LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 809 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, que M. et Mme X..., assurés auprès de la société Groupama Gan Pacifique (l'assureur ) au titre d'un contrat incluant une garantie de protection juridique, ont acheté un voilier à la société Indigo Yacht (la société Indigo) le 6 juillet 2005 ; que, par acte du 14 mai 2007, l'avocat choisi par l'assureur a assigné la société Indigo devant le tribunal de commerce de La Rochelle en indemnisation des avaries subies par le bateau durant son transport en Nouvelle-Calédonie ; qu'à la suite d'une expertise et de la mise en liquidation judiciaire de la société Indigo, la juridiction consulaire a déclaré la demande en annulation de la vente pour vices cachés, formulée en dernier lieu par M. et Mme X..., irrecevable pour défaut de déclaration de créance ; que M. et Mme X... ayant parallèlement demandé la condamnation de l'assureur à les indemniser des frais et honoraires engagés pour ce litige, la cour d'appel de Nouméa a, par arrêt du 13 mai 2013, jugé que l'assureur avait manqué à ses obligations et condamné celui-ci au paiement de certaines sommes ; que M. X... a ensuite sollicité en référé sa condamnation à lui verser une provision correspondant à des frais de procédure ;
Attendu que pour condamner l'assureur à payer à M. X..., au titre de la garantie de protection juridique qu'il avait souscrite, une provision de 873 798 F CFP après avoir énoncé que la clause subordonnant le remboursement des honoraires d'avocat et frais de procédure à un accord préalable entre l'assureur et l'assuré sur l'engagement d'une action judiciaire n'est pas manifestement illicite contrairement à ce que soutenait M. X..., l'arrêt retient que l'assureur ayant été définitivement reconnu fautif, ne peut se prévaloir d'un défaut d'accord ni de l'absence d'issue favorable du litige, à laquelle le contrat subordonne la prise en charge des frais à défaut d'accord, dès lors que ses défaillances relevées en mai 2013 sont en partie responsables de cette "issue" ;
Qu'en écartant ainsi l'existence d'une contestation sérieuse tirée de l'inobservation des conditions posées pour l'application de la garantie de protection juridique en s'appuyant sur l'arrêt du 13 mai 2013 de la cour d'appel de Nouméa qui s'était prononcé, non sur ces conditions mais sur la responsabilité contractuelle de l'assureur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 juillet 2015 par la cour d'appel de Nouméa ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société Groupama Gan Pacifique
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance de référé entreprise et, statuant à nouveau, d'avoir condamné un assureur (la société Groupama Gan Pacifique) à régler, au titre de la garantie de protection juridique souscrite, une provision de 873.798 F CFP, à un assuré (M. Roland X...);
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 809 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, le juge des référés peut, dans les cas où J'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ; qu'il n'était pas sérieusement discuté que, d'une part, le plafond de garantie du contrat de « protection juridique particulier » signé entre les parties, était de 3.000.000 F CFP avec une franchise de 90.320 F CFP en cas d'action judiciaire, d'autre part que les époux X... avaient engagé des frais de procédure et honoraires d'avocats dans le cadre du litige les opposant à la SARL Indigo Yacht ; qu'il n'y avait donc pas de contestation possible sur le cadre juridique et sur le plafond de la prise en charge ; que la clause prévoyant comme condition au remboursement des honoraires d'avocats et frais de procédure, un accord préalable entre l'assureur et l'assuré sur l'engagement d'une action judiciaire, avec des modalités permettant de surmonter un désaccord, n'était pas manifestement illicite ; que, pour autant, dans son arrêt du 13 mai 2013 aujourd' hui définitif, la cour d'appel de ce siège avait relevé que la compagnie d'assurances avait eu un comportement fautif lors de l'exécution de son obligation d'assistance juridique, en soutenant initialement «l' action des époux X... de manière insuffisante laissant l'avocat métropolitain qu'elle avait choisi prendre des initiatives procédurales contraires à celles souhaitées en dépit de l'insistance de son assuré» dont elle devait faire respecter les choix; que l'assureur ayant été définitivement reconnu fautif, Groupama ne pouvait se prévaloir devant le juge des référés d'un «défaut d'accord» (l'existence d'un «désaccord» n'étant pas alléguée), ni de l'absence de désignation d'un «arbitre commun» dont elle ne justifiait à aucun moment avoir provoqué la désignation ; qu'il apparaissait au surplus aujourd'hui évident que l'orientation procédurale donnée à l'origine par le conseil choisi par Groupama, savoir la saisine d'un tribunal incompétent d'une action en inexécution et manquement du vendeur à son obligation de délivrance, malgré l'insistance des assurés non commerçants à solliciter l'engagement d'une action en annulation de la vente pour vices cachés devant le tribunal de grande instance, à laquelle s'était ajoutée la négligence relevée par la cour, interdisait toute orientation ultérieure de la procédure; qu'en effet, une action rédhibitoire pour vices cachés devant être engagée dans les deux ans de la découverte du vice, la « reprise de la maîtrise de la procédure » par les assurés en 2008, comme le relevait Groupama, ne leur permettait plus de saisir utilement la juridiction qu'ils estimaient compétente ; que, sans compter les conséquences financières que n'aurait pas manqué d'avoir un désistement devant le tribunal de commerce, dont ils ne pouvaient pas contester la compétence, puisqu'ils étaient à l'origine de sa saisine ; que, par ailleurs, la saisine du tribunal de commerce privait les assurés des possibilités qu'offrait la « mise en état » des procédures, notamment la désignation d'un expert avant l'audience de plaidoiries et la fixation de délais pour conclure ; qu'en effet, outre l'absence de mesures d' instruction ou conservatoire, l'issue du procès avait été affectée par la remarquable durée de la procédure (8 ans) devant la juridiction consulaire, le tribunal de commerce : - reconnaissant lui-même avoir accordé «plus de 35 renvois, à la demande des parties », ce qui démontrait une méconnaissance totale des principes directeurs du procès civil et du rôle respectif des parties et du juge ; - ne procédant véritablement à l'examen du litige qu'après la liquidation judiciaire du vendeur ; qu'il s'en déduisait que Groupama ne pouvait pas non plus considérer que « l'absence d'issue favorable au procès» constituait une contestation sérieuse justifiant de rejeter la demande, alors que les défaillances relevées en mai 2013 par la cour étaient en partie responsables de ladite « issue» ; que s'il était constant que la multiplication des avocats à l'initiative des assurés avait incontestablement contribué à aggraver la situation comme cette cour l'avait déjà relevé, cette durée extravagante trouvait d'abord son origine dans le choix d'une juridiction consulaire défaillante et dans la carence de leurs conseils successifs ; qu' il y avait lieu en conséquence, infirmant en cela l'ordonnance déférée, de faire droit à la demande de provision en exécution du contrat de protection juridique ; que cette demande était détaillée et explicitée dans son montant (pièce 16-A de l'appelant) et seule la somme de 238.663 F CFP était susceptible de discussion et devait en conséquence être écartée en l'état, le solde s'établissant à 873.798 F CFP; qu'il y avait donc lieu de faire droit à la demande de provision présentée en exécution du contrat à hauteur de cette somme Groupama ne prétendant pas que, ce faisant, le plafond contractuel serait atteint ou dépassé ;
1° ALORS QUE l'absence de contestation sérieuse conditionne l'octroi d'une provision en référé ; qu'en ayant écarté l'absence de contestation sérieuse, tirée de l'application des dispositions de la garantie de protection juridique, en s'appuyant sur l'arrêt du 13 mai 2013 de la cour d'appel de Nouméa, qui s'était prononcé sur la responsabilité contractuelle de l'assureur et non sur les conditions de la garantie de protection juridique souscrite par M. X..., la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile de la NouvelleCalédonie ;
2° ALORS QU'une provision ne peut être accordée en référé qu'en l'absence de contestation sérieuse ; qu'en écartant toute contestation sérieuse liée aux conditions de mise en oeuvre de la garantie de protection juridique souscrite par M. X..., en retenant que le «défaut d'accord» invoqué par l'assureur n'équivalait pas à un «désaccord» ( !), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;
3° ALORS QUE l'existence d'une contestation sérieuse met obstacle à l'allocation d'une provision en référé; qu'en ayant jugé qu'aucune contestation sérieuse n'était caractérisée, au regard de la faute commise par la société Groupama Gan Pacifique qui avait laissé l'avocat choisi par elle saisir un tribunal incompétent, quand le tribunal de commerce de La Rochelle était parfaitement compétent et s'était déclaré comme tel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;
4° ALORS QUE l'existence d'une contestation sérieuse exclut qu'une provision puisse être accordée en référé ; qu'en écartant la contestation sérieuse invoquée par l'assureur, en raison de la faute qu'il aurait commise et qui aurait consisté à avoir laissé l'avocat choisi par lui saisir le tribunal de commerce de La Rochelle, « intellectuellement » incompétent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;
5° ALORS QU'une provision ne peut être allouée en référé que si une telle demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; qu'en ayant écarté toute contestation sérieuse quant aux éléments de la provision réclamée par M. X..., quand le montant retenu de 873.798 F CFP incluait des honoraires d'avocat (Tehio et Boiteau) non retenus par la cour d'appel de Nouméa et surtout des frais d'huissier, d'expertise Ganachaud et de manutention Socalmo et Caren Océan, qui avaient été définitivement écartés par la cour d'appel de Nouméa, dans son arrêt du 13 mai 2013, la cour d' appel a violé l'article 809 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.