LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un arrêt du 16 janvier 1988 a condamné sous astreinte définitive M. et Mme [R], dans un litige de voisinage les opposant aux consorts [L] - [W], à effectuer divers travaux, qu'un arrêt du 14 mai 2002 les a également condamnés sous astreinte à cesser tout passage sur le chemin commun de la copropriété pour la desserte de leur parcelle n° [Cadastre 1], qu'un protocole d'accord a été signé entre les parties le 27 avril 2007, que par un jugement du 2 avril 2009, un juge de l'exécution, saisi par les consorts [L] - [W], a dit qu'à défaut pour M. [R] de satisfaire à l'injonction résultant de l'arrêt rendu le 5 janvier 1988 et pour les époux [R] à celles figurant dans la décision du 14 mai 2002 dans les cinq mois de sa signification, ils pourraient y être contraints sous astreinte définitive de 100 euros par infraction et ce pendant trois mois ; que les consorts [L] - [W] ont saisi un juge de l'exécution aux fins de liquidation de l'astreinte et de fixation d'une nouvelle astreinte ;
Sur le moyen unique tel que reproduit en annexe, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande tendant à la fixation d'une nouvelle astreinte :
Attendu que M. [K] [L], pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier de ses parents [Q] [L] et [B] [W], épouse [L], et Mme [F] [W] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à la fixation d'une nouvelle astreinte ;
Mais attendu que sous couvert de violation des articles L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution et 1304 du code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain du juge de l'exécution d'apprécier si les circonstances font apparaître la nécessité d'assortir d'une astreinte la décision rendue par un autre juge ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de liquider l'astreinte prononcée par jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 2 avril 2009 à la somme de 1 euro :
Vu l'article L. 131-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution ;
Attendu selon ce texte que l'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère ;
Attendu que pour liquider l'astreinte à la somme de 1 euro, l'arrêt, après avoir relevé qu'il avait été conféré force exécutoire au protocole par jugement du 19 novembre 2010, avant que celui-ci ne soit annulé par arrêt du 28 novembre 2013, retient que cette annulation, qui produit effet rétroactif, ne permet pas de retenir le protocole d'accord comme une circonstance s'opposant à la suppression de l'astreinte, qu'en revanche, et jusqu'à ce qu'il soit invalidé, ce protocole a dispensé les époux [R], dans les faits comme dans leur esprit, d'avoir à respecter ou à se sentir liés par les obligations à peine d'astreinte, la vocation du protocole étant, en effet, de mettre définitivement fin au litige opposant les parties et qu'en l'état des éléments produits, les époux [R] établissent s'être très rapidement conformés à l'obligation après que leur ait été signifié l'arrêt du 28 novembre 2013, leur retard à s'exécuter s'expliquant par la circonstance qu'ils pouvaient alors s'estimer déliés de toute obligation tenant l'existence du protocole d'accord ultérieurement invalidé ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provenait, en tout ou en partie, d'une cause étrangère, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a liquidé l'astreinte prononcée par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 2 avril 2009 à la somme de 1 euro, l'arrêt rendu le 11 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. et Mme [R] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme [R], les condamne à payer à M. [K] [L], ès qualités, et à Mme [F] [W] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [L], pris tant en son nom personnel qu'ès qualités, et Mme [W]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR liquidé l'astreinte provisoire du juge de l'exécution du jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 2 avril 2009 à la somme de 1 euro et D'AVOIR rejeté la demande des consorts [L]-[W] tendant à la fixation d'une nouvelle astreinte ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution : « Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère » ; que, par jugement du 2 avril 2009, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, a dit : « qu'à défaut pour M. [R] de satisfaire à l'injonction résultant de l'arrêt rendu le 5 janvier 1988 et pour les époux [R] à celles figurant dans la décision du 14 mai 2002 dans les cinq mois de sa signification, ils pourraient y être contraints sous astreinte définitive de 100 euros par infraction et ce pendant trois mois » ; que ce jugement renvoie aux deux astreintes prononcées par deux arrêts distincts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 16 janvier 1988 et du 14 mai 2002 qui, respectivement, condamnent les époux [R] à rétablir le mur séparant leur lot de copropriété numéro [Cadastre 2] de leur parcelle voisine [Cadastre 1] et à supprimer le portail qu‘ils ont fait ouvrir à sa place pour faire communiquer les deux fonds, sous astreinte définitive de 200 francs par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt (arrêt du 16 janvier 1988), à cesser tout passage sur le chemin commun de la copropriété pour la desserte de leur parcelle numéro [Cadastre 1], sous astreinte de 200 francs par jour de retard suivant le délai de deux mois à compter de la signification du jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 7 septembre 1998 (arrêt du 14 mai 2002) ; que le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 2 avril 2009 a été signifié aux époux [R] le 22 avril 2009 ; que les consorts [L]-[W], se prévalant de l'inexécution de l'astreinte fixée par le jugement du 2 avril 2009 et sollicitent sa liquidation à 18.000 euros outre la fixation d'une nouvelle astreinte définitive de 500 euros pour chacune des obligations mises à la charge des époux [R] ; que, cependant, les parties se sont rapprochées et ont accepté par « constat d'accord » du 27 avril 2007 de régler leur différend ; que ce constat d'accord reconnaît aux époux [R] un droit de passage gratuit sur le chemin de la copropriété 155 pour accéder à leur parcelle [Cadastre 1] moyennant la constitution d'une association syndicale libre devant gérer la servitude, l'agence Foncia Forbin, désignée syndic de la copropriété de la parcelle [Cadastre 3], étant chargée du suivi, les époux [R] devant, en contrepartie de la cession gratuite du droit de passage, supporter la totalité des frais de dossier et dédommager les époux [L] des frais de procédure par eux engagés à hauteur de 32 000 euros ; qu'il a été conféré force exécutoire à ce protocole par jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 19 novembre 2010, avant que celui-ci ne soit annulé par arrêt de la 4ème chambre de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 28 novembre 2013, signifié le 9 décembre 2013 à M. [T] [R] ; que cette annulation, qui produit effet rétroactif, ne permet pas de retenir le protocole d'accord conclu entre les parties le 27 avril 2007 comme une circonstance s'opposant à la suppression de l'astreinte ainsi que l'a estimé le premier juge ; qu'en revanche, et jusqu'à ce qu'il soit invalidé, ce protocole, auquel il a été conféré force exécutoire par jugement du 19 novembre 2010, a dispensé les époux [R], dans les faits comme dans leur esprit, d'avoir à respecter ou à se sentir liés par les obligations à peine d'astreinte, la vocation du protocole étant, en effet, de mettre définitivement fin au litige opposant les parties ; qu'au demeurant, les époux [R] justifient par procès-verbaux de constat établis par Me [P] [S], huissier de justice, le 16 décembre 2013 et le 28 mars 2014, que le passage assurant antérieurement la communication piétonne entre la parcelle [Cadastre 1] et le lot numéro [Cadastre 2] de la parcelle [Cadastre 3], tous deux propriétés des époux [R], a été condamné et obstrué par un mur en parpaings fraîchement crépi, cette constatation répondant à la fois à l'obligation faite à ces derniers de reconstruire le mur de clôture à la place où ils avaient ouvert un portail et à l'interdiction d'accéder à leur parcelle contiguë par le chemin de servitude inscrit sur la parcelle [Cadastre 3] ; que ces constats établissent encore que les époux [R] ont fait ouvrir une nouvelle desserte pour accéder à leurs fonds [Cadastre 1], jusque-là enclavé, au moyen d'un passage pratiqué à partir de l'ensemble immobilier mitoyen « Campagne Première » ; que les consorts [L]-[W] ne disconviennent pas de cet état de choses tout en indiquant que le passage nouvellement créé n'est pas utilisé compte tenu de l'herbe recouvrant celui-ci ; que cependant, le constat d'huissier qu'ils ont fait dresser le 19 mai 2015 et les photos qui l'accompagnent ne rendent pas compte de cette sous-utilisation alors que l'attestation d'un riverain, M. [Y] [V], n'est pas plus démonstrative de l'usage par les époux [R] d'un accès direct entre la parcelle [Cadastre 3] et la parcelle [Cadastre 1], celui-ci rapportant des faits non datés ni circonstanciés et procédant par déduction en s'interrogeant sur le point de savoir comment « ces personnes passent aussi rapidement d'une parcelle à l'autre » ; qu'en l'état des éléments produits, les époux [R] établissent s'être très rapidement conformés à l'obligation à peine d'astreinte après que leur ait été signifié le 9 décembre 2013 l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 28 novembre 2013, leur retard à s'exécuter s'expliquant par la circonstance qu'ils pouvaient alors s'estimer déliés de toute obligation tenant l'existence du protocole d'accord ultérieurement invalidé ;
ALORS, 1°), QUE l'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère ; qu'en retenant, pour réduire à un euro symbolique le montant de l'astreinte mise à la charge des époux [R], que le retard de ces derniers à exécuter les obligations sous astreinte était justifié par la circonstance qu'ils pouvaient, compte tenu de l'existence d'un protocole d'accord conclu avec les consorts [L]-[W], s'estimer déliés de toute obligation jusqu'à que celui-ci ait été annulé par le juge, sans caractériser que l'exécution desdites obligations avait été rendue impossible pour une cause étrangère, la cour d'appel a violé l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;
ALORS, 2°), QUE la nullité emporte l'effacement rétroactif du contrat et a pour effet de remettre les parties dans la situation initiale ; qu'en se fondant, pour justifier le retard des époux [R] à exécuter les obligations sous astreinte mises à leur charge et réduire en conséquence à un euro symbolique le montant de l'astreinte, sur la circonstance que ceux-ci pouvaient, compte tenu de l'existence d'un protocole d'accord conclu avec les consorts [L]-[W], s'estimer déliés de toute obligation, après avoir constaté que ce protocole avait été ultérieurement annulé et qu'une telle annulation produisait un effet rétroactif, la cour d'appel a violé l'article 1304 du code civil.