LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 4 mai 2015), que la Caisse d'épargne et de prévoyance [Localité 1] (la banque) a consenti, par acte notarié du 28 décembre 1989, à M. [T] [Q] et Mme [U] [U], son épouse (les emprunteurs), un prêt immobilier, garanti par une hypothèque sur un immeuble, dont M. [T] [Q] était propriétaire, en indivision avec sa mère, [G] [Q] ; qu'à la suite de la défaillance des emprunteurs, et d'une procédure de saisie immobilière clôturée le 9 février 2000, la banque a, par actes des 25 et 30 novembre et 1er décembre 2010, assigné, sur le fondement d'une action oblique, M. [T] [Q] ainsi que les autres héritiers de [G] [Q], Mme [V] [Q] et M. [E] [Q], aux fins de voir ordonner le partage de sa succession et la licitation d'un appartement dépendant de celle-ci ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables comme prescrites ;
Attendu que c'est par une interprétation de l'acte de prêt, rendue nécessaire en raison de l'ambiguïté de ses clauses, et exclusive de dénaturation, que la cour d'appel a retenu que les emprunteurs n'étaient pas engagés solidairement, de sorte que la procédure de saisie-arrêt des rémunérations du travail introduite le 26 mars 2009 à l'encontre de Mme [U] [Q] n'avait pu produire aucun effet interruptif à l'égard de M. [T] [Q] ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance [Localité 1] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la Caisse d'épargne et de prévoyance [Localité 1]
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré la Caisse d'Epargne irrecevable en ses demandes pour défaut de droit d'agir, son action en remboursement étant prescrite ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE la date d'exigibilité de la créance a pour point de départ la mise en demeure adressée par la Caisse d'Epargne à Monsieur [T] [Q] le 14 juin 1994 ; qu'aux termes de l'ancien article 189 bis du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par 10 ans ; que la Caisse d'Epargne avait donc jusqu'au 14 juin 2004 pour engager des poursuites à l'encontre de Monsieur [T] [Q], ce qu'elle a fait, puisqu'elle justifie avoir été adjudicataire dans une procédure de saisie immobilière sur le bien sis à Mandelieu financé par le prêt du 28.12.1989 ;
qu'elle produit le règlement amiable ordre relatif à la procédure de saisie immobilière du 9 février 2000 qui clôture la procédure ; que cet acte d'exécution forcée a interrompu la prescription et fait courir un nouveau délai de 10 ans à compter du 9 février 2000 soit jusqu'au 9 février 2010, le nouveau délai de 5 ans de l'article 110-4 du code de commerce issu de la loi du 17 juin 2008, s'appliquant aux prescriptions en cours sans toutefois que la durée totale ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que cependant, si ce délai de 5 ans relatif aux obligations entre commerçants et non-commerçants est applicable depuis le 19 juin 2008, il s'efface en cas de prescriptions spéciales plus courtes ; qu'ainsi, l'action en recouvrement des crédits immobiliers est soumise au délai biennal en application de l'article 137-2 du code de la consommation issu de la loi du 17 juin 2008 entrée en application le 19 juin 2008, qui dispose que l'action des professionnels pour les biens et les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par 2 ans ; qu'en conséquence, la Caisse d'Epargne ne pouvait agir en paiement en tout état de cause que jusqu'au 19 juin 2010, ce d'autant qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une cause interruptive de la prescription postérieure au 9 février 2000 ; qu'en effet, si elle indique que la procédure de distribution concernant l'immeuble sis à [Adresse 2] a interrompu la prescription jusqu'à son terme soit le 18 octobre 2007, elle ne justifie toutefois pas de ce qu'elle était créancière poursuivante dans cette procédure d'adjudication au titre du solde du prêt du 28.12.1989, le Procès-Verbal de règlement définitif du 04.09.07 visant l'exécution d'un jugement rendu le 5 décembre 1997 par le tribunal de grande instance de Grasse et d'un arrêt de la cour d'Appel d'Aix-en-Provence du 14 novembre 2002 sans mention ni référence à l'acte notarié du 28.12.1989 ; quant à l'assignation en saisie des rémunérations du travail du 26 mars 2009, étant diligentée à l'encontre de Madame [Q] née [U] et non à l'encontre de Monsieur [T] [Q], elle n'a pu interrompre la prescription, ce d'autant qu'aucune clause de solidarité n'est prévue par l'acte notarié de prêt ; qu'en conséquence, il apparaît que l'action en remboursement de la Caisse d'Epargne est prescrite et que de ce fait, elle ne dispose pas d'une créance actuelle, condition de recevabilité de son action oblique à l'encontre de Monsieur [T] [Q] ; que sa demande se heurte donc à une fin de non-recevoir pour défaut du droit d'agir et elle sera déclarée irrecevable ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE il convient de relever que dans ses écritures d'appel, la Caisse d'Epargne ne conteste pas le raisonnement des premiers juges au terme duquel ils ont retenu qu'en application des dispositions des articles L 110-4 du code de commerce et L 137- 2 du code de la consommation, l'action de l'organisme prêteur devait être engagée au plus tard avant le 19 juin 2010, ce qui n'a pas été le cas ; qu'en revanche, elle conteste le fait que le tribunal a considéré que l'assignation en saisie-arrêt des rémunérations du travail délivrée le 26 mars 2009 à Mme [Q] n'avait pu produire aucun effet interruptif de la prescription en l'absence de clause de solidarité prévue à l'acte authentique du 28 décembre 1989 ; qu'à cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 1202 du code civil dispose que la solidarité ne se présume pas et qu'elle doit être expressément stipulée ; qu'or, la mention figurant à l'acte notarié selon laquelle les époux [Q] affectent l'immeuble qu'ils viennent d'acquérir à la garantie du prêt, ne s'analyse pas en une stipulation expresse de solidarité entre eux, pas plus que ne constitue une telle manifestation expresse de solidarité l'offre de prêt annexée à l'acte notarié indiquant que Mme [Q] est coemprunteur ; que de plus, si cette offre de prêt comporte un paragraphe XIX intitulé « indivisibilité et solidarité », cette clause ne s'applique qu'en cas de décès de l'emprunteur et ne stipule de solidarité qu'entre l'emprunteur décédé et ses héritiers et ne concerne pas le cas du défaut de remboursement du prêt, étant également relevé que seul M. [T] [Q] a souscrit le 2 décembre 1989 un contrat d'assurance collective décès-invalidité permanente-incapacité de travail auprès de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance ; que de même, la circonstance que le bordereau d'inscription hypothécaire, établi au profit de la Caisse d'Epargne mentionne, par une clause de style, que les propriétaires grevés sont "acquéreurs débiteurs solidaires" ne saurait davantage valoir stipulation expresse de solidarité entre les époux [Q], ceux-ci n'ayant pas expressément manifesté leur intention de se considérer comme engagés solidairement ; que l'assignation du 26 mars 2009 en saisie des rémunérations du travail de Mme [Q], ne peut en conséquence avoir aucun effet interruptif de la prescription dès lors que cette procédure a été diligentée à l'encontre de l'épouse, divorcée, qui n'était tenue d'aucune solidarité avec son ex- conjoint ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré la Caisse d'Epargne irrecevable en ses demandes pour défaut de droit d'agir compte tenu de la prescription de son action ;
1/ ALORS QUE l'offre de prêt annexée à l'acte notarié de vente du 28 décembre 1989 a été signée par Monsieur [T] [Q] en sa qualité d'emprunteur et par Madame [U] [Q], son épouse, en qualité de « co-emprunteur » ; que, conformément aux conditions générales de cette offre de prêt, annexées à l'acte notarié, Monsieur [Q] et Madame [Q] se sont, chacun, engagés personnellement vis-à -vis de la banque à identité de conditions au remboursement de la somme ayant donné lieu à la créance litigieuse ; que l'offre de prêt stipulait que « les conditions de cette offre deviendront caduques si l'ensemble des emprunteurs solidaires et des cautions déclarées n'y ont pas répondu dans le délai de 30 jours qui suit la réception de cette offre par les emprunteurs » et comportait une clause intitulée « solidarité et indivisibilité » aux termes de laquelle Les prêts accordés seront indivisibles. En conséquences, au cas où les emprunteurs n'auraient pas souscrit une assurance décès invalidité comme, au cas où ce contrat d'assurance ne pourrait garantir le décès ou l'invalidité du fait de leur nature, il y aura solidarité et indivisibilité soit entre les héritiers et représentants des emprunteurs, soit entre le survivant et les héritiers et représentants du prédécédé. Ces solidarité et indivisibilité auront effet sur le paiement de la dette, tant en principal qu'en intérêts et accessoires » ; que la cour d'appel, pour écarter la solidarité et retenir la prescription de l'action en remboursement de la Caisse d'Epargne, a retenu qu'aucune clause de solidarité n'était prévue par l'acte notarié de prêt ; qu'en statuant ainsi, bien que l'offre de prêt mentionnait clairement l'engagement solidaire de Madame [Q] au remboursement de la créance litigieuse, la cour d'appel a dénaturé l'offre de prêt annexée à l'acte notarié du 28 décembre 1989, violant ainsi l'article 1134 du code civil.
2/ ALORS QUE l'article XIX des conditions générales de l'offre de prêt, intitulé « INDIVISIBILITE ET SOLIDARITE », stipulait que « les prêts accordés seront indivisibles. En conséquences, au cas où les emprunteurs n'auraient pas souscrit une assurance décès-invalidité comme, au cas où ce contrat d'assurance ne pourrait garantir le décès ou l'invalidité du fait de leur nature, il y aura solidarité et indivisibilité soit entre les héritiers et représentants des emprunteurs, soit entre le survivant et les héritiers et représentants du prédécédé. Ces solidarité et indivisibilité auront effet sur le paiement de la dette, tant en principal qu'en intérêts et accessoires » ; qu'en retenant que cette clause ne s'appliquait qu'en cas de décès de l'emprunteur et ne stipulait de solidarité qu'entre l'emprunteur décédé et ses héritiers et ne concernait pas le cas du défaut de remboursement du prêt, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette clause, violant l'article 1134 du code civil.