LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, souhaitant reprendre l'exploitation agricole de M. et Mme [I], MM. [G] et [C] [R] (MM. [R]), membres du groupement agricole d'exploitation en commun [Adresse 3] (le GAEC), se sont associés à Mme [R] et à Mme [G] afin de créer une société BRP ; que, le 18 juillet 2002, un accord a été conclu entre, d'une part, M. et Mme [I], d'autre part, MM. [R], Mme [R] et Mme [G], ces derniers intervenant en leur nom personnel et en qualité de représentants des associés fondateurs de la société BRP, en cours de formation ; qu'aux termes de cet accord, M. et Mme [I] s'engageaient à constituer l'exploitation agricole à responsabilité limitée [Adresse 5] (l'EARL), ayant M. [I] pour seul gérant et associé, qui devait reprendre leurs activités, à donner à bail à cette société l'ensemble des immeubles ruraux non compris dans les apports, à lui apporter l'ensemble des droits au bail dont ils étaient titulaires, à vendre à moyen terme leurs parts sociales à leurs cocontractants, et à poursuivre respectivement, dans l'intervalle, une activité rémunérée de gérant de l'EARL et de conjoint collaborateur ; que M. [I] a créé l'EARL, laquelle s'est ensuite associée à la société BRP pour constituer la société civile d'exploitation agricole [Adresse 5] (la SCEA) ; que, le 30 avril 2008, MM. [R], Mme [R], Mme [G], la société BRP et le GAEC ont assigné la SCEA, ainsi que M. et Mme [I], en résolution de l'accord conclu le 18 juillet 2002, et en paiement de diverses sommes au titre d'une clause pénale, d'un préjudice moral et d'une perte de chance ;
Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur les troisième et quatrième moyens, réunis :
Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu que, pour procéder, après résolution de l'accord du 18 juillet 2002, à l'apurement de comptes de la SCEA sans y intégrer la rémunération perçue par M. [I] en qualité de gérant, l'arrêt retient qu'il résulte des conclusions des consorts [R] qu'une telle rémunération constituait non seulement l'objectif de l'accord précité, mais aussi la base des accords verbaux accompagnant celui-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la résolution de l'accord écrit emportait anéantissement des accords verbaux l'accompagnant et réintégration dans les comptes de la SCEA de la rémunération de gérance perçue par M. [I] en exécution de la seule convention résolue, dont elle constituait l'objectif, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne le GAEC [Adresse 3] à payer à la SCEA [Adresse 5] la somme de 53 457 euros, et en ce qu'il condamne la société BRP à payer à la SCEA [Adresse 5] la somme de 20 254 euros après déduction du capital social, l'arrêt rendu le 22 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. et Mme [I], et la SCEA [Adresse 5], aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour les consorts [R], Mme [G], la société BRP et le GAEC [Adresse 3]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les exposants de leur demande de dommages-intérêts au titre de la clause pénale ;
AUX MOTIFS QUE
« Sur les conséquences de la résolution :
Que la résolution du protocole d'accord du 18 juillet 2002 emporte l'anéantissement de la promesse de vente et de l'engagement de rachat des parts sociales de l'EARL [Adresse 5], au prix de 134.077,50 € ; que si la société BRP a fait connaître son refus de procéder à l'acquisition des parts sociales de l'EARL [Adresse 5] dans une lettre du 7 septembre 2007, c'est par suite de l'empêchement notifié par Monsieur [I] d'apporter le bail des terres appartenant aux consorts [O] ; que le protocole stipule à la rubrique « dommages et intérêts » que « les cessionnaires s'engagent irrévocablement à verser aux cédants, sans délai, à première demande et à titre de dommages-intérêts la somme irréductible de 15.000 € s'ils s'abstiennent malgré la réalisation des conditions suspensives ci-dessus, de signer les actes de cession de parts et d'immeubles objet des présentes » et « de même, les cédants s'engagent à verser aux cessionnaires la somme irréductible de 15000 € en cas de refus de régulariser tout ou partie des actes réitératifs, rendus nécessaires par la signature des présentes » ; que le refus manifesté par la société BRP ne peut être considéré comme fautif mais de même l'empêchement d'apporter un des droits au bail ne provient pas d'un refus de Monsieur [I] mais de celui des consorts [O], de sorte que cette clause ne trouve pas application ainsi que l'a retenu le premier juge » (arrêt p. 7)
ALORS QUE
La résolution d'un contrat synallagmatique peut être prononcée en cas d'inexécution par l'une des parties de ses obligations, quel que soit le motif qui a empêché cette partie de remplir ses engagements, peu important que son comportement ne soit pas fautif ; que constitue une clause pénale la clause par laquelle les parties évaluent forfaitairement et par avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée ; que la clause pénale s'applique du seul fait de l'inexécution de ses obligations par l'une des parties, quel que soit le motif qui a empêché cette partie de remplir ses engagements ; qu'en affirmant, pour débouter les exposants de leur demande de dommages-intérêts au titre de la clause pénale, que l'empêchement d'apporter un des droits au bail ne provenait pas d'un refus de Monsieur [I] mais des consorts [O], ce qui excluait toute faute de sa part, quand la résolution du protocole d'accord avait été prononcée aux torts des époux [I] et la clause pénale s'appliquait du seul fait de l'inexécution des obligations contractées, quel que soit le motif qui avait empêché Monsieur [I] de remplir ses engagements, la Cour d'appel a violé les articles 1152, 1226 et 1184 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les exposants de leur demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE
« par contre, le manquement des époux [I] à leur obligation a empêché la poursuite de l'activité de la SCEA [Adresse 5], en privant les consorts [R] d'une chance de mettre en place une unité d'exploitation viable et rentable ; que le préjudice qui en résulte a été justement fixé à 6000 € dans la décision déférée à la cour, qui la confirme sur ce point, sans que soit établi par contre le préjudice moral résultant de l'échec du protocole pour les consorts [R] » (arrêt p. 7)
ALORS QUE
Tout jugement ou arrêt doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se bornant à affirmer, pour débouter les exposants de leur demande de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, que ce préjudice n'était pas établi, sans énoncer le moindre motif au soutien de sa décision, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le GAEC [Adresse 3] à payer à la SCEA [Adresse 5] la somme de 53.457 € HT avec intérêts au taux légal;
AUX MOTIFS QUE
« Sur les comptes entre les parties :
Que Monsieur [I] et la société BRP restent associés dans la SCEA [Adresse 5] jusqu'à sa dissolution ou du moins sa transformation par le départ d'un associé, en l'espèce la société BRP qui revendique à bon droit la restitution de son apport de 90.000 € dont elle déduit son compte courant débiteur pour un montant de 40.000 € en réclamant une somme de 50.000 € ; que les parties discutent à ce titre de la reddition des comptes de la SCEA [Adresse 5] dont Monsieur [I] a assuré la fonction de gérance, sans veiller notamment à la tenue régulière des assemblées générales entre 2004 et 2007, pour fixer en particulier sa rémunération, telle que convenue dans le protocole d'accord du 18 juillet 2002 et fixée à 1524 € par mois ; que les consorts [R] demandent aux époux [I] le paiement d'une somme de 97.984 € au titre du compte courant d'associé de Monsieur [I], après réintégration dans les comptes de la SCEA [Adresse 5] des rémunérations et des charges sociales versées pour Monsieur [I] à raison respectivement de 156.982 € et 57.043 € soit au total 214.025 € ; qu'il est constant qu'à compter du mois de juillet 2007, les parties se sont affranchies du protocole litigieux et des accords verbaux passés à l'occasion de ce protocole, notamment pour le paiement des prestations de façonnage de porc, de culture et de vente de céréales ; que cette société n'a plus d'activité porcine depuis le début de l'année 2008 ; que concernant sa rémunération, Monsieur [I] invoque à tort une décision collective des associés résultant de la rédaction collective du protocole litigieux, qui prévoit au contraire que « Monsieur [O] [I] percevra une rémunération pour son travail et pour l'exercice de ses fonctions de gérant au sein de la société » et « cette rémunération sera fixée par les associés aux termes d'une assemblée générale ordinaire qui se tiendra au siège social dans les 8 jours de la prise de participation des cessionnaires au capital de la société » ; que si Monsieur [I] évoque une absence de Madame [G] pour expliquer la non-régularisation d'un procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire prévue le 9 décembre 2004, il résulte des statuts que cette assemblée générale pouvait se tenir nonobstant cette absence, à l'instar de sa pratique pour l'approbation des comptes le 4 juin 2012, en fixant à 9000 € sa rémunération annuelle ; que néanmoins, Monsieur [I] relève qu'en tout état de cause, cette rémunération doit être maintenue pour la juste rétribution de son travail, contribuant à l'activité de la SCEA [Adresse 5], même en l'absence de contrat de travail dûment revendiqué qui lui est opposée par les consorts [R] ; qu'il ressort des écritures des consorts [R] que cette rémunération constituait non seulement l'objectif du protocole signé le 18 juillet 2002 mais aussi la base des accords verbaux accompagnant ce protocole, concernant la facturation par le GAEC [Adresse 3], des prestations de culture en contrepartie de l'achat de céréales sur pied, outre le prix des prestations de façonnage de porc et de traitement du lisier ; que la société BRP ne saurait remettre en cause le paiement de cette rémunération depuis l'année 2002, sans remettre en cause l'intégralité des prestations facturées par le GAEC et par suite les résultats de la SCEA [Adresse 5] depuis sa création, outre leur affectation entre les associés, dont elle explique que les rapports de 95 % et 5 % ont été déterminés en fonction de cette rémunération garantie à Monsieur [I] ; qu'il en résulte que l'apurement des comptes entre les associés de la SCEA [Adresse 5], en l'état de leurs demandes, doit être retenu selon l'analyse de l'expert, dans sa version sans réintégration des rémunérations de gérant et de ses charges sociales et sur la base du résultat au 31 juillet 2011, à partir des comptes vérifiés par le sapiteur ; que cette analyse détermine une somme de 53.457 € HT due par le GAEC [Adresse 3] à la SCEA [Adresse 5], les droits des associés étant chiffrés - 110.524 € pour la société BRP et à 15.432 € pour Monsieur [I] ; que compte tenu du capital de 90.000 € libéré par la société BRP dont elle a vocation à demander la restitution, celle-ci se trouve redevable envers la SCEA [Adresse 5] d'une somme de 20.524 € » (arrêt p. 8 et 9) ;
ALORS QUE
La résolution d'un protocole de cession de parts sociales emporte anéantissement rétroactif de la convention et remise des choses en leur état antérieur, de sorte que les rémunérations versées au gérant d'une société créée entre les parties doivent être réintégrées, lors de la reddition des comptes ; qu'en affirmant néanmoins, pour condamner le GAEC [Adresse 3] à payer à la SCEA [Adresse 5] la somme de 53.457 € HT, que l'apurement des comptes entre les associés de la SCEA [Adresse 5] doit être retenu selon l'analyse de l'expert dans sa version sans réintégration des rémunérations du gérant et de ses charges sociales et sur la base du résultat au 31 juillet 2011, quand la résolution du protocole d'accord emportait anéantissement rétroactif de la convention et remise des choses en leur état antérieur, la Cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société BRP à payer à la SCEA [Adresse 5] la somme de 20.254 € après déduction du capital social avec intérêts au taux légal;
AUX MOTIFS QUE
« Sur les comptes entre les parties :
Que Monsieur [I] et la société BRP restent associés dans la SCEA [Adresse 5] jusqu'à sa dissolution ou du moins sa transformation par le départ d'un associé, en l'espèce la société BRP qui revendique à bon droit la restitution de son apport de 90.000 € dont elle déduit son compte courant débiteur pour un montant de 40.000 € en réclamant une somme de 50.000 € ; que les parties discutent à ce titre de la reddition des comptes de la SCEA [Adresse 5] dont Monsieur [I] a assuré la fonction de gérance, sans veiller notamment à la tenue régulière des assemblées générales entre 2004 et 2007, pour fixer en particulier sa rémunération, telle que convenue dans le protocole d'accord du 18 juillet 2002 et fixée à 1524 € par mois ; que les consorts [R] demandent aux époux [I] le paiement d'une somme de 97.984 € au titre du compte courant d'associé de Monsieur [I], après réintégration dans les comptes de la SCEA [Adresse 5] des rémunérations et des charges sociales versées pour Monsieur [I] à raison respectivement de 156.982 € et 57.043 € soit au total 214.025 € ; qu'il est constant qu'à compter du mois de juillet 2007, les parties se sont affranchies du protocole litigieux et des accords verbaux passés à l'occasion de ce protocole, notamment pour le paiement des prestations de façonnage de porc, de culture et de vente de céréales ; que cette société n'a plus d'activité porcine depuis le début de l'année 2008 ; que concernant sa rémunération, Monsieur [I] invoque à tort une décision collective des associés résultant de la rédaction collective du protocole litigieux, qui prévoit au contraire que « Monsieur [O] [I] percevra une rémunération pour son travail et pour l'exercice de ses fonctions de gérant au sein de la société » et « cette rémunération sera fixée par les associés aux termes d'une assemblée générale ordinaire qui se tiendra au siège social dans les 8 jours de la prise de participation des cessionnaires au capital de la société » ; que si Monsieur [I] évoque une absence de Madame [G] pour expliquer la non-régularisation d'un procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire prévue le 9 décembre 2004, il résulte des statuts que cette assemblée générale pouvait se tenir nonobstant cette absence, à l'instar de sa pratique pour l'approbation des comptes le 4 juin 2012, en fixant à 9000 € sa rémunération annuelle ; que néanmoins, Monsieur [I] relève qu'en tout état de cause, cette rémunération doit être maintenue pour la juste rétribution de son travail, contribuant à l'activité de la SCEA [Adresse 5], même en l'absence de contrat de travail dûment revendiqué qui lui est opposée par les consorts [R] ; qu'il ressort des écritures des consorts [R] que cette rémunération constituait non seulement l'objectif du protocole signé le 18 juillet 2002 mais aussi la base des accords verbaux accompagnant ce protocole, concernant la facturation par le GAEC [Adresse 3], des prestations de culture en contrepartie de l'achat de céréales sur pied, outre le prix des prestations de façonnage de porc et de traitement du lisier ; que la société BRP ne saurait remettre en cause le paiement de cette rémunération depuis l'année 2002, sans remettre en cause l'intégralité des prestations facturées par le GAEC et par suite les résultats de la SCEA [Adresse 5] depuis sa création, outre leur affectation entre les associés, dont elle explique que les rapports de 95 % et 5 % ont été déterminés en fonction de cette rémunération garantie à Monsieur [I] ; qu'il en résulte que l'apurement des comptes entre les associés de la SCEA [Adresse 5], en l'état de leurs demandes, doit être retenu selon l'analyse de l'expert, dans sa version sans réintégration des rémunérations de gérant et de ses charges sociales et sur la base du résultat au 31 juillet 2011, à partir des comptes vérifiés par le sapiteur ; que cette analyse détermine une somme de 53.457 € HT due par le GAEC [Adresse 3] à la SCEA [Adresse 5], les droits des associés étant chiffrés - 110.524 € pour la société BRP et à 15.432 € pour Monsieur [I] ; que compte tenu du capital de 90.000 € libéré par la société BRP dont elle a vocation à demander la restitution, celle-ci se trouve redevable envers la SCEA [Adresse 5] d'une somme de 20.524 € » (arrêt p. 8 et 9) ;
ALORS QUE
La résolution d'un protocole de cession de parts sociales emporte anéantissement rétroactif de la convention et remise des choses en leur état antérieur, de sorte que les rémunérations versées au gérant d'une société créée entre les parties doivent être réintégrées, lors de la reddition des comptes ; qu'en affirmant néanmoins, pour condamner la société BRP à payer à la SCEA [Adresse 5] la somme de 20.254 € après déduction du capital social, que l'apurement des comptes entre les associés de la SCEA [Adresse 5] doit être retenu selon l'analyse de l'expert dans sa version sans réintégration des rémunérations du gérant et de ses charges sociales et sur la base du résultat au 31 juillet 2011, quand la résolution du protocole d'accord emportait anéantissement rétroactif de la convention et remise des choses en leur état antérieur, la Cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil.