LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse d'assurance retraite et de sécurité au travail de Bretagne (la caisse) a notifié à la société 5e Saison Saint-Pol, devenue la société Florette Saint-Pol, (la société) un taux brut de cotisation initial pour l'exercice 2012 et un taux brut de cotisation pour l'exercice 2013 au titre de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles ; qu'à la suite du jugement d'un tribunal du contentieux de l'incapacité du 26 mars 2013 modifiant le taux d'incapacité permanente partielle attribué à l'une des salariées de la société, la caisse a procédé à un nouveau calcul des taux de cotisations des exercices 2011, 2012 et 2013 et notifié le 1er juillet 2013 deux taux rectificatifs pour les exercices 2012 et 2013 ; que le 6 août 2013 la société a contesté ces taux, puis saisi d'un recours la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles R. 143-21 et D. 242-6-22 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2010-753 du 5 juillet 2010, applicable au litige ;
Attendu que l'employeur est recevable, à l'occasion de la notification d'un taux rectifié des cotisations d'accident du travail à la suite d'une décision de justice, à contester devant la juridiction du contentieux technique, l'ensemble des bases de la tarification afférente à l'année en cause, le taux de cotisation dû au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles déterminé par les caisses régionales d'assurance maladie peut être remis en cause par une décision de justice ultérieure qui en modifierait les éléments de calcul ;
Attendu que pour déclarer irrecevable le recours de la société au titre de l'exercice 2013, l'arrêt retient que l'employeur ne peut, à l'occasion de la rectification de son taux de cotisation, contester l'ensemble de sa tarification ; que la notification du 1er juillet 2013 ouvre, en effet, de nouveaux droits de recours uniquement pour les éléments de calcul ayant justifié la renotification du taux de cotisation ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'employeur avait reçu notification d'un taux rectifié, de sorte que celui-ci formé moins de deux mois après cette notification, était recevable, la Cour nationale a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
Attendu que pour rejeter le recours de la société relatif au taux de cotisations au titre de l'exercice 2012, l'arrêt retient que le compte employeur adressé le 16 octobre 2011 était provisoire, le nombre de jours d'arrêts du dernier trimestre 2011 devant y être intégré ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le compte en question était daté du 16 octobre 2012, la Cour nationale a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 septembre 2015, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, autrement composée ;
Condamne la caisse d'assurance retraite et de sécurité au travail de Bretagne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Florette Saint-Pol ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Florette Saint-Pol.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
(Sur la recevabilité du recours dirigé contre le taux de cotisation pour l'exercice 2013)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable le recours formé par la société 5ème SAISON SAINT POL contre la décision de la CARSAT de Bretagne fixant son taux de cotisation pour l'exercice 2013, au titre de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la recevabilité du recours La Cour observe que la Société 5 EME SAISON SAINT POL conteste ses taux de cotisation pour les exercices 2012 et 2013. La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne conclut uniquement à l'irrecevabilité du taux de cotisation de l'exercice 2013 et ne formule pas d'observations sur le taux de cotisation 2012. Sur la recevabilité du recours portant sur le taux 2012 La Cour observe que le recours a été formé dans les délai et forme prévus par la loi. Le recours, sera donc déclaré recevable. Sur la recevabilité du recours portant sur le taux 2013 Aux termes de l'article R. 143-21 du code de sécurité sociale, les taux de cotisation dus au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles deviennent définitifs à l'expiration du délai de deux mois suivants leur notification à l'employeur. Cette disposition s'applique aux recours gracieux comme aux recours contentieux. Les articles 665 et suivants du code de procédure civile disposent cependant que la date de remise d'une notification par voie postale est, à l'égard de la partie à laquelle elle est faite, la date de réception de la lettre. Il appartient donc à la partie qui soutient qu'un recours est irrecevable comme tardif de rapporter la preuve de l'inobservation des délais-dans lesquels ce recours doit être exercé. Il ressort des déclarations de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne que la notification du taux 2013 a été adressée en lettre recommandée réceptionnée le 14 janvier 2013. Elle produit à cet effet l'accusé réception permettant d'établir la preuve de la date de réception par la Société demanderesse de la notification du taux contesté. La Société 5 EME SAISON SAINT POL, fait valoir que la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Bretagne lui a notifié, le 1er juillet 2013, un nouveau taux de cotisation pour l'année 2013 et que cette notification a ouvert un nouveau délai de recours pour contester ledit taux. La Cour constate cependant que l'employeur ne peut, à l'occasion de la rectification de son taux de cotisation, contester l'ensemble de sa tarification. La notification du 1er juillet 2013 ouvre, en effet, de nouveaux droits de recours uniquement pour les éléments de calcul ayant justifiés la renotification du taux de cotisation. La Cour relève que la notification du taux de cotisation 2013 notifié le 3 janvier 2013 et celle notifiée le 1er juillet 2013 Comportent le même nombre de catégorie de coût moyen d'incapacité temporaire. Aucune modification n'a donc été apportée sur ce point entre les deux notifications. Aussi, il appartenait à la Société 5 EME SAISON SAINT POL de contester dans le délai de deux mois suivant la notification initiale de son taux de cotisation 2013, soit jusqu'au 14 mars 2013, l'ensemble des éléments de calcul du taux. Dès lors, le délai de recours prévu par l'article R. 143-21 du code de la sécurité sociale a expiré le 14 mars 2013, de sorte que le recours gracieux formé le 6 août 2013 à la suite de la nouvelle notification du taux 2013 était irrecevable. Le présent recours contentieux sera donc déclaré irrecevable comme tardif pour le taux 2013 » ;
1°) ALORS, D'UNE PART, QU'aux termes de l'article R. 143-21 du code de la sécurité sociale, seuls les recours de l'employeur mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 242-5, à l'article L. 242-7 et au sixième alinéa de l'article L. 452-2 du même code, doivent être introduits dans le délai de deux mois à compter de la date de réception de la notification par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de sa décision concernant les taux d'accident du travail, les ristournes, les cotisations supplémentaires et la contribution prévue à l'article L. 437-1 ; que la contestation des bases de calcul du taux de cotisation au titre de l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles n'est pas visée par l'article R. 143-21 du code de la sécurité sociale, énumérant limitativement les recours devant être exercés, à peine d'irrecevabilité, dans un délai de deux mois après la notification du taux de cotisation ; qu'en jugeant que le recours formé par la société exposante à l'encontre des bases de calcul relatives au taux de cotisation pour l'année 2013 était irrecevable comme tardif en ce qu'il avait été formé plus de deux mois après la notification du taux, la CNITAAT a violé, par fausse application, l'article R. 143-21 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 242-5 du même code ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT HYPOTHESE, QUE la décision de rectification du taux de cotisation au titre de l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles, à la suite d'une décision de justice modifiant les éléments de calcul, se substitue purement et simplement à la décision initiale de fixation du taux ; que cette décision rectificative doit faire l'objet d'une notification faisant courir un nouveau délai de recours de deux mois ; qu'à l'occasion d'un tel recours, régulièrement formé dans ce nouveau délai de deux mois, l'entreprise assujettie est recevable à contester l'ensemble des éléments de calcul du taux, sans qu'il y ait lieu de distinguer ceux qui ont ou non été modifiés par la décision de rectification ; qu'en l'espèce, pour déclarer le recours de la société exposante irrecevable comme tardif pour le taux 2013, la CNITAAT a retenu que seuls les éléments rectifiés pouvaient être contestés dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision rectificative du taux de cotisation ; qu'en statuant de la sorte, la CNITAAT a violé les dispositions des articles R. 143-21 et L. 242-5 du code de la sécurité sociale.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(Sur le bien-fondé du recours dirigé contre le taux de cotisation pour 2012)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré mal fondé le recours formé par la société 5ème SAISON SAINT POL contre la décision de la CARSAT de Bretagne fixant son taux de cotisation pour l'exercice 2012, au titre de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles et d'AVOIR dit n'y avoir lieu de procéder à un nouveau calcul de cotisation de l'exercice 2012 de la société 5ème SAISON SAINT POL ;
AUX MOTIFS QUE «En application des dispositions des articles D. 242-6-4 et D. 242-6-11 du code de la sécurité sociale, le taux brut est calculé d'après le rapport de la valeur du risque propre à l'établissement à la masse totale des salaires payés au personnel respectif, pour les trois dernières années connues. Au regard des dispositions de l'article D. 242-6-6 du code de la sécurité sociale, "la valeur du risque telle que mentionnée à l'article D. 242-6-4 pour le calcul du taux brut individuel comprend la somme des termes suivants. -1° Le produit du nombre total d'accidents du travail ou de maladies professionnelles déclarés pendant la période triennale de référence ayant donné lieu à des soins ou ayant entraîné un arrêt de travail par le coût moyen de la catégorie dans laquelle est rattaché chaque accident ou chaque maladie ; Les accidents du travail et maladies professionnelles sont classés en six catégories d'incapacité temporaire et en quatre catégories d'incapacité permanente pour lesquelles sont calculés des coûts moyens. Les six catégories d'incapacité temporaire sont définies en fonction du nombre de jours d'arrêt de travail prescrits : - sans arrêt de travail ou arrêt de travail de moins de 4 jours ; - arrêts de travail de 4 jours à 15 jours ; - arrêts de travail de 16 jours à 45 jours ; - arrêts de travail de 46 jours à 90 jours ; - arrêts de travail de 91 jours à 150 jours ; - arrêts de travail de plus de 150 jours. Les quatre catégories d'incapacité permanente sont définies en fonction du taux d'incapacité : - incapacité permanente de moins de 10 % ; - incapacité permanente de 10 à 19 % ; - incapacité permanente de 20 à 39 % ; - incapacité permanente de 40 % et plus ou décès de la victime. En application des dispositions de l'article D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, "l'accident du travail ou la maladie professionnelle ayant donné lieu à une incapacité temporaire est classé de manière définitive dans une des catégories définies à l'article D. 242-66, le 31 décembre de l'année qui suit celle de sa déclaration, sans prise en compte de l'incapacité temporaire reconnue après rechute". Il en résulte que le fait générateur de l'inscription d'un sinistre au compte employeur est l'année de sa déclaration. De plus, la catégorie est fixée en tenant compte des jours d'arrêt de travail prescrits jusqu'au 31 décembre de l'année suivante. Ainsi, un sinistre déclaré au cours de l'année 2010 doit être inscrit sur le compte de l'employeur au titre de l'exercice 2010 et le coût moyen déterminé en fonction des arrêts prescrits jusqu'au 31 décembre 2011. En l'espèce, le compte employeur 2010 adressé à la société le 16 octobre 2011 était provisoire, les jours d'arrêts de travail prescrits au cours du dernier trimestre 2011 devant y être intégrés. Ainsi, seule la feuille de calcul adressée avec la notification du taux de cotisation 2012 permet de connaître les catégories de coût moyen d'incapacité temporaire inscrites définitivement. Il y a dès lors lieu de rejeter le recours » ;
1°) ALORS QU'il appartient aux juridictions du contentieux technique, saisies d'une contestation d'une décision de fixation du taux de cotisation annuelle au titre de l'assurance accidents du travail et maladies professionnelles, de vérifier l'exactitude du taux fixé et des bases de calcul afférentes ; qu'en l'espèce, la CNITAAT, saisie par l'exposante d'une contestation relative au taux de cotisation pour l'année 2012, fondée sur une discordance entre les informations mentionnées dans le relevé de compte employeur 2010 et celles de la feuille de calcul adressée avec la notification du taux, s'est bornée à indiquer que le compte employeur était « provisoire » et que « seule la feuille de calcul […] permet de connaître les catégories de coût moyen » (arrêt, p. 9, §4), sans rechercher, comme elle y était invitée, si les informations mentionnées sur la feuille de calcul étaient exactes et si, par conséquent, le taux fixé était régulier ; que ce faisant, la CNITAAT, qui n'a pas exercé son office, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 143-1 et L. 242-5 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU' il appartient à la CARSAT d'établir le bien-fondé du taux de cotisation qu'elle a elle-même fixé en produisant les documents, dont elle seule dispose, permettant de justifier l'exactitude des bases de calcul qu'elle a retenues ; qu'en faisant peser sur la société exposante la charge de prouver l'inexactitude des bases de calcul du taux de cotisation, la CNITAAT a violé l'article 1315 du code civil, l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, ensemble les articles L. 143-1 et L. 242-5 du code de la sécurité sociale ;
3°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause ; que pour rejeter la demande de rectification du taux dont elle était saisie, la CNITAAT s'est fondée sur la circonstance que le relevé de compte employeur 2010, « adressé à la société le 16 octobre 2011 était provisoire » dès lors qu'il fallait tenir compte « des arrêts prescrits jusqu'au 31 décembre 2011 » (arrêt, p. 9, §4) ; qu'en l'occurrence, le relevé de compte employeur produit par l'employeur n'était pas daté du 16 octobre 2011, mais du 16 octobre 2012 (prod. n° 5), ce dont il résultait qu'il ne pouvait être écarté en raison de son caractère prétendument provisoire ; que la CNITAAT a dénaturé les termes clairs et précis du relevé de compte employeur, en méconnaissance du principe précité.