LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 30 juin 2015), qu'un jugement du 5 mai 2008 a déclaré la société Safimmo adjudicataire de deux studios donnés à bail commercial, par acte du 10 mai 2001, à la société Campus habitat ; qu'un arrêt du 12 octobre 2011 lui a déclaré inopposable un avenant du 25 octobre 2006, prorogeant la durée du bail de neuf ans à compter du 1er octobre 2006 et non annexé au cahier des conditions de vente ; que, le 5 novembre 2009, la société Safimmo a délivré à la société Lamy résidences, venant aux droits de la société Campus habitat, un congé valant refus de renouvellement du bail sans offre d'indemnité d'éviction, à effet au 30 juin 2010 ; que la société Lamy résidences l'a assignée en paiement d'une indemnité d'éviction ;
Attendu que la société Safimmo fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir la société Nexity Studea, venant aux droits de la société Lamy résidences, déchue de tout droit à indemnité d'éviction et condamnée à lui verser des dommages-intérêts pour préjudice moral du fait de son maintien dans les lieux ;
Mais attendu qu'ayant relevé que, nonobstant les termes du bail du 10 mai 2001, la société Safimmo admettait que le contrat initial avait vocation à se poursuivre jusqu'en mai 2010, que l'avenant du 25 octobre 2006 lui avait été déclaré inopposable par l'arrêt du 12 octobre 2011 et qu'une éventuelle dissimulation du preneur sur l'existence de l'avenant était sans conséquence pour le bailleur quant à son obligation de verser une indemnité d'éviction en cas de refus de renouvellement du bail, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et qui n'a pas subordonné l'existence d'un motif grave et légitime à la preuve d'un préjudice subi par le bailleur, a souverainement retenu que le comportement du preneur ne constituait pas un motif grave et légitime au sens de l'article L. 145-17 du code de commerce ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Safimmo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Safimmo et la condamne à payer à la société Nexity Studea une somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Safimmo
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, débouté la SARL Safimmo de ses demandes tendant à voir déclarer la SA Nexity Studéa déchue de tout droit à indemnité d'éviction, à voir condamner cette société à lui payer la somme de 30 120 euros en réparation du préjudice subi du fait de son maintien dans les lieux, et à voir ordonner sous astreinte la restitution des lieux libres de tous occupants ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur le motif tiré d'une « faute irréversible et/ ou extracontractuelle », aux termes du congé délivré le 5 novembre 2009 par la société Safimmo, cette faute est liée à la « tentative de prorogation de la durée du bail lors de la signature d'un prétendu renouvellement du bail du 25/ 10/ 2006 entre la société Campus Habitat et les époux X..., auteurs de la SARL Safimmo avec une qualité et une personnalité juridiques inexistantes », ajoutant : « la société Lamy Résidences tentant indûment de se prévaloir envers la requérante d'un acte sans valeur juridique aux seules fins de lui faire croire à un renouvellement du bail avec prolongation de sa durée au-delà de la date susdite » ; qu'à l'appui de ce motif, la société Safimmo entend dénoncer le comportement de sa locataire, à l'époque la société Lamy Résidences aux droits de laquelle est venue la société Nexity Studéa, ayant consisté à occulter, dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, l'existence d'un acte modifiant, de manière substantielle selon elle, un élément essentiel du bail et parallèlement les biens immobiliers et les sujétions imposées au bailleur pour tenter d'opposer au nouveau bailleur en suite de l'adjudication, ce qui revient à une dissimulation implicite comme l'ont retenu les premiers juges dans le jugement déféré ; que toutefois, à l'instar de l'intimée, la cour relève que précédemment à la délivrance du congé litigieux, le conseil de la société Safimmo, déclarée depuis le 5 mai 2008 adjudicataire des deux biens immobiliers dont s'agit, adressait à la société Lamy Résidences un courrier en date du avril 2009, aux termes duquel il était, en substance :
évoqué les mentions du cahier des ventes relatives à l'indication d'un « bail commercial du 10 mai 2001 entre Campus Habitat et les époux X... » ainsi que des contrats de « sous-location meublée avec services entre Lamy Résidences et … » les locataires des deux lots adjugés ;
rappelé la sollicitation, en date du 2 juin 2008, de la société Lamy Résidences à voir la société Safimmo signer « un mandat de gestion pour établir les factures de loyer … et ce, pour une durée de 9 ans » ;
exposé qu'en réponse à sa demande de précision quant à la durée du bail, la société Lamy Résidences lui a alors communiqué l'avenant du 25 octobre 2006 faisant partir cette durée de 9 ans à compter du 1er octobre (et non, septembre) 2006 alors que « le bail commercial mentionné dans le cahier des conditions de vente faisait état d'une durée courant jusqu'au mois de mai 2010 » ;
dénoncé ainsi le caractère inopposable de cette prorogation du 25 octobre 2006 à la société Safimmo, faute de revêtir une date certaine, ni d'avoir une « une valeur contractuelle car pris en fraude des droits du propriétaire » puisque signé par une partie n'ayant plus d'existence juridique au jour de l'acte ;
sollicité enfin que la société Lamy Résidences puisse bien vouloir « fixer officiellement » l'auteur de ce courrier sur sa « renonciation à [se] prévaloir de ce prétendu avenant du 25 octobre 2006 », ajoutant qu'à défaut, la société Safimmo « entendant revendre ces biens sans être liée par ce bail au-delà du mois de mai 2010 », la société Lamy Résidences (Nexity Studéa) « serait tenue pour responsable du préjudice causé par l'impossibilité de revente en l'état d'un bail commercial se poursuivant sur un avenant frauduleux » ;
que certes, si le bail à effet du 10 mai 2001, initialement conclu entre les époux X... et la société Gestrim Campus, que la société Safimmo reconnaît comme lui étant ainsi seul opposable, prévoit de se terminer le 30 septembre 2006, soit seulement après cinq ans, quatre mois et 20 jours, il s'évince du courrier précité comme des écritures de l'appelante que la société Safimmo convient elle-même que ce bail – tel que visé dans le cahier des conditions de vente – était d'une durée supposée de 9 ans, expirant ainsi en mai 2010 (page 3 de ses conclusions), se prévalant ainsi implicitement du caractère illégale d'une durée inférieure à 9 ans ; que d'ailleurs, c'est bien cette date d'expiration dont elle s'est prévalue, en délivrant congé pour le 30 juin 2010, soit le dernier jour du trimestre civil ; qu'à défaut, alors que les parties ne disconviennent pas que le statut des baux commerciaux s'applique audit bail en date du 10 mai 2001, celui-ci se serait donc tacitement poursuivi à compter du 1er octobre 2006 ; que dans ces conditions, peu importe qu'il y ait eu volonté délibérée ou non de la part de la société Lamy Résidences d'avoir voulu dissimuler, au futur adjudicataire, l'existence de l'avenant du 25 octobre 2006 renouvelant le bail du 10 mai 2001 pour une durée de neuf ans à compter du 1er octobre 2006 ; qu'en effet, avant même la délivrance du congé en date du 5 novembre 2009, en suite du courrier de son conseil en date du 6 avril 2009, la société Safimmo faisait assigner à jour fixe, par exploits des 26 et 29 juin 2009, d'une part, les sociétés Gestrim Campus et Lamy Résidences et d'autre part, les époux X... aux fins d'annulation seulement de cet avenant tandis qu'aux termes de cette procédure, la cour a jugé inopposable ledit avenant à la société Safimmo, par arrêt en date du 12 octobre 2011 ; qu'aussi, en ne contestant que l'existence de cet avenant et non le bail initial, la société Safimmo ne pouvait-elle ignorer qu'elle serait susceptible de devoir verser une indemnité d'éviction en cas de refus de renouvellement du bail, dans les conditions définies à l'article L. 145-14 du code de commerce ; que la société Safimmo demeure donc défaillante à démontrer que la tentative de prorogation de la durée du bail, telle que visée dans le congé litigieux, voire même la dissimulation implicite de l'existence de l'avenant du 25 octobre 2006, telle que retenue par les premiers juges, seraient de nature à caractériser un motif grave et légitime au sens de l'article L. 145-17 du code de commerce (arrêt attaqué, p. 6, § 4 à p. 8, § 3) ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE par courrier du 2 juin 2008, la société Lamy Résidences adresse à la société Safimmo un mandat devant être conclu à compter de la date d'effet du bail pour une durée de neuf années ; que par courrier du 26 septembre suivant, l'avocat de la société Safimmo indique : « Je vous saurais gré de bien vouloir me confirmer avant que mon client n'accepte un quelconque mandat de facturation au profit de Lamy Résidences sur le bail commercial que celui-ci a bien été souscrit pour neuf ans à compter du 10 mai 2001 comme indiqué au cahier des conditions de vente judiciaire par laquelle mon client est devenu propriétaire de ce bien. Dans la négative, vous voudrez bien me faire parvenir tous documents justifiant d'une autre durée du bail à ce jour » ; que par fax du 6 octobre suivant, la société Lamy Résidences lui adresse l'avenant litigieux ; que par courrier du 20 août 2007, l'huissier indiquait, pourtant : « Dans le cadre de la procédure, il est nécessaire que la situation juridique du bien soit précisée avant la vente judiciaire, et en conséquence, je vous serais reconnaissant de bien vouloir me communiquer copie de ce bail (ou ces baux) » ; que par courrier du 30 août suivant, la société Lamy Résidences ne communiquait, toutefois, que le bail initial ; qu'il convient, dès lors, de considérer qu'elle a dissimulé cet avenant ; que ce motif ne saurait, toutefois, être considéré comme suffisamment grave et légitime ; qu'en page 6, le cahier des conditions de vente indique, en effet, que les propriétaires sont liés par un contrat à Campus Habitat selon bail commercial du 10 mai 2011 ; que l'adjudicataire était, dès lors, informé de l'existence de ce bail ; qu'il savait, donc, qu'une indemnité d'éviction serait due le cas échéant (jugement entrepris, p. 6, § 1 à 10) ;
1°) ALORS QUE l'existence d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant ne dépend pas du point de savoir si le bailleur a pu raisonnablement penser, en cours de bail, qu'il n'aurait pas à payer d'indemnité d'éviction en cas de non-renouvellement ; qu'en relevant que la société Safimmo ne pouvait pas ignorer qu'elle serait susceptible de devoir verser une indemnité d'éviction en cas de non-renouvellement du bail originaire du 10 mai 2001, pour en déduire que les faits reprochés au locataire ne constituaient pas un motif grave et légitime, la cour d'appel a ajouté à l'article L. 145-17 I 1° du code de commerce une condition qu'il ne comporte pas, en violation de ce texte ;
2°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE le motif grave et légitime visé par l'article L. 145-17 I 1° du code de commerce ne suppose pas la démonstration d'un préjudice subi par le bailleur ; qu'en relevant qu'il importait peu que le locataire eût dissimulé l'avenant du 25 octobre 2006 au moment de la procédure de saisie immobilière, dès lors que la société Safimmo ne pouvait pas ignorer qu'elle serait susceptible de devoir verser une indemnité d'éviction en cas de non-renouvellement du bail originaire du 10 mai 2001, la cour d'appel a statué par un motif impropre à exclure l'existence d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant, privant ainsi sa décision de base légale au regard dudit article L. 145-17 I 1° ;
3°) ALORS QUE le motif grave et légitime visé par l'article L. 145-17 I 1° du code de commerce s'entend de tout fait imputable au locataire sortant, ou aux personnes dont celui-ci répond, et rendant intolérable la poursuite des relations contractuelles ; que dans ses conclusions du 6 mai 2015 (p. 11, § 3 à p. 21, § 8), la société Safimmo reprochait au locataire d'avoir sciemment dissimulé l'avenant du 25 octobre 2006 lors de la saisie immobilière, de s'être ensuite prévalu, postérieurement à l'adjudication, de la prorogation prévue par cet avenant dont il connaissait pourtant l'irrégularité, puis d'avoir persisté dans sa mauvaise foi au point de la contraindre à engager une procédure judiciaire, qui s'était prolongée jusqu'à ce que l'avenant fût déclaré inopposable par arrêt du 12 octobre 2011 ; qu'en s'abstenant d'examiner dans quelle mesure ces agissements ne rendaient pas la poursuite des relations contractuelles intolérable pour la société Safimmo, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du même texte.