justifié du refus de la commune de consentir à la vente de la parcelle contiguë dont le principe avait été acte dans le dernier avenant des 20 septembre et 7 octobre 2009 ; qu'il convenait, par application de l'article 1178 du code civil, de considérer que la condition était réputée accomplie, dès lors que c'étaient les sociétés appelantes qui en avaient empêché l'accomplissement, par défaut de dépôt d'une demande de permis de construire dans le délai convenu, même prorogé ; qu'il ne pouvait être fait grief à la venderesse de ne pas avoir exigé la réitération forcée de la vente par acte authentique, ni d'avoir signé un compromis avec une société tierce, avant même l'expiration du délai fixé pour ladite régularisation, dès lors que la défaillance des sociétés appelantes dans l'accomplissement des formalités préalables nécessaires à la réalisation de la condition caractérisait leur volonté non équivoque de ne pas finaliser la transaction, alors même qu'il n'était nullement établi que la venderesse avait accepté de proroger indéfiniment le délai de réalisation de la condition ; que le jugement déféré devait donc être confirmé en ce qu'il avait :- débouté les sociétés Immo Toulouse et Dzinvest de leurs demandes indemnitaires, fondées sur des préjudices financiers exclusivement imputables à leur propre défaillance ;- condamné lesdites sociétés à payer à la Congrégation des Frères de Ploërmel la somme de 90. 000 € au titre de la clause pénale stipulée dans le compromis de vente, dès lors que la défaillance des sociétés appelantes dans les obligations en découlant pour elles (en suite de laquelle la condition est réputée accomplie) n'entraînait pas la caducité de cet acte ; d'autre part, que son caractère manifestement excessif n'était pas établi, compte tenu de la durée d'immobilisation du bien et de sa valeur vénale ;- sauf, réformant partiellement le jugement entrepris, à dire que cette condamnation sera prononcée in solidum et non solidairement, à défaut de stipulation d'une solidarité passive dans le compromis ;
ALORS QUE la condition suspensive d'obtention d'un permis de construire est, en principe, stipulée dans l'intérêt exclusif de l'acquéreur ; qu'en ayant énoncé que les sociétés Immo Toulouse et Dzinvest, acquéreurs, avaient empêché l'accomplissement de la condition suspensive d'obtention du prêt, laquelle devait donc être réputée accomplie et la clause pénale mise en oeuvre, sans rechercher si cette condition suspensive n'avait pas été stipulée dans le seul intérêt des acquéreurs qui pouvaient donc seuls s'en prévaloir et y renoncer dans le délai de réalisation de la promesse, alors que la venderesse avait résolu le contrat (15 mars 2010), à un moment où le délai de réalisation de la condition (31 mai 2010) n'était pas écoulé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1178 et 1589 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
II est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait débouté des acquéreurs d'immeuble (les sociétés Immo Toulouse et Dzinvest) de leurs demandes en indemnisation, dirigées contre une professionnelle de l'immobilier (Mme X...) ;
AUX MOTIFS QUE, bien qu'aucun contrat écrit ne soit produit aux débats, il résultait des pièces versées (factures établies par Mme X..., correspondances diverses) que celle-ci s'était vu confier par les sociétés appelantes une mission d'ingénierie financière consistant à établir un dossier de demande de permis de construire dans le cadre d'un projet immobilier réalisable et pour lequel elle était intervenue dans les négociations avec la commune de Ciboure ; qu'il y avait lieu de considérer que Mme X... n'étant pas tenue d'une obligation de résultat, il appartenait aux sociétés appelantes de rapporter la preuve d'une faute de sa part, en lien direct de causalité avec le préjudice indemnisable ; qu'il n'était produit aucun élément concret établissant que le projet immobilier porté par les appelantes n'était pas réalisable au regard de la réglementation d'urbanisme applicable et/ ou que la commune avait formulé des exigences particulières et s'était formellement opposée à sa réalisation ; qu'il n'était par ailleurs pas justifié du motif précis de non réalisation de la vente de la parcelle communale et de son éventuelle imputabilité à un manquement quelconque de Mme X... à ses obligations de mandataire, alors même, d'une part, qu'il n'était pas établi qu'elle avait été investie de ce chef d'un pouvoir de décision et, d'autre part, que les sociétés appelantes ne justifiaient pas avoir sollicité effectivement la réalisation de la vente auprès de la commune ; que, dans ces conditions, la seule non réalisation du projet immobilier ne pouvait constituer la preuve d'un manquement de Mme X... à ses obligations contractuelles envers les sociétés appelantes et le jugement déféré devait être confirmé en ce qu'il les avait déboutées de leurs demandes indemnitaires à son encontre ;
1° ALORS QUE la contradiction entre deux motifs de fait équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ayant tout à la fois retenu que la commune avait conditionné l'octroi du permis de construire à la levée d'un emplacement réservé et à l'acquisition concomitante d'une parcelle voisine de celles objets de la vente (arrêt, p. 6 § 4) et que cette même commune de Ciboure n'avait formulé aucune exigence particulière relativement au projet immobilier (arrêt, p. 7 § 8), la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile ;
2° ALORS QUE les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes du litige ; qu'en ayant énoncé que la commune de Ciboure n'avait subordonné le projet immobilier à aucune exigence particulière, quand il était constant qu'elle avait conditionné sa réalisation à la levée d'un emplacement réservé et à l'acquisition supplémentaire d'une parcelle voisine de celles qui étaient l'objet de la vente, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.