LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 12, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
Attendu que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit applicable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'un tribunal de commerce, après avoir ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de M. X...par jugement du 24 mars 2005, l'a placé en liquidation judiciaire par décision du 8 juin 2006 ; que le juge-commissaire ayant ordonné la vente forcée de l'immeuble appartenant à M. X...et à Mme Y..., Mme Z..., agissant en qualité de mandataire liquidateur, les a fait assigner à une audience d'orientation ; que par jugement du 15 décembre 2014, le juge de l'exécution a ordonné la réouverture des débats afin de recueillir les observations des parties sur les règles de procédure applicables compte tenu de la date d'ouverture de la procédure collective ; que par jugement d'orientation du 18 mai 2015, le juge de l'exécution a ordonné la vente forcée après avoir retenu que les débiteurs saisis, qui avaient comparu par avocat constitué et conclu, n'entendaient pas se prévaloir de l'application de l'article 168 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 et ne contestaient pas l'application des dispositions transitoires applicables aux procédures ouvertes entre le 1er janvier 2007 et le 15 février 2009 dont l'application était sollicitée par le liquidateur judiciaire et le créancier inscrit ; que M. X...et Mme Y... ont interjeté appel ;
Attendu que pour déclarer ces derniers irrecevables en toutes leurs contestations et demandes, l'arrêt retient que la contestation soulevée devant la cour d'appel porte sur la loi applicable à la procédure de saisie et ses conséquences, qu'il résulte de la motivation de la décision dont appel qu'ils n'ont formulé aucune observation lors de l'audience d'orientation, bien que le premier juge ait ordonné la réouverture des débats pour que les parties s'expliquent sur ce point précis et qu'il convient en conséquence de leur opposer les dispositions de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, lequel prévoit qu'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni demande incidente ne peut, sauf disposition contraire, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 du même code ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier si la loi invoquée était applicable au litige, peu important que les débiteurs aient eux-mêmes été, en cause d'appel, irrecevables à la contester, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne Mme Z..., ès qualités, et le Crédit immobilier de France Ouest aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Z..., ès qualités, à payer à M. X...et à Mme Y... la somme globale de 3 000 euros, rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré les époux X...irrecevables en toutes leurs contestations et d'avoir, confirmant le jugement, débouté les époux X...de leurs contestations et demandes incidentes, et ordonné la vente forcée des biens saisis à l'audience du 14 septembre 2015 sur la mise à prix et aux conditions fixées par l'ordonnance du Juge-commissaire du 21 octobre 2013 ;
AUX MOTIFS QUE « M. André X...est placé en redressement judiciaire le 24 mars 2005 et le Tribunal de commerce de Cherbourg, par jugement du 8 juin 2006, prononce sa liquidation judiciaire et désigne Mme Z...comme liquidateur judiciaire.
Le juge commissaire ordonne (ordonnance du 21 octobre 2013), la vente forcée d'un immeuble dont sont propriétaires M. X...et son épouse, née Stella Y..., sur la mise à prix de 90 000 euros.
Me Z...ès-qualités assigne les époux X...pour l'audience d'orientation de la procédure, après avoir établi le cahier des conditions de la vente, et par jugement du 18 mai 2015, le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Cherbourg déboute les époux de l'ensemble de leurs demandes (nullité de procédure pour défaut de signification de l'ordonnance du juge commissaire, prescription de la créance de la banque, demande de vente amiable), fixe la date d'adjudication au 14 septembre 2015 aux prix et conditions incluses dans l'ordonnance du juge commissaire.
(…) Il résulte des pièces versées aux débats que le CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE NORMANDIE avait fait délivrer à Mme X...un commandement de payer valant saisie immobilière le 14 février 2005, l'acte lui ayant été signifié à personne.
Si un commandement de même nature avait été délivré à M. X...avant sa mise en redressement judiciaire, il n'en est pas justifié, que ce soit par l'organisme bancaire ou par le liquidateur.
L'ordonnance du juge-commissaire en date du 21 octobre 2013 – et autorisant Mme Z...en sa qualité de liquidateur à poursuivre la vente aux enchères publiques de l'immeuble appartenant aux époux X...-Y... a été signifiée à la personne de M. X...le 24 octobre 2013 mais non à la personne de Mme X..., l'accusé de réception ayant été signé par son mari.
L'acte de signification indique que tout recours exercé contre cette ordonnance doit être régularisé devant la Cour d'appel dans les dix jours, ce par application de l'article R. 624-37-1 du Code de commerce.
Aucun recours n'a été exercé.
Les époux X...ont cependant, dans la logique de leur argumentation, formé le 14 septembre 2015 un recours contre cette ordonnance devant le Tribunal de commerce.
L'ordonnance du 21 avril 2006 qui a transféré au juge de l'exécution la compétence pour en connaître, a instauré de nouvelles règles de saisie immobilières, telles qu'incluses dans les articles 2190 à 2216, lesquels ont été intégrés à droit constant dans le Code des procédures civiles d'exécution par l'ordonnance du 19 décembre 2011, ayant effet au 1er juin 2012 (articles L. 311-1 à L. 334-1), la procédure stricto sensu étant définie aux articles R. 311-1 à R. 334-3 du même Code.
Le décret d'application de cette ordonnance (27 juillet 2006) rappelle, dans son article 168, qu'elle n'est pas applicable aux procédures collectives ouvertes avant le 1er janvier 2006 (…).
L'article L. 642-18 du Code de commerce dispose qu'en matière de liquidation judiciaire les ventes d'immeubles ont lieu conformément aux articles 2204 à 2212 du Code civil, devenus les L. 322-5 à L. 322-13, du Code des procédures civiles d'exécution (hors les articles 2206 et 2211 devenus L. 322-6 et L. 322-9), sous réserve que ces dispositions ne soient pas contraires à celles du Code de commerce, le juge commissaire fixant la mise à prix et les conditions de la vente.
Dans les suites de l'ordonnance du juge commissaire prise en application de ce texte, le mandataire a donc fait assigner les époux X...à l'audience d'orientation fixée au 13 octobre 2014 et les intéressés, qui avaient régulièrement constitué et conclu, ont à l'occasion de cette audience :
- sollicité la justification de la signification de l'ordonnance à l'épouse,
- conclu à l'irrecevabilité de l'action du Crédit Immobilier de France Ouest pour cause de prescription,
- demandé en tant que de besoin la conversion de la vente forcée en vente amiable.
Le juge de l'exécution par jugement du 15 décembre 2014 au visa donc des articles L. 642-18 et suivants du Code de commerce – dont l'application aux faits de la cause n'avaient pas été contestée à ce stade de la procédure par les époux X...-a relevé que le mandataire avait délivré des assignations en audience d'orientation alors qu'il aurait dû aviser le conjoint et les créanciers inscrits de la date d'adjudication par acte d'huissier comportant les mentions prévues à l'article R. 642-29-1 du Code de commerce.
Soulignant que les règles relatives à la liquidation judiciaire étaient d'ordre public et qu'il lui appartenait également de relever d'office l'irrégularité de sa saisine, il faisait application de l'article 16 du Code de procédure civile et ordonnait la réouverture des débats à l'audience du 9 février suivant.
Le mandataire liquidateur prenait des conclusions le 4 février 2015 dans lesquelles il se prévalait des règles issues du décret du 27 juillet 2006et du Code de commerce dans sa version applicable avant l'entrée en vigueur du décret du 12 février 2009 (voir jugement dont appel page 4) et le Crédit Immobilier concluait dans le même sens (même page).
Le jugement précise que les époux X..." qui ont comparu par avocat constitué et conclu, n'entendent pas se prévaloir de l'application de l'article 168 du décret 2006-936 du 27 juillet 2006 et ne contestent pas l'application des dispositions transitoires applicables aux procédures ouvertes entre le 1er janvier 2007 et le 15 février 2009 dont l'application est sollicité par le mandataire liquidateur et le créancier inscrit ".
Si le principe, en cas de liquidation judiciaire, reste celui du dessaisissement du débiteur en faillite, ce dernier conserve la faculté d'accomplir les actes et d'exercer les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur, ce par application de l'article L. 641-9 du Code de commerce, pris dans la continuité de l'ancien article L. 622-9 du même Code.
Cette disposition permettait à M. X...d'une part de recourir contre l'ordonnance du juge commissaire ordonnant la vente de l'immeuble dépendant de la communauté existant entre lui et son épouse mais il ne l'a pas fait et l'ordonnance est actuellement définitive en ce qui le concerne, d'autre part de contester la procédure devant le Juge de l'exécution lors de l'audience d'orientation de la procédure et de dernière part d'interjeter appel du jugement du 18 mai 2015.
Il convient en conséquence de déclarer recevable l'appel interjeté par M. X....
Celui initié par Madame X...est bien évidemment recevable puisqu'elle n'est nullement concernée par la procédure de liquidation judiciaire de son époux et qu'au surplus il a été relevé ci-dessus que l'ordonnance en vertu de laquelle la procédure de saisie a été engagée ne lui a pas été signifiée à personne.
Ceci étant, la contestation soulevée devant la cour par les époux X...porte sur la loi applicable à la procédure de saisie (et ses conséquences). Or, il résulte de la motivation de la décision dont appel qu'ils n'ont formulé aucune observation lors de l'audience d'orientation, bien que le premier juge ait ordonné la réouverture des débats pour que les parties s'expliquent sur ce point précis.
Il convient en conséquence de leur opposer les dispositions de l'article R. 311-5 du Code des procédures civiles d'exécution, lequel prévoit à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni demande incidente ne peut, sauf disposition contraire, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 » ;
1°/ ALORS QUE le décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 n'est pas applicable aux procédures collectives ouvertes avant le 1er janvier 2006 ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que la présente procédure de saisie a été diligentée contre Monsieur X..., placé en redressement judiciaire le 24 mars 2005, soit antérieurement au 1er janvier 2006, de sorte que les dispositions issues du décret du 27 juillet 2006 n'étaient pas applicables ; qu'en opposant en conséquence aux époux X...les dispositions de l'article R. 311-5 du Code des procédures civiles d'exécution, anciennement article 6 du décret du 27 juillet 2006, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 311-5 du Code des procédures civiles d'exécution et, par refus d'application, l'article 168 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 ;
2°/ ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, aux termes de leurs conclusions d'appel, les époux X...demandaient à la Cour, d'une part, de « déclarer Maître Z...ès qualités irrecevable en son action et en toutes ses demandes, à tout le moins, la déclarer mal fondée, rejeter ses entières demandes » au motif que « l'exécution forcée de cette décision [i. e. l'ordonnance du 21 octobre 2013] ne pouvait être mise en oeuvre qu'à la condition que cette décision ait valablement été signifiée tant à Monsieur André X...qu'à son épouse, Madame Stella Y.... Tel n'a pas été le cas en l'espèce » (cf. conclusions d'appel des exposants, p. 22 et 15) et, d'autre part, d'« ordonner la conversion de la saisie de l'immeuble de communauté appartenant à Monsieur et Madame André X...en vente amiable » (cf. conclusions d'appel des exposants, p. 22) ; qu'en affirmant que la contestation soulevée devant la Cour par les époux X...portait sur la loi applicable à la procédure de saisie, quand il résultait de leurs conclusions d'appel qu'ils avaient également présenté une contestation tirée de l'absence de signification à Madame X...de l'ordonnance autorisant la vente forcée ainsi qu'une demande de conversion de la vente forcée en vente amiable, la Cour d'appel a dénaturé les termes desdites conclusions et violé en conséquence les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
3°/ ET ALORS QUE les jugements doivent être motivés à peine de nullité ; qu'en l'espèce, aux termes de leurs conclusions d'appel, les époux X...demandaient à la Cour, d'une part, de « déclarer Maître Z...ès qualités irrecevable en son action et en toutes ses demandes, à tout le moins, la déclarer mal fondée, rejeter ses entières demandes » au motif que « l'exécution forcée de cette décision [i. e. l'ordonnance du 21 octobre 2013] ne pouvait être mise en oeuvre qu'à la condition que cette décision ait valablement été signifiée tant à Monsieur André X...qu'à son épouse, Madame Stella Y.... Tel n'a pas été le cas en l'espèce » (cf. conclusions d'appel des exposants, p. 22 et 15) et, d'autre part, d'« ordonner la conversion de la saisie de l'immeuble de communauté appartenant à Monsieur et Madame André X...en vente amiable » (cf. conclusions d'appel des exposants, p. 22) ; que la Cour d'appel qui déclare irrecevable l'ensemble des demandes et contestations des époux X..., sans s'expliquer sur les raisons justifiant l'irrecevabilité des deux demandes susvisées, a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
4°/ ET ALORS ENFIN QU'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci ; qu'en l'espèce, les époux X...demandaient à la Cour, d'une part, de « déclarer Maître Z...ès qualités irrecevable en son action et en toutes ses demandes, à tout le moins, la déclarer mal fondée, rejeter ses entières demandes » au motif que « l'exécution forcée de cette décision [i. e. l'ordonnance du 21 octobre 2013] ne pouvait être mise en oeuvre qu'à la condition que cette décision ait valablement été signifiée tant à Monsieur André X...qu'à son épouse, Madame Stella Y.... Tel n'a pas été le cas en l'espèce » (cf. conclusions d'appel des exposants, p. 22 et 15) et d'autre part, d'« ordonner la conversion de la saisie de l'immeuble de communauté appartenant à Monsieur et Madame André X...en vente amiable » (cf. conclusions d'appel des exposants, p. 22) ; qu'en déclarant les époux X...irrecevables en toutes leurs contestations et demandes, quand il résulte de l'arrêt attaqué que la demande de nullité pour absence de signification de l'ordonnance du juge commissaire et celle de vente amiable avaient été présentées au juge de l'exécution (cf. arrêt attaqué, p. 2, § 2), la Cour d'appel a violé l'article R. 311-5 du Code des procédures civiles d'exécution.