LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir recueilli l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (le comité régional), la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme (la caisse) a pris en charge la maladie hors tableau déclarée, le 13 mars 2011, par M. X..., salarié de la société Valeo embrayages (l'employeur) ; que contestant le caractère professionnel de cette affection, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale, qui a désigné un autre comité régional ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt d'annuler les avis des deux comités régionaux successivement saisis, alors, selon le moyen :
1°/ que dès lors que l'employeur est seulement autorisé à demander l'inopposabilité de la décision de prise en charge adoptée par la caisse, il est exclu que le juge puisse, sur la demande de l'employeur, annuler l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles émis, au cours de la procédure administrative, à la demande de la caisse ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 461-1 et D. 461-27 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que l'absence d'un ou plusieurs membres d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles n'est pas, en application des textes, une cause d'annulation de l'avis rendu ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 461-1 et D. 461-27 du code de la sécurité sociale ;
3°/ que lorsque le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles se réunit en présence de deux membres, le troisième membre étant absent par suite de grève, cette circonstance ne peut entraîner la nullité de l'avis, une majorité s'étant dégagée en faveur de la solution que consacre l'avis ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 461-1 et D. 461-27 du code de la sécurité sociale ;
4°/ que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles étant tenu de statuer à bref délai, la circonstance que l'un des membres s'abstienne de siéger, à raison d'une grève, constitue au regard de la règle prévue à la présence de trois membres, une formalité impossible, qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 461-1 et D. 461-27 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ne peut régulièrement émettre un avis que lorsqu'il est composé conformément aux dispositions de l'article D. 461-27 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-756 du 7 juin 2016, applicable au litige ;
Et attendu que l'arrêt constate que les deux comités régionaux appelés à se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie de M. X... étaient irrégulièrement composés en raison de l'absence d'un de leurs membres ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 461-1 et R. 142-24-2, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;
Attendu qu'aux termes du deuxième de ces textes, lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas du premier, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse ; qu'il en résulte qu'en cas d'irrégularité des avis des comités régionaux respectivement saisis par la caisse et par le tribunal, la cour d'appel est tenue de recueillir préalablement un avis auprès d'un autre comité régional ;
Attendu que pour rejeter la demande de l'employeur, l'arrêt retient que l'irrégularité des avis des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, tenant à l'absence d'un ou plusieurs des membres, ne rend pas pour autant inopposable à l'employeur la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. X... prise par la caisse ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur contestait le caractère professionnel de l'affection qui n'était pas désignée dans un tableau des maladies professionnelles et sans préalablement saisir un autre comité régional, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule les avis des comités régionaux des maladies professionnelles en date du 29 juin 2011 et du 7 mars 2013, l'arrêt rendu le 26 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme et la condamne à payer à la société Valeo embrayages la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Valeo embrayages.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, qui a annulé l'avis du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la Région Nord Pas de Calais Picardie en date du 29 juin 2011 et l'avis du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la Région Rouen Normandie en date du 7 mars 2013, d'AVOIR débouté la Société Valeo Embrayages de ses demandes tendant à voir juger, en conséquence, que la preuve d'un lien direct et essentiel entre l'activité du salarié et la maladie professionnelle soufferte n'était pas rapportée, que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de Monsieur Jean-Luc X... était mal fondée, et de sa demande tendant à se voir déclarer inopposable la décision de prise en charge ;
AUX MOTIFS QU'" aux termes de l'article D. 461-27 du Code de la sécurité sociale, le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles comprend trois membres : le médecin conseil régional, le médecin inspecteur régional du travail, ou le médecin inspecteur qu'il désigne pour le représenter, un professeur des universitéspraticien hospitalier, ou un praticien hospitalier ; qu'en l'espèce, le premier avis du CRRMP de l'Aisne, émis le 29 juin 2011, ne mentionne qu'un seul signataire, le Docteur Philippe Y..., en qualité de médecin conseil régional ; que le second avis émis le 7 mars 2013, par le CRRMP de la Région de Rouen-Normandie, mentionne l'absence du médecin inspecteur régional du travail de Basse-Normandie ; que les deux Comités Régionaux de Maladies Professionnelles qui se sont prononcés sur le caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur X... étaient donc irrégulièrement composés, en raison de l'absence d'au moins un des membres, ce qui a nécessairement exercé une influence sur l'avis motivé devant être rendu par cette commission, composée de personnalités issues de milieux professionnels différents, leur permettant ainsi d'émettre un avis circonstancié, indépendant et pluridisciplinaire ; que dès lors, peu importe que les règles applicables n'imposent ni quorum, ni procédure ; qu'en outre, la Caisse ne peut prétendre que la composition irrégulière des Comités doit néanmoins être validée, en se fondant sur la théorie administrative des formalités impossibles résultant de circonstances exceptionnelles, alors qu'un mouvement de grève d'une catégorie de professionnels ne permet pas à lui seul de caractériser l'existence desdites circonstances ;
QUE s'agissant du non-respect d'une formalité substantielle, les avis des Comités Régionaux de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de l'Aisne en date du 29 juin 2011 et de la Région de Rouen-Normandie en date du 7 mars 2013 sont annulés ;
QUE toutefois, l'irrégularité des avis des Comités Régionaux de Reconnaissance des Maladies Professionnelles, tenant à l'absence d'un ou plusieurs des membres, ne rend pas pour autant inopposable à l'employeur la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de Monsieur X... prise par la caisse ; que la demande de ce chef de la Société Valeo Embrayages sera donc rejetée " ;
1°) ALORS QUE l'avis motivé du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles saisi aux fins de décider si une maladie hors tableau a été essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime s'impose à la caisse ; que, pour sa part, le juge, saisi d'un différend portant sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie hors tableau doit recueillir, préalablement à toute décision, l'avis d'un comité régional autre que celui saisi par la caisse ; qu'il s'ensuit qu'en cas d'annulation des deux avis ainsi successivement émis, la Cour d'appel ne peut que constater la perte de fondement de la décision de prise en charge, qui ne saurait, dans ces conditions, être opposée à l'employeur ; qu'en décidant le contraire la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 461-1 et R. 142-24-2 du Code de la sécurité sociale ;
2°) ALORS subsidiairement QUE l'avis motivé du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles saisi aux fins de décider si une maladie hors tableau a été essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime s'impose à la caisse ; qu'il s'ensuit qu'en cas d'annulation de cet avis, la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation des risques professionnels est dépourvue de fondement et doit être annulée ; qu'en déboutant la Société Valeo Embrayages de sa demande tendant à voir déclarer mal fondée la décision de prise en charge de la maladie de Monsieur X... au titre de la législation des risques professionnels après avoir annulé les deux avis des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles successivement saisis par la Caisse primaire d'assurance maladie et le Tribunal des affaires de sécurité sociale, la Cour d'appel a violé les articles L. 461-1 du Code de la sécurité sociale et 12 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS enfin et en toute hypothèse QUE lorsqu'il est saisi d'un différend portant sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie hors tableau, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse ; que la cour d'appel est elle-même tenue de recueillir cet avis lorsque le tribunal a négligé d'y recourir ou lorsqu'elle annule l'avis du second comité régional saisi ; qu'en déboutant la Société Valéo Embrayages de ses demandes tendant à voir déclarer mal fondée et inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de la pathologie de Monsieur Jean-Luc X... au titre de la législation des risques professionnels après avoir annulé les deux avis des comités régionaux successivement saisis par la Caisse et le Tribunal des affaires de sécurité sociale, sans procéder préalablement à la saisine d'un autre comité régional, la Cour d'appel a violé les articles L. 461-1, R. 142-24-2 du Code de la sécurité sociale et 12 du Code de procédure civile.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la CPAM de la Somme.
L'arrêt attaqué encourt une cassation partielle ;
EN CE QU il a annulé l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de l'Aisne en date du 29 juin 2011 et l'avis du comité régional des maladies professionnelles de la région de Rouen Normandie en date du 7 mars 2013 ;
AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article D 461-27, le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles comprend trois membres le médecin conseil régional, le médecin inspecteur régional du travail, ou le médecin inspecteur qu'il désigne pour le représenter, un professeur des universités-praticien hospitalier, ou un praticien hospitalier ; qu'en l'espèce, le premier avis du CRRMP de l'Aisne, émis le 29 juin 2011 ne mentionne qu'un seul signataire, le Docteur Philippe Y..., en qualité de médecin conseil régional ; que le second avis émis le 7 mars 2013, par le CRRMP de la Région de Rouen-Normandie, mentionne l'absence du médecin inspecteur régional du travail de Basse-Normandie ; que les deux Comités Régionaux de Maladies Professionnelles qui se sont prononcés sur le caractère professionnel de la maladie déclarée par X... étaient donc irrégulièrement composés, en raison de l'absence d'au moins un des membres, ce qui a nécessairement exercé une influence sur l'avis motivé devant être rendu par cette commission, composée de personnalités issues de milieux professionnels différents, leur permettant ainsi d'émettre un avis circonstancié, indépendant et pluridisciplinaire ; dès lors, peu importe que les règles applicables n'imposent ni quorum, ni procédure ; qu'en outre, la Caisse ne peut prétendre que la composition irrégulière des Comités doit néanmoins être validée, en se fondant sur la théorie administrative des formalités impossibles résultant de circonstances exceptionnelles, alors qu'un mouvement de grève d'une catégorie de professionnels ne permet pas à lui seul de caractériser l'existence des dites circonstances, que s'agissant du non-respect d'une formalité substantielle, les avis des Comités Régionaux de Reconnaissance des Maladies Professionnelles del'Aisne en date du 29 juin 2011 et de la Région de Rouen-Normandie en date du 7 mars 2013 sont annulés » (p. 3 et 4) ;
ALORS QUE, premièrement, dès lors que l'employeur est seulement autorisé à demander l'inopposabilité de la décision de prise en charge adoptée par la CPAM, il est exclu que le juge puisse, sur la demande de l'employeur, annuler l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles émis, au cours de la procédure administrative, à la demande de la CPAM ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 461-1 et D. 461-27 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, deuxièmement, l'absence d'un ou plusieurs membres d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles n'est pas, en application des textes, une cause d'annulation de l'avis rendu ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 461-1 et D. 461-27 du Code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, troisièmement, en tout cas, lorsque le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles se réunit en présence de deux membres, le troisième membre étant absent par suite de grève, cette circonstance ne peut entraîner la nullité de l'avis, une majorité s'étant dégagée en faveur de la solution que consacre l'avis ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 461-1 et D. 461-27 du Code de la sécurité sociale ;
ET ALORS QUE, quatrièmement, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles étant tenu de statuer à bref délai, la circonstance que l'un des membres s'abstienne de siéger, à raison d'une grève, constitue au regard de la règle prévue à la présence de trois membres, une formalité impossible, qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 461-1 et D. 461-27 du Code de la sécurité sociale.