LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite du décès de son épouse dans un accident de la circulation survenu en Israël, M. [F] a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions pour obtenir la réparation de ses préjudices ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. [F] fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, aux visas de ce que le dossier a été communiqué au ministère public, et que le 23 décembre 2014, le procureur général s'en est remis à justice, alors, selon le moyen, que lorsque le ministère public, qui a eu communication d'une affaire, a fait connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites, soit oralement à l'audience, celle-ci ne peut statuer sans s'assurer que les conclusions ont été régulièrement communiquées entre les parties ou que celles-ci ont été mises en mesure d'y répondre ; qu'en l'espèce, l'arrêt, qui n'a pas constaté que le ministère public aurait été présent à l'audience, a relevé que le dossier lui avait été communiqué et que celui-ci, le 23 décembre 2014, s'en était remis à justice, ce dont il résultait que ses conclusions, antérieures à l'audience fixée au 25 novembre 2015, impliquant notamment une contestation de la demande de M. [F], avaient nécessairement été prises par écrit ; qu'en statuant sur les mérites de l'appel, sans constater que les parties avaient eu communication des conclusions du ministère public ni qu'elles avaient été mesure d'y répondre, la cour d'appel a violé les articles 16 et 431 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'avis écrit du ministère public, par lequel celui-ci déclare s'en rapporter, étant sans influence sur la solution du litige, n'a pas à être communiqué aux parties ; qu'il résulte des pièces du dossier que le ministère public a, dans son avis, déclaré s'en rapporter ; que dès lors, cet avis n'avait pas à être communiqué aux parties ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 706-9 du code de procédure pénale ;
Attendu, selon ce texte, que la commission d'indemnisation des victimes d'infractions tient compte, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice, des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs au titre du même préjudice ;
Attendu que pour déduire de l'indemnité allouée à M. [F] au titre de son préjudice économique, le capital versé par la MACIF en application de la garantie accident souscrite, l'arrêt retient que ce capital ayant vocation à réparer la perte de revenus consécutive au décès, il doit être déduit de l'indemnité allouée au conjoint survivant ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que ce capital avait un caractère indemnitaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. [F]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR, infirmant la décision de la commission d'indemnisation des victimes près le tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 26 mai 2014, uniquement en ce qu'elle avait alloué à M. [C] [F] une somme de 147.548,82 € au titre de son préjudice économique, débouté M. [C] [F] de sa demande au titre de son préjudice économique ;
AUX VISAS DE CE QUE le dossier a été communiqué au ministère public, Madame Cécile Hartmann, substitut général et que le 23 décembre 2014, M. Le procureur général s'en est remis à justice (cf. arrêt p. 1 et p. 2, al. 9) ;
ALORS QUE lorsque le ministère public, qui a eu communication d'une affaire, a fait connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites, soit oralement à l'audience, celle-ci ne peut statuer sans s'assurer que les conclusions ont été régulièrement communiquées entre les parties ou que celles-ci ont été mises en mesure d'y répondre ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué, qui n'a pas constaté que le ministère public aurait été présent à l'audience, a relevé que le dossier lui avait été communiqué et que celui-ci, le 23 décembre 2014, s'en était remis à justice, ce dont il résultait que ses conclusions, antérieures à l'audience fixée au 25 novembre 2015, impliquant notamment une contestation de la demande de M. [F], avaient nécessairement été prises par écrit ; qu'en statuant sur les mérites de l'appel, sans constater que les parties avaient eu communication des conclusions du ministère public ni qu'elles avaient été mesure d'y répondre, la cour d'appel a violé les articles 16 et 431 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR, infirmant la décision de la commission d'indemnisation des victimes près le tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 26 mai 2014 uniquement en ce qu'elle avait alloué à M. [C] [F] une somme de 147.548,82 € au titre de son préjudice économique, débouté M. [C] [F] de sa demande au titre de son préjudice économique ;
AUX MOTIFS QUE « le Fonds de garantie relève à juste titre que la commission d'indemnisation des victimes d'infractions a omis de tenir compte de la pension de réversion perçue par l'intimé et que la part de consommation de l'épouse doit être estimée à 40 % s'agissant d'un couple aisé n'ayant plus d'enfant à charge et non pas à 30 % ; qu'il n'est pas discuté que trois périodes doivent être distinguées ; que pour la période du 27 janvier 2011 au 31 décembre 2012, s'agissant des revenus perçus par le couple en 2011, le Fonds de garantie relève à juste titre que la commission d'indemnisation des victimes d'infractions a omis de tenir compte des revenus figurant sur l'avis d'imposition partiel transmis à la commission selon annexe 20, le 27 septembre 2013 ; qu'au vu des pièces produites, les revenus du couple auraient dû s'élever à un montant total de 173.533 euros constitué par : les revenus de Mme [F] 66.986 euros, les revenus de M. [F] 52.148 + 4.741 euros (salaires) + 41.335,78 euros (retraite), les revenus de capitaux mobiliers et revenus fonciers (840 + 6.089 + 840 + 554) = 8.323 euros ; que la part de consommation de la victime décédée pouvant être évaluée à 40 %, la part de revenus revenant à M. [F], s'établit donc à 104.119,80 euros dont à déduire les revenus perçus par lui 106.547,78 euros ainsi que la pension de réversion de 7.758,22 €, de sorte qu'il ne subit aucune perte de revenus ; que de même en 2012, le couple aurait dû percevoir : les revenus de Mme [F] 66.986 euros, les revenus de M. [F] 34.298 euros (salaires) + 42.769 euros (retraite), les revenus capitaux mobiliers et revenus fonciers 142 + 7.777 = 7.919 euros, soit un revenu total de euros, sur lequel M. [F] aurait bénéficié d'un montant de 91.183,20 euros ; que les revenus de l'intimé s'étant élevés à 84.986 euros auxquels s'ajoute la pension de réversion de 8.111,16 euros, M. [F] n'a subi aucune perte de revenus ; que pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017, M. [F] ayant cessé son activité salariée, les revenus du couple auraient totalisé 117.674 euros (66.986 + 42.769 + 7.919), dont 70.604,40 euros pour l'intimé ; que M. [F] a donc subi une perte de revenu annuelle de : 70.604,40 - (50.688 + 8.111,16) = 11.805,24 euros, soit après capitalisation 43.325,23 euros, l'application du barème de 2013 et le coefficient retenu par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions n'étant pas discutés ; qu'à partir du 1er janvier 2018, il n'est pas contesté que Mme [F] aurait perçu une retraite correspondant à la moitié de son revenu, soit 33.493 euros ; que le revenu total du couple représentant 84.181 euros et la part de ce revenu affectée à M. [F], 50.508,60 euros, ce dernier ne subit donc aucune perte de revenus ; que la perte de revenus totale subie par M. [C] [F] sur les trois périodes considérées s'établit donc à 43.325,23 euros ; que l'intimé ne conteste pas l'imputation sur ce montant du capital versé par la CARMF à hauteur de 38.500 euros ; qu'il conteste par contre l'imputation du capital versé par la MACIF à hauteur de 39.720 euros, s'agissant d'une garantie accident, non obligatoire ; qu'en application de l'article 706-9 du code de procédure pénale, la commission tient compte, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice des prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale (...) ainsi que des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs au titre du même préjudice ; que le capital versé par la MACIF en application de la garantie accident souscrite par les époux [F] ayant vocation à réparer la perte de revenus consécutive au décès, ce capital doit être déduit de l'indemnité allouée au conjoint survivant ; qu'après imputation de ce capital, ne subsiste aucune perte de revenus susceptible d'ouvrir droit à indemnisation au bénéfice de M. [F] qui sera donc débouté de sa demande au titre de son préjudice économique » ;
ALORS 1°) QUE tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; qu'en l'espèce, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions avait évalué la part de consommation personnelle de la défunte à 30 % compte tenu de ce que le couple vivait sans enfant au foyer (cf. décision p. 7, al. 7) ; qu'en faisant droit à la demande du Fonds de garantie de voir la part de consommation de la victime décédée estimée à 40 % s'agissant d'un couple aisé n'ayant plus d'enfant à charge et non plus à 30 % sans justifier sa décision à cet égard, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et ainsi violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
ALORS 2°) QU'en énonçant, pour fixer à 40 % la part de consommation de l'épouse, que le couple est « aisé » et n'a plus d'enfants à charge, la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur un motif d'ordre général, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS 3°) QUE n'ont pas à s'imputer sur les indemnités allouées à la victime, au titre de la réparation de son préjudice, les prestations servies en exécution d'un contrat d'assurance de personne en cas d'accident ou de maladie revêtant un caractère forfaitaire et non pas indemnitaire, dès lors qu'elles sont indépendantes dans leurs modalités de calcul et d'attribution de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun ; qu'en l'espèce, il résultait de l'article 8 « Garantie décès » du contrat d'assurance « Garantie Accident » de la MACIF, régulièrement produit aux débats par l'exposant, que le « capital conjoint » de 39.720 € était un capital minimum forfaitaire versé au conjoint survivant indépendamment de toute perte de revenu du ménage résultant du décès, de sorte qu'il était indépendant dans ses modalités de calcul et d'attribution de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun et, par suite, dépourvu de caractère indemnitaire ; qu'en déduisant ce capital de 39.720 € de l'indemnité allouée à M. [F] au titre de son préjudice économique, la cour d'appel a violé l'article 706-9 du code de procédure pénale ;
ALORS 4°) QU' en déduisant du montant de l'indemnité allouée à M. [F] le capital minimum forfaitaire de 39.720 € versé au conjoint survivant au titre du contrat d'assurance « Garantie Accident » de la MACIF, sans rechercher s'il s'agissait d'un versement à caractère indemnitaire où si cette somme forfaitaire était indépendante dans ses modalités de calcul et d'attribution de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun, la cour d'appel a, à tout le moins, privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-9 du code de procédure pénale ;
ALORS 5°) QUE en toute hypothèse, l'article 8 « Garantie décès » du contrat d'assurance « Garantie Accident » de la MACIF, régulièrement versé aux débats, prévoyait le versement au conjoint survivant d'un « capital conjoint » minimum forfaitaire de 39.720 € indépendamment de toute perte de revenu du ménage résultant du décès ; qu'en retenant que le capital de 39.720 € versé par la MACIF avait vocation à réparer la perte de revenus consécutive au décès, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la police d'assurance et ainsi violé l'article 1134 du code civil.