LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que l'arrêt attaqué (Paris, 5 mars 2015) fixe les indemnités de dépossession revenant à la société civile immobilière La Pommardière de Paris (la SCI), par suite de l'expropriation, au profit de la Société de requalification des quartiers anciens (la SOREQA), d'un bien immobilier lui appartenant ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 330 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire de M. [X], associé gérant de la SCI, l'arrêt retient que celui-ci développe des prétentions de propriétaire alors que seule la SCI est propriétaire ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que M. [X] développait des prétentions propres et sans rechercher si sa qualité d'associé ne lui conférait pas un intérêt à intervenir volontairement à l'instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 4 du code civil ;
Attendu que, pour fixer à une certaine somme les indemnités dues, l'arrêt retient que le calcul est effectué sur une surface de 22,60 m² du lot à parfaire ;
Qu'en statuant ainsi, sans trancher la contestation soulevée par la SCI sur la surface exacte du lot, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il fixe à 4 000 euros le montant de la valeur unitaire au mètre carré du lot exproprié de la SCI La Pommardière de Paris, l'arrêt rendu le 5 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la SOREQA aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SOREQA, la condamne à payer à la société La Pommardière de Paris la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. [X] et la société La Pommardière de Paris
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'avoir déclaré l'intervention de M. [X] irrecevable ;
AUX MOTIFS QU'il convient de retenir que par motifs pertinents le jugement entrepris d'une part a rejeté la demande d'intervention volontaire de M. [X] en relevant que celui-ci développait des prétentions de propriétaires alors que seule la SCI est propriétaire ; que si M. [X] est mentionné appelant sur la déclaration d'appel, cela ne peut être en conséquence qu'en sa seule qualité de gérant de la SCI La Pommardière de Paris (arrêt, p. 3, al. avant-dernier) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les prétentions élevées par M. [X] sont celles d'un propriétaire exproprié ; que M. [X] ne prétend pas être propriétaire du lot 16 de l'immeuble [Adresse 5], la propriétaire du lot 16 étant la Sci La Pommardière de Paris ; que l'intervention à titre personnel de M. [X] dans la procédure de fixation de l'indemnité de dépossession due à la Sci La Pommardière de Paris est irrecevable (jugement, p. 5, al. 2 à 4) ;
ALORS QU'une intervention volontaire accessoire est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir une partie principale ; qu'en se bornant à juger, pour déclarer irrecevable son intervention, que les prétentions de M. [X] étaient celles d'un propriétaire exproprié cependant qu'il n'était pas le propriétaire du bien exproprié, sans rechercher s'il avait intérêt, pour la conservation de ses droits de bénéficiaire des revenus, ou de redevable des dettes, de la Sci La Pommardière de Paris, à intervenir à l'instance, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 330 du Code procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir fixé le montant de la valeur unitaire au mètre carré du lot exproprié de la Sci La Pommardière de Paris à 4.000 euros et, en conséquence, la valeur d'indemnisation à verser par la société Soreqa, sous réserve du métré à parfaire, en valeur « libre » à 90.400 euros d'indemnité principale avec une indemnité de remploi de 10.040 euros soit au total 100.440 euros et en valeur « occupé » à 76.840 euros d'indemnité principale avec une indemnité de remploi de 8.684 euros soit au total 85.524 euros ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des dispositions de l'article L.321-1 du code de l'expropriation que les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; que l'évaluation de ce préjudice doit prendre en compte la nature, l'état d'entretien du bien exproprié, ses caractéristiques de construction et sa situation, sa destination, ainsi que les caractéristiques du marché local de l'immobilier pour des biens comparables, à partir de références de transactions contemporaines ou de date rapprochée ; qu'en l'espèce, le premier juge a retenu une valeur moyenne de 3.700 euros/m² sur la base de l'offre de l'autorité expropriante en relevant que l'immeuble du [Adresse 5] n'avait pu être visité en raison de l'absence de M. [X] pourtant régulièrement convoqué, ou d'un représentant et en visant différentes valeurs de référence dont celles présentant des caractéristiques de vétusté similaire précisément rappelées ; que si M. [X] expose avoir été en attente de sa demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle lors de la date prévue pour la visite, rien cependant ne faisait obstacle à ce qu'il permette l'accès à son bien à la date fixée, afin de permettre aux parties de se rendre compte de l'état des parties privatives de l'immeuble ; qu'au surplus par motifs pertinents le premier juge a rappelé que la Sci ne remplissait pas à l'évidence les conditions d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que selon les dispositions de l'article R.311-26 du Code de l'expropriation fixant les conditions de transmission des mémoires de l'appelant, des intimés et du commissaire du Gouvernement, cette transmission doit intervenir à peine de caducité, pour l'appelant dans le délai de 3 mois à compter de la déclaration d'appel et pour les intimés et le Commissaire du gouvernement dans celui de deux mois suivant notification de celui de l'appelant ; que les demandes et éléments de preuve contenus dans un mémoire additionnel adressé postérieurement au délai de trois mois précité sont tardifs et comme tels irrecevables sauf s'il s'agit d'éléments produits en réplique d'un mémoire d'un adversaire ; que l'environnement de l'immeuble du [Adresse 5], ses conditions de desserte, la description extérieure de l'immeuble et intérieure des seules parties communes ont été très précisément rapportés dans le procès-verbal de transport du 13 mars 2013 auquel se réfère la Cour ; qu'il sera retenu que s'il y est mentionné que « l'immeuble nécessite une réfection complète (réseaux, ravalement, mise aux normes des installations électriques, couvertures », il ne présente cependant « aucune signe d'affaissement ou de trouble affectant sa structure », ce qui contredit un rapport du 12 décembre 2013 visé dans l'arrêté de péril 2013-01255 du 19 décembre 2013, correspondant à une procédure qui n'a cependant pas été poursuivie, de sorte que la cour écartera toute indication citant ce « rapport » et retiendra cet état d'entretien de la structure avec néanmoins l'observation qu'une bâche a été fixée « au-dessus de la verrière surplombant le palier du dernier niveau en attente d'une réfection future (lettre de M. [X] au préfet de police du 26 décembre 2012) ; que s'agissant des parties privatives concernées par l'évaluation à savoir le lot 16 situé au 3ème étage porte de gauche, représentant 105/1000èmes des parties communes, il n'a pas été possible d'y entrer ni d'apprécier si ce lot a été réuni aux autres appartenant à la Sci situés au même étage, dont M. [X] expose qu'ils constituent l'appartement qui a été sa résidence principale ; que force est de constater que M. [X] ne produit aucune pièce de nature à établir l'état réel des parties privatives (procèsverbal de constat, plans, décisions de réunification de lots ou photos), sauf en ce que sa communication tardive le 16 octobre 2014 d'un procès-verbal d'inventaire par huissier de justice, en date du 23 décembre 2013 contemporain de la procédure de péril alors en vigueur indique sans précision du/des lots concerné/s, le contenu extrêmement sommaire des objets dans les lieux ; que si la procédure de péril a pu exagérer et dramatiser l'état de l'immeuble il demeure qu'il s'agit d'un bien vétuste comme cela ressort de la photographie annexée aux conclusions du commissaire du gouvernement et de l'étude de faisabilité du 22 mars 2011 produite par la Soreqa illustrée de plusieurs clichés en pages 4 et 5 ; que si des travaux ont ponctuellement été réalisés sur les parties communes, ce qui ressort du procès-verbal de transport et de décisions de l'assemblée générale des copropriétaires, ils n'ont aucunement été d'une ampleur de nature à remédier à l'état de vétusté ; qu'en l'absence d'élément probant de l'exproprié, qui n'explique pas en quoi il conviendrait d'écarter les références de bien vétustes alors qu'il ne rapporte pas la preuve qui lui incombe faute d'avoir laissé l'accès, de démontrer l'état des parties privatives qu'il s'agit ici d'évaluer l'indemnité de dépossession de ces lots ; qu'encore, si M. [X] a pu se prévaloir de la valeur apportée à son lot par le fait que la Sci possédait plusieurs lots réunis au 3ème étage, qu'il disposait de la jouissance des parties communes de l'étage et des combles, il sera rappelé que cette situation de fait dont il n'est pas allégué qu'elle serait consacrée par un droit ne saurait fonder un surplus d'indemnisation ; que la proximité de la rue Level de la limite de l'espace Batignolles en cours d'aménagement ne constitue pas en soit un facteur de plus-value de l'immeuble du [Adresse 5] ; que les références de valeurs moyennes sans indications précises de transactions effectivement réalisées ne peuvent être retenues comme pertinentes, ni davantage des valeurs moyennes émanant de publications de chambres des notaires ; que toutefois, le constat de l'état extérieur de la structure et des parties communes intérieures tel que relaté dans le rapport de transport permettent de valoriser les lots à raison de 4.000 euros/m² au lieu de 3.700 euros/m² ; qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris dans cette mesure avec application de, manière alternative des taux d'abattement en valeur libre ou occupé sous réserve de la réalisation du métrage à parfaire, comme exactement relevé par le premier juge ; qu'en conséquence la cour fixera comme suit l'indemnisation de la Sci pour dépossession du lot 16 sis au troisième étage (surface de 22,60 m² à parfaire), étant observé que le coefficient d'abattement pour occupation doit être fixé à 15 % : - en valeur libre, 90.400 euros d'indemnité principale à raison de 22,60 x 4.000 + une indemnité de remploi de 10.040 euros (15 % jusqu'à 5 000 euros, 15 % de 5.000 à 15.000 euros et 10 % sur le solde) soit 100.440 euros, - en valeur occupé, 90.400 euros – 15 % = 76.840 euros d'indemnité principale + une indemnité de remploi de 8.684 euros (15 % jusqu'à 5.000 euros, 15 % de 5.000 euros à 10.000 euros et 10 % sur le solde) soit au total 85.524 euros ; que sur les préjudices annexes allégués, que M. [X] expose que pour retrouver un logement équivalent, il devra supporter des frais d'agence et de relogement ; que cependant l'indemnité de remploi retenu a pour objet précisément de contribuer aux frais générés par l'obligation de se reloger ; que M. [X] ne justifiait aucunement de charges spécifiques qui ne relèvent pas de ces frais, et qui n'apporte d'ailleurs aucune indication sur les frais réels allégués sera débouté, la cour confirmant le jugement entrepris de ce chef ; que par ailleurs, il est allégué d'un préjudice moral alors que la partie exproprié est une Sci, personne morale dont M. [X] est le gérant ; qu'au surplus, l'article L.13-13 (ancien) du code de l'expropriation met en oeuvre le droit à la réparation intégrale du préjudice matériel subi du fait de l'expropriation ; qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose que la collectivité expropriante poursuivant un but d'utilité publique soit tenue de réparer la douleur morale éprouvée par le propriétaire à raison de la perte des biens expropriés ; que par suite, l'exclusion de la réparation du préjudice moral ne méconnaît pas la règle du caractère juste de l'indemnisation de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; qu'il en résulte que les dispositions de l'article L.13-13 du code de l'expropriation n'est contraire ni à l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme, ni à aucun autre droit ou liberté que la constitution garantit ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté ce chef de demande (arrêt, p. 3, avant-dernier al, à p. 6, premier al.) ;
1°) ALORS QUE la juridiction fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date portant transfert de propriété ; qu'en fixant à 4.000 euros le montant de la valeur unitaire au mètre carré du lot exproprié de la Sci la Pommardière de Paris sans préciser la date à laquelle la consistance de ce lot a été appréciée, la Cour d'appel a privé de base légale sa décision au regard de l'article L.13-14 du Code de l'expropriation ;
2°) ALORS QU'est recevable un mémoire qui se borne à apporter des précisions ou des justifications à l'appui de la demande formée dans le mémoire principal déposé en temps utile ou qui contient des éléments en réplique au mémoire de la partie adverse ; qu'en ne se prononçant pas sur la recevabilité des deux mémoires envoyés le 22 mai et le 20 août 2014 et reçus respectivement le 23 mai et le 21 août suivant, qui contenaient, en réplique au mémoire de la société Soreqa, des références de ventes de biens situés dans l'immeuble du [Adresse 5] ou dans d'autres immeubles et d'une superficie proche de celle du lot 16 exproprié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R.13-49 du Code de l'expropriation ;
3°) ALORS QUE le juge doit trancher lui-même le litige dont il est saisi ; qu'en refusant de déterminer la superficie du bien exproprié qui faisait l'objet d'une contestation, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code civil.