LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Claude X... est décédé après avoir désigné M. Michaël X... en qualité de légataire universel, lequel a accepté purement et simplement la succession ; que la caisse régionale de Crédit agricole de Normandie (la banque) a sollicité le paiement d'une créance résultant d'un engagement de caution souscrit par le défunt ; que M. Michaël X... a demandé en justice l'autorisation d'être déchargé de son obligation à cette dette successorale ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande ;
Attendu qu'ayant relevé que le conseiller de la mise en état avait déclaré irrecevables les conclusions déposées par M. Michaël X..., la cour d'appel en a exactement déduit que la banque ne pouvait pas invoquer les pièces versées au soutien de celles-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 786, alinéa 2, du code civil ;
Attendu que, selon ce texte, l'héritier acceptant pur et simple peut demander à être déchargé en tout ou partie de son obligation à une dette successorale qu'il a des motifs légitimes d'ignorer au moment de l'acceptation, lorsque l'acquittement aurait pour effet d'obérer gravement son patrimoine ;
Attendu que, pour décharger M. Michaël X... du paiement de la dette successorale correspondant à l'engagement de caution souscrit par Claude X..., l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le légataire n'a pas été informé de la créance revendiquée par la banque avant son acceptation pure et simple de la succession et que son consentement a été entaché d'une erreur substantielle sans laquelle il n'aurait pas accepté la succession, laquelle s'est révélée déficitaire ;
Qu'en statuant ainsi, par un motif étranger aux conditions propres à décharger l'héritier de son obligation à la dette successorale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne M. Michaël X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre janvier deux mille dix sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR décidé que M. Michaël X... est déchargé du passif successoral qui résulte du cautionnement que son auteur, Claude X..., a souscrit en faveur de la Crcam de Normandie ;
AUX MOTIFS QUE la Crcam de Normandie « ne peut s'appuyer sur les pièces de l'intimé, versées au soutien de conclusions déclarées irrecevables, et notamment sur le courrier en date du 8 septembre 2011 rédigé par le notaire en charge de la succession, dans lequel celle-ci indique avoir fait part de l'étendue des dettes successorales au légataire dès le 2 septembre 2011 (pièce adverse qu'il vise dans les conclusions sous le n° 17) » (cf. arrêt attaqué, p. 3, 9e alinéa) ; que « le Crédit agricole ne rapporte pas la preuve dans ces conditions que le légataire était irrecevable à agir, le point de départ du délai de cinq mois fixé par l'article 786 du code civil ne pouvant être déterminé » (cf. arrêt attaqué, p. 4, 1er alinéa) ;
. ALORS QUE, dans le cas où la preuve est libre comme c'est le cas lorsqu'il s'agit d'établir à quelle date un héritier, ou un légataire, a eu connaissance de l'existence, ou de l'importance, d'un passif successoral, la partie à qui incombe la charge de la preuve, c'est-à-dire : le créancier du défunt, a la faculté de l'administrer à l'aide de tous les éléments de preuve qui sont conformes à la loi ; qu'elle a donc la faculté d'administrer la preuve qui lui incombe à l'aide des pièces que l'héritier, ou le légataire, lui ont régulièrement communiquées, quand même les conclusions qui ont donné lieu à cette communication régulière auraient été déclarées par la suite irrecevables et quand même, aussi, les pièces communiquées n'auraient pas été ultérieurement produites par la partie qui les a communiquées ; qu'en décidant le contraire, ce qui lui a permis d'écarter de ses débats la lettre du 8 septembre 2011 — pièce dont la Crcam de Normandie se prévalait pour justifier que l'action de M. Michaël X... a été engagée après l'expiration du délai de cinq mois que prévoit l'article 786, alinéa 3, du code civil, la cour d'appel a violé les articles 2, 9, 15 et 132 du code de procédure civile, ensemble l'article 786, alinéa 3, du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR décidé que M. Michaël X... est déchargé du passif successoral qui résulte du cautionnement que son auteur, Claude X..., a souscrit en faveur de la Crcam de Normandie ;
AUX MOTIFS QUE la Crcam de Normandie « ne rapporte pas la preuve, comme [elle] l'affirme, qu'[elle] avait fourni tout document utile pour que les ayants droit de M. X... puissent prendre leur décision d'acceptation de la succession en toute connaissance de cause » (cf. arrêt attaqué, p. 4, 2e alinéa) ; « que M. X... n'a […] pas été officiellement informé de l'existence de la dette de 368 865 € 63 avec intérêts et primes au titre d'un cautionnement ni du nantissement sur matériel et outillage pour la somme de 53 170 € 82 au principal qui ne figuraient pas sur le décompte établi par Me Y...sur la base duquel il a consenti à la succession, et qui grèvent la succession, la rendant déficitaire » (cf. jugement entrepris, p. 3, 1er alinéa) ; que « M. X... a […] accepté une succession dont il n'avait pas connaissance de l'étendue du passif, et [que] sa tentative d'obtenir de plus amples informations est demeurée vaine » (cf. jugement entrepris, p. 3, 3e alinéa) ; que « le consentement de M. X... a […] été entaché d'une erreur substantielle sans laquelle il n'aurait pas accepté la succession de son oncle » (cf. jugement entrepris, p. 3, 4e alinéa) ; que « le consentement de M. X... ne peut être tenu comme exempt d'erreur, aucune information ne lui ayant été portée dans le délai imparti » (cf. jugement entrepris, p. 3, 5e alinéa) ; qu'« en conséquence, il ne peut être tenu pour responsable de négligence » (cf. jugement entrepris, p. 6, 6e attendu) ;
1. ALORS QUE l'action en nullité de l'acceptation de la succession pour erreur est distincte de l'action en décharge du passif successoral, en ce que la première, si elle aboutit, anéantit rétroactivement tous les effets juridiques qui sont attachés à l'acceptation, tandis que la seconde, si elle aboutit, conserve à l'héritier acceptant tous les effets de son acceptation, hormis l'obligation d'amortir le passif successoral dont le juge le décharge ; qu'en énonçant, pour accueillir l'action en décharge de M. Michaël X..., qu'il a été victime d'une erreur, la cour d'appel, qui confond l'action en décharge avec l'action en nullité de l'acceptation pour erreur, a violé les articles 777 et 786 du code civil ;
2. ALORS QUE, pour l'emporter dans son action en décharge, l'héritier acceptant doit prouver qu'il avait des motifs légitimes d'ignorer, au moment de son acceptation, que l'acquittement du passif successoral dont il sollicite la décharge, aurait pour effet d'obérer gravement son patrimoine personnel ; qu'en accueillant l'action en décharge de M. Michaël X... sans constater qu'il ignorait, au moment où il a accepté la succession de Claude X..., que l'apurement du passif successoral aurait pour effet d'obérer gravement son patrimoine personnel, la cour d'appel, qui se borne à relever que la succession de Claude X... est déficitaire, a violé l'article 786 du code civil.